Dictionnaire de Trévoux/2e édition, 1721/Tome 1/041-050

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Trévoux, 1721
Tome 1, pages 041 à 050

pages 041 à 050


complaisant, qui veut bien ce que les autres veulent, avec qui l’on peut traiter aisément. Commodus. Vous aurez bientôt conclu votre marché avec cet homme-là, il est fort accommodant. Votre humeur si égale, sociable, & si accommodante me charme. Cost.

Accommodant, signifie aussi, Ce qui nous fait grand bien, qui établit nos affaires. Un gros billet de lotterie, une succession inesperée, sont des choses fort accommodantes.

AcCOMMODATION. s. f. Terme de Palais. Accord qui se fait à l’amiable. Compositio. Ce procès est si embrouillé, qu’il n’y a pas moyen d’en sortir que par voie d’accommodation. On ne s’en sert plus. Il faut dire, accommodement.

On le dit aussi figurément de la conciliation des Loix, des passages des Auteurs qui semblent être contraires. Conciliatio. Le plus grand soin des Commentateurs est de trouver l’accommodation des textes de leurs Auteurs qui se contrarient. Conciliation est meilleur.

Accommodation. Terme de Philosophie. Accommodatio. Connoître par accommodation, c’est connoître une chose par l’idée d’une autre.

AcCOMMODEMENT. s. m. Ajustement, ce qui rend une chose plus commode, ou qui la met en meilleur ordre. Conveniens rerum dispositio, collocatio. Je ne louerai point votre maison, que vous n’y ayiez fait tels & tels accommodemens.

Accommodement, signifie aussi, Réconciliation, accord, traité pour finir un procès, ou un différend à l’amiable. Compositio, reconciliatio. Ces parties sont en voie, en termes d’accommodement. Cet homme n’est point chicaneur, il est homme d’accommodement ; il est porté naturellement à l’accommodement ; il entre volontiers en accommodement ; il écoute tous les moyens d’accommodement. Dans les accommodemens l’on cherche d’ordinaire des termes foibles, pour l’honneur de celui qui fait satisfaction. Bouh. Cet acte d’hostilité a rompu l’accommodement qu’on avoit ménagé. Ils ont fait un accommodement plâtré. [Acad. Fr. Il se prend encore pour un tempérament, & pour un biais de parvenir à un accommodement. Il y auroit un accommodement à proposer, si les intéressés y vouloient consentir ; c’est-à-dire, un moyen, & un adoucissement pour les concilier.

Le ciel défend de vrai cèrtains contentemens.
Mais on trouve avec lui des accommodemens. Malh.

Un négociateur qui a ses ordres de la Cour, feint cependant quelquefois de se relâcher de lui-même, & comme par un esprit d’accommodement. La Bruy.

On dit proverbialement, que le meilleur procès ne vaut pas le plus mauvais accommodement.


AcCOMMODER. v. a. Rendre une chose facile, commode, la réparer. Aptare, reparare, reficere. On a donné ordre pour accommoder les chemins. Il faut accommoder cette selle, la rembourer, la rendre moins dure, & plus commode.

Accommoder, signifie aussi, Arranger, mettre en ordre, en bon état. Componere, concinnare. Il a pris grand soin d’accommoder sa chambre, son cabinet ; d’orner, d’accommoder son jardin, sa maison.

On le dit aussi des choses qui regardent l’ornement de la personne. Comere. Cette femme est toujours deux heures à s’accommoder ; c’est-à-dire, à s’ajuster & à se parer. Ce Barbier accommode bien la perruque, les cheveux.

Accommoder, signifie aussi, Préparer, apprêter, assaisonner. Parare, apparare, instruere, condire. Ce Cuisinier accommode fort bien à manger. On est fort bien accommodé dans cette hôtellerie ; c’est-à-dire, on y est bien traité, & bien servi. A quelle sauce voulez-vous qu’on accommode ce poisson.

Accommoder, se dit aussi en parlant de ce qui est à la bienséance, au voisinage de quelqu’un. Convenire. Cette tèrre accommoderoit bien cette Seigneurie, parce que l’une relève de l’autre. Ce Prince est mauvais voisin, il s’accommode de tout ce qui est à sa bienséance ; il l’usurpe. Votre bénéfice m’accommoderoit fort, si vous vouliez le permuter contre un autre qui vous accommodât aussi. Vous ferez aisément marché avec ce Curieux, tout l’accommode.

Accommoder, signifie, presqu’en même sens, traiter, acheter, prêter, permuter. Si vous voulez m’accommoder de cette terre, je l’acheterai. Si vous voulez m’accommoder de quelque argent, vous me ferez plaisir.

Accommoder, signifie aussi débrouiller ses affaires, les rétablir, faire fortune, gagner du bien, reparare, restituere, rem facere. Cet homme s’est bien accommodé dans cette charge:il étoit gueux, il a bien accommodé ses affaires.

Accommoder, signifie aussi terminer un procès, une querelle. Componere, controversiam dirimere. Quand les gens sont las de plaider, c’est alors qu’ils sont disposés à s’accommoder. Ces jeunes gens étoient prêts à se battre ; mais on les a accommodes. Acad. Fr.


On le dit aussi des Loix, des passages des Auteurs & autres choses qui semblent se contrarier, & que l’on cherche à concilier. Conciliare. Comment accommodez-vous cette Loi du Digeste avec cet autre du Code ? Comment accommodez-vous la dévotion avec la coquetterie ? Il y a des dévots qui accommodent la Religion à leur intérêt.

Accommoder, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie être facile, commode dans la négociation, dans la manière de vivre. Fingere, accommodare se ad voluntatem, &c. Il y a plaisir de traiter avec cet homme-là ; c’est un homme d’un esprit aisé, & d’une humeur agréable, qui s’accommode à tout. En ce sens on dit aussi, qu’un homme sage doit s’accommoder au temps. Servire tempori, &c. C’est-à-dire, se conformer à l’usage, aux lieux, aux humeurs, à la volonté, à la capacité des personnes à qui il a affaire, pour vivre en repos, & dans l’estime publique. La science d’un homme sage est de s’accommoder au temps. Le Gend. Il faut que la raison s’accommode à la sensibilité de la nature, & que dans les extrêmes déplaisirs elle lui laisse verser des pleurs. Cail. Pour être heureux par les passions, il faut que toutes celles que l’on a s’accommodent les unes avec les autres. Fonten. Les soupirs & les langueurs ne s’accommodent point à la fierté d’un Héros. Cail. C’est-à-dire, qu’ils ne compatissent point ensemble. Il faut s’accommoder aux choses, quand les choses ne s’accommodent pas à nous. Un sage s’accommode aux vices de son siècle. Mol.

s’ACCOMMODER, avec la particule de, signifie trouver une chose bonne, commode, ou du moins ne la trouver pas mauvaise, s’en servir, en user volontiers. Convenire, uti, adhibere. Je ne saurois m’accommoder de ce valet, pour signifier, je ne puis m’en servir. On dit qu’un homme ne s’accommode pas de toutes sortes de personnes, pour dire, que toutes personnes ne lui plaisent pas ; qu’il s’accommode dans un lieu, pour exprimer qu’il s’y trouve bien. Je ne m’accommode point de la solitude, ce genre de vie est trop ennuyeux. Le P. Malebranche pensoit trop subtilement pour s’accommoder de pensées qui sont naturelles. La Bruy. Socrate, dont la vertu n’étoit point farouche, s’accommodoit de l’innocente joie des festins. M. Scud.

Accommoder, avec le nom pèrsonnel, signifie encore prendre sans façon, s’approprier les choses un peu hardiment. Usurpare, vindicare. Cet homme s’accommode de tout ce qu’il trouve ; c’est-à-dire, il s’en saisit, il s’en empare. On dit aussi, voyez comme il s’accommode ; pour exprimer, qu’il prend ses commodités avec beaucoup de libèrté.

Accommoder, se prend quelquefois à contresens, & en mauvaise part, & signifie maltraiter, ou de paroles, ou de coups ; gâter, mettre en désordre & en mauvais état. Malè habere. Il est tombé entre les mains de voleurs, d’assassins, qui l’ont accommodé d’une étrange manière. Il est tout couvert de boue, le voilà mal accommodé. Bon Dieu ! comme il s’est accommodé. En quel état il s’est mis. Expressions familières. On dit populairement, je vais l’accommoder de toutes pièces. Ablanc. Dans le jugement de ce procès il a été mal accommodé ; il y a eu de sévères condamnations contre lui.

On dit aussi par raillerie, d’un homme qui s’est enivré, qu’il s’en est donné, qu’il s’est accommodé de la belle manière ; pour dire, qu’il en a pris avec excès.

Accommoder, se dit provèrbialement dans ces phrases. On l’a accommodé tout de rôti, pour dire, on l’a fort maltraité. On dit aussi, accommodez-vous, le pays est large; pour se moquer d’un homme qui se met à son aise, qui prend ses commodités sans beaucoup de cérémonie.

AcCCOMODÉ, ée. part. Compositus. Un procès accommodé. Un homme assez accommodé des biens de la fortune. Dives. Masc.

ACCOMPAGNEMENT. s. m. Action par laquelle on accompagne. Comitatus. L’accompagnement du Saint Sacrement, quand on le porte aux malades, est une action pieuse, & qui édifie. Dans ce sens l’on ne s’en sert guère que pour des cérémonies. Le Prince de C. fut chargé de l’accompagnement de la Princesse. Ac.

Accompagnement, se dit aussi de choses qui en accompagnent une autre, & qui en sont regardées comme une suite nécessaire, ou pour l’ornement, ou pour l’agrément, ou pour la symétrie. Adjuncta. Il ne manque à cette maison qu’un bois de haute futaie pour son accompagnement. L’accompagnement d’un thuorbe avec la voix est fort agréable. Cette chambre est belle, mais elle n’a pas ses accompagnemens. S. Evr. L’harmonie dans les pièces de théatre ne doit être qu’un simple accompagnement. St. Evr.

Accompagnement, en tèrmes d’Organiste, se dit de divèrs jeux qu’on touche pour accompagner le dessus, comme le bourdon, la montre, la flûte, le prestant, &c Concentus.

Accompagnement, est aussi un terme de Blason, & se dit de tout ce qui est autour de l’Ecu pour lui servir d’ornement, le pavillon, le cimier, les supports, &c. Stipatio.

AcCOMPAGNER. v. a. Marcher de compagnie avec un autre. Comitari. Un Religieux doit être toujours accompagné d’un Frère. Cette femme jalouse accompagne par-tout son mari.

Accompagner signifie aussi, Conduire quelqu’un par civilité, & pour lui faire honneur. Delucere. Le Président a accompagné cette Dame jusqu’à son carrosse. On envoie des gens de qualité aux Ambassadeurs pour les accompagner à l’audience du Roi, pour les y conduire.

Accompagner, se dit aussi de la suite, du cortége, de l’escorte qu’on donne à quelqu’un, ou pour l’observer, ou pour lui faire honneur, ou pour l’assurer en sa marche. C’est en ce sens qu’on dit accompagner le S. Sacrement, quand on le porte aux malades. Rodolphe, Comte d’Hapsbourg, rencontrant à la campagne un Curé, qui portoit le S. Viatique à un malade par des chemins très-fâcheux, lui donna son cheval, & accompagna le S. Sacrement à pied. C’est à cette action de piété qu’on attribue son élévation, & celle de la maison d’Autriche, dont il est le Chef. On a remarqué que le Roi fit quelque chose de semblable peu de temps avant que le Duc d’Anjou parvînt à la Couronne d’Éspagne. Ce Seigneur marche toujours accompagné de six Gentils-hommes, &c. Les Maréchaux de France envoient un Garde à ceux qui ont querelle, pour les accompagner par-tout. Quand le Roi alla à la conquête de Flandre, il étoit bien accompagné, il avoit une nombreuse armée. On envoya un corps de cavalerie pour accompagner ce convoi, c’est-à-dire, pour l’escorter.

Accompagner, se dit aussi de ce qui orne ou décore quelque chose, & qui lui sied bien. Condecorare. Ces deux pavillons accompagnent bien ce bâtiment, ils font une belle symmétrie. Cette garniture accompagne bien son habit, cela est bien assorti. Lorsqu’elle joue, le thuorbe accompagne parfaitement son chant ; mais sa personne accompagne encore mieux le thuorbe. Le Ch. d’H.

Accompagner, se dit figurément en choses morales, de ce qui est joint ensemble. Consociare, Conjungere. Il accompagne tout ce qu’il dit de tant de graces, & de tant d’honnêtetés, que cela gagne les cœurs. La colère & l’emportement accompagnent d’ordinaire le jeu. St Evr. L’admiration qu’on a pour les actions glorieuses, est souvent accompagnée d’un secret dépit de n’en pouvoir faire autant. Cost. Il a accompagné le compliment qu’il lui a fait faire, d’un present considérable. La fortune a accompagné Alexandre en toutes ses entreprises ; elle l’a suivi par-tout. La vieillesse, par les infirmités qui l’accompagnent, ressemble plus à la mort qu’à la vie. Ablanc.

Accompagné, ée. part. pass. & adj. Comitatus.

Accompagné, en termes de Blason, se dit lors qu’autour d’une pièce principale, comme le sautoir, la bande, la fasce, le chevron, le croissant, le lion, l’aigle, &c. il y a plusieurs autres pièces qui sont auprès en séantes partitions. De Neufville Villeroi porte d’azur au chevron d’or, accompagné de trois croix ancrées de même. On le dit particulièrement des croix, sautoirs, chevrons, pairles, &c. quand ces choses sont également disposées dans les quatre cantons de l’Écu qu’elles laissent vuide.

AcCOMPLIR, v. act. Faire entièrement, mettre une chose en un état où il n’y ait plus rien à desirer ; lui donner sa perfection. Perficere. Notre Seigneur a accompli toutes les prophéties ; il a fait tout ce qu’elles avoient prédit. Cet Officier a bien accompli son devoir. Dieu lui donna des enfans pour accomplir ses desirs, & les lui ôta pour éprouver sa résignation. Felib. Il a accompli sa promesse, ou son vœu ; c’est-à-dire, qu’il a exécuté tout ce qu’il avoit promis. Promissa exsolvere.

Accomplir, se dit aussi de ce qui est fini & achevé. Absolvere. Ce garçon a accompli le temps de son apprentissage. Cet exilé a accompli le temps de son bannissement.

Accompli, ie. part. & adj. Achevé, parfait. Perfectus, absolutus. Le temps est accompli. Il a fait un ouvrage accompli. Ce Seigneur est accompli, pour dire, il a toutes sortes de perfections & de bonnes qualités. Il faut avoir 25 ans accomplis pour être en majorité.

AcCOMPLISSEMENT, s. m. Exécution, succès, ce qui rend la chose accomplie. Perfectio, absolutio. Nous avons l’accomplissement de nos vœux ; c’est-à-dire, tout ce que nous avons souhaité. Les instructions de l’Eglise tendent à porter les fidèles à l’accomplissement de la Loi de Dieu. Port-R. Lycurgue ordonna que les nouveaux mariés ne se vissent qu’à la dérobée, afin d’empêcher le dégoût qui suit l’entier accomplissement de nos desirs. Ablanc. Voyez un heureux, & quelle sérénité l’accomplissement de ses desseins répand sur son visage. La Bruy.

AcCON. Terme de Marine. Petit bateau à fond plat, dont on se sert pour aller sur les vases, lorsque la mer est retirée.

AcCONDUIRE. verb. act. Amener. Adducere. Il ne se dit plus.


AcCOQUINER, v. act. amuser, attacher, s’accoquiner, v. n. p. Se plaire, s’attacher à une vie coquine, fainéante, & libertine ; s’amuser, s’accoutumer à quelque chose d’indigne. Tradere se inertiæ, ludo, voluptati, &c. Il ne se dit que dans le style bas & satyrique. Il s’emploie plus souvent avec le pronom personnel. Cet homme s’est accoquiné au jeu, s’est accoquiné avec cette femme débauchée. Un artisan qui s’accoquine au cabaret est toujours gueux. Depuis qu’on s’est accoquiné à gueuser, on est fainéant toute sa vie. La lecture des Romans accoquine l’esprit ; pour dire, elle l’amuse, elle l’attache. Nous verrions les femmes courir après nous, sans tous les respects où nous les accoquinons. Mol. Le feu accoquine, il rend les gens paresseux & fainéans. On le dit aussi de quelques animaux domestiques. Il ne faut pas qu’un chien de chasse s’accoquine à la cuisine. Ce mot, quand il est joint avec le pronom personnel, régit le verbe à l’infinitif avec la particule à : Quand on s’est une fois accoquiné à faire des vers, l’on ne peut plus s’appliquer à autre chose. St. Evr. Ce mot vient de coquus, parce que les fainéans se plaisent fort à la cuisine, ou plutôt de coquin, dont nous donnerons l’étymologie en son lieu, & signifie proprement devenir coquin, soit en général, soit à l’égard de quelque chose en particulier.

Accoquiné, ée. part. & adj.

AcCORD, s. m. Consonnance ou union de deux sons agréables à l’oreille. Consentus, consonantia. L’octave, la quinte, sont de bons accords. Ce Musicien ne joue pas une pièce, il fait seulement des accords. L’Organiste joue le plein chant du petit doigt, & des autres il fait des accords. On dit aussi, qu’un luth ou un autre instrument n’est pas d’accord, quand il ne fait pas les consonnances justes qu’on desire, & que les cordes ne sont pas montées justes au ton qu’elles doivent être.

Accord, signifie aussi cette union & cette proportion qui est entre toutes les parties de l’Univers, qu’on appelle l’Harmonie du monde, qui en établit le repos & la stabilité. Consensus & convenientia.

Accord, signifie encore, Paction, convention entre les personnes qui traitent, qui conviennent de quelque chose. Conventum, pactio. Ces parties ont fait, ont passé, ont signé un bon accord. Ce changement s’est fait d’accord de parties, de concert. Un bon accord vaut mieux qu’un méchant procès. Il faut remarquer qu’on ne dit un accord, que des affaires légères & particulières ; & que dans les grandes on se sert du mot de transaction ou de traité : & accommodement est le genre qui se dit de tout cela. L’accord diffère de la transaction, en ce que les transactions se font moyennant quelque chose donnée, promise, ou retenue ; & l’accord, qu’on appelle en Droit nudum pactum, se fait sans se rien demander l’un à l’autre.

Accord, se dit aussi de l’union & de la bonne intelligence qui se trouve entre ceux qui vivent ensemble : en ce cas, il signifie une conformité d’esprits & de volontés. Concordia. Ce mari & cette femme sont bien d’accord.

Accord, se dit aussi de l’accommodement qui se fait entre des personnes qui étoient mal ensemble. Reconciliatio. Un accord se doit faire sans tant d’exactitude & de chagrin ; on le rend plus assuré. Bellum finire cupienti opus erat decipi, dit un Ancien. Il faut souvent se laisser tromper pour sortir d’affaire. De Roch. Les accords qui se font par nécessité ne durent pas ; le repentir les suit, & fait renouveller les querelles en peu de temps. Id.

Accord, signifie aussi, Consentement. Consensio. J’en suis d’accord. Les Protestans sont d’accord avec nous qu’au moins à l’égard des vérités Chrétiennes, & des promesses générales de Dieu, il faut avoir une certitude entière & parfaite ; être au moins infailliblement assuré qu’on est dans la voie du Salut ; autrement ce ne seroit pas Religion & Loi Divine, mais opinion & connoissance humaine. Peliss. Tout le monde demeure d’accord, tombe d’accord, est d’accord de cette vérité. Ils demeurerent aussi d’accord avec nous, que, &c. Peliss. On dit absolument, d’accord ; pour dire, J’y consens ; cela est vrai ; Je l’avouë. C’est ainsi que dans un Dialogue avec Pégase on a dit :

A. Tu suivis toutefois le diligent Achille.
Dans le cours glorieux de ses hardis exploits,
P. D’accord : mais en dix ans il prenoit une Ville :
Il n’en prit jamais quatre en la moitie d’un mois.

Accord, signifie encore, Conformité de sentimens, Consensus. Tous les Philosophes ne sont pas d’accord sur cette matière ; c’est-à-dire, qu’ils ne sont pas du même avis, ni dans le même sentiment là-dessus. Toute puissance est établie de Dieu, vous en êtes d’accord. Peliss.

Iris, dans notre querelle
Je n’examine pas qui de nous deux a tort :
De tout ce qu’il vous plait je demeure d’accord ;
Et vous avez raison puisque vous êtes belle. La Sabl.

Tout d’un accord, adv. Tout d’un consentement, d’un même avis.

On dit proverbialement d’un homme facile & de bonne humeur, qui consent à tout ce qu’on veut, qu’il est de tous bons accords.

Accords, ou étais, en termes de Marine, sont de grandes pièces de bois dont on se sert pour soutenir le Navire que l’on construit tant qu’il est sur le chantier. Tigna.

AcCORDABLE. adj. Qui se doit ou peut s’accorder. Dignus venia. Cette grâce n’est pas accordable, le crime est trop énorme. Il est peu en usage.

AcCORDAILLES. s. f. Il n’a point de singulier. Cérémonie qui se fait pour la lècture des qualités, ou pour la signature d’un contrat de mariage en présence des Parens, quand les parties sont d’accord. Sponsalia.

AcCORDANT, ante, adj. Qui se peut accorder. Ad concentum aptus. La Musique consiste à bien choisir les tons accordans, & à les distinguer des discordans. Il y a des voix accordantes & discordantes.

AcCORDE, s. f. Tèrme de Marine. C'est le commandement que l'on fait à l'équipage de la chaloupe, & aux Rameurs, pour les faire nager ensemble.

AcCORDER, v. act. Mettre des voix ou des instrumens de Musique en état de faire des consonnances, ou des accords dans la plus grande justesse ; les mettre sur un même ton, pour en former un concert agréable. Concentum inter instrumenta musica efficere. Accorder un instrument, c’est monter les cordes au ton où elles doivent être, pour faire l’harmonie. On est plus long-temps à accorder son Luth, qu’à en jouer. Accorder sa voix avec un Thuorbe. Cantare ad cordarum sonum.

Accorder, se dit en Grammaire en parlant du régime & de l’accord que les parties d’oraison doivent avoir ensemble. Concordare. Le substantif & l’adjectif se doivent accorder en genre, en cas & en nombre.

Accorder, signifie aussi, Accommoder, mettre d’accord, établir la paix & l’union entre des personnes. Controversias dirimere, componere. Il a accordé son procès. Accorder les cœurs, & les esprits. Ces deux frères étoient en querelle, on les a accordez.

Accorder, se dit en matière de Doctrine, & d’opinions : alors il signifie les concilier, & en lever les contradictions apparentes. Conciliare. Les Théologiens font tous leurs efforts pour accorder S. Matthieu & S. Luc sur la généalogie de Jesus-Christ. Cl. ☞ & on les a très-bien accordés. Rien n’est si aisé que d’accorder l’Ecriture avec l’Ecriture, lorsque l’on croit avec l’Eglise Chrétienne, &c. Peliss.

On le dit aussi des choses, Consentire, convenire. Les qualités contraires ne s’accordent pas ensemble, elles sont incompatibles. Le chaud & le froid ne s’accordent pas. Ce que vous dites ne s’accorde pas avec ce que vous m’avez dit autrefois. Accordez-vous avec vous-même. Accorder la liberté de l’homme avec les decrets de Dieu. Port-R.

Accorder, se met aussi avec le pronom personnel ; & alors il signifie, Convenir, être d’intelligence & de complot. Ce Juge & ce Greffier s’accordent à tromper les Parties. Il marque encore la conformité des esprits & des humeurs : Les jeunes gens n’ont pas de peine à s’accorder ; leurs plaisirs communs les unissent. St Evr. ☞ Calvin voudroit bien accorder Luther & Zuingle : mais il ne peut s’accorder avec lui-même. Peliss.

Accorder, se dit aussi de ce qui peut subsister agréablement ensemble, & généralement de toutes les choses qui ont de la convenance, & du rapport. Concinere. Cette garniture s’accorde bien avec cet habit. Le plomb s’accorde bien avec l’étain. Le vinaigre ne s’accorde pas avec le lait.

Accorder, signifie aussi, Donner, faire une grace, octroyer une demande. Concedere. Le Cardinal Ximénès n’accordoit jamais ce qu’on lui demandoit, pour n’être pas troublé dans l’ordre du bien qu’il vouloit faire. Flech. Ce Prince lui a enfin accordé l’Emploi qu’il sollicitoit. Le Pape a accordé cent ans d’indulgence.

Accorder, Consentir, Concedere. Je vous accorde cette proposition.

On dit aussi, Accorder une fille en mariage, quand les Parens donnent une fille à celui qui la leur demande ; ou quand les parties en signent le contrat. Despondere.

On dit proverbialement, que des gens s’accordent comme chiens & chats ; pour dire, qu’ils ne peuvent compatir ensemble. Dissentire. Accordez vos flûtes ; pour dire, convenez de vos faits.

Accordé, ée, part. pass. & adj. Il a les significations de son verbe. Un luth accordé ; une proposition accordée ; un procès accordé.

Accordé, ée, s. m. & f. Qui s’est engagé par un traité pour mariage. Desponsus, desponsatus. C’est un accordé ; c’est son accordée. L’accordé qui refuse d’accomplir le mariage, est toujours condamné aux dommages & intérêts, proportionnez à la qua-


lité de l’accordée ; parce qu’elle est offensée, & méprisée par le changement.

☞ AcCORDEMENT. s. m. Terme de Coutume. C’est l’accord, la composition, le traité que fait un acquéreur avec le Seigneur censuel pour les droits censuels des lods & ventes qui sont dûs audit Seigneur. Pactum, conventio. Ragueau.

ACCORDOIR. s. m. Petit instrument qui sert à accorder les instrumens de musique. L’accordoir d’une orgue est fait en forme d’un petit cône, dont on affuble les tuyaux en les pressant, jusqu’à ce qu’ils soient assez étroits pour les faire descendre aux tons qu’on désire ; ou en poussant la pointe du cône dans le tuyau lorsqu’on le veut élargir & le faire monter. L’accordoir d’un clavecin est fait comme un petit marteau.

Ces mots d’accord & d’accorder, selon quelques-uns, & entr’autres Nicod, viennent du Latin ad cor, comme si on disoit, que deux personnes sont amenées à un même cœur ou à une même volonté. Mais il y a plus d’apparence qu’ils viennent de corde, & que le premier sens d’accorder vient de ce que deux cordes qui se touchent en même-temps, forment des tons qui s’unissent agréablement : d’où vient qu’il y a des consonnances en Musique qui s’appellent tétracorde & hexacorde, qui sont la quarte & la sixte ; ce qui a été étendu aux conventions, qui font agir les parties de concert. ☞ Le mot accord est assez ancien. Le P. Papebroch, Act. Sanct. Mai, T. I. p. 64. cite un vieux mémoire dans lequel on lit : Fit tractatus & accordum cum quodam auri fabro istius Urbis.

AcCORER. Terme de Marine, qui signifie appuyer ou soutenir quelque chose. Sustentare, fulcire.

AcCORNÉ, ée. adj. Terme de Blason, qui se dit d’un animal qui est marqué dans un écu avec ses cornes. Cornutus. On le dit seulement quand elles sont d’une autre couleur ou métal que le reste du corps de l’animal. Têtes de vaches de sable, accornées d’argent.

ACCORT, orte. adj. Civil, complaisant, qui se sçait accommoder à l’humeur des personnes avec qui il a affaire, pour réussir dans ses desseins. Comis, obsequens, commodus. Les Grecs l’appellent πολύτροπος. Ce mot vient de l’Italien accorto, qui signifie la même chose. On a dit autrefois accortise & accortement : mais ces mots ont vieilli, quoique Pasquier témoigne qu’ils étoient nouveaux de son tems.

Accort, signifie encore adroit, habile à trouver promptement divers expédiens. Versutus, callidus.

AcCOSTABLE. adj. m. & f. Civil, qui se laisse aborder facilement. Facilis, comis. Ce sont des personnes peu accostables. Voit. Ce Conseiller est fort accostable, il écoute paisiblement les parties. Ce mot est hors d’usage.

AcCOSTER. v. act. Approcher de quelqu’un pour lui parler, pour lui apprendre, ou savoir de lui quelque chose, ou pour nouer amitié avec lui. Accedere. On conjugue, je m’accoste ; je m’accostai ; je me suis accosté. Ces mots viennent de ad & de costa, côté ; comme si l’on vouloit dire, se mettre à côté, ou aux côtés de quelqu’un ; c’est-à-dire, se joindre à lui. Il est allé hardiment accoster cette femme. Ce mot n’entre que dans le discours familier.

Accoster signifie aussi, hanter, avoir familiarité avec quelqu’un. Frequentare. Il ne faut accoster que d’honnêtes gens. Ils se défioient tellement les uns des autres, qu’on n’eût osé s'accoster de personne. Vaug.

Accosté, ée. part. pass. & adj. En ces mots l’S se prononce.

AcCOTER. Tèrme de Marine ; c’est approcher une chose d’une autre. Admovere. On le dit des huniers & des perroquets, quand on fait toucher les coins ou pointes des uns ou des autres aux poulies destinées à cet usage, & qui sont mises exprès au bout des vergues. Accotte, ou accoste, est le commandement pour faire approcher une chose de l’autre. Ainsi on dit à un petit vaisseau pour le faire approcher d’un plus grand, Accôte à bord.

Ces mots viennent aussi du Latin costa, Côte.

AcCOTÉ. Tèrme de Blason, se dit des pièces qui sont posées à côté d’une autre pièce de l’écu. Adpictus, appositus. Le Prêtre-Jean d’Ethiopie porte d’argent, à une croix haussée de gueules, chargée d’un Crucifix, accotée de deux fouets de cordes emmanchés d’azur. Il se dit particulièrement de toutes les pièces de longueur mises en pal, ou en bande, quand elles en ont d’autres à leurs côtés. Ainsi le pal peut être accoté de quatre ou de six annelets, quand il y en a deux ou trois de chaque côté. On dit la même chose de la bande, quand les pièces qui sont à ses côtés, sont couchées dans le même sens, & qu’il y en a le même nombre de part & d’autre. Quand elles sont droites, on nomme alors la bande accompagnée de deux ou de quatre fleurs de lys, ou autres choses dont il faut énoncer la situation. Quand ce sont des pièces rondes, comme des tourteaux, des besans, on peut dire indifféremment accoté, ou accompagné. Le P. Menestrier.

AcCOTAR. subst. masc. Terme de Marine, est une pièce de bordage que l’on endente entre les membres du vaisseau, pour empêcher l’eau de tomber entre les membres, ou entre les pièces qui le composent.

ACCOUCHEMENT. s. f. Enfantement, délivrance d’une femme grosse. Partus, puerperium, partio. Les travaux de l’accouchement sont une des peines du péché originel. Voyez Mauriceau sur cette matière. ☞ Il y a un traité Latin du terme de l’accouchement des femmes, par Peysonnel, à Lyon, in-8°. Il entreprend de concilier toutes les contradictions apparentes d’Hippocrate sur ce sujet. Il prétend que le terme le plus court de l’accouchement naturel, suivant le sentiment d’Hipocrate, est de 182 jours, ou de six mois entiers & complets, & le plus long de 280 jours, ou de neuf mois entiers & 10 jours, & que les enfans qui viennent avant ou après ce terme, ne vivent point, ou ne sont pas légitimes. Cette opinion est contraire à la Loi, qui déclare qu’un enfant peut naître onze mois après la mort de son pere. Peysonnel répond que cette Loi doit s’entendre d’onze mois, en comptant la fin du premier mois & le commencement de l’onzième, & non pas d’onze mois entiers & accomplis. Bartholin a fait un Livre des conduits extraordinaires par où sort le fœtus ; il rapporte différens exemples d’accouchemens fort extraordinaires. Il y en a où le fœtus est sorti par la bouche ; il y en a où il est sorti par l’anus. Voyez Salmuthus, obs. 94. cent. 3. Le Journal des Savans d’Allemagne, sur l’observation 108. de l’année 1670. Degori, Diction. medical.

On le dit quelquefois figurément des productions de l’esprit. Partus, fœtus ingenii. Socrate disoit, qu’il faisoit l’office de Sage-femme, & qu’il aidoit à l’accouchement des esprits. On dit proverbialement ; Après avoir long-temps attendu l’accouchement des montagnes, il n’en est sorti qu’une souris.

AcCOUCHER. v. n. Enfanter, mettre un enfant au monde. Parere, eniti. Il régit l’ablatif. Cette femme est accouchée d’un beau garçon. Elle est accouchée d’un faux germe, ou avant terme. Cette femme étoit accouchée quand la sage-femme arriva. On ne dit point elle a, elle avoit accouché. La Fable raconte que Jupiter accoucha de Minerve. La même nuit qu’Olympias accoucha d’Alexandre, le Temple d’Ephèse fut réduit en cendres. Cet homme, à cela près qu’il n’accouche pas, est la femme, & elle le mari. La Bruy. Il est quelquefois actif, & signifie, Aider à une femme à se délivrer de son enfant. Adesse parturienti. Les Chirurgiens savent mieux accoucher les femmes que les Matrônes. Cette femme s’accoucha elle-même.

Accoucher, se dit figurément des productions de l’esprit. Edere. C’est un bel esprit, qui conçoit, qui invente facilement ; mais qui accouche, ou enfante avec peine, c’est-à-dire, qu’il s’explique avec difficulté.

Le sort de ce sonnet a droit de vous toucher,
Car c’est dans votre cour que j’en viens d’accoucher.

Mol.

Accouchée. s. f. Femme qui se tient quelque temps au lit, pour se remettre des douleurs de l’enfantement. Puerpera. On fait des visites en cérémonie aux femmes accouchées. Vous êtes parée comme une accouchée. En l’Amérique il y a des Peuples où les maris font les accouchés à la place de leurs femmes. Herrera. ☞ Lorsque les femmes accouchoient dans le Bearn, les maris se mettoient au lit, & les envoyoient à la charrue. Scalig. in verbo Bearn. fol. 49. & Scaligerian. de Roch.

Il y en a aussi dans les Antilles, & même dans les Indes orientales, & à la Chine vers l’île de Formosa, qui font la même chose, comme on le voit dans le Recueil de Thévenot.

Au Pérou les femmes accouchées ne gardent point le lit ; mais après s’être lavées, elles se remettent à faire leur ménage ; & si quelque femme les assistoit en leur accouchement, elle passeroit plutôt pour sorcière que pour Sage-femme. Voyez l’Histoire des Incas. ☞ Varron, l. 11. de Re Rust. raconte que les femmes d’Illyrie portoient leurs enfans par-tout, après être accouchées, & ne demeuroient pas un moment au lit pour cela. de Roch.

On appelle proverbialement, les caquèts de l’accouchée, les discours frivoles & de peu d’importance des femmes qui visitent celles qui sont en couche. On dit aussi, tant d’un homme que d’une femme, qu’ils font l’accouchée, quand ils se tiennent au lit par molesse, & sans nécessité.

AcCOUCHEUR. s. m. Qui aide aux femmes à se délivrer. Adjutor partûs. Maintenant les Chirurgiens accoucheurs sont fort en vogue. Autrefois on ne se servoit que de Sage-femmes ou de Matrones pour accoucheuses.

ACCOUCHEUSE. s. f. Femme qui aide à accoucher. Obstetrix. Habile accoucheuse. On dit plutôt Sage-femme. Acad. Fr.

Ces mots viennent du Latin accubare.

ACCOUDER. v. n. S’appuyer sur le coude, Inniti cubito. Tristement accoudé contre une cheminée. S. Am. Il se dit plus souvent avec le pronom personnel. On met au rang des incivilités de s’accouder sur la table ; de s’accouder devant ses supérieurs. On ne


s’en sert guère que dans le discours familier. On conj. je m’accoude ; je m’accoudai ; je m’accouderai.

ACCOUDOIR. s. m. Chose destinée pour s’accouder ; ce que l’on met sous les coudes pour s’appuyer en avant. Cubiti fulmensum. En termes d’Architecture, c’est la même chose qu’appui. C’est le petit mur qui est élevé entre les deux pieds-droits d’une croisée. On appelle accoudoir, l’endroit inférieur de l’ouverture d’une fenêtre, sur lequel on s’appuie, on s’accoude. L’accoudoir d’une fenêtre doit aller seulement à la hauteur de la ceinture. Vitruve appelle un accoudoir, Pluteus, qui signifie un appui ou parapet. Il se sert aussi du mot Podium, qui est un balcon, ou saillie. On dit populairement & ironiquement à une personne qui en incommode une autre en s’appuyant sur elle, allez chercher plus loin des accoudoirs.

Ces mots viennent du François coude, qui s’est formé du Latin cubitus.

☞ ACCOUPLAGE. s. m. Voyez ACCOUPLEMENT ; c’est le même, & il est le meilleur. Accouplage ne se dit que par le Peuple.

AcCOUPLE. s. f. Liens dont on attache les chiens ensemble. Copula.

AcCOUPLEMENT, s. m. Assemblage, jonction du mâle & de la femelle pour la génération. Copulatio. Le Peuple croit que l’antechrist naîtra d’un accouplement sacrilége & incestueux. On croit que la cause des monstres d’Afrique vient de l’accouplement qui s’y fait des animaux de différentes espèces. On ne le dit en parlant des hommes, qu’en l’adoucissant par une épithète qui sert de correctif : c’est un heureux accouplement. Il est plus propre en poësie.

Tu menois le blond Hymenée,
Qui devoit solennellement,
De ce fatal accouplement
Célébrer l’heureuse journée. Malh.

Accouplement, se dit aussi des bœufs qu’on attache ensemble sous le même joug. Jugum.

ACCOUPLER. v. act. Associer, attacher, joindre ensemble deux choses de pareille nature. Copulare. On conj. Je m’accouplai, je me suis accouplé. Ces personnes sont mal accouplées ; leurs humeurs ne compatissent point. Il étoit défendu par la Loi de Moyse d’accoupler un bœuf & un âne pour labourer. On s’en sert dans un mauvais sens, & d’un ton railleur. C’est un Mercure de profession, qui sçait accoupler les amans avec leurs belles qui ne sont pas inhumaines. Comb.

On le dit aussi du menu linge qu’on attache ensemble avec du fil pour en faire des paquets, de peur qu’il ne s’égare, quand on le donne à blanchir.

Accoupler, se dit encore des oiseaux, des animaux qui se joignent, qui s’apparient pour perpétuer l’espèce. Les pigeons s’accouplent au mois de Mars & de Septembre. Ce pigeon cherche avec qui s’accoupler. ☞ Le temps d’accoupler les serins arrive ordinairement à la fin de Mars. Vous prendrez pour cet effet une cage neuve ou fort propre, afin qu’il n’y ait point de mittes. Hervieux. Il y a des serins si mauvais qu’ils tuent les femelles qu’on leur donne pour couver. Il faut leur donner des femelles bien fortes, & qui soient, si faire se peut, d’un an plus vieilles que ce mauvais mâle, & accoutumées à demeurer ensemble. J’ai enseigné cette manière d’accoupler les mauvais serins à quelques-uns qui m’ont avoué qu’ils avoient réussi. Id.

ACCOUPLÉ, ée, part. pass. & adj. Copulatus. On appelle, en tèrmes d’Architecture, colonnes accouplées, les colonnes qui sont deux à deux, & qui se touchent presque par leurs chapitaux, & par leurs bases. Il y a aussi des pilastres accouplés.

AcCOURCIR, v. act. Rogner, retrancher, rendre plus court. Curtare, resecare.. On conj. J’accourcis. Il faut accourcir ce manteau, en rogner un doigt. Il faut accourcir ce livre, en retrancher la moitié. Il faut accourcir les étriers d’un point, resserrer l’estrivière. On dit aussi accourcir, en parlant d’un discours ; c’est-à-dire, l’abréger. Contrahere, coarctare.

On dit aussi, Accourcir le chemin, quand on prend quelque faux-fuyant qui abrége le chemin, qui le rend plus court. Uti vià compendiariâ. On dit aussi, que les jours accourcissent, quand le soleil a passé le solstice d’été, quand les jours deviennent plus courts. Decrescunt dies.

Accourci, ie. part. & adj. Contractus, decurtatus☞ , comme son vèrbe.

ACCOURCISSEMENT. s. m. Ce qui accourcit, ce qui abrége. Contractio. Le passage qu’on a ouvert par ce parc, sert beaucoup à l’accourcissement du chemin. Viæ compendium.

ACCOURIR, verb. neut. Venir promptement, & en hâte en quelque lieu ; soit qu’on nous y appelle ; soit que notre passion nous y porte. Accurrere, advolare. On conj. J’accours, j’accourois, j’accourus. Je suis accouru, j’accourrai, &c. L’armée est accouruë en diligence au secours de cette Place. Toute la Noblesse accourut au bruit du canon, pour se trouver à la Bataille. Ses amis sont accourus en foule, pour le féliciter de sa nouvelle dignité ; pour honorer son entrée. Il se dit figurément des personnes qui se portent à quelque action avec beaucoup d’ardeur. Accourir à la vengeance. Ablanc.

Accourir, v. act. Terme de chasse. Resserrer, ou plier le trait pour tenir le limier. Saln.

Accouru, ue, part. & adj.

☞ ACCOURS. s. m. Vieux mot que Nicod explique par subvention, affluence d’advenants. Accursus. Il s’emploie encore en termes de Chasse. Ainsi l’on dit : La chasse de sanglier se fait à force, aux accours, aux chiens courans, levriers, & avec limiers & abboyeurs.

AcCOURSIE. s. f. Terme de Marine. Passage que l’on ménage dans le fond de cale & des deux côtés, pour aller de la poupe à la proue le long du vaisseau. Fori.

☞ ACCOUSINER. v. act. Consanguineum appellare. Appeler Cousin, traiter de Cousin. Accousiner quelqu’un. Il se dit avec le pronom personnel. Ces deux Messieurs sont parens ; car ils s’accousinent. Ce mot est populaire, & a vieilli.

☞ ACCOUSTIQUE, s. f. Signifie l’Art qui traite de l’ouïe & des sens. Ars quæ de sonis agit. Ainsi l’on dit dans les Mémoires de l’Accadémie des Sciences de l’an 1711. L’Accoustique n’offre qu’un article sur les systèmes tempérés de Musique. Journ. des Sçav. Ce mot est Grec Ἀκουστικὴ & vient d’Ἀκόω, j’entends.

AcCOUsTREMENT. s. m. Habillement, parure. Ornatus. Il ne se dit que parmi le peuple, ou dans le burlesque. Quand cet artisan a marié sa fille, elle lui a coûté cent écus pour tous ses accoûtremens.

AcCOUsTRER. v. act. Vieux mot, qui signifioit autrefois, Habiller, orner, parer. Ornare. Il y avoit des singes qu’on avoit accoutrés en charlatans. Ablanc. ☞ Charles VIII. accorde à la Duchesse Anne par un traité de 1491, qu’il lui sera donné 60000 livres à ce qu’elle puisse tant mieux accoustrer aucuns ses affaires. Il n’est plus en usage qu’en cette phrase figurée. Cet homme en une telle occasion, a été mal accoutré ; pour dire en raillant, qu’il a été maltraité, ou bien blessé. On diroit plus proprement, Accoûtrer, & préparer des peaux. Ces mots viennent du Gaulois, ou de l’Allemand. On appelle en quelques Cathédrales, comme à Bayeux, Coutre, le Sacristain ou Officier qui a soin de parer l’Eglise ou l’Autel ☞ , & en Allemand Kuster Sacristain, Νεώκορος. Du Traité de Charles VIII, dont nous venons de parler, le P. Lobineau juge qu’accoustrer pourroit bien venir de l’ancien mot Breton cost, dépens, d’où a encore été formé celui de custus, cousts ; mais il se trompe, il vient de Kuster, comme nous l’avons dit. Voyez Coustre.

AcCOUsTUMANCE. s. f. Habitude que l’on contracte en réitérant plusieurs fois la même action, en la faisant tourner en coutume. Consuetudo, assuetudo. On est souvent emporté par la force des mauvaises accoutumances qu’on a contractées dans la jeunesse. L’accoutumance de prendre du tabac est difficile à surmonter. Ce mot qui commençoit à vieillir du temps de Vaugelas, s’est rétabli peu à peu, & plusieurs bons Ecrivains s’en servent. Bouh. Habitude est plus doux, & je dirois plutôt, il a fait cela par une mauvaise habitude, que par une mauvaise accoutumance. Corn. Je ferois difficulté de me servir de ce mot, accoûtumance, en parlant, & encore plus en écrivant : mais à cause des exemples qui se trouvent dans les meilleurs auteurs, il ne faut point absolument le condamner. Un esprit abattu & comme dompté par l’accoutumance au joug, n’oseroit plus s’enhardir à rien. Boil. La jeunesse change ses goûts par l’ardeur du sang, & la vieillesse conserve les siens par l’accoutumance. La Rochef.

AcCOUsTUMER. verb. act. & neut. Pratiquer souvent une même chose ; contracter une habitude par la fréquente réitération du même acte. Assuefacere. On s’accoûtume à tout, au travail, à la peine, aux douleurs. Il ne faut pas accoûtumer les Peuples à prendre les armes, & à murmurer. On accoûtume les bœufs au joug. Les enfans qu’on accoûtume à être applaudis, conservent l’habitude de juger avec précipitation. Fenel. Le Peuple est accoûtumé à la servitude. C’étoit la coûtume des Sénateurs de mener leurs enfans au Sénat, pour les former de bonne heure aux affaires, & les accoûtumer au secret. Bouh. Il faut accoûtumer les enfans à faire le bien, plutôt par leur propre inclination, que par la crainte. Port-R. Nous sommes si accoûtumés à nous déguiser aux autres, qu’enfin nous nous déguisons à nous-mêmes. La Rochef. L’étude de la critique accoûtume l’esprit à chicaner. St. Evr. Il ne faut pas s’accoûtumer à la fainéantise. Il ne faut pas accoûtumer son ventre aux purgations, de peur que la nature ne se rende paresseuse.

Au plaisir de vous voir mon ame accoûtumée
Ne vit plus que pour vous. Rag


Quand le verbe accoûtumer est joint au verbe auxiliaire avoir, il demande que la particule de précède l’infinitif qui le suit : J’ai accoûtumé de faire, &c. Quand il est avec être il demande la particule à : Je suis accoûtumé à souffrir. Mais accoûtumer seul gouverne toujours à : Je m’accoûtume à prendre les choses sans m’affliger : Accoûtumez-vous à hair le vice. Corn. Il faut modérer la légèreté de sa langue, pour l’accoûtumer à ne se point précipiter dans les choses obscures & douteuses. Port-R. On dit que Démosthène déclamoit au bord de la mer pour s’accoûtumer au bruit du Peuple. Mes malheurs m’ont accoûtumé à envisager la mort sans crainte. P. de Ce. Il faut s’accoûtumer aux outrages de la fortune.

Accoustumé, se dit aussi des choses inanimées. Solere. Il n’a pas accoûtumé de faire si chaud en ce mois-ci. Il y a des terres qui ont accoûtumé de rapporter deux fois l’an.

Accoustumer, se dit aussi des choses qui sont tellement tournées en nature, qu’encore qu’elles soient incommodes aux autres, elles nous deviennent en quelque façon nécessaires. Les Lapons sont tellement accoûtumés au froid, que quand ils sont arrivés à Hambourg, ils s’en retournent, à cause qu’ils trouvent qu’il y fait trop chaud. Les Indiens s’en retournent quand ils sont arrivés au 30. degré, parce qu’ils y ont trop froid. Relations des Lapons & des Indes.

On dit provèrbialement, qu’un homme est accoustumé à une certaine chose, comme un chien d’aller nud tête ; comme un chien d’aller à piéd.

Accoustumé, ée, part. & adj. Assuefactus, Assuetus.

Accoustumée, signifie quelquefois, Ordinaire, ce qu’on a coûtume de faire. Solitus. On a tenu l’audience aux jours & aux heures accoûtumées. On lui a fait son procès en la forme & manière accoûtumées.

A l’accoustumée, adv. De la manière qu’on avoit accoustumé. Ut solet, de more. On a raccommodé ensemble ces amis qui étoient brouillés : ils vivent maintenant à l’accoustumée. Ce mot n’est en usage que dans la conversation commune.

AcCOUVÉ, ÉE, adj. Qui se tient au coin de son feu en fainéant, en paresseux, sans vouloir en sortir pour travailler. Alsiosus, iners. Cet artisan passe tout l’hyver accouvé au coin de son feu. Il est bas & vieux. Ce mot vient de incubitare. Nicod.

AcCRAVANTER. v. act. Ecraser, accabler sous un poids excessif. Onere obruere, mole opprimere. Si vous lui faites porter ce fardeau, c’est le moyen de l’accravanter. Cet homme a été accravanté sous les ruines de sa maison. Ce mot est composé, & dérivé de crever. Il est vieux.

AcCRÉDITER. v. act. Donner du crédit & de l’autorité ; mettre en réputation & en estime dans le public. Commendare, auctoritatem dare. Il n’y a rien qui accrédite davantage une personne que la bonne foi. Un chef de parti est obligé à caresser un scélérat, qui s’est accrédité parmi le Peuple. M. Esp. Est-ce un prodige qu’un sot riche & accrédité ? La Bruy. Il se joint souvent avec le pronom relatif. Ce Président s’est accrédité dans sa Compagnie par sa capacité & par son intégrité. Ce ministre s’est fort accrédité à la Cour par son zèle & par sa prudence. Les marchands s’accréditent en vendant fidellement.

Ce mot vient d’accreditus, qui a été fait d’accredere, dont on s’est servi dans la basse Latinité, pour signifier, Prêter. Du Cange.

Accrédité, ée. part. pass. & adj. Auctoricate pollens.

☞ ACCRÉTION. s. f. Tèrme de Médecine dans M. Harris. Ce mot est Latin, accretio, Augmentation, accroissement. Et dans le sens que l’explique M. Harris, nous disons en François excresience. Voyez ce mot.

Accrétion, dans le même sens d’accroissement, est aussi un terme de coûtume : on le trouve dans le titre de l’art. 282. de la coutume de Normandie, & dans le Commentaire aussi.

AcCROC. s. m. Déchirure d’un habit, rupture qui se fait quand on est arrêté par quelque chose de crochu, & de pointu. Scissura. Il est difficile de passer à travers des ronces & des haies, sans qu’on se fasse quelqu’accroc.

Accroc, se dit figurément en choses morales de ce qui arrête, de ce qui retarde une affaire. Mora, impedimentum. La mort d’une des parties est un accroc qui empêche l’instruction de ce procès. L’accusation qu’on a faite contre cet homme, est un fâcheux accroc qui peut ruiner sa fortune. Il est bas dans ce sens.

AcCROCHE. s. f. Embarras, retardement qui arrive en quelque affaire, à cause de quelque difficulté qui survient. Impedimentum, mora. Les oppositions à ce décret sont des accroches qui retarderont long-temps notre payement.

AcCROCHEMENT. s. m. Action d’accrocher. Unci immissio. Il n’est guère en usage au propre. Quelques-uns s’en servent au figuré. Il y a des gens qui se font descendre des plus nobles familles sur des ressemblances de noms, ou par d’autres accrochemens visionnaires.

AcCROCHER. v. act. Attacher quelque chose à un crochet, à une cheville, à un clou, à une agraffe. Unco suspendere. Il faut accrocher ce sac à sa cheville. Accrocher sa montre à sa ceinture. Accrocher un tableau. Ce mot vient du Grec ἀκροχεῖρ qui signifie le bout de la main, parce qu’il sert à accrocher.

Accrocher, signifie aussi attacher à quelque chose de fèrme. Unco astringere. Accrochez ce bateau avec sa chaîne à l’anneau de ce pont. Avec le pronom personnel il signifie se prendre à quelque chose. Nos braves s’accrochant se prennent aux cheveux. Boil. On dit qu’un homme qui se noie, s’accroche à tout.

Accrocher, en tèrmes de Marine, signifie, arrêter un navire, le joindre, ou s’y attacher en jetant le grapin pour venir à l’abordage. Harpagonem in navim injicere, harpagare. Ces deux navires étoient accrochés, il y eut entr’eux un rude combat.

Accrocher, se dit figurément en choses morales, & dans le style commun. Il a trouvé moyen d’accrocher son affaire au Conseil, en l’y faisant retenir pour la juger. Ce procès étoit prêt à juger ; la partie l’a accroché par une chicane ; c’est-à-dire, qu’elle y a apporté du retardement par quelque incident. Liti moram injicere. Ce prisonnier alloit sortir, mais il a été accroché par une nouvelle recommandation. Il signifie encore attraper, emporter par finesse.

Dans l’ame elle est du monde, & ses soins tentent tout,
Pour accrocher quelqu’un, sans en venir à bout.

Mol
.

Accrocher, se dit provèrbialement en cette phrase :Belle fille & méchante robe, trouve toujours qui l’accroche.

Accroché, ée. part. & adj. Inuncatus.

AcCROIRE. v. n. Il n’est en usage qu’à l’infinitif, & se met toujours avec le verbe faire. Faire croire à quelqu’un, ce qui n’est pas. Imponere, verba dare, ludificari. Le peuple est si sot, qu’on lui fait accroire tout ce qu’on veut. Vous faites accroire à une infinité de gens que ces points ne sont pas essentiels à la foi. Pasc. D’autres prétendent que faire accroire n’emporte pas que la chose qu’on veut persuader soit fausse ; mais seulement que celui qui l’a dit, a dessein de tromper. Vaug. Ce mot vient de Accredere, qui a été dit en basse Latinité, pour signifier prêter.

Accroire, signifie aussi, Tromper. La plupart des valets en font bien accroire aux maîtres qui se confient en eux.

Il signifie encore, Concevoir de la vanité, s’enorgueillir ; prendre de la fierté d’un mérite qu’on n’a pas, présumer trop de soi-même. Multum sibi arrogare. Les favoris des Princes sont sujets à s’en faire accroire. Cette femme est belle, mais elle s’en fait trop accroire ; elle est trop vaine de sa beauté. Je ne hais rien tant que certains esprits qui s’en font extrêmement accroire.

AcCROISSEMENT, s. m. Augmentation d’un corps. Incrementum, accretio L’Accroissement se fait par l’addition de quelques parties qui sont propres à la nature de ce corps ; & c’est en cela que l’accroissement diffère de la raréfaction, dans laquelle les parties qui augmentent le corps, ne sont pas de la nature du corps qui se raréfie. On juge de la fertilité de l’Égypte par l’accroissement du Nil, selon les degrés de hauteur qu’il marque dans la colonne qui est élevée pour cela dans le Calis. Les chênes reçoivent de l’accroissement jusqu’à 100. ans.

Accroissement. Tèrme d’Agriculture, s’entend de la manière plus ou moins belle avec laquelle croissent les végétaux. Ces arbres en peu de temps ont pris un bel accroissement. Le tuf est cause que nos arbres n’ont pris qu’un petit accroissement. Liger. L’accroissement des plantes se fait par la jonction de plusieurs nouveaux atomes, ou particules. Comme il y a des moyens d’avancer l’accroissement des plantes, ainsi qu’on le peut voir au mot Avancer, il y en a aussi de le retarder. On le fait premièrement en coupant les sommités des branches, lorsqu’elles commencent à pousser. 2°. Par une transplantation trop fréquente. 3°. En leur donnant de l’ombrage. Chom.

Accroissement, signifie aussi, Agrandissement. L’accroissement de son parc, de sa maison, lui a beaucoup coûté. L’accroissement de sa famille lui sera une occasion de nouvelle dépense. De la Mare, dans son Traité de la Police, L. i. Tit. vi. C. 3. & suiv. a marqué tous les accroissemens & embellissemens de Paris depuis les Romains jusqu’à nos tems.

Accroissement, se dit aussi figurément en choses morales, & signifie l’augmentation, la prospérité. Les passions ont leurs accroissemens, & leurs relâchemens. Sa fortune fait tous les jours de nouveaux accroissemens. Accroissement d’honneurs & de dignités. Honoris amplificatio. Les envieux s’affligent de l’accroissement des richesses, ou de la gloire d’autrui. M. Esp.

Accroissement, tèrme de Droit. C’est la portion vacante, laquelle est jointe & réünie à la portion qui est occupée & possédée par un autre. Cela arrive entre collègues, ou entre membres d’une Compagnie, entre légataires, ou par la mort ou l’absence d’un associé, ou d’un confrère. Une chose léguée conjointement, tam re, quàm verbis, à deux légataires, appartient pour le total à celui qui survit le testateur, par droit d’accroissement. L’alluvion est une autre espèce d’accroissement. Il y a des titres exprès dans le digeste qui traitent du droit d’accroissement. Ce mot vient d’accrementum, qui signifie la même chose, d’accrescere, accresco, accroître. Le droit d’accroissement n’a pas lieu dans les contrats entre vifs, tels que sont les donations, à cause que les donataires étant saisis de ce qui leur a été donné ; c’est-à-dire, de leurs portions personnelles & viriles dans les choses données, ils n’ont par conséquent aucun droit aux portions des autres.

Accroissement, se dit aussi de l’augmentation qui se fait lorsqu’une rivière porte un morceau de terre & le joint à un autre.

AcCROISTRE, v. act. & n. avec le pronom pèrs. Augmenter la grandeur de quelque chose, la rendre plus étendue. Augere, amplificare. Il a acheté deux maisons voisines pour accroître la sienne. Il est borné de chemins de tous côtés, il ne peut s’accroître. Cette Ville s’est fort accrue par son commerce. Ce Prince a acru son Royaume, il a reculé les bornes de son État. Il est aussi neutre, & signifie, devenir plus grand. Crescere, augescere. Son revenu accroît tous les jours. Ce mot vient d’adcrescere, adcresco, ou accrescere, accresco, accroître.

Accroistre, se dit figurément en choses morales. Son amour, sa colere, s’accroissent au lieu de diminuer. Sa fortune s’accroît. Sa gloire, son crédit, son pouvoir s’accroissent tous les jours. Dans le monde les vertus sont affoiblies par les mauvais exemples, & les vices accrus par le libertinage, & l’impénitence. Flech. Les richesses ne font qu’en accroître la soif. Vaug. La Paix accroît le pouvoir de la Justice. Malh. Tes Discours superflus accroissent mes ennuis. Mol.

Accroistre, en tèrmes de Droit, se dit de ce qui tourne au profit de quelque associé, ou confrère, par la mort ou par l’absence d’un autre. La part de celui qui renonce à une succession accroit à ses cohéritiers. En toutes les Compagnies où il y a bourse commune d’épices, de droits, &c. la part des absens accroit aux présens. Si un Testateur associe dans un même usufruit plusieurs personnes, celles qui meurent, celles qui abandonnent, celles qui n’acceptent pas, le laissent entier aux autres. C’est tantôt un droit d’accroître, tantôt un droit de retenir, & de non décroître. Peliss.

Accru, ue, part. & adj. Auctus.

L’Effort d’une vertu commune,
Suffit pour faire un Conquerant ;
Celui qui dompte la Fortune,
Merite seul le nom de grand :
Il perd sa volage assistance,
Sans rien perdre de la constance,
Dont il vit ses honneurs accrus,
Et sa grande ame ne s’altere,
Ni des triomphes de Tibère,
Ni des disgraces de Varus.

Accruë, s. f. Tèrme de coutume. Additamentum, adcretio, augmentum. Accrue de bois, est une espace de terre dans lequel un bois s’est étendu hors de ses limites. Voyez les coutumes de Troyes, de Sens, d’Auxerre, de Chaumont. Rag. Ce mot a la même origine qu’accroître, & accroissement.

AcCROUPIR, v. act. qui ne se dit qu'avec le pronom personnel, pour exprimer la Posture de celui qui abaisse son corps presque contre terre en pliant les genoux, en sorte que le derrière touche presque les talons. Sidere, in clunes residere. La plupart des Orientaux s’accroupissent au lieu de s’asseoir. Il y avoit une vieille qui étoit cachée & accroupie derrière un buisson, qui entendit tout leur entretien.

Accroupi, ie. Terme de Blason, qui se dit d’un lion quand il est assis & de même d’autres animaux sauvages, quand ils sont assis. In clunes residens. On le dit des lièvres, & des lapins qui sont ramassés : ce qui est leur posture ordinaire quand ils ne courent pas. D’azur au lion accroupi d’argent, &c.

AcCROUPISSEMENT, s. m. État de ce qui est accroupi. accroupi. Incubitus. L’accroupissement d’un lièvre en forme. Ce mot est peu en usage, & est composé de croupe.

ACCUBE. Vieux mot qui vient d’accumbo, & qui veut dire, Repaire, lit. Lectus, stratum. Borel. Ils tendirent pavillons & accubes. Rom. d’Artus de Bre'.

ACCUBITEUR. s. m. Accubitor. C’est le nom d’un Officier des Empereurs de Constantinople. L’Accubiteur étoit celui qui couchoit près de l’Empereur. Chast. Ce mot vient du Latin Accubitor, qui couche proche d’un autre. Il vient du verbe accumbo, je couche proche.

AcCUEIL. s. m. Traitement, réception qu’on fait à une pèrsonne qui arrive, ou qui nous aborde. Acceptio, exceptio. Il se prend en bonne, ou en mauvaise part : l’épithète qu’on y joint la détermine. Je me suis laissé tromper par l’accueil hypocrite que m’a fait ce rusé Courtisan. M. Scud. Les grands gagnent l’amitié des Peuples en faisant un bon accueil aux personnes qui les approchent. Il m’a fait un accueil froid, & désobligeant : j’en attendois un accueil plus favorable.

Accueil, seul & sans épithète, se prend d’ordinaire en bonne part. Il signifie la manière civile & honnête dont on reçoit une personne, & le secours qu’on lui donne. Faire accueil à tout le monde. L’accueil qu’a fait ce Seigneur à cet infortuné Gentilhomme en le retirant dans sa maison, lui a sauvé la vie & l’honneur. Son accueil charme tous ceux qui l’abordent.

AcCUEILLIR, v. act. Recevoir ceux qui ont à faire à nous, ou qui nous rendent quelque visite. Accipere, excipere leniter, amicè. Il l’accueillit avec des témoignages d’une grande tendresse. La première pratique de la civilité est de bien accueillir toutes sortes de personnes. On conj. J’accueille, tu accueilles, il accueille : j’accueillis ; j’ai accueilli ; j’accueillerai ; j’accueillerois, &c.

Sa maudite grimace est par-tout bien venue ;
On l’accueille, on lui rit ; par-tout il s’insinue. Mol.

Ce mot vient du Latin adcolligere. Ménag. J’aimerois mieux l’éviter en disant, Il m’a fait un bon accueil, ou si vous voulez, il m’a reçu très-favorablement. Accueillir est douteux.

Accueillir, signifie aussi, Donner secours, protection, retraite. Praesidium ferre. C’est une grande ingratitude de méconnoître dans la prospérité ceux qui nous ont accueillis, & qui nous ont secourus dans notre misère.

Accueillir, signifie encore plus particuliérement, Recevoir dans un Bateau, dans un Navire. Ce batelier n’est pas loin du port, il faut lui crier qu’il vous vienne accueillir. On envoya une barque pour accueillir ceux qui se noyoient après le débris de ce Vaisseau.

Accueillir, se dit figurément en choses morales. Occupare, adoriri. Il ne faut pas se laisser accueillir par la nécessité ; c’est-à-dire se laisser presser, & accabler par la misère. Nous n’étions pas loin du port, lorsque nous fûmes accueillis par la tempête ; c’est-à-dire, battus & surpris par l’orage. Le P. Bouhours blâme accueillir dans cette signification, d’autres soutiennent qu’il est bon. Il vaut mieux chercher un autre tour. L’Académie. Françoise ne fait aucune difficulté sur ce mot, dans la dernière édition de son Dictionnaire.

Accueilli, ie, part. & adj. Acceptus, exceptus.

AcCUL, s. m. l’L se prononce. Lieu étroit & bouché d’où on ne peut sortir quand on est poursuivi par les ennemis. Angustiæ. On le dit particulièrement à la chasse des lieux où on réduit le gibiér.

Acculs, sont aussi les lieux les plus enfoncés des terriers, où les renards ou bléreaux ont toute leur famille. Fundula. On appelle Carrefours, les principaux conduits ou creux qui mènent à leurs acculs. On appelle encore Acculs, en termes de chasse, les bouts des forêts & des grands bois.

AcCULEMENT. s. m. Tèrme de Marine, qui se dit de la concavité & rondeur de quelques membres qui se placent à l’avant, & à l’arrière sur la quille du vaisseau. Varangues acculées, sont celles qui sont rondes en dedans. Ozanan dit qu’on appelle acculement, la proportion avec laquelle chaque gabary s’élève sur la quille plus que le premier gabary.

AcCULER, v. act. Pousser des ennemis dans un lieu étroit & fermé, d’où ils ne puissent échapper ; les réduire à ne pouvoir reculer, en sorte qu’ils soient obligés de combattre, ou de périr. In angustias redigere, complere. On a acculé les ennemis dans ce détroit de Montagnes, où on les fera périr de faim. On le dit aussi des sangliers, des renards, &c. Les chiens ont acculé le loup.

s’Acculer, signifie au contraire, se placer dans un coin, se retirer dans un lieu étroit où on ne puisse être attaqué par derrière, pour se mieux défendre contre plusieurs ennemis de front. Locis postico imperviis uti ad defensionem. Ce brave s’est acculé contre une muraille, pour n’être point enveloppé par les ennemis. Le taureau s’accule, quand il est pressé avec trop de vigueur par des dogues.

Acculer, en tèrmes de manège, se dit lorsque le cheval qui manie sur les voltes, ne va pas assez en avant à chacun de ses mouvemens ; ce qui fait que les épaules n’embrassent pas assez de terrein, & que sa croupe s’approche trop près du centre de la volte.

Acculé, ée, part. & adj. In angustias redactus.

En termes de Blason, on appelle un cheval acculé, quand il est cabré en arrière & sur le cul. In clunes residens. On le dit aussi de deux canons sur leurs affûts, dont les culasses sont opposées l’une à l’autre ; comme ceux que le Grand Maître de l’Artillerie met au bas de ses armoiries, pour marques de sa dignité. Ce mot se tire du Latin culum. On dit un cul-de-sac.

AcCUMULATION. s. f. Entassèment ; amas de plusieurs


choses les unes sur les autres. Accumulatio, coacervatio. Accumulation de richesses. Il n’y a rien de plus ruineux que de laisser faire une accumulation d’arrérages.

On dit au Palais, une accumulation de droits, ou cumulation, quand quelqu’un prétend un héritage, un bénéfice, en vertu de plusieurs droits de différente nature, comme par mort, par résignation, &c.

AcCUMULER, v. act. Entasser, assembler, amasser plusieurs choses ensemble. Accumulare, coacervare, congerere. Les avares ne songent qu’à accumuler trésors sur trésors. On a puni ce scélérat, qui avoit accumulé crimes sur crimes. On dit aussi en Jurisprudence Canonique, accumulant droit sur droit, quand on obtient cession du droit d’une autre partie pourvue du même Bénéfice. On le dit quelquefois absolument. Les avares ne songent qu’à accumuler. Ce vieil avare accumule tous les jours ; on sous-entend du bien, des richesses.

Accumulé, ée. part. Accumulatus, Congestus. Ce mot vient d’accumulatio, accumulare.

ACCURSE. s. m. Accursius. Nom propre de trois savans Italiens. Les deux premiers, père & fils, célèbres Jurisconsultes du xie siècle, & le troisième, savant Critique du xvie siècle.

AcCUSATEUR, Accusatrice, subst. masc. & fém. Celui ou celle qui accuse, ou qui poursuit quelqu’un en justice criminellement. Accusator, accusatrix. Par le Droit civil il n’y avoit point d’accusateur public. Chaque particulier, soit qu’il eût interêt au crime public, ou non, pouvoit accuser, & conclure au châtiment de l’accusé. En France il n’y a que le Procureur Général, ou ses Substituts préposés dans chaque Siége, qui se puissent constituer accusateurs ; c’est à eux seuls à qui appartient la vengeance publique. La partie civile ne peut conclure qu’à la réparation, & aux intérêts, & non pas à la punition du criminel. En quelque lieu que se trouve un Parricide, il rencontre un Accusateur, un Juge, & un Bourreau. Le Mait. Cette femme est une dangereuse accusatrice. Son accusatrice parut fort animée contre lui. Au dernier jour nos péchés se présenteront comme autant de cruels accusateurs. Nicol. C’étoit autrefois une vilaine chose que de passer pour accusateur. Quintilien l’a dit avant moi, & a mis en proverbe, Accusatoriam vitam agere. Et parce qu’il y eut un Brutus qui fit à Rome ce sale métier, & qui fut appellé l’accusateur, Cicéron l’appelle pour cela le déshonneur de la famille des Juniens. Balz.

ACCUSATIF. s. m. Terme de Grammaire. C’est le quatrième cas des noms qui se déclinent. Accusandi casus, accusativus. Il marque & désigne le terme d’une action, ou d’un rapport, le sujet où passe l’action du verbe, ou de la préposition. Un verbe actif régit l’accusatif. Il y a des prépositions qui demandent après elles un accusatif. En François l’accusatif est semblable au nominatif.

ACCUSATION, s. f. Déclaration en Justice pour quelque crime. Accusatio. Intenter une accusation injuste, calomnieuse. Vous ferez bien de prévenir une accusation si redoutable ; ou de la repousser vigoureusement, si elle est déja formée. Ablanc. Susciter une accusation capitale. Il y a vingt chefs d’accusation contre ce criminel. L’accusation des crimes privés n’étoit recevable par le Droit Romain qu’en la bouche de ceux qui y avoient intérêt:pour les crimes publics l’accusation pouvoit être intentée par quiconque la vouloit entreprendre. Autrefois en France si l’accusation étoit grave, il en falloit venir à un combat ; si elle ne l’étoit pas, tout accusé étoit tenu de se purger du moins par serment. Il n’y étoit reçu qu’en faisant jurer avec lui des gens de sa profession, de son sexe, de sa parenté, ou du moins de son voisinage, gens sans reproche, domiciliés, & connus de l’accusateur. Le Juge en fixoit le nombre, il pouvoit les nommer d’office ; on les tiroit quelquefois au sort. C’étoit ordinairement l’accusé qui les présentoit; & rarement en laissoit-on le choix à l’accusateur. La Gendre. Par le Droit Romain on procédoit par voie d’accusation dans les crimes publics, & par simple action dans les délits particuliers. En France il n’y a que le Procureur Général, ou ses Substituts, qui puissent former une accusation, excepté pour le crime de lèze—majesté, & pour le crime de fausse monnoie, où l’accusation est ouverte à toutes sortes de personnes. Dans les autres crimes les particulièrs ne peuvent être que dénonciateurs, & n’ont droit que de demander réparation de l’offense pour les dommages & intérêts.

Il signifie aussi, Confession. Confessio. Il faut faire une sincère accusation de nos péchés au Prêtre.

Accusation, se dit aussi des légères fautes dans les complimens ordinaires. L’accusation que vous me faites de n’avoir point songé à vous en votre absence, est mal fondée.

ACCUSER. v. act. Intenter une action criminelle contre quelqu’un, soit en son nom, soit sous le nom de la partie publique, qui est toujours le Procureur-Général, ou son Substitut. Accusare. Il n’appartient qu’au mari d’accuser sa femme d’adultère. On a accusé de concussion un tel Officier. Caton, l’homme le plus innocent de son siècle, avoit été accusé 42. fois, & absous 42. fois. Dans l’esprit de la plûpart des gens, c’est assez d’être accusé pour être coupable. Voit. Un homme de bien accusé injustement, ôte à la prison même ce qu’elle a d’ignominieux. Bouh.

Accuser, signifie quelquefois simplement, Reprocher. Tous ses amis l’accusent de paresse à faire réponse aux lettres. On accuse les François de légèreté & d’imprudence. Ceux qui accusent la Providence, pour ce qu’elle rend l’adultère aussi fécond qu’un mariage légitime, se scandalisent mal à propos. La Pl. Malherbe, parlant d’un Scélérat heureux, ajoûte :

Mais le Ciel accusé de supporter ces crimes,
Se veut justifier.

On accuse souvent de beaux yeux, dont toute la force est dans la foiblesse du cœur qu’ils ont blessé. S. Evr. Je ne m’accuse que de trop de délicatesse pour mes amis, bien loin de les négliger. Id.

Ma juste impatience
Vous accusoit déjà de quelque négligence. Rac.

Accuser, signifie aussi, Impugner un acte, contester sa validité à cause de quelque défaut essentiel. Impugnare. Accuser un acte de faux. Accuser un testament de suggestion.

Accuser, signifie aussi, confesser sa faute, ou nommer ses complices. Confiteri. Le remords a quelquefois obligé les criminels à s’accuser eux-mêmes. Ce Criminel a tout confessé, & a accusé ses complices. Il a accusé bien des gens dans son testament de mort.

Accuser, signifie aussi simplement, déclarer. Enunciare, exponere. Il a accusé 50. de point au piquet ; il a accusé la réception de ma lettre ; pour dire, Il a dit qu’il avoit 50. de point; qu’il avoit reçu ma lettre.

Accuser, avec le pronom pèrsonnel, se déclarer coupable. Insimulare se. Ce Criminel s’est accusé lui-même. Il faut qu’un Pénitent s’accuse franchement de ses péchés à la Confession. Les Persécuteurs semblent s’accuser de n’être pas bien convaincus eux-mêmes de la force & de l’évidence de leurs raisons, puisqu’ils emploient la violence. Cl.

Accusé, ée, part. pass. Accusatus. Socrate accusé répondit : Ce que j’ai fait ne mérite rien, sinon qu’on me nourrisse aux frais de l’Etat dans le Prytanée.

Accusé, se prend quelquefois substantivement. L’accusé a donné de bons reproches contre les témoins. On doit entendre l’accusé à peine de nullité du jugement. L’accusé ne peut point résigner quand le crime emporte la privation de son Bénéfice. Bouch. Par les dures Loix de l’Inquisition l’on contraint l’accusé à s’accuser lui-même du crime qu’on lui suppose. Inq. de Goa. L’accusé n’est point reçu à accuser son accusateur, ni à user de récrimination, avant qu’il se soit purgé. De Laun.

ACE.

ACÈ. Ace. Ville de Phénicie, dans Strabon & dans Etienne. Ce fut depuis Ptolémaïs. Voyez ce mot.

ACÉE. s. f. Ce mot se disoit autrefois pour bécasse : il vient d’acceia qui vient d’acus, à cause du long bec de la bécasse.

ACEPHALE. s. m. Acephalus. Proprement, qui n’a point de chef, de l’α privatif, & de ϰεφαλή tête, chef. On a donné ce nom, 1° à ceux qui, dans l’affaire du Concile d’Ephèse ne voulurent suivre ni S. Cyrille, ni S. Jean d’Antioche : 2° à des hérétiques du Ve siècle, qui suivirent d’abord Pierre Mongus, ou Moggus : puis l’abandonnèrent, parce qu’il souscrivit au Concile de Chalcédoine. Ils suivoient les erreurs d’Eutichès. Et sous l’empire de Justin, les Sectateurs de Sévère d’Antioche, & généralement tous ceux qui ne voulurent pas recevoir le Concile de Chalcédoine, furent appelles Acéphales. Quelques-uns prétendent que ce nom signifie hésitans ; & que parce qu’ils tenoient la neutralité pour les décrets du Concile de Chalcédoine, qu’ils ne se déterminoient à rien, qu’ils hésitoient quand on les pressoit, ils furent appelés Acéphales ; C’est-à-dire, hésitans. Mais l’autre opinion est plus vraie, & Acéphale n’a point ce sens. Voyez Bolland, T. I. Anastase le Bibliothécaire appelle l’exemption de la juridiction du Patriarche, Autocéphalie, Autocephalia. 5° On a appelé Acéphales, les clercs qui ne vivoient pas sous la discipline ecclésiastique d’un Evêque. Isidore, de Eccles. off. Lib. III. Les Conciles de Mayence, Can. 22 de Paris, Can. lO de Pavie en 850, Can. 18, &c. ont fait différens réglemens contre ces clercs Acéphales. On en trouve encore dans les Capitulaires de Charles le Chauve, I. VI, C. 57, dans Burchard, L.II, C. 226, dans Réginon à l’an de J. C. 865. Baronius à l’année 1090. Hucbert, frère de Thièrbèrge concubine de Lothaire, fut appelé Acéphale, parce que, comme disent les Annales de Metz à l’an


864. de J. C. il étoit Clerc marié, & par là non soumis aux règles de la cléricature ; ou comme d’autres écrivent, parce que son Monastère étoit exempt de la juridiction de l’Evêque. Cependant les Moines exempts de la juridiction de l’Evêque, ne sont point Acéphales ; car Godefroy, Abbé de Vendôme, dit dans sa 27e Lettre du livre second ; Nous ne sommes point Acéphales, puisque nous avons pour chef Jésus-Christ, & après lui le souverain Pontife. 4° Dans les Loix de Henri I, Roi d’Angleterre, on appelle Acéphales les pauvres qui n’ayant rien, ne tiennent point de biens en fief, ni du Roi, ni des Evêques, ni des Barons, ou Seigneurs féodaux ; & ainsi sont en quelque forte sans chef. Voyez le Gloff. de Du Fresne. Voyez Nicéphore, L. XVIII. 54. Evagr. L. III. C. 31. Baron. aux années 432, 482, 492, 513, 536, 538, 546, 553. Hornius, Hist. Eccles. Nov. Test. Per. I, Art. 3, §. 48 & 49. Les Acéphales sont appelés Acéphalites dans Isidore, L. VIII, C. XV, & dans la Chronique d’Adon de Vienne. Voyez encore les Notes du P. Sirmond sur Facundus Hermianensis.

ACÉPHALITE. s. m. Acephalita. Hérétique. Voyez Acéphale ; c’est la même chose. Le Chanoine Régulier de Léon, qui a écrit la vie de S. Isidore de Séville, dit Acephalita, & marque que cette Secte étoit fort étendue en Espagne & en France, au temps de ce Saint. Peut-être que dans ces pays-là on les nommoit alors Acéphalites, & non pas Acéphales.

ACÈRBE, adj. Ce qui est acre, verd, âpre. Acerbus. Les Médecins tiennent que ce goût est mitoyen entre l’aigre, l’acide, & l’amer. Ils appellent du vin acerbe, du vin fait de raisins qui ne sont pas encore mûrs. Tous les fruits avant leur maturité ont un goût acerbe. La saveur acerbe, est une des trois saveurs froides. Elle est formée d’une substance terrestre & aqueuse au 3e degré. Ce mot est latin, acerbus. Hors la Médecine l’on ne s’en sert point : on dit âpre.

ACÉRER. v. act. Tèrme de Taillandier. Garnir d’acier un outil de fer ; y joindre ou appliquer de l’acier, soit à la pointe, comme aux burins ; soit au tranchant, comme aux couteaux & cimeterres ; soit sur la face entière des outils, comme aux enclûmes, &c. Durare ferri aciem chalybe. On a dit acérer pour aciérer.

Acéré, ée. part. & adj. Qui est d’aciér, ou ce à quoi on a joint & appliqué de l’acier. Ferrum chalybe duratum. On le dit des instrumens de fer destinés à couper, à limer, à trancher, à forger. Un cimeterre acéré & bien tranchant. Les enclumes, les bigornes, & autres outils semblables sont aussi acérés, parce qu’on les couvre d’aciér.

Acéré, s’employe par quelques-uns au figuré, pour signifier, mordant, perçant, tranchant. C’est une plume bien acérée. La pauvreté est un glaive bien acéré. Mau. Il faut pourtant s’en servir avec discrétion.

ACERIDES. s. m. Terme de Pharmacie. C’est un emplâtre fait sans cire, tel qu’est celui qu’on nomme emplâtre de Nuremberg. Emplastrum Norimhergense. Hart.

ACÈRTENER. v. act. Vieux mot. Assurer, affirmer. Affirmare.

ACÉSIEN. s. m. Acesius. Surnom que les Eléens donnoient à Apollon. Pausanias, L. VI. Tristan, T. I, p. 600.

ACESMEMENT. s. m. Vieux mot, qui veut dire, ajustement. Ornatus, Cultus.

ACESMER. v. a. Orner, ajuster. Ornare. Ce mot n’est plus en usage.

ACESMES, & ACHESMES. subst. plur. Vieux mot, qui veut dire, Habillemens, atours de femme. Mundus muliebris. Quand la Déesse a mis bas ses habits & achesmes, qu’elle eut deffeublé coiffe, guimple, atour, & autre accoutrement de tête, termaillets, chaînes, anneaux, bulletes, & tissus, jusqu’aux galoches dorées. Jean le Maire.

ACÉTABULE. s. m. Tèrme d’Anatomie. Acetabulum. Il a différentes significations. Il se dit des cavités profondes de quelques os, dans lesquels sont reçues de grosses têtes d’autres os, pour faire les mouvemens. La cavité de l’os ischium, qui reçoit la tête de l’os de la cuisse, est appelée Acétabule, Cotyle ou Cotyloïde.

Il se dit d’une autre chose dont les Anatomistes ne conviennent point ; les uns appellent Acétabules les orifices des vaisseaux répandus dans la surface interne de la matrice; Harvée croit que ce sont de petites cellules du placenta, ou de ce qui tient lieu de placenta dans les femelles de plusieurs animaux. Le sentiment le plus probable est celui dans lequel on dit que les acetabules sont ces glandes qui s’élèvent dans la matrice des brebis & des chèvres, lorsqu’elles sont pleines, & qui sont ainsi appelées, parce qu’elles sont faites en forme de coupe ou de godet : ce qu’on ne remarque pas dans les femelles des autres animaux, non plus que dans la femme.

Acétabule, signifie encore une certaine mesure dont les Apothicaires se servent pour les choses liquides. Voyez Cotyle, Cotylédon. C’est une mesure des anciens qui contenoit un cyathe & demi, comme Agricola le prouve dans son L. I. des mesures Rom. par ces deux vers de Fannius, qui, en parlant du cyathus, dit qu’il pese dix drachmes, & que l’oxybaphe, ou acétabule en contient 15.

Bis guinque hunc faciunt drachmæ, si appendere tentes,
Oxybaphus fiet si quinque addantur ad illas.

Binet, dans un Traité des poids & des mesures qu’il a mis au commencement de sa traduction de Pline, dit que l’acétabule d’huile pese deux onces & deux scrupules ; l’acétabule de vin deux onces deux drachmes & demie, un grain & le tiers d’un grain ; l’acétabule de miel trois onces, trois drachmes, un scrupule & deux siliques.

Acétabule, étoit encore un petit vase, dans lequel on mettoit des choses propres à assaisonner, & que l’on servoit sur la table, comme on sert aujourd’hui une salière, un vinaigrier, &c.

Agricola, dans son Traité des mesures Rom. L. I. croit que c’est de-là que ce nom s’est formé ; que ce vase étant destiné principalement à servir du vinaigre, d’acetum, vinaigre, on a fait acetabulum, & qu’ensuite, à cause de la ressemblance, on l’a transporté à la mesure. C’est pour la même raison que les Grecs l’appeloient ὀξύβαφος.

ACETABULUM. s. m. Sorte de Plante, appelée autrement Umbilicus veneris. Il y en a de deux sortes : l’un dont les feuilles sont creuses, & tournées comme un acétabule, ou une coupe. L’autre jette une tige menue, & produit des fleurs semblables à celles de millepertuis. Cette plante a les feuilles larges & fort épaisses. Sa graine, qui est un peu grosse, a les mêmes propriétés que la joubarbe.

Acetabulum. s. m. Plante qui croît au fond de la mer, & qui a assez la figure d’un champignon, puisqu’elle est composée d’un pédicule mince & terminé par un chapiteau formé en bassin de balance. Cette plante est diurétique, & se trouve dans la mer Méditerranée, & dans les étangs salés, qui sont près de Montpellier. Quoique Cotylédon & Acetabulum, soient deux noms qui ont la même signification, ils ne se donnent pas néanmoins à la même espèce de plantes. Celle qu’on appelle Cotylédon, est même une plante terrestre.

ACETEUSE. s. f. Oxalis. C’est un nom que l’on a donné quelquefois à l’oseille, à cause de son goût aigret, & qui est pris du nom Latin Acetum, qui signifie Vinaigre.

ACETUM. Mot Latin, qui signifie Vinaigre, & qui vient d’aceo, je suis aigre. Tout Latin qu’il est, on l’emploie quelquefois dans la Chymie.

Acetum Alcalisé, Alcalisatum. Terme de Chimie. C’est du vinaigre distillé, auquel on a mêlé quelque sel volatil, ou alkali. Harris.

Acetum Radicatum. Terme de Chimie. Ce sont les parties les plus fines & les plus aigues du vinaigre, quand le flegme en a été tiré. Harr.

Acetum Philosophorum, ou Vinaigre des Philosophes : terme de Chimie. Quelques Chimistes donnent ce nom à une liqueur aigre qui se fait en faisant dissoudre un peu de beurre, ou liqueur glaciale d’antimoine, dans beaucoup d’eau. Harr.

ACH.


ACHAÏE. s. f. Achaia, Hellas. C’est le nom d’une ancienne province de Grèce, entre l’Epire, la Thessalie, la mer Ægée, & le Péloponèse. On l’appelle aujourd’hui Livadie. On prétend que son nom lui vient d’ἀπὸ τοὺς ἄχους qui signifie douleur, parce qu’elle étoit sujète, dit-on, à de grandes inondations. Si cela est, ne seroit-il pas plus naturel de tirer son nom de אחו, achou, qui signifie un lieu humide, marécageux, plein de roseaux ? Cadmus & ses Phéniciens lui avoient donné ce nom. Mais d’autres prétendent que ce pays a été ainsi nommé d’Achéus, fils de Xurhus, fils d’Hellen, & petit-fils de Deucalion, qui chassé de Thessalie s’empara du Péloponèse, et eut de Creüse fille d’Erectée, Roi d’Athènes, Achéus & Ion, dont l’un fut chef des Achéens, & l’autre des Ioniens. On a encore appelé Achaïe proprement dite, une province du Péloponèse, qu’on nomme aujourd’hui Duché de Clarence. On donne aussi quelquefois ce nom à tout le Péloponèse. Les prêtres d’Achaïe, témoins du martyre de S. André, en ont écrit les Actes que nous avons encore ; mais que le Pape Gélase mit au nombre des livres apocryphes. Baronius & Bellarmin les soûtiennent avec beaucoup d’autres. D’autres les regardent comme supposés avec Messieurs Tillemont & Du Pin.

ACAAÏENS, ou ACHÉENS, ACHÉES. Ainsi qu’écrit M. Corneille. Achæi. Peuples de l’Achaïe, & généralement les Grecs, qui sont souvent ainsi nommés dans les Poëtes.


M. Tourreil écrit & dit Achaïens dans sa Table, & Achéens dans sa Préface sur sa traduction des Oraisons de Démosthène. Les habitans du Péloponèse, jusqu’aux Héraclides, se divisoient proprement en Achéens & en Ioniens. Les premiers possédoient les terres que les Héraclides assignerent aux Doriens, & aux autres peuples qui les avoient accompagnés. » Ceux des Achéens qui descendoient d’Æolus, & que l’on chassa de Lacédémone, se retirèrent d’abord en Thrace sous le commandement de Penthile, & après la mort allerent s’établir dans le canton de l’Asie mineure, qu’ils appelèrent Æolide. Quant aux Achéens de Mycènes, comme ils se voyoient contraints par les Héraclides d’abandonner leur pays, ils s’emparèrent de celui des Ioniens. Tourr. Polybe a écrit assez amplement de la République des Achéens, dans le prélude de son Histoire. Un Hollandois, nommé Martin Schockius, a fait un Traité Latin de la République des Achéens & des Veïens, dans lequel, parce que le gouvernement des 'Achéens a toujours été un des plus estimés de la Grèce, il affecte de lui comparer celui des Provinces-Unies.

ACHAÏSONNER. v. act. Prendre occasion d’exiger injustement de quelqu’un la chose qui lui appartient, le vexer, l’inquiéter. Rag. Vexare, iniquam exigendi occasionem captare.

ACHALANDER. vèrbe actif. Attirer les chalands, accréditer, mettre une boutique, ou une maison, en réputation d’avoir de bonne marchandise, & à bon prix. Emptores allicere. Toute la fortune d’un marchand consiste à bien achalander sa boutique. C’est un terme du peuple, ou tout au plus de la convèrsation.

Achalander, est quelquefois neutre pass. & se met avec le pronom personnel. Cet homme commence à s’achalander. On le dit aussi en badinant, d’une personne qui a beaucoup d’intrigues : cette fille est fort achalandée.

Achalandé, ée. part. pass. & adj.

ACHANACA est une plante des Indes, dont la feuille ressemble au chou ; mais elle est plus mince, & les côtes en sont plus tendres. Son fruit est gros comme un œuf, & de couleur jaune ; on le nomme Alfard : il croit au royaume de Mély ; on emploie sa décoction dans les maladies vénériennes. Voyez Thevet.

ACHAMECH. Terme de Chymie. Selon quelques Chymistes, c’est l’écume & les ordures de l’argent. Harr.

ACHARNEMENT. s. m. Forte passion, emportement, attachement opiniâtre à quelque chose. Libido, propensio. Il se dit plus ordinairement en mauvaise part. Il a un furieux acharnement pour la débauche.

Acharnement, se dit encore de la fureur & de l’animosité avec laquelle on persécute quelqu’un. Insectatio vehemens, acerba. Ces deux Auteurs ont un furieux acharnement à se perdre mutuellement ; ils se déchirent par-tout.

Tous les dévots de cœur font aisés à connoître.
Jamais contre un pécheur ils n’ont d’acharnement ;
Ils attachent leur haine au péché seulement. Mol.

Arracher ce levain des fureurs parricides,
Qu’enfantent les esprits de nouveautés avides,
Dont les coups inhumains sont d’autant plus mortels,
Que leur acharnement croit servir les autels.

La Bastide.

ACHARNER, v. act. Donner aux bêtes le goût, l’appétit de la chair. Carnis famem, ou appetitum, excitare, irritare, ciere. On acharne les chiens, les oiseaux de proie à la curée. On dit aussi en Fauconnerie, acharner l’oiseau sur le tiroir, soit au poing avec le tiroir, qui est une aile de chapon ou de cocp-d’Inde ; ou en attachant le tiroir au leurre. Accipitres oblatâ escâ pascere. Il y a des oiseaux farouches qui ne s’acharnent jamais, & qui se laissent plutôt mourir de faim.

Acharner, animer. Irritare. On les a acharnés les uns contre les autres.

Acharner, se dit figurément en Morale avec le pronom personnel, pour dire, s’attacher avec fureur, avec opiniâtreté, à persécuter quelqu’un, à le blâmer. Acriter infectari. Ces deux plaideurs sont furieusement acharnés.

Il déchire l’Eglise il s’acharne contre elle ;
Et voulant s’affranchir des droits qu’elle a sur nous.
Il se les attribue & les prodigue à tous.

La Bastide.

Il signifie quelquefois s’adonner avec excès. Ferri immoderatiùs.

Il est dangereux de s’acharner au jeu. Ce Docteur est si fort acharné à l’étude, qu’il se dessèche sur ses Livres. S. Evr. Ce mot est un composé, & dérive de chair.

Acharné, ée, part. & adj.

ACHART. s. m. Nom propre d’homme. Aicadrus. Saint Aicadres, que nous appelons plus communément S. Achart, & que d’autres nomment encore S. Acaire, étoit issu d’une des meilleures maisons de Poitou, & fut second Abbé de Jumièges.

ACHAT. s. m. Acquisition ; traité par lequel on achète. Emptio. Il a fait aujourd’hui l’achat d’une terre à sa bienséance. Il a fait un mauvais achat. Il se prend aussi pour la chose achetée. Je veux vous montrer mon achat. Achat passe louage, est un proverbe tiré des Coutumes de Namur ; c’est-à-dire, que l’acheteur d’un héritage peut déposséder le conducteur, ou locataire, sauf à lui son recours contre son locateur. Ce mot vient du Latin adcaptare, ou adceptare. L’achat diffère de l’échange, en ce que dans l’achat on livre, ou on promet de livrer une chose pour un certain prix, & dans l’échange on donne une chose pour une autre, qui n’est pas de l’argent ; par exemple, du blé pour du vin, du bois pour du fèr.

ACHATE. s. m. Achates. Nom propre d’un des compagnons d’Ænée, son ami & son confident, qui, dans Virgile, ne le quitte presque jamais. C’est de-là que ce mot a passé dans notre Langue pour signifier un ami constant, un compagnon fidèle, un homme avec lequel on est toujours.

Sans ce fidèle Achate il n’eût su faire un pas ;
L’un étoit le David, l’autre le Jonathas.

ACHE. s. f. ou bien API. s. m. Plante ombellifére dont les racines sont chevelues, fibreuses & blanchâtres ; les feuilles approchent de celles du persil ordinaire, mais sont plus amples, plus épaisses, & d’un autre vert ; les tiges sont branchues, médiocrement hautes, & portent à leurs extrémités des bouquets de fleurs disposées en parasol. Ses semences sont menues, arrondies, & cannelées sur le dos. Cette plante croît dans les marais & le long des ruisseaux ; transportée dans les jardins, d’âcre & d’amère qu’elle étoit, elle devient douce, & d’un âcre aromatique fort agréable. Le port de toute la plante change aussi par la culture ; c’est ce qui a trompé ceux qui ont cru que l’ache de marais & l’ache cultivée, étoient deux plantes différentes. On nomme en Latin l’ache de marais, ou ache simplement, Apium palustre ; & l’ache cultivée, ou api, & plus ordinairement céleri, Apium dulce, Celeri Italorum. L’ache est apéritive, diurétique, & bonne pour le scorbut. Ses deux espèces, la blanche & la jaune, dans l’extrémité de leur tige, forment un grand panache rempli de fleurs semblables à celles du lilas. Elles fleurissent dans le printemps, & sentent fort bon. La jaune a les racines rougeâtres, & en forme de glands. La blanche les a toutes blanches. Elle se plante de la profondeur de trois doigts à un demi-pied de distance. On la lève tous les trois ans pour en ôter le peuple. L’ache demande médiocrement le soleil, avec une terre grasse & humide. Quelques-uns distinguent quatre sortes d’ache. D’autres en comptent six. 1° L’ache de Macédoine, Apium Macedonicum, 2° L’ache de jardin, Apium hortense, qui est le persil ordinaire. 3° L’ache de montagne, {{lang|la|Apium montanum. 4° L’ache de marais, Apium palustre. D’autres ajoutent, 5° l’ache de Smyrne, Apium Smyrnicum, 6° celui qu’ils appellent Hipposclinum. Les Grecs en certains jeux donnoient une couronne d’ache au vainqueur. De-là vient que sur les médailles de Néron on trouve Isthmia dans une courone d’ache. Voyez Patin, Vaillant dans ses Colonies, & M. Spanheim, p. 314, de l’édit. de Londres.

ACHÉENNE. s. f. Achæa. C’est-à-dire, la triste, la désolée. C’est un surnom qu’on a donné, 1°. à Cérès, à cause de la douleur que lui causa l’enlèvement de Proserpine sa fille. Plutarque, dans son Livre sur Isis & Osiris, dit que les Bœotiens avoient un Temple de Cérès Achéenne. 2°. Aristote, L. de mirabil. dit que les Dauniens, ancien peuple d’Italie, avoient un Temple dédié à Pallas Achéenne.

Ce mot a deux origines différentes. Quand il se donne à Cérès, il vient du mot Grec ἄχος, qui signifie douleur. Mais quand il a été donné à Pallas par les Dauniens, je crois qu’il signifie, qui est venu d’Achaïe, & que ce n’est que le féminin d’Achéen. En effet, ce Temple des Dauniens étoit vraisemblablement bâti par Dioméde & les Achéens ; c’est-à-dire, les Grecs qui vinrent avec lui en Italie, puisqu’Aristote dit qu’on y conservoit les armes de ce Capitaine & de ses compagnons. Ils y déposerent apparemment une statue de Pallas qu’ils avoient apportée, & qui, ou parce qu’ils l’apportoient d’Achaïe, ou parce qu’elle fut mise là par des Achéens, fut surnommée Achéenne.

ACHEIROPOÉETE. Nom Grec, formé de l’α privatif, de χεὶρ, la main, & de ποίητις, fait de ποιῶ, faire, signifie, Qui n’est pas fait avec la main. C'est le nom d'une image de Notre-Seigneur qui se voit à Rome dans l’église de S. Jean de Latran, & qui, à ce que l’on dit, ayant été ébauché par S. Luc, fut achevé par les Anges, & ne fut point fait de main d’homme. C'est la raison & l'origine de son nom.

ACHEM ou ACHIM. Achemum, Acemum. Nom d’une ville & d’un royaume qui occupe la partie septentrionale de l’île de Sumatra. Achem


est le plus grand royaume de l’île de Sumatra, éloignée d’environ douze lieues de la terre ferme où est Malaca. Bouh. M. Corneille écrit dans un endroit Achen, & dans un autre Achen, & le P. Bouhours Achen. J’ai vû des relations qui écrivoient toujours de même.

ACHÉMENIDE. s. m. plus souvent au pl. Achœmenides. Achœmenides, Achœmenidæ. C’est un nom Patronimique, qui signifie, un homme descendu d’Achœmenes, père de Cambyse, & grand père d’un Cyrus, différent du grand Cyrus, homme de la famille royale de ces anciens Perses. Pline & Solin ont prétendu que c’étoit un nom de peuple. Ils se sont trompés ; c’est un nom de famille. Xerxès dit dans Hérodote, Livre vii. Chap. ii. qu’il est fils de Darius, fils d’Hystaspe, fils d’Arsames, fils d’Ariamnes, fils de Theispes Cyrus, fils de Cambyse, fils d’Achœmenes. C’est de là qu’on appelle les Rois Perses Achœmenidas, ainsi que le dit Hérodote, Liv. i. Ch. cxxv. Les Poëtes étendent encore la signification de ce nom ; & comme ils appellent Æneadæ, & Romulidæ, les Romains en général, ils appellent de même les Perses Achœmenides, & ils disent Achœmenien ; pour dire Pèrsan.

ACHEMENT. s. m. Terme de Blason, se dit des lambrequins découpés ou chaperons, qui enveloppent le calque & l’écu. Fluentes circa scutum & galeam laciniæ. Ils font découpés d’étoffe & ornés de perles, & de broderie ; parce qu’en vieux François on appeloit achêmes toutes sortes d’ornemens, & particulièrement ceux des femmes ; comme coiffes, guimpes, atours, chaînes, anneaux, &c.

ACHEMINEMENT. s. m. Il ne se dit point dans le propre. Disposition à une chose, préparation qui en fait espérer le succès. Gradus, via. Le mépris des grandeurs de ce monde est un acheminement à la perfection. Le gain de la bataille fait un acheminement à la paix. Sar. Un premier pas si heureux fut un acheminement à une plus grande fortune. M. Scud.

ACHEMINER, v. act. Qui ne se dit au propre qu’avec le pronom personnel, Se mettre en chemin. In viam se dare, contendere, tendere, pergere. Iter instituere, intendere. Ces Voyageurs se sont enfin acheminés. Il s’achemina vers la Cappadoce. Vaug. Il s’achemina par les déserts, pour surprendre l’ennemi à l’improviste. Ablanc. Les Croisés s’acheminoient gais & gaillards à l’entreprise de la guerre sainte, comme assurés d’acquerir le Paradis. Pasq.

Acheminer, se dit figurément en Morale, des desseins, des affaires, des entreprises, pour dire, les avancer, les mettre en bon train pour l’exécution. Perducere, administrare, gerere, procurare. Une vive foi achemine les Chrétiens à la gloire éternelle. Cet Avocat a fort bien acheminé cet affaire, il l’a mise en train de réussir. Le Roi n’a point fait de conquête qu’il n’ait méditée auparavant, & où il ne se soit acheminé comme par degrés.

Acheminé, ée. part. pass. & adj. Viam, ingressusus.

On appelle en tèrmes de Manège, un cheval acheminé, celui qui est accoutumé à aller droit devant lui, qui connoit la bride, & répond aux éperons ; qui est dégourdi, & rompu. Aptus, idoneus. Ces mots se tirent du primitif chemin.

ACHENOIS, oise. s. m. & f. Qui est d’Achem. M. Corneille, dans l’endroit où il écrit Achin, dit Achinois ; mais le P. Bouhours, dans la Vie de S. François Xavier, dit Achénois. Le P. Prémare Jésuite, dans une relation fort ingénieuse & fort bien écrite, qui parut en 1701, dit aussi Achénois. On n’eut point d’autres nouvelles à Malaca de l’armée des Achénois, que celles qu’elle y apporta elle-même. Bouh. Les Achénois sont fort superstitieux à l’égard de se laver & de se purifier pour leurs souillures, ce qui fait qu’ils aiment à demeurer auprès de quelque ruisseau. T. Corn.

ACHERNER. Tèrme d’Astronomie. C’est le nom d’une étoile fixe de la première grandeur dans Eridanus, & dont la longitude est de 10 d. 31. min. & la latitude de 56. d.

ACHÉRON. s. m. Acheron, Acheros. C’est le nom de plusieurs fleuves. On en met un dans l’Epire, nommé aujourd’hui Verlichi nigro, ou Vanas, que Ptolomée appelle Acheron, & Tite-Live Acheros. Strabon en met un dans l’Epire, contrée du Péloponèse, & un autre dans le pays des Brutiens en Italie ; c’est-à-dire, dans la Calabre, que Barrius, dans sa Calabre, prétend être celui qu’on nomme aujourd’hui Campaniano. Il se déchargeoit dans la mer à Butrinto dans le Sinus Ambracius, Auguste ayant conduit une Colonie à Butrinto, fit un pont de mille pieds de long sur l’embouchure de l’Achéron. Tout le monde admiroit cet ouvrage, dit Pline, Liv. iv. C. i. Nous en avons une médaille. August. Butr. La tête d’Auguste nuë : au revèrs P. Pompon. Un pont. Voyez M. Vaillant Med. des Emper. T. 1 . p. 19 ; Strabon met un autre fleuve Acheron en Bithynie, proche d’Héraclée, &c. Mais le plus fameux de ce nom est celui que les Poëtes