Dictionnaire de Trévoux/3e édition, 1732/Tome 1/011-020

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Trévoux, 1732
Tome 1, pages 011 à 020

pages 021 à 030


peut fermer avec des pales ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coutume de Loris, Chap. X. Ce mot peut venir de baie, ouverture. Foramen.

AbBESSE : c'est le nom qu’on donne à une Religieuse qui est Supérieure d’une Abbaye. Abbatissa. Les Abbesses ont les mêmes droits sur leurs Religieuses, que les Abbés Réguliers ont sur leurs Moines, parce qu’elles sont revêtues de la même dignité. Leur sexe ne leur permet pas à la vérité de faire les fonctions spirituelles qui sont attachées à la Prêtrise ; mais il y a des Abbesses qui ont droit, ou plutôt un privilége, de commettre des Prêtres pour ces fonctions. Elles ont même une Juridiction comme Episcopale, aussi-bien que quelques Abbés Réguliers qui sont exempts de la juridiction de leurs Evêques. Voyez Exemption. Autrefois les Abbesses étoient électives : aujourd’hui le Roi les nomme toutes : ce n’est pas en vertu du Concordat, car il n’y en est pas fait mention. François I & Henri II ont obtenu des Indults pour nommer les Abbesses. Aujourd’hui les Bulles que le Pape donne pour les Abbesses, portent, que le Roi a écrit en faveur de la Religieuse nommée, & que la plus grande partie de la Communauté a consenti à son élection. Cela se fait pour conserver une image de l’ancien usage. Pinson. Le P. Martene, dans son Traité des Rits de l’Eglise, dit que quelquefois les Abbesses ont entendu les confessions de leurs Religieuses : il le prouve par les actes de la vie de sainte Burgondofere. Il ajoute que quelques Abbesses s’étant attribué en cela plus d’autorité qu’il ne convenoit, on avoit été obligé de réprimer leur vanité ou leur curiosité. On lit dans le Droit oriental, que Marc, Patriarche d’Alexandrie, consulta Balsamon, pour savoir si un Evêque devoit accorder aux Abbesses la permission qu’elles demandoient, d’entendre les confessions de leurs Religieuses ; à quoi Balsamon répondit que non, quoique saint Basile, dans ses petites Regles, permît aux Abbesses d’entendre avec un Prêtre, les confessions de leurs Religieuses. Saint Césaire, Evêque d’Arles, a écrit une Regle pour le Monastère de sainte Césaire sa sœur, où il y a de fort beaux Reglemens par rapport aux Abbesses. Elle se trouve dans Bellandus, Tome I. p. 730. & suiv. C’étoit une coutume assez ordinaire dans la seconde Race de nos Rois, de faire les filles des Rois Religieuses & Abbesses. P. Dan. Selon le Concile de Trente, Sess. 25. Chap. VII. les Abbesses doivent être élues en présence de l’Evêque ou d’un autre tenant sa place, du Corps, s’il se peut, du Monastère, âgée de quarante ans, ou au moins de trente, ayant huit, ou au moins cinq années de profession. Une même Abbesse ne peut régir deux Monastères. Les François fonderent autrefois des Abbayes sans qu'il leur en coûtât beaucoup : on cédoit à des Moines autant de terres incultes qu'ils pouvoient en mettre en valeur. Ils travailloient à dessécher, à défricher, à bâtir, à planter, moins pour être plus à leur aise, que pour en soulager les pauvres. Ces lieux arides & déserts devinrent agréables & fertiles. Il y avoit des Abbés si riches, qu'ils pouvoient mettre une petite armée sur pied : ce qui fit qu'on les invita aux assemblées du Champ de Mars, & aux Cours plenières. Le Gendre.

ABBEVILLE. Abbavilla, Abbatisvilla. Nom d'une ville de France, capitale du Comté de Ponthieu, dans la Picardie, situé sur la Somme, environ à cinq lieues de son embouchure, patrie des deux Sansons, célébres Géographes. Son nom, qui signifie Maison de campagne de l’Abbé, lui vient de ce que ce n’étoit autrefois qu’une maison ou ferme qui appartenoit à l’Abbé de saint Riquier. Hugues le Grand l’ôta aux Moines de cette Abbaye, dit Hariulphe, L. IV. c. XII. pour en faire un château qui arrêtât les courses des Barbares : il en donna le commandement à Hugues son gendre, qui après la défaite & la mort du Comte de Boulogne, épousa la Comtesse Adelaja sa femme, & prit le titre de Comte, qu’il laissa à sa postérité. Ce fut sous ces Comtes qu’Abbeville, de simple ferme, devint une ville. L'Histoire Ecclésiastique d'Abbeville & de l'Archidiaconé de Ponthieu en François a été faite par le P. Ignace Jos. de Jesus-Maria, Carme Déchaussé. Il y a à la fin un Catalogue des Auteurs d'Abbeville & de l'Archidiaconé de Ponthieu. A Paris, 1646. in 4°. Les Mémoires de l'Académie des Sciences donnent à Abbeville pour longitude, 19. 30'. pour latitude, 50. 5'.

AbBOI, s. m. On disoit autrefois abay. Le cri d’un chien. Latratus. Ce mot est factice & formé sur le son des chiens qui crient, ou abboyent. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. L’abboi des mâtins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d'étrange autour de la maison. Au premier L’abboi que fait le limier, le loup sort de son liteau. Salin.

On dit proverbialement, Tenir quelqu’un en Abboi ; pour dire, Repaître de vaines espérances.

Aboi, se dit aussi de l’extrémité où est réduit le cerf sur ses fins ; car alors on dit, qu’il est aux abbois, qu’il ne peut plus courir,


qu’il manque de force & de courage. Ultima cervi deficientis necessitas. On ne s’en sert dans ce sens qu’au pluriel.

AbBOYEMENT. s. m. Le cri du chien. Latratus. Les longs & affreux abboyemens des chiens ont troublé mon sommeil.

AbBOYER, ou abbayer. v. n. Qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens abboyent quand ils sentent des Larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien abboye les passans.

Le chien, qui de ses cris bat ces rives désertes,
Retint prêt d’aboyer ses trois gueules ouvertes.

dit Sar. sur la descente d'Orphée aux enfers. Ce mot vient du Latin adbaudare. Ménag. ou de boare, Latin, qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en aboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu'ils s'attendent à quelque chose, qu'ils la desirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare'. Cet avare, cet ambitieux, abboie après cette succession, après cette Charge. Ce chicaneur abboie toujours après le bien d'autrui.

On le dit encore de ceux qui font crier après eux. Un Avocat demandant à quelqu'un qui lui disoit des injures, pourquoi m’abboies-tu ? Cet autre répondit, parce que je vois un voleur. Ablanc. Cet homme est si méchant, que tout le monde abboie après lui. Un Satyrique abboie après les vices. C'est un médisant qui abboie tout le monde. Ablanc.

Je suis par-tout un fat comme, un chien suit sa proie,
Et ne le sens jamais, qu'aussi-tôt je n’abboie. Boil.

Je tiens qu'originairement abboyer & abbayer sont deux mots différens, qu’abboyer s'est dit seulement au propre du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abbayer s'est dit au second sens figuré, & est composé de bayer ou béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment ; ce qu'on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l'affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l'un pour l'autre.

On dit proverbialement, Abbayer à la lune, pour dire, crier & pester inutilement contre une personne au-dessus de soi. On dit aussi, tout chien qui abboie ne mord pas ; pour dire, que ceux qui menacent souvent ne font pas grand mal.

AbBOYEUR. s. m. Latrator. Qui abboie. Un chien qui est un grand abboyeur est importun. On appelle abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboient devant lui sans l'approcher.

On le dit aussi singulièrement des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité : Voilà bien des abboyeurs. Il y a des abboyeurs à ses côtés. Abanc. Jamais bon chien n’abboie à faux ; pour dire qu'un homme sage ne menace pas sans raison, ou qu'un habile homme ne manque pas son coup.

AbBREUVER. v. act. Adoquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abbeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abbreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abbeuvré. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abbreuver, signifie aussi, Humecter & imbiber d'eau. Humectare, imbuere. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d'y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d'eau. La terre est abbreuvée par les pluies. Abreuver les prés, c'est les arroser, y faire venir de l'eau par le moyen des saignées. Les porosités des corps sont abbreuvées par des humeurs crues, épaisses, froides.

Abbreuver, v. act. terme de Vernisseur. On dit dans ce sens, que la première couche de vernis ne se met que pour abbreuver le bois.

Abbreuver, Terme d'Agriculture, faire entrer l'eau dans un pré. Les prés ont besoin qu'on les abbreuve. Nos prés n'ont pas besoin d'être abbreuvés, à cause des pluies fréquentes qui les arrosent. Liger. Il semble qu'on ne le dit que des prés.

Abbreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas il signifie boire, s’enyvrer. Inebriari. Ce jeune homme étoit si bien abbreuvé, qu’il bronchoit à chaque pas.

Abbreuver, signifie figurément, instruire, prévenir quelqu’un par quelque chose, & l’en remplir. Imbuere. Il l’a abbreuvé de cette opinion. J’en suis abbreuvé dès ma jeunesse. Tout le monde est abbreuvé de cette nouvelle. Souvenez-vous de ces sources immortelles où vous vous êtes abbreuvez des saintes eaux de la Sagesse. Patru.

Abbreuvé, ée. part. pass. & adj. Imbutus.

Si-tôt que du Nectar la troupe est abbreuvée.

AbBREUVOIR. s. m. Lieu où on abbreuve les chevaux. Aquarium. Mener les chevaux à l’abbreuvoir. Il se dit plus précisément d’un glacis le plus souvent pavé de grais, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin, ou à une rivière, pour abbreuver les chevaux. Dav. Il se dit aussi de l’endroit d’un ruisseau où les oiseaux vont boire. On prend des oiseaux à l’abbreuvoir, en y mettant grand nombre de petits gluaux. La vraie heure de tendre à l’abreuvoir est depuis deux heures du matin jusqu’au soir, demi-heure devant le soleil couché ; mais le meilleur tems c’est sur les dix heures jusqu’à onze, & depuis deux heures jusqu’à trois ; & enfin, une heure & demie devant le coucher du soleil, que les oiseaux viennent en foule à l’abbreuvoir. Chomel.

Abbreuvoir, en tèrmes de Maçonnerie, se dit des intèrvalles que les Maçons laissent entre les joints des pièrres, pour y faire entrer du mortier. En ce sens l’on se sèrt plus souvent du mot godet. Bima.. Les Anglois se servent du mot abbreuvoir dans ce même sens.

On dit provèrbialement d’une plaie large & sanglante, que c’est un abbreuvoir à mouches. Il lui a porté un coup à la tête, & lui a fait un grand abbreuvoir à mouches. Ablanc. On dit aussi qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abbreuvoir, quand on se léve de table pour prendre soi-même à boire au buffet. Ces phrases sont du stile burlesque.

ABC.

A. B. C. on prononce abécé, s. m. Rudimentum. Alphabet de la Langue Françoise. C’est aussi un petit livre qui sert à apprendre à lire aux enfans. Cet enfant est encore à l’abécé.

ABCASSE. Voyez Abasse.

ABÉCÉ, signifie aussi le commencement d’une science, ou d’une affaire ; le principe d’un art. Prima Elementa. Quand on pense avoir pénétré les secrets de la nature, on se trouve encore à l’abécé. Renvoyer quelqu’un à l’abécé, c’est le traiter d’ignorant. C’est dans le même sens qu’on appelloit l’Empereur Justin αναλφάβεθη. Ce mot est composé des trois premières Lettres de l’alphabet François, comme le Grèc, qui lui répond, des deux premières. Alpha & Beta. Les Espagnols l’appellent Cartilla ; les Italiens Abaco, & les Anglois Abacus, qui vient du Grec άβακας, & s’est ainsi appellé, parce que pour commencer à apprendre les Lettres aux enfans, on les figuroit sur une tablette, ou sur une carte en forme de tablette, comme on fait encore dans les Écoles de Mathématiques pour les figures qu’il faut montrer aux Étudians. Ou bien il s’est formé des trois prémières Lettres de l’alphabet, comme le mot François Abécé.

ABÉCÉDAIRE. s. m. Qui est encore l’abécé. Elementarius. S. Jérôme & S. Fulgence, 3. Mythol. CX, disent Abecedarius, a, um. On se moque d’un vieillard abécédaire, qui est encore à l’abécé, qui ne sait rien. On a donné le titre d’Abécédaire à un livre de Pièrre d’Alva sur la Conception de la Vièrge en vingt-un volumes, dont la prémière lettre A contient trois gros vol. in-fol. imprimez à Madrid en 1648. Il est intitulé, Abecedarium Marianum. S. Augustin, dans ses retractations, Liv. I, Chap. XX. dit qu’on appeloit Abécédaires, Abecedarios, les Pseaumes dans lesquelles les prémières lettres de chaque strophe, ou quelquefois peut-être de chaque vèrs, suivoient l’ordre alphabétique. Dans l’Ecriture, le CXVIIIe Pseaume & les Lamentations de Jérémie sont de cette sorte ; par où il paroît que les Hébreux ont été les premiers Auteurs de cette espèce de Poësie, inventée apparemment pour aider la mémoire.


ABD.

ABDALLA, s. m. & nom propre. Quoique ce nom ne soit pas François, mais Arabe, comme on le trouve souvent dans des Histoires ou Rélations écrites en François, & qu’il vient de paroître encore tout récemment un Roman intitulé, les Avantures d’Abdalla, il ne sera pas inutile de dire ici ce qu’il signifie. Il est composé de deux mots Arabes, آباد, Abad, qui veut dire serviteur, celui qui honore, du vèrbe abada, adorer, honorer, sèrvir, & de Alla, Dieu ; ainsi Abdalla, c’est serviteur de Dieu.

ABDARA. Abdera, ae, ou Abdara. Nom d’une ancienne ville d’Espagne, dans la Bétique, sur la Côte de la Méditèrranée. Elle avoit


été bâtie par les Carthaginois. On la place ordinairement dans ce que nous appellons aujourd’hui le Royaume de Grenade, à peu près où est Adra, qui, peut-être, est Abdara même, dont le nom s’est corrompu.

ABDÈRE. Abdera, orum. Ancienne ville de Thrace. Plusieurs Savans croyent qu’elle fut bâtie par Abderus, ou bien par Hèrcule, en mémoire d’Abderus, qui avoit été déchiré par les chevaux de Dioméde. Leurs garents sont Philostrate, Etienne de Byzance, Scycmus de Chio, &c. Mais Solin & Méla disent qu’elle fut bâtie par Abdera sœur de Dioméde, qui lui donna son nom ; & sur les Médailles de cette ville, on lit d’un côté ΑΒΔΗΡΑΣ ΚΟΡΑΣ, avec la tête d’une Héroïne. Voyez M. Spanheim, p. 562. & suiv. Elle fut rebâtie par Timésius, qui y conduisit une Colonie de Clazoméniens ; & ensuite vers la 31e Olympiade, c’est-à-dire, environ 650. ans avant J. C. Les Téïens, peuples de l’Asie-mineure, ne pouvant souffrir la domination des Pèrses, passerent en Thrace, & s’établirent à Abdére. Quelques Auteurs veulent que ce soit Asperosa, ville maritime de Romanie. Elle a encore été nommée Astrizza.

ABDERITE. s. m. Abderites, Abderita. Qui est de la ville d’Abdére. Les Médailles de cette ville ont une tête rayonnée, avec ce mot ΑΒΔΗΡΙΤΕΩΝ. Les Abdérites étoient si stupides, que leur stupidité avoit passé en provèrbe, & qu’on disoit, Un esprit d’Abdére, Abderitica mens, pour, un esprit grossier, pesant, stupide. Cicéron ad Attic. viij. ep. 7. appelle un projet mal concerté, sans vûës, sans prudence, Un projet Abdéritique. Abdére néanmoins produisit de grands hommes, témoin Protagore & Démocrite.

ABDIAS, s. m. & nom propre. C’est le nom du quatrième des douze petits Prophètes, que les Protestans appellent communément Obadias, faisant passer la prononciation Hébraique dans les autres Langues : ce qui est, à mon sens, pécher contre le prémier principe des Langues, qui est l’usage. Car de quelque manière que l’on prononce un nom dans la Langue originaire de ce nom, il faut le prononcer comme il est établi par l’usage qu’on le prononce dans la Langue dans laquelle on parle, ou l’on écrit, & il n’y a pas moins d’absurdité à vouloir dire Obadias, Jeschejahu, Jechezchiel, &c. au lieu de Abdias, Isaïe, Ézéchiel, qu’il y en auroit à vouloir dire, Miriam, Jehoschua, Jehohhanan, Petrus, Alexandros, Julius Cæsar, Pompeius, Hyeronimus, Quintus-Curtius, &c. au lieu de Marie, Jésus, Jean, Pierre, Aléxandre, Jules César, Pompée, Jérôme, Quinte-Curce, &c. Aussi tous les Traducteurs François de l’Écriture, & ceux même de Genève ont dit Abdias. Au reste, ce nom vient de עבד abad, servir, honorer, & יה Ja, abrégé de Jehovah, nom de Dieu. Ainsi il signifie, serviteur de Dieu, ou de Jehovah.

ABDICATION, s. f. Démission, acte de renonciation à une Charge, à une Magistrature. Abdicatio. Il faut remarquer que l’abdication diffère de la résignation, en ce que l’abdication se fait purement & simplement, au lieu que la résignation se fait en faveur d’une tièrce pèrsonne.

On dit, L’abdication d’un fils rebelle & désobéïssant. Dans le Droit Civil l’abdication est opposée à l’adoption. L’abdication n’étoit différente de l’exhérédation que dans cette circonstance : c’est que le fils abdiqué étoit exclus de la famille & de la succession paternelle, par un acte public pendant la vie du père ; au lieu que l’exhérédation n’avoit d’exécution qu’en vèrtu de son testament. Les causes de l’abdication étoient les mêmes que celles de l’exhérédation. Harris, dans son Dictionnaire Anglois des Arts, dit qu’on trouve qu’abdication s’est dit encore d’un homme libre qui renonce à sa condition pour se faire esclave, ou d’un Citoyen Romain qui renonce à cette qualité & aux priviléges qui y étoient attachez.

On dit aussi au Palais, faire une abdication de biens, quand on en fait un abandonnement entier.

ABDIQUER, v. act. Renoncer à une Magistrature, à une Charge, s’en dépoüiller, l’abandonner. Abdicare. Dioclétien & Charles-Quint ont abdiqué l’Empire. Il se dit aussi absolument ; ce Prince à été forcé d’abdiquer.

On dit en Droit, Abdiquer un fils, pour dire, l’abandonner, le chasser de sa maison, ne le reconnoître plus pour fils. C’est l’exhéréder, & le priver de tous les avantages attachez à sa qualité de fils. Est quasi negare filium.

Abdiqué, ée, participe passif & adjectif. Abdicatus.

ABDOMEN, s. m. Tèrme de Médecine, qui signifie la partie extérieure du bas-ventre, depuis les cuisses en remontant jusqu’au diaphragme. Abdomen. C’est, dit Harris le plus bas des trois ventres du corps humain, appellé proprement le bas-ventre, qui comprend dans sa capacité le ventricule, les boyaux, le foie, la ratte, la vessie, &c. & qui est couvèrt en dedans d’une membrane, que l’on nomme Peritonœum ; sa partie inférieure Hypogastre, Hypogastrium : sa partie de devant est divisée dans l’Epigastre, Epigastrium, les Hypocondres, le droit & le gauche, & le nombril. Il est terminé en haut par le cartilago ensiformis, à droite & à gauche par les fausses côtes, en-bas par les vertèbres des reins, par les os du Coxendix, l’os pubis & l’os sacrum. Il a dix muscles, dont il est couvert, & qui servent à expulser les excrémens, & l’urine, & le fœtus dans les femmes. Nous rapporterons leurs noms propres chacun à leur place. Selon M. Dionis, l’Abdomen est la partie antérieure du ventre, laquelle se divise en trois régions, dont la supérieure s’appelle épigastrique ; la moyenne, (celle du milieu) ombilicale ; & l’inférieure, hypogastrique. La première commence au cartilage xiphoïde, & finit deux travers de doigt au-dessus de l’ombilic ; la seconde commence où finit la première, & se termine environ deux travers de doigt au-dessous de l’ombilic ; & la dernière descend jusqu’à l’os pubis. Chacune de ces trois régions se divise encore en trois parties, une moyenne, & deux latérales. La partie moyenne de la région épigastrique est appelée épigastre ; & les latérales, hypocondres, dont l’un est à droite, & l’autre à gauche. La partie moyenne de la région ombilicale se nomme ombilic, ou nombril ; ses parties latérales sont les deux lombes. Le milieu de la région hypogastrique s’appelle hypogastre : ses côtés sont les îles ou les flancs. Il se dit quelquefois, mais improprement, des parties contenues dans le bas-ventre. Les Grecs l’appellent επιγάστριον & les Arabes mirach.

ABDUCTEUR. adj. m. Abductor.C’est une épithète que les Médecins donnent au quatrième muscle des yeux, qui les fait mouvoir en dehors, & regarder de côté pour marque de mépris & de dédain : c’est pourquoi on l’appelle aussi orgueilleux, & indignabundus, ou dédaigneux, fastidiosus. On le dit aussi des muscles du pouce, & d’autres parties du corps qui se peuvent mouvoir en dehors. L’Abducteur est le troisième muscle de l’index. Il prend son origine de la partie externe & moyenne de l’os du coude, & passant sous le ligament annulaire, il va s’insérer à la partie latérale & externe des os du doigt indice, qu’il tire en dehors vers les trois autres doigts. Dionis. Ce mot vient du Latin abduco, qui signifie Emmener.

ABDUCTION, s. f. Abductio. Terme d’Anatomie. Le mouvement d’abduction, dans les muscles du pouce, est celui qui fait que les doigts s’éloignent du pouce. Dionis. Et dans les muscles des yeux, le mouvement d’abduction est celui qui éloigne la vûe, ou l’œil du nez, & fait regarder par-dessus l’épaule.


ABE.

ABÉATES. s. m. Abeatæ. Habitans de la ville d’Abée. Corn. Ce sont les Habitans de la ville d’Abée du Péloponèse. Ceux d’Abée de Phocide s’appellent Abantes.

ABÉE. Abea. Ville du Détroit Messénien, ou Mansertin, près de Phares, dans le Péloponèse. Elle fut ainsi appelée, dit Pausanias, d’Abdas, fils de Lyncée & d’Hypermnestre. Quelques Auteurs la confondent avec Ira, l’une des sept villes qu’Agamemnon offre à Achiles. Iliad. IX. Il y avoit un temple fameux où Apollon rendoit des Oracles ; les troupes de Xerxès le brûlerent. Il y eut aussi dans la Phocide une ville de ce nom bâtie par les Abantes.

ABEILLE. s. f. Insecte volant, grosse mouche qui a un aiguillon fort piquant, & qui fait le miel & la cire. Apis.

Comme on voit au printemps la diligente abeille,
Qui du butin des fleurs va composer son miel. Boil.

Swammerdam en fait la description, aussi-bien que des bourdons appellés fuci. A l’égard des abeilles qui font le miel, qu’il appelle, apes operariæ, il dit qu’on ne peut découvrir si elles sont mâles ou femelles ; mais dans le roi & les bourdons, les parties qui servent à la génération, sont très-perceptibles. Jean de Horn, fameux Anatomiste, a fait voir les œufs des abeilles dans la femelle, que l’on nomme ordinairement le roi. Elles ont un tissu dont elles sont enveloppées, qui est ourdi de même que celui des vers à soie. Swammerdam montre aussi des rayons de miel où l’on voit les appartemens du roi & des autres abeilles. On découvre sensiblement dans les abeilles les poumons composés de deux petites vessies. Leur gouvernement ne consiste que dans un amour mutuel, sans qu’elles aient la moindre supériorité les unes sur les autres. Les abeilles servent d’aliment aux hirondelles, qui ont l’adresse de les prendre en volant. C’est pourquoi lorsqu’il va pleuvoir, & qu’il y a peu de ces petits animaux dans l’air, les hirondelles descendent vers la terre pour y chercher leur aliment : d’où est venue l’erreur de croire qu’elles prédisent la pluie. Il y a aussi des mouches d’eau, qui portent les aiguillons dans la bouche, aussi-bien que tous les autres insectes aquatiques. Aldrovandus les décrit sous le nom d’abeilles amphibies ; & Jonston les appelle abeilles sauvages. Il y a une espèce d’abeilles sauvages qu’on trouve dans les


jardins & dans les bois. Swammerdam en distingue de six sortes. Il y en a qui ont des cornes fort longues ; d’autres dont le corps est velu. Mouffet les appelle abeilles solitaires dont le nid est fait de gravier, de sable & d’argile. Il décrit aussi sept sortes de guêpes. Il y en a de bâtardes, qu’on appelle pseudophecæ. Hoefflnagel en a dépeint vingt-quatre sortes, entre lesquelles il y a une mouche à trois queues, en latin vespa. Il y en a une que Goedart appelle gloutonne & dévorante, que quelques-uns nomment muscalupus, parce qu’elle dévore sa proie avec les dents. On voit dans l’Abissinie une espèce particulière d’abeilles. Elles sont plus petites que les autres, noires, & sans aiguillon ; elles ont leurs ruches cachées dans la terre, & font du miel & de la cire d’une blancheur extraordinaire. Maty. Les abeilles des Antilles & de l’Amérique méridionale sont plus petites que celles de l’Europe. Il y en a qui sont grises, d’autres brunes, ou bleues. Ces dernières font plus de cire, & de meilleur miel. Elles se retirent toutes dans des fentes de rochers, & dans des creux d’arbres. Leur cire est molle, & d’une couleur si noire, que rien n’est capable de la blanchir ; mais leur miel est beaucoup plus blanc, plus doux & plus clair que celui d’Europe. Elles n’ont point d’aiguillon. Lonvillers. Le P. du Tertre ajoute, qu’il est impossible d’apprivoiser ces abeilles, qu’elles sont toutes sauvages. Il convient du reste, à cela près, qu’il assure qu’il est faux que leur miel soit plus blanc que celui d’Europe. Celles d’Ethiopie, aussi plus petites que les nôtres & sans aiguillon, font leur miel en terre : elles entrent dans ces niches souterraines par un seul trou très-petit ; quand un homme en approche, cinq ou six le bouchent de leurs petites têtes si juste, qu’on ne s’en apperçoit point sans beaucoup d’attention. Elles sont noires ; mais leur cire est très-blanche, & leur miel très-doux. Ludolf. L. I. C. 13. Voyez Meursius dans sa Creta Liv. i. Chap. 15. sur les abeilles qui obligerent les habitans de Rochus d’aller s’établir ailleurs ; sur les abeilles de l’île de Crète, qui, quand elles veulent doubler un Cap, prennent de petites pierres dans leur museau pour leur servir de lest, & pour n’être point emportées par les vens. La même L. ii. C. 7. & sur celles du Mont Ida qui nourrirent Jupiter.

Le roi des abeilles est femelle, & jette environ six mille œufs par an. Il est deux fois plus gros que les autres abeilles. Il a les ailes courtes, les jambes droites, & marche plus gravement que les autres. Il a une marque au front. Pline dit que le roi des abeilles n’a point d’aiguillon. C’est là-dessus qu’est fondée la réponse qu’on fit au nom d’Urbain VIII après son exaltation. Il portoit des abeilles dans ses armes : un François fit là-dessus ce vers, en faveur de sa nation :

Gallis mella dabunt, Hispanis spicula figent.

Enfin, on répondit au nom du Pape d’une manière fort ingénieuse & fort convenable à la qualité de pere commun des Chrétiens :

Cunctis mella dabunt, nulli sua spicula figent,
Spicula Rex etenim figere nescit apum.

Quelques-uns prétendent qu’on remarque dans la république des abeilles une régularité & une subordination admirables ; qu’on y voit une distribution bien réglée des emplois ; un ordre, & un concert aussi parfait qu’entre des esprits qui conspirent à l’exécution d’un même dessein. Ce que Virgile dit que les piqûres des abeilles leur coûtent la vie, parce qu’elles laissent leur aiguillon dans la plaie, Animas in vulnere ponunt, n’est point véritable, & les Naturalistes n’en demeurent pas d’accord. C’est le seul insecte né pour l’utilité de l’homme, à ce que dit Pline, Liv. ii. En quoi il se trompe, car il devoit du moins ajouter le ver à soie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Mathiole, touchant leur œconomie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Machiole, touchant leur œconomie, qui sont telles, que le Philosophe Aristomache employa 60. ans en leur contemplation. Quelques-uns croyent qu’on peut faire des abeilles par art. Lorsqu’on tue un bœuf en Été, & qu’on l’enferme dans une chambre basse bien close, pour le laisser pourrir dans son cuir, ils prétendent qu’au bout de 45. jours il en sort une infinité d’abeilles. Les principaux des Anciens qui ont parlé des abeilles, sont Aristote, Hyginus, Virgile, Celse, Marc Varron, &c. Et parmi les Modernes, outre ceux que nous avons cités, un Anglois nommé Majow en a fait un Traité intitulé : Monarchia fœminina, seu Apum Historia. M. Maraldi de l’Académie Royale des Sciences, donna en 1712, un savant Mémoire sur les abeilles. Il est dans les Registres de l’Académie, & sera imprimé dans l’Histoire de cette Académie. On dit pour le moins aussi communément, Mouche à miel, que l’on dit, Abeille. Voyez Mouche a miel.

On a souvent fait entrer les abeilles dans des devises. Une abeille avec ce mot d’Horace, Studiosa florum, est la devise d’un homme appliqué à des ouvrages d’esprit. Elle conviendroit encore mieux à une femme savante. Une ruche, & Labor omnibus unus, convient à une société de gens qui travaillent de concert. Et avec ce mot pris de Virgile, Ore legunt sobolem, on l’a appliqué aux Prédicateurs. Et ceux-ci à des Savans, Utile dulci, ou E pluribus unum. Ephèse a une grosse abeille au revers de ses médailles. Les abeilles, si l’on en croit M. Reger, étoient le symbole des Colonies, aussi-bien que celui de la sagesse. Sic vos non vobis fut appliqué à Charles V, lorsqu’il fit la guerre pour rétablir le Duc de Sforce, dans le Duché de Milan. Une abeille qui voltige sur les fleurs, Ut prosim, pour marquer un homme qui consacre toutes ses veilles & ses travaux à l’utilité du public. Louis XII entrant dans Gènes, parut avec un habit blanc semé d’un essaim d’abeilles d’or, au milieu duquel étoit le Roi, avec ces mots : Rex non utitur aculeo, le Roi n’a point d’aiguillon, pour faire connoître aux Génois, qu’il leur pardonnoit leur rébellion.

Abeille, est l’une des douze constellations australes, qui ont été observées par les Modernes depuis les grandes navigations. Ozan. Elle est composée de quatre étoiles de la cinquième grandeur.

Abeille, se dit quelquefois figurément de ceux qui parlent, ou qui écrivent élégamment. Xénophon a été appelé la Muse & l’abeille Athénienne, à cause de la douceur de son stile. M. Scud. Mais ces sortes de métaphores, qui sont fort bonnes en Grec, ne sont point tolérables dans notre langue, ou du moins ont besoin de quelqu’adoucissement. C’est avec cet adoucissement que Mlle Scuderi s’en est servie : elle ne dit pas crûment que Xénophon étoit l’abeille Athénienne, mais qu’il a été appelé la Muse & l’abeille Athénienne, à cause de la douceur de son style. Voilà trois adoucissemens. 1o. Il a été appelé, & non pas il étoit. 2o. La Muse & l’abeille Athénienne : ces deux mots servent à s’expliquer l’un l’autre. 3o. A cause de la douceur de son style. Cette raison approche encore la métaphore, & la rend plus intelligible. C’est à peu près de cette sorte qu’il faut se servir en François de la plûpart des métaphores, & il est bon de donner cet avis, sur-tout aux étrangers. Comme les sens figurés & les expressions métaphoriques frappent davantage l’esprit du Lecteur, que les expressions propres & simples, il arrive souvent que ceux qui étudient notre langue dans les bons Auteurs, remarquent avec attention ces sortes de mots, & en remplissent leurs recueils. Ils sont ensuite portés à croire qu’on peut s’en servir en toutes rencontres, parce qu’ils les ont remarqués dans un bon Auteur ; mais cela demande bien de la précaution, & un discernement que l’usage seul peut donner. Une expression métaphorique bien placée est d’un grand agrément ; mais elle ne vaut rien hors de sa place ; & sur-tout en François, il ne faut point s’en servir indifféremment, outre qu’on ne doit point transporter dans un style grave ce qu’un Auteur n’aura dit que dans un discours enjoué, ni détacher une expression hardie de tous les adoucissemens qui l’accompagnent. Cette remarque peut servir à toutes les pages de ce Dictionnaire.

ABEL. Abel, ou Abela. Petite ville des Ammonites, qu’Adrichomius met dans la Tribu de Gad, & Josephe dans la demi-Tribu de Manassé, au-delà du Jourdain, c’est-à-dire, dans le petit pays qu’on nomma depuis la Trachonite ; elle étoit à sept milles de Philadelphie. Les Septante l’appellent Εβιλχαρμίμ ; elle étoit dans un pays de vignes. Ce fut là que Jephté défit les Ammonites. Liv. des Jug. ch. XI. Son nom, qui est Hébreu אבל signifie pleureux, & non pas affliction, qui se dit en Hébreu Ebel. Jephté prit & ravagea vingt villes depuis Aroër jusqu’à Mennith, et jusqu’à Abel, qui est planté de vignes. Saci. M. Corneille dit aussi Abela.

ABEL, s. m. est aussi le nom du second fils d’Adam & d’Eve, qui fut tué par Caïn son frere aîné.

Josephe, dans son premier Livre des Antiquitez Juives, ch. 3. dit que ce nom signifie affliction θλίψη, & l’Auteur d’un Dictionnaire imprimé depuis peu en notre langue en dit autant. Josephe ne savoit point l’Hébreu ; car s’il l’eût sçû, il est impossible qu’il n’eût pas fait attention que Abel s’écrit en Hébreu הבל, qui signifie une chose vaine, vanité ; & non pas נגע, qui signifieroit effectivement affliction, pleurs. Ce qui a trompé Josephe, & beaucoup d’autres avec lui, c’est qu’ils ont trouvé le nom d’Abel écrit avec un a ou un alpha, au commencement : ils se sont imaginé qu’il y avoit dans le Texte Hébreu un aleph, qui répondoit à cet a des Grecs & des Latins, & ils ont cherché la signification du nom d’Abel dans, qu’une légère connoissance de la langue Hébraique leur eût fait chercher ailleurs.

ABELIENS, ou ABELOÏTES, ABÉLONIENS. s. m. pl. Abeliani, Abeliotæ, Abelonii. Nom de paysans hérétiques qui habitoient un bourg proche d’Hippone. Le dernier de ces noms vient de celui qu’on leur donnoit en langue Punique ; les deux premiers sont ceux que S. Augustin leur donne en latin. Ces hérétiques se marioient ; mais ils vivoient avec leur femme dans la continence, & sans avoir de commerce en-


semble. Ils adoptoient un jeune garçon & une jeune fille, à condition qu’ils se mariroient, mais qu’ils vivroient aussi en continence ; & ils ne manquoient point, dit S. Augustin, de trouver dans le voisinage des pauvres qui leur fournissoient leurs enfans pour qu’ils les adoptassent. Quelques Auteurs croient qu’ils se fondoient sur cet endroit de S. Paul, i. Cor. VII. 29. Que ceux qui ont des femmes soient comme s’ils n’en avaient point. S. Augustin n’en dit rien. Un Auteur moderne, qui avoue que ce Pere est le seul qui ait parlé de cette Secte, dit que ces gens-là régloient le mariage sur le pied du Paradis terrestre, prétendant qu’il n’y eût entre Adam & Eve qu’une union de cœur. Ils se régloient aussi, poursuit-il, sur l’exemple d’Abel ; car ils prétendoient qu’Abel avoit été marié, mais qu’il étoit mort sans avoir jamais connu sa femme. C’étoit de lui que leur Secte avoit pris son nom… Voilà, dit-il, ce que saint Augustin nous en apprend. Il n’y a pas un mot de tout cela dans ce Pere. l. de Hæres. ad Quodvult. hær. 87. Il ne parle ni du Paradis, ni d’Adam & d’Eve, ni du mariage d’Abel, ni de sa continence. Il dit seulement, que quelques-uns de ces Sectaires tiroient leur nom d’Abel, fils d’Adam ; mais il ne le rapporte pas de son chef, ni comme son opinion. Hos nonnulli dicunt, &c. Il est cependant assez vraisemblable que c’est en effet là l’origine de ce nom, & qu’ils furent ainsi appelés, parce qu’ils n’avoient pas plus de postérité qu’Abel, à qui l’Ecriture n’en donne point, & qui par conséquent n’en eut point ; non pas qu’il eût vécu en continence dans le mariage, mais parce que vraisemblablement il fut tué avant que d’avoir été marié : on pourroit dire certainement, puisque l’Ecriture n’en dit rien, & que peut-être Caïn son aîné ne l’étoit point encore lui-même quand il le tua. Un autre Moderne dit, qu’il y avoit une fable répandue dans tout l’Orient, qui disoit, qu’après la mort d’Abel, Adam fut cent trente ans sans avoir de commerce avec Eve ; que c’est un sentiment des Docteurs Juifs ; que ce conte avoit eu cours, même parmi les Arabes ; que c’est pour cela, qu’au rapport de Gigejus תאבל thabala, en Arabe signifie s’abstenir de sa femme ; & qu’il est le plus trompé du monde, si cette opinion n’avoit point pénétré jusqu’en Afrique, & donné occasion à leur nom. Il est vrai que les Rabbins disent qu’Adam, touché de la mort d’Abel, fut long-temps sans user du mariage, & jusqu’à ce qu’il engendrât Seth. Si quelques-uns disent que ce temps fut de cent trente années, c’est une erreur manifeste, & contraire à leurs propres Chronologies, qui mettent la naissance de Seth à la cent trentième année du monde & de la vie d’Adam, comme on le peut voir dans les deux Seder Olam, & dans David Ganz. Car comment auroit-il eu Seth à sa cent trentième année, si Seth n’avoit été conçû que cent trente ans après la mort d’Abel ? Aussi Abarbanel dit, que ce fut cent trente ans depuis son péché. Car il croit, comme beaucoup d’autres Rabbins, que Caïn & Abel furent conçus immédiatement après le péché d’Adam. Mais soit que l’on prenne sa pénitence & sa continence depuis son péché, ou depuis la mort d’Abel, ce seroit la continence d’Adam, & non pas celle d’Abel, que ces hérétiques auroient imitée ; & si c’eût été de cette fable que leur nom leur fût venu, on les eût nommés Adamites ou Adamiens, plutôt qu’Abéliens. Le thabala des Arabes ne prouve point que ceux qui à l’exemple d’Adam n’usoient point du mariage, fussent nommés du nom d’Abel. Car 1o. ce thabala ne vient point du nom d’Abel, הבל ; s’il en venoit, il s’écriroit par un ה, & non par un א. Il ne faut point dire que ces lettres se changent aisément ; car les Arabes ne l’ont point fait. On peut voir tous nos Interprétes, aussi-bien qu’Eutychius, & Abulfaragius, qui écrivent tous le nom d’Abel par un ה, aussi-bien qu’en Hébreu. 2o. Thabala vient de abala, qui comme l’abal des Hébreux, signifie être en deuil, en affliction, & s’abstenir en général du plaisir à raison du deuil ; de sorte qu’il vient de l’abal des Hébreux, comme l’a très-bien remarqué Golius, & après lui Castel. Ainsi il est plus croyable que les hérétiques dont nous parlons, s’appelèrent Abéliens, parce qu’ils ne laissoient point de génération non plus qu’Abel. Cette hérésie fut toute renfermée dans un seul village, & ne dura point, comme S. Augustin le remarque. Est quædam hæresis rusticana in campo nostro, id est, Hipponensi, vel potius fuit. Paulatim enim diminuta in una exigua villa remanserat : in quaquidem paucissimi, sed omnes hoc fuerunt.

ABELISER. v. a. Vieux mot, qui veut dire, Charmer & ravir. Allicere, delinire.

 Si m’abélisoit & féoit.
 Rom. de la Rose.

ABELLINAS. Abellina vallis, grande & belle vallée de Syrie, entre le Liban & l’Antiliban, dans laquelle est Damas.

ABELLION. s. m. Abellio. C’est le nom d’un ancien Dieu des Gaulois. On a trouvé vers Cominges, dans l’ancienne Novempopulanie trois inscriptions antiques qui font mention de lui ; Scaliger les rapporte dans son L. i. sur Ausone, C. 9. & Gruter. p. 37.

La première est,

DEO
ABELLIO-
NI
MINUCIA
JUSTA
V.S.L.M.

Les autres n’apprennent rien davantage de ce Dieu. Bouche en son Histoire de Provence, T. i. p. 61. croit que c’étoit un Dieu qui étoit adoré en quelque lieu anciennement nommé Abellio. Vossius, de Idolol. L. ii. C. 17. croit que c’est le Soleil ; qu’il a été ainsi nommé du nom Bélus ; que les habitans de Pamphilie & ceux de Créte appeloient ainsi le Soleil, comme le dit Hésychius ; que les anciens Romains nommoient aussi le soleil Apello, au lieu d’Apollo ; que ce nom pouvoit s’être formé du mot Ἀβέλιος, qu’ils avoient pris de l’Île de Créte ; que c’est ainsi que pour hemo, on a dit homo, & pour bonus, benus, d’où est resté benè. Quoiqu’il en soit, le nom Apollo ne s’est pas fait de l’Ἀβέλιος des Crétois, mais de l’Ἀπόλλων des Grecs.

ABENEZER. Nom de lieu dans la Terre-Sainte, situé entre Masphat & Sen. C’est là que les Israëlites furent défaits par les Philistins, & que l’Arche d’Alliance fut prise. Ce mot qui est Hébreu signifie, la pierre du secours ; venant de אבן, aben, pierre, & עזר, ezer secours. L’armée campa près de la pierre du secours. Sacy. Israël campa près d’Eben-heser. Trad. de Gen. et les Desmar. Il ne faut point heser par un h mais eser. Il est mieux. C’est en Hébreu un ain.

ABÉONE. s. f. Abeona. Déesse du Paganisme, à laquelle les Romains se recommandoient quand ils se mettoient en chemin pour s’en aller. S. Aug. De Civ. L. iv. C. 22. Ce mot est formé du verbe Abeo, je m’en vais.

ABERCE. s. masc. Nom propre d’homme. Avircius. S. Aberce, ou Avirce Marcel, Evêque d’Héraple en Phrygie, a été célébre parmi les Grecs, vers l’an 230. Baill.

ABERHAVRE. Embouchure de rivière ; c’est de-là que vient le mot Havre, du mot Hébreu habar, selon Bochart. Ostia fluvii. Ce mot n’est plus en usage.

ABEsTIR. v. act. Hebetem, stupidum reddere. Rendre un homme stupide & semblable à une bête par de mauvais traitemens. Son fils est tout abêti. Nabuchodonosor fut abêti par un juste jugement de Dieu. Les yvrognes s’abêtissent par l’excès du vin. Les afflictions, la solitude abêtissent les gens. Ce verbe est quelquefois neutre. Hebescere. On dit, Cet enfant abétit tous les jours.

Abesti, ie. part. & adj. Hebes.

ABEYANCE. s. f. Abbeyantia, abeyantia. Terme de Droit. Littleton le définit ainsi : Le droit de fée simple est en Abeyance, c’est-à-dire, il est tant seulement en la remembrance, entendement & considération de la ley. Car moi semble que tiel chose & tiel droit que est en divers livres être en Abeyance, est à tant à dire en Latine : Talis res vel tale rectum, quæ vel quod non est in homine ad tunc superstite, sed tantummodo est & consistit in consideratione & intelligentiâ legis, & quod alii dixerunt, talem rem, aut tale rectum fore in nubibus. Edoüard Cok dit que selon les Jurisconsultes, les choses sont en abeyance, Quæ nondum sunt définitæ, aut sententiâ comprobatæ, sed sunt adhuc in expectatione ; c’est, ajoute-t-il, en donnant l’étymologie du mot abeyance, que beer chez les François & les Flamands, signifie, Attendre avec empressement quelque chose. Ce mot abeyance est ancien.


ABH.

AB HOC ET AB HAC. Mots empruntés du Latin. On s’en sert en style familier, pour dire, Confusément, sans ordre, sans raison, à tort & à travers. Temerè, inconsideratè, inconsultè. Discourir ab hoc & ab hac.

 Ici gît Monsieur de Clézac
Qui baisoit ab hoc & ab hac.Mén.

ABHORRER. v. act. Avoir en horreur, détester ; avoir de l’éloignement & de l’aversion pour une personne. Abhorrere. C’est un mélancolique qui abhorre le mariage. Un tyran est un monstre que tout le monde abhorre. Tout animal abhorre la mort. Un Chrétien doit abhorrer le blasphème. On dit aussi, S’abhorrer soi-même dans l’agitation & dans les remords d’un crime.

 Objet infortuné des veangeances célestes,

Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Racine.

Abhorré, ée. participe.


ABI.

ABIBON. s. m. Abibon. Nom propre d’homme. Abibon étoit


le puisné des fils de Gamaliel. Baill. Ce mot est Hébreu, formé de אב, ab, pere, & בון, bun, ou bon, Comprendre, être intelligent, & signifie, Pere de l’intelligence. M. Baillet l’appelle Abibas. Quoique ce mot puisse absolument se dire, il paroît mieux de dire Abibon, comme le Martyrologe.

ABJECTION, s. f. Condition servile qui fait tomber une personne dans le mépris. Abjectio. La fortune a réduit ce Gentilhomme dans une grande abjection. Quelques-uns ont écrit abjection d’esprit, pour dire, Abattement d’esprit. Le mérite des premiers Chrétiens, des premiers Religieux, a été de vivre dans l’abjection, dans l’humilité, dans le mépris du monde. Il est mal aisé de comprendre que la profession d’un Chrétien n’étant dans la vérité, & dans la croyance de tous les Saints, qu’une abjection & une humiliation continuelle, on puisse condamner l’usage des mortifications dans les Religieux, qui ne sont rien que des Chrétiens obligés de tendre à la perfection de l’Evangile. Ab. d. l. Tr. On ne se sert guère de ce mot que dans les livres ou les discours de dévotion ; mais il y est fort en usage.

ABIENHEUR, & ABIANNEUR. s. m. Terme de Coutume. Dépositarius. Sequester. Ce sont en Bretagne les Dépositaires, les Sequestres ou Commissaires d’un fonds saisi. Voyez M. Hevin sur Frain.

ABIENS. s. m. plur. Abii. C’est le nom d’un Peuple de Scythie, qu’Homère appelle, Les plus justes de tous les hommes, Δικαιοτάτους ἀνθρώπων. Iliad. V. Quelques Auteurs les placent dans la Thrace. Quoique les Abiens aimassent leur liberté au dernier point, & qu’ils l’eussent toûjours conservée depuis Cyrus, ils vinrent se soumettre volontairement à Alexandre, lorsqu’il étoit à Maracande.

On rapporte trois ou quatre étymologies de ce mot. 1°. On dit qu’il vient du fleuve Abien, Abianus, sur les bords duquel ils habitoient. Si cela étoit, ils eussent été appelés Abianiens, Abiani, plutôt qu’Abiens, Abii. 2°. On le fait venir de l’α privatif, & de ϐίος, vie, comme qui diroit : Des gens qui ne vivent pas, quorum non est vita vitalis, parce qu’ils vivoient dans le célibat, ne se nourrissant que de lait, & demeurant toujours dans des chariots. Le célibat entier d’une nation paroît une fable; comment se fût-elle perpétuée ? Bien d’autres chez les Scythes menoient une vie encore moins humaine, qu’on n’appeloit point pour cela Abii. 3°. D’autres tirent ce nom de l’α privatif, & de ϐιός, un arc, parce qu’ils ne s’en servoient point. 4°. Enfin, & c’est ici ce qu’il y a de plus probable, d’autres veulent qu’ils fussent ainsi appelés de l’α privatif, & de βία, violence, force, parce qu’ils n’usoient point de force, ni de violence, & n’avoient jamais fait la guerre, à moins qu’on ne voulût attenter à leur liberté. L’épithéte que leur donne Homère, confirme ce sentiment.

ABJET, ette, ABJECT, ecte ou ABJEcT, cTE, adj. Méprisable. Abjectus, vilis, contemptus. Il se dit surtout de la naissance & de la profession. Une naissance abjecte, un métier abject, un homme abject. On le dit aussi de l’esprit, du courage. C’est un esprit vil & abject, une ame basse & abjecte, qui n’a aucune élévation, qui ne pense à rien de grand. Le commencement des autres arts est bas & abject, mais celui du parasite est illustre, & commence par l’amitié. D’Ablanc. Par les exemples qu’on vient de citer, on peut remarquer que le terme abject marche rarement seul, & sans être accompagné d’une autre épithète qui lui sert de commentaire & d’explication. On le trouve seul dans Vaugelas : La gloire qui s’acquiert sur des ennemis abjects perd bientôt son lustre. Ce mot vient d’abjectio, qui signifie, Jetter par mépris abandonner une chose comme inutile.

ABIGEAT. s. m. Terme de Droit Romain. L’Abigeat est une action qui consiste à emmener les troupeaux des pâturages, pour se les approprier. Celui qui n’enlève qu’un mouton, ne commet point le crime d’abigeat, mais un simple vol. La distinction de l’abigeat, & du vol simple, n’est pas connue en France.

ABIHAIL. s. m. ou f. Selon qu’il est nom d’homme ou de femme. Car c’est le nom de plusieurs personnes dans l’Ecriture. Quand il est écrit par un ה, on l’interprète Pere de lumiére ou de louange. Et quand il s’écrit par un ח, Abihhail, Pere de force, ou Pere de l’armée, ou de douleur, ou la force du Pere. Leur prince est Suriel, fils d’Abihahiel. Sacy. Nomb. III, 35. Il faut lire Abihhail.

ABIMALIC. La langue d’Abimalie, c’est la langue des Africains Bérebéres, ou anciens & véritables Africains naturels du pays. On la nomme ainsi, à ce que l’on croit, de l’Auteur de leur Grammaire, nommé Abimalik, qui n’est apparemment autre chose qu’Abimelech, c’est-à-dire, Pere de Roi, ou Mon pere Roi.

ABIME, ABIMER. Voyez Abyme}}, Abysmer.

ABIMELECH. s. m. Abimelech. Ce nom, qui est Hébreu, composé de אבי, abi, pere, ou mon pere, & de מלך, Roi, & qui signifie par conséquent pere de Roi, ou plutôt, mon pere Roi, comme qui diroit mon pere & mon Roi, est 1°. un nom propre d’homme dans l’Ecriture. 2°. C’est un nom appellatif, ou comme appellatif, qui paroît commun à tous les Rois de Gérare, comme celui de Pharaon l’étoit à ceux d’Egypte. Car le Roi de Gérare, qui reçut Abraham, s’appelle Abimelech ; & Achis, qui reçut David, est aussi appelé Abimelech dans le titre du xxxiii. Pseaume. C’est un nom très-convenable aux Rois de ces premiers temps, qui furent les peres ou les chefs des familles, en sorte qu’on pourroit les appeler Peres & Rois en même temps. Il est croyable que ce fut là un des premiers que les Rois porterent.

AB-INTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celui qui hérite de droit d’un homme qui n’a point fait de testament, & qui avoit pourtant le pouvoir de tester. Intestato. On ne dit point d’un mineur qu’il est mort ab-intestat ; mais on dit d’un fils qu’il est héritier de son Père ab-intestat. Il y a eu un temps où l’on privoit de sépulture ceux qui étoient décédés ab-intestat : ce qui donna lieu à un Arrêt du 19. Mars 1409. portant défenses à l’Evêque d’Amiens d’empêcher, comme il faisoit, la sépulture des décédés ab-intestat.

ABJURATION, s. f. Renonciation solemnelle à une erreur, à une Hérésie. Erroris confessio ac detestatio. C’est aussi l’acte en forme, par lequel on justifie que l’on a abjuré. Son abjuration est signée de l’Évêque.

Abjuration, se dit aussi dans l’Histoire & les Loix d’Angleterre, du serment qu’un homme qui a commis un crime de felonie, & qui s’est réfugié dans un asyle, fait de sortir du Royaume pour toujours. C’est S. Edouard le Confesseur qui en fit la Loi ; mais depuis elle a été changée. Harris. Selon Boyer, il signifie exil perpétuel. Ce mot vient du Latin abjurare, qui dans Cicéron & dans les autres bons Écrivains de ce temps-là, signifie, Nier quelque chose avec serment.

ABJURER, v. act. Renoncer solemnellement à quelque mauvaise doctrine, à des maximes erronées. Errorem damnare, detestari. Cet homme a abjuré les erreurs de Socin. On dit simplement & absolument, il a abjuré ; pour dire, il a changé de Religion, il s’est converti. On a dit autrefois, abjurer sa Patrie ; pour dire, Quitter la Province pour n’y plus retourner, comme font les bannis & les proscrits. Abnegare Voyez Abjuration.

L’usage de ce terme n’est pas restreint aux matières de Religion. Il sert à exprimer qu’on renonce pour toûjours à certaines choses, & qu’on les abandonne. Il a abjuré la Poësie. Scar. Elle a abjuré tout sentiment de pudeur & de vertu. Pasc.

Abjuré, ée. part. pass. & adj. Damnatus, abjectus, repudiatus.

ABL.

ABLAB, s. m. Arbrisseau de la hauteur d’un sep de vigne, dont les rameaux s’étendent de même. Il croît en Egypte,


& subsiste un siècle, également verd en hyver & en été. Ses feuilles ressemblent à celles de nos fèves de Turquie, & ses fleurs qu’il porte deux fois l’an, au printemps, & en automne, sont presque pareilles. Cette plante produit des fèves qui servent de reméde contre la toux & contre la rétention d’urine. Les Égyptiens s’en nourrissent. Voyez HABLAB.

ABLAIS, s. m. Terme de Pratique en quelques Provinces. Dépouille de bleds. La Coûtume d’Amiens défend d’enlelever les fruits, & ablais, quand ils sont saisis, sans donner caution au Seigneur de ses droits. Ablais, dans les Coutumes d’Amiens & de Ponthieu, sont les bleds coupés qui sont encore sur le champ. Segetes detectae in agro jacentes.

ABLATIF, s. m. Terme de Grammaire. Sixième cas de la déclinaison du nom & du participe, qui exprime un rapport de séparation, de division, ou de privation. Ablativus Casus, auferendi casus. On dit aussi ablatif absolu, quand il est sans régime. On l’a nommé autrefois ablatif égaré. On dit populairement ablativo tout en un tas ; c’est-à-dire, tout ensemble, avec confusion. Le mot d’ablatif Latin a été fait ab auferendo. Priscien l’appelle aussi comparatif, parce qu’il ne sert pas moins à comparer qu’à ôter, parmi les Latins. Les Grammairiens prétendent que les Grecs n’ont point d’ablatif. L’ablatif est opposé au datif, parce qu’on se sert de l’ablatif pour exprimer l’action par laquelle on ôte, comme on se sert du datif pour exprimer l’action par laquelle on donne. Il n’y a pas en François de marque fixe & certaine dans la Grammaire qui distingue l’ablatif de tous les autres cas ; & nous disons qu’un mot est à l’ablatif par analogie avec la Langue Latine. Ainsi dans ces deux phrases, La grandeur de la ville, & Je viens de la ville, nous disons que de la ville dans la première est au genitif, & dans la seconde, à l’ablatif ; parce que cela seroit ainsi en Latin, si les deux phrases étoient exprimées en cette langue.

ABLE, ou ABLETTE, s. m. Petit poisson plat & mince, qui a le dos verd & le ventre blanc. Alburnus. Il se trouve dans les riviéres. Il semble que ce mot vient d’albus, & qu’on dit able,


pour albe, à cause de sa blancheur, par une simple transposition de lettres assez ordinaire dans les Langues.

ABLERET, Terme de pêche. C’est une espèce de filet carré attaché au bout d’une perche, avec lequel on pêche les ables, ou autres petits poissons : ce qui est permis par plusieurs Coûtumes. On l’appelle en quelques pays, Carré. Rete quadratum.

ABLOQUIEZ, adj. plur. Terme de Coutume. Celle d’Amiens défend aux Tenanciers de démolir aucuns édifices abloquiés & solivés, dans l’heritage qu’ils tiennent en roture, sans le consentement de leur Seigneur. Ces mots viennent apparemment de amovere à loco & à solo.

ABLUTION, s. f. Ablutio. Qui n’est en usage en François que pour signifier cette goutte de vin & d’eau qu’on prend après la Communion, pour consommer plus facilement la Sainte Hostie, ou qui sert à laver les doigts du Prêtre qui a consacré, ou dans quelque autre cérémonie ecclésiastique. Faire l’ablution. De là vient qu’on appelle aussi ablution, le vin que l’on mettoit dans un calice pour le donner aux enfans, à qui l’on administroit autrefois la Communion sous la seule espéce liquide. On voit cette coutume dans quelques Rituels voisins du douzième siècle. La ressemblance de cette action avec l’ablution que prennent les Prêtres à la Messe, lui a fait donner le même nom.

Ablution, se dit aussi chez les Religieux qui portent des habits blancs, de l’action de les blanchir & de les nettoyer. Lotio, lotura. Il y a des écriteaux qu’on met dans les cloîtres pour marquer les jours d’ablution.

Ablution. Les Médecins & les Chirurgiens appellent ablution, une préparation du médicament dans quelque liqueur, pour le purger de ses immondices, ou de quelque mauvaise qualité.

ABN.

ABNAQUIS, ISE. s. m. & f. Abnaquii. Peuple de l’Amérique septentrionale, entre la Mer de Nord, le Lac de Champlain, & la rivière de S. Laurent. Maty. Au reste, je ne sai pourquoi Maty & Mr. Corneille écrivent Abnaquiois. J’ai toujours oüi dire Abnaquis par les François qui ont été en Canada ; & un Auteur de Dictionnaire, qui les appelle Abnaquiois, avoue néanmoins qu’on les appelle aussi souvent Abnaquis.

ABNÉGATION, s. f. Terme de dévotion. Renonciation à ses passions, à ses plaisirs, à ses intérêts. Abnegatio. L’abnégation de soi-même est nécessaire pour la perfection Chrétienne. Il n’est guère en usage que dans cette phrase, & pour signifier un renoncement de soi-même, & un détachement de tout ce qui n’a point de rapport à Dieu. L’abnégation & la haine de soi-même recommandées dans l’Evangile, ne sont pas une haine absolue de nous-mêmes, mais de notre corruption. Fenel. La pauvreté religieuse renferme une abnégation & un renoncement sincère à tout ce qui n’est point Dieu, & qui ne peut contribuer ni à sa gloire ni à son service. Ab. d. l. Tr. Vivre dans une sincère abnégation. Id. Ce terme vient du Latin abnegare, qui signifie désavouer, ne vouloir point reconnoître une chose comme sienne.

ABO.

ABOI, Voyez ABBOI.

ABOILAGE, s. m. Vieux mot qui se trouve encore dans quelques Coutumes, & qui signifie un droit du Seigneur sur les abeilles qui se trouvent dans les forêts de leurs Châtellenies. Il a été formé d’aboilles, qu’on disoit autrefois pour abeilles. Ménag.

ABOILE, s. f. Vieux mot qui veut dire une Abeille. Apis.

ABOKELLE. s. f. Terme de Négociant en Egypte & de Relation. C’est le nom que les Arabes donnent à une monnoie de Hollande. Elle vaut moins que la piastre, & les Arabes la nomment ainsi, à cause d’une figure de lion qu’elle porte. Cependant au lieu de lui donner le nom de lion, ils lui donnent celui de kelb, qui signifie chien, soit par mépris pour les Chrétiens, soit pour marquer son bas alloi. Herb. Ce nom vient de אנ, ab, Pere, & kelb, qui est la même chose que l’Hébreu הלנ Chaleb, qui veut dire chien. C’est un Arabisme. Les Arabes disent aba, Pere, au régime de tout ce qui a, qui posséde quelque chose, dans le même sens que les Hébreux disent נן fils. Ainsi aboukelb est une monnoie, qui a un chien gravé, qui est marquée d’un chien. Car proprement il faudroit dire aboukelb, mais on dit vulgairement en Egypte abokelle.

ABOLIR, v. act. Mettre quelque chose hors d’usage, l’abroger, l’annuller. Abolere, abrogare, refigere. Le Magistrat a aboli cette méchante coutume. Le Roi a aboli une telle Loi, une telle procédure ; il a entièrement aboli les duels. Il signifie encore, Détruire, anéantir. Le temps a aboli les plus beaux Monumens de l’antiquité. Il n’y a que le Roi qui puisse abolir un crime ; c’est-à-dire, absoudre le coupable, & l’exempter du châtiment. On dit aussi abolir, ou effacer la mémoire & le souvenir des choses passées. Oblitterare memoriam. Abolir, ou bannir la superstition. Superstitionem tollere. Abolir ou révoquer les impôts. Le temps qui consume tout, abolit tous les jours les noms & les titres qui sont gravés sur ces magnifiques monumens. Bouh. Ce mot vient du Latin abolere, ita extinguere & delere, ut ne oleat quidem.

Abolir, se dit aussi avec les pronoms personnels. Les Mandats Apostoliques se sont abolis par un non usage. Il ne faut pas souffrir que les bonnes coutumes s’abolissent.

Aboli, ie, part. pass. & adj. Abolitus, abrogatus. Loi abolie, Crime aboli.

ABOLISSEMENT, s. m. Abrogation, extinction. Abolitio legis. L’abolissement, ou l’abrogation des Loix se fait par l’établissement des nouvelles. L’abolissement des coutumes arrive par le temps, & par le non usage. L’abolissement des cérémonies Judaiques a été l’effet de la Prédication de l’Évangile.

ABOLITION, s. f. Terme de Chancellerie. Abolitio criminis. Lettres de pardon du Prince, par lesquelles il abolit entièrement un crime qui n’est pas remissible par les Ordonnances, sans même qu’on soit tenu d’en expliquer les circonstances, & de les rendre conformes aux informations, ainsi qu’il est requis aux Lettres de grace, qui ne s’accordent que pour les cas remissibles. Absolutoriæ litteræ. Les Lettres d’abolition doivent contenir cette clause : En quelque sorte & manière que le cas puisse être arrivé. Celui qui obtient l’abolition de son crime se met au nombre des innocens, & reprend son premier rang, Liv. III. ff. de accusat. De Roch. Quoique la parole d’un Roi soit un fondement inébranlable ? néanmoins en matière de crime de Lèze-Majesté, il faut toujours faire entériner les Lettres d’abolition au Parlement. Matthieu, en la vie de Henri IV. Liv. V. De Roch. L’amnistie est une abolition générale de tout ce qui s’est commis durant la Guerre Civile. Un vrai acte de contrition emporte l’abolition de tous les péchés : en ce cas il signifie Absolution. Les Lettres d’abolition pour les Gentilshommes, sont adressées aux Parlemens ; & pour les Roturiers aux Baillifs, Sénéchaux, ou à leur défaut aux autres Juges ressortissans nuement aux Parlemens, pourvû, suivant la Déclaration de 1681. que les crimes aient été commis dans leur ressort. Le Roi n’accorde point de Lettres d’abolition pour les duels, les assassinats prémédités, le crime de rapt commis par violence. Ordonnance de 1670. Tit. XVI.

Abolition, signifie aussi la destruction d’une Loi, d’une Coutume. On a eu bien de la peine à faire une entière abolition des superstitions Payennes. L’entière abolition de l’Ordre des Templiers.

ABOMASUS. C’est l’un des estomacs des animaux qui ruminent. On en compte quatre. Venter, Reticulum, Omasus & Abomasus. Harris Ce mot est latin, & vient d’Omasus, ou Omasum, qui se trouve dans Pline.

ABOMINABLE. adj. m. & f. Horrible, détestable, exécrable. Abominandus, detestandus. Le repas d’Atrée & de Thyeste fut un repas abominable. Néron étoit un monstre abominable, L’hérésie d’Arius étoit abominable. Le parricide est un crime abominable. Il se dit par exagération de tout ce qui est très-mauvais. Une phrase abominable, une musique abominable.

ABOMINABLEMENT. adv. Exécrablement, horriblement. Abominandum, detestandum in modum. Il en a usé avec lui abominablement ; c’est-à-dire, d’une manière détestable : & par exagération, il écrit abominablement.

ABOMINATION. s. f. Horreur, exécration. Abominanda, detestanda res. L’Eglise a cette opinion en abomination. Le Seigneur a en abomination les sanguinaires. Saen. Ce scélérat est en abomination à tous les gens de bien. Ce mot signifie aussi la chose, ou la personne même abominable. Ce brigand commet tous les jours mille abominations. Il est l’abomination de tous les gens de bien.

ABOMINER. v. a. Vieux mot qui n’est plus en usage. Avoir en horreur. Abominari, execrari.

Ces mots viennent d’abominari, comme qui diroit, ab omine rejicere, rejicere tamquam malum, Rejeter une chose comme si elle étoit de mauvais augure.

ABONDAMMENT. adv. En abondance. Abundanter, abundè, copiosè, cumulatè. Cette source donne de l’eau abondamment. Ce champ me fournit abondamment de quoi vivre. Le Parasite ne seme ni ne moissonne, & trouve tout abondamment.

ABONDANCE, s. f. Foison, grande quantité, affluence de plusieurs choses en un même lieu. Abundantia, copia. La commodité des rivières amène l’abondance à Paris. Le luxe, les plaisirs, enfans de l’abondance. Cail. On se lasse des plaisirs, & l’abondance engendre le dégoût. Ablanc. L’abondance n’est pas toujours la marque de la perfection des Langues. Bouh. Tu


épouseras une femme gentille, qui fera venir l’abondance chez toi. Mol. Il étoit dans une heureuse abondance de toutes choses. Patr. Il fit un fonds dans les années d’abondance, pour passer celles de stérilité. Gomb. Il a abondance de bien, ou des biens en abondance. L’Auteur du Dictionnaire Œconomique rapporte plusieurs manières, ou secrets de faire une grande abondance de bled, de crème, de pèches, de poires, &c. On dit aussi, abondance de droit. Dieu verse sur nous ses graces en abondance. Une année d’abondance. Pour exprimer qu’une grande abondance nuit quelquefois, ou rend les gens fainéans & inutiles, on a fait plusieurs devises. L’une a pour corps un arbre, dont les branches se sont rompues sous le poids des fruits dont il étoit chargé, avec ce mot : Inopem me copia fecit. L’abondance m’a appauvri. Ou bien une chandelle qui se fond à un grand feu, au lieu de s’y allumer, avec le même mot. Une chèvre bien grasse : Sterilescit obesa.

On appelle la corne de la chèvre Amalthée, la corne d’abondance. Copiæ cornu. En Sculpture & en Peinture, c’est une figure de corne d’où il sort des fruits. L’Architecture de ce Palais est ornée par-tout de cornes d’abondance. A l’égard des Médailles on observe qu’elle se donne à toutes les Divinités, aux Génies, aux Héros, pour marquer les richesses & l’abondance, procurées par la bonté des Dieux, & par la valeur des Héros. Quelquefois l’on en met deux pour marquer une abondance extraordinaire.

L’abondance est quelquefois représentée sur les Médailles, sous la forme d’une Divinité. Elle tient à la main des épics, & elle a à ses pieds un pavot entre des épics sortant d’un boisseau.

On dit proverbialement, De l’abondance du cœur la bouche parle ; pour dire, qu’on ne peut retenir certaines choses, & qu’on est pressé de s’en expliquer.

ABONDANCE, s. m. Nom propre d’homme. Abundantius. Il y a plusieurs Saints de ce nom. Celui que le Martyrologe Romain appelle Abonde le 27. Février, s’appelle Abondance, comme il paroît par le Martyrologe de Saint Jérôme, & ceux qui l’ont suivi. C’est une erreur de Galesinius d’avoir mis Abondien pour Abondance : ce qui a fait mettre Abonde à Baronius, sans appercevoir que son propre manuscrit de Saint Cyriaque avoit Abondance. Chast.

ABONDANT, ante. adj. Abundans, affluens, circumfluens, qui abonde, qui procure l’abondance. Un jardin abondant en fruits. La langue Grecque est fort abondante en mots. Cette maison est abondante en biens. Ce Prédicateur est abondant en paroles & en comparaisons. La Perse étoit alors paisible & abondante en toutes choses. Vaug.

Abondant, signifie encore, Grand & ample. Une pluie abondante. Une abondante nourriture. La profusion des louanges est aujourd’hui si abondante, qu’il est surprenant que tant de gens en soient si avides. Port-Royal. Un nombre abondant, en terme d’Arithmétique, est celui dont les parties jointes ensemble par addition, font un autre nombre plus grand que celui dont elles font parties. Ainsi 12, est un nombre abondant, parce que ses parties qui sont 1, 2, 3, 4, & 6, font seize. Harris. Mais 10 n’est pas un nombre abondant, parce que 1, 2 & 5, qui sont ses parties, ne font que 8.

d’Abondant. adv. Insuper, prætereà. Il lui a dit cela d’abondant. Ce mot vieillit, & ne se dit guère qu’au Palais. Vaug.

ABONDE. s. m. Nom propre d’homme. Abundius.

ABONDER. v. n. Avoir beaucoup de quelque chose. Abundare, affluere, circumfluere. Ce pays abonde en froment, en vin, en fourrages. Cet homme abonde en richesses, en esprit. Toutes sortes de délices abondent en ce lieu. Voit. L’eau abonde en cet étang. Cette famille abonde en honnêtes gens.

On dit figurément, qu’Un homme abonde en son sens ; pour dire, qu’il est attaché avec opiniâtreté à ses opinions, & qu’il ne veut jamais s’en rapporter au sentiment des autres. Pertinax. On parleroit mal en disant, Abonder en son sentiment, quoique sens & sentiment soient ici la même chose. Vaug. Tout abonde en vûes & en considérations politiques. Ab. De la Tr.

Fuyez de tant d’Auteurs l’abondance stérile,
& ne vous chargez point d’un détail inutile. Boileau.

Il abonde en malice, en mauvais raisonnemens. L’Écriture dit que la grace abondera où le péché a abondé. On dit proverbialement, Ce qui abonde ne vitie pas.

Ces mots viennent du Latin abundare, qui vient de unda, & qui se dit en premier lieu des rivières quand elles sont grosses, & ensuite par rapport de toutes les choses qui sont en grande quantité.

ABONNEMENT, ou ABOURNEMENT, ABONNAGE, ou ABOURNAGE. s. m. Traité ou convention, par lequel on abonne, c’est-à-dire, on vend ou on rachete à un prix certain une redevance incertaine. Clientelaris juris venditio, vel redemptio. Ce mot vient de ce qu’on met de certaines bornes & limites aux droits incertains qu’on pourroit prétendre. Paq. On disoit même autrefois bonnes pour bornes, ou limites. C’est pourquoi on disoit, Abonner un héritage ; pour dire, y mettre des bornes. Ménag. Il est abonné à tant par an pour tous droits Seigneuriaux. Ce Marchand est abonné à cent écus par an avec le Douanier, pour les droits d’entrée de toutes ses marchandises. Il se dit avec le pronom personnel : Je m’abonnai, je suis abonné. Dans plusieurs Coutumes, les roussins de service sont abonnés à un écu. Les abonnemens avec les Sous-Fermiers des Aides sont obligatoires, pourvû qu’ils soient rédigés par écrit, & il est défendu d’en recevoir la preuve par témoins. Ordonn. de 1680 sur le fait des Aides.

Abonner ou abourner. v. a. Terme de Palais. Estimer & réduire à une certaine somme d’argent un droit qu’on recevoit ou qu’on payoit en espèces, & dont le prix étoit incertain. Clientelaria jura vendere, vel redimere. Dans l’usage ordinaire on dit abonner, & non pas abourner.

Abonner, signifie aussi, Aliéner, changer : c’est quand un vassal aliène ses rentes, ou change son hommage en quelque autre devoir. Abalienare, commutare. Voyez les Coutumes d’Anjou & du Maine. L’ancienne Coûtume de Tours portoit aliéner, au lieu d’abonner, qui est en la nouvelle.

Abonner, est aussi quelquefois neutre passif, & l’on dit : Je suis abonné à tant avec le Fermier des Aides ; c’est-à-dire, je suis convenu avec lui qu’au lieu de lui payer à chaque tonneau de vin que je ferai entrer, ou que je vendrai, la somme qui lui revient, je lui donnerai par an ou par mois, une telle somme pour tous ceux que je pourrai faire entrer, ou vendre. En cette forme on le joint quelquefois au pronom personnel. Je me suis abonné. Il s’étoit abonné. Vous vous seriez abonné.

Abonné, ée, part. Venditus, vel redemptus. Champart abonné ou abourné. Les Coutumes font aussi souvent mention d’hommes & de femmes serfs abonnés, de quête abonnée, d’aides abonnées ; c’est-à-dire, fixées.

On dit aussi, Des Meûniers abonnés au Seigneur, pour avoir permission de chasser, & de chercher les mounées dans sa Seigneurie.

On dit aussi, Taille abonnée en la Coutume de Nevers, & abournée en la Coutume de Troyes.

ABONNI, IE. part. Melior redditus, effectus. En salant les viandes, elles en sont abonnies. La Quint.

ABONNIR. v. act. & pron. Rendre meilleur, ou devenir meilleur. Rem meliorem facere, meliorem fieri. Les Cabaretiers trouvent moyen d’Abonnir leur vin par des drogues qu’ils y mêlent. On le dit aussi avec le pronom personnel. Cet homme s’abonnit tous les jours depuis qu’il hante les gens de bien. Les fruits s’abonnissent en mûrissant. Ce mot se tire du Latin bonus, bon. Il n’est en usage que dans la conversation.

Abonnir, terme de Potier, qui signifie Faire sécher le carreau, & le mettre en état de rebattre. Siccare, durare.

ABORD. subst. m. Entrée, accès, approche. Aditus. Les abords de cette place sont dangereux. Toutes les côtes d’Angleterre & de Hollande sont de difficile abord. Lecommerce fleurit d’ordinaire dans les ports qui sont de facile abord. Ce mot est composé de à & de bord, signifiant Rivage.

Abord, se dit aussi de l’accès qu’on donne aux personnes qui ont à faire à nous. Le premier abord de cette femme est froid, & dédaigneux. Ce Prince a l’abord doux & gracieux. Sa bonté inspiroit de la confiance à ceux ausquels l’impression de ses grandeurs pouvoit faire appréhender son abord. Le P. Gail. Ce Juge est rebarbatif, il a l’abord brusque & désagréable. Il se dit aussi de la présence, de la vûe. Son abord importun me fait fuir. Préparez-vous à soutenir avec fermeté l’abord de votre Père. Mol.

Son air, son abord engage,
Il plait, il charme, il surprend ;
Il est grand en esprit, il est grand en courage,
Et son plus simple langage
A quelque chose de grand. L’Ab. Testu.

Abord, se dit de l’affluence des personnes, ou des marchandises qui arrivent en un même lieu. Appulsus. Constantinople est une ville d’un grand abord. Il y a un grand abord de Pelerins à Rome pendant l’année du Jubilé. Il y a un grand abord de joueurs, de beau monde dans une telle maison. L’abord des Marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établie dans les échelles d’Orient.

Abord, signifie encore, Arrivée. A notre abord dans l’Isle nous fûmes attaqués. Ablanc. Son abord dans le Royaume allarma tout le monde.


Abord, se dit aussi d’une attaque d’ennemis, soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à craindre, on ne peut soutenir leur premier abord. L’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau. Impetus, assultus.

d’Abord, tout d’abord, de prime abord, à la première vûe, sont des phrases adverbiales. Primo aspectu, prima fronte. Du commencement. Principio, initio. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. Tout d’abord a une signification plus forte. Quoique je n’eusse point vu cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. Cette nouvelle me surprit d’abord. Au premier abord ils se regarderent fièrement. De prime abord est vieilli, & se dit moins aujourd’hui.

d’Abord, incontinent. Aussitôt. Statim.

ABORDABLE. a. m. & f. Accessible, Ad quem facilis est aditus. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. Cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

ABORDAGE, s. m. Terme de marine, qui se dit lorsque deux vaisseaux se heurtent, ou s’accrochent pour se combattre. Appulsus. Aller à l’abordage, se dit de l’action d’un vaisseau qui en a joint un autre pour l’enlever. Faire l’abordage en belle ou de bout au corps ; c’est-à-dire, l’éperon dans le flanc. L’abordage de franc étable, est celui qui se fait par le devant, & en droiture, pour s’enferrer par les éperons. L’abordage de bout au corps, c’est mettre l’éperon dans le flanc.

Abordage, se dit aussi du choc de deux vaisseaux du même parti, soit lorsqu’ils vont en flotte, soit lorsqu’ils sont en même mouillage ; ce qui arrive par la violence des flots ou des vents qui les portent, & qui les font dériver les uns sur les autres.

ABORDER, v. n. Arriver en quelque lieu, spécialement par mer ; prendre terre. Navem, classem ad portum appellere. J’aborde, j’abordai, je suis abordé. Les Marchands abordent de tous côtés à la foire de Beaucaire le 21. de Juillet. On ne convient pas qu’Enée soit abordé en Italie. Il n’est pas sûr d’aborder à cette côte, parce que la mer se retirant, les vaisseaux y demeurent à sec. Ablanc. Il ne put aborder à cause que la rive étoit escarpée. Id. Ils aborderent en des pays inconnus. Vaug. Il signifie, Arriver en foule. Les présens abordent chez moi de toutes parts. Ablanc. Il signifie encore, Entrer, parvenir. Nous ne pûmes aborder de la place, parce que toutes les avenues étoient gardées. Il fut impossible d’aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du Peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemi de mettre pavillon bas, & d’aborder. Accedere. On dit de deux vaisseaux qui s’approchant en droiture, s’enferrent par leurs éperons, qu’ils s’abordent de franc étable. On dit, Aborder au port, sur les rivières : mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.

Aborder, v. act. signifie, attaquer l’ennemi hardiment, tant par mer, que par terre. Aggredi, invadere. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toujours d’empêcher qu’on ne les aborde. Ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

On dit aussi, Qu’on n’oseroit, ou qu’on ne peut aborder un lieu, à cause de la situation, ou de quelque autre obstacle qui le rend inaccessible, soit des voleurs, ou des bêtes farouches. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder de la basse-cour.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour lui parler. Adire aliquem, congredi cum aliquo. Ce Ministre est si honnête qu’on l’aborde facilement. Il l’aborda avec ce compliment : Les Grands doivent soulager le respect & la timidité de ceux qui n’osent les aborder. M. Esp.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lorsque la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix cachée dans le buisson.

Abordé, ée, part. & adj. Appulsus.

ABORNER. v. a. Ce mot se trouve dans le Roman de la Rose, pour dire, Abhorrer : il vient d’abhorrere. Borel.

ABORIGINES, ou Aborigènes. s. m. & pl. Il y a quatre principales opinions sur l’origine de ce peuple, qui feront connoître en même temps celle du nom. 1°. Aurelius Victor les appelle Aborigènes, comme si l’on disoit Abeorigenes, vagabonds, de ab & erro. J’erre çà & là : & il prétend que ce sont des Scythes, qui vinrent demeurer dans cette partie de l’Italie : Festus est aussi de ce sentiment. S. Jérôme dit qu’ils ont été appelés Aborigenes, parce qu’ils n’avoient point d’origine, de ab & origo, origine ; c’est-à-dire, parce qu’ils étoient originaires du pays, & non point d’une Colonie venue de nouveau, ou, comme dit Denis d’Halicarnasse qui rapporte ce sentiment, mais sans l’embrasser, διὰ τὸ γενέσεως τοῖς μετ´ αὐτοὺς ἄρξαι, parce qu’ils furent les chefs de la postérité qui habita ce pays. Virgile semble être de ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 177.

Saturnusque Senex Janique Bifrontis Imago,
Vestibulo adstabant, aliique ab origine Reges.

Car Servius remarque, que ab origine Reges, est mis pour Ab originum Reges. & Pline, Liv. IV dit qu’on appelle les Tyriens Aborigines Gadium, les Aborigines de Cadix, parce qu’ils en étoient les fondateurs. 3°. Denis d’Halicarnasse croit qu’ils sont appelés Aborigines ; Ἀϐοριγῖνες de ce qu’ils habitoient les montagnes, comme qui diroit Ἀπὸ ὄρεσι à Montibus. Virgile semble favoriser ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 321. v. 177.

Is genus indocile ac dispersum, Montibus altis
Composuit, legesque dedit.

D’autres, dit Danet, en suivant la même opinion, le dérivent de ab, pere, & de ori, caverne, ou lieu creux. L’origine est Hébraïque, mais il falloit dire, har, ouhor, Montagne, pere des montagnes : fils des montagnes, בני הרים seroit plus dans le génie de la Langue Hébraïque.

Quelques Auteurs prétendent que Cham, qui étoit le Saturne des Egyptiens, ayant ramassé divers peuples errans, les conduisit en Italie. Tite-Live & Denis d’Halicarnasse assûrent que les Aborigines vinrent d’Arcadie sous la conduite d’Œnotrus, fils de Lycaon : Genebrard prétend que ce sont des Phéniciens, ou Chananéens chassés par Josué. Outre les Auteurs que je viens de citer, voyez Suidas, & les Notes de Portus. Jean Picard dans la Celtopædie, Liv. V, prétend que les Aborigines étoient une Colonie Gauloise. Il se fonde non-seulement sur Caton & Solin, mais encore sur Timagène, fameux historien Grec, dont Suidas nous a conservé le témoignage, & sur Ammien Marcellin, qui dit, que les Aborigines parurent d’abord dans les Gaules. Danet & Maty écrivent Aborigènes, mais M. Corneille écrit Aborigines.

ABORNER, v. act. Terme de Géométrie. Donner des bornes à une terre. Limites ponere, statuere.

ABORTIF, ive, adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, ni la maturité. Abortivus. Il ne se dit guère que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un Enfant en cette phrase de l’Ecriture : Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi souvent en Médecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le temps.

ABOUCHEMENT, s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conférence. Collocutio. L’abouchement des Grands Princes à été souvent nuisible à leurs Etats. On a plutôt terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de négociation par lettres.

Abouchement, Terme d’Anatomie. La rencontre & l’union de deux vaisseaux, des veines & des artères. Venarum, arteriarum concursus.

ABOUCHER, v. act. Aborder quelqu’un, lui parler tête à tête, conférer avec lui bouche à bouche. Colloqui. On ne peut aboucher cet homme là, tant il a d’affaires. Il signifie aussi, Faire conférer une personne avec un autre. Je les ai abouchés, & ils ont terminé leurs affaires. On le dit plus volontiers avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de Parti s’abouchent ensemble. Les Rois de France & d’Espagne se sont abouchés pour la Paix des Pyrenées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l’un dans l’autre, qui se touchent, qui se communiquent. Tubum cum tubo jungere. On le dit particulièrement en Médecine des veines & des artères, & autres vaisseaux qui ont de la communication, dont les orifices se touchent. Confluere, conjungi.

ABOUEMENT, ou plutôt BOUEMENT, s. m. Terme de Menuiserie. On appelle assemblage d’abouement, celui où la plus grande partie de la pièce est quarrée, & la moindre partie à onglet.

ABOUGRI, ou plutôt RABOUGRI. Terme dont on se sert dans les forêts, pour signifier des bois de mauvaise venue, dont le tronc est court, raboteux, plein de nœuds, & qui ne poussent guère de branches. Arbor retorrida, perusta, scabra. Le bois abougri n’est point propre pour les ouvrages, & est sujet au recépage.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c’est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu’on appelle vache. Recentis salis ad veteris cumulum accessio. L’Ordonnance défend l’abouquement, si ce n’est en présence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. a. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel. Veteri sali recentem addere.

ABOUTÉ. adj. Terme de Blason, qui se dit de quatre hermi-


nes dont les bouts se répondent & se joignent en croix. Vellera velleribus in crucem obversa.

ABOUTIR, v. n. Finir, tendre, se rendre, terminer à un certain endroit, en toucher un bout. Terminari. Cette maison aboutit au grand chemin. Tous les rayons d’un cercle aboutissent à son centre. Cette Pyramide aboutit en pointe. Vaug.

Aboutir, se dit figurément en Morale, de la fin que les choses peuvent avoir. Spectare, pertinere. Ce procès a abouti enfin à une transaction. On ne sait où aboutiront tous ces grands desseins. Cette grande recherche n’aboutira à rien. Ce long compliment n’a abouti qu’à me demander de l’argent à prêter. Les murmures alloient aboutir à une sédition. Vaug.

Aboutir, se dit aussi en Médecine, d’une plaie qui vient à suppuration. Suppurare. On met des emplâtres, des cataplasmes, pour faire aboutir des bubons, des abcès, des froncles, des tumeurs.

Aboutir, en termes de Plombier, signifie, Revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre saillie d’Architecture & de Sculpture de bois. Plumbeas lamellas operi sculpto superaddere. On se sert pour cela de coins, & autres outils ; mais ensorte que l’épaisseur du métal n’empêche pas que le profil ne se conserve. Quelques-uns disent amboutir.

Aboutir, v. n. & n. p. avec le pronom personnel, se dit en termes de jardinage, pour signifier que les arbres sont boutonnés. Ainsi nos Jardiniers disent : Nos arbres s’aboutissent fort bien cette année. Les poiriers s’aboutirent très-peu l’année passée. Nos péchers sont bien aboutis. On applique ce mot aux arbres par rapport à aboutir, qui signifie à l’égard des animaux, faire comme une espèce de tête, un abcès ; en Latin, Caput facere ; parce que les boutons des arbres naissent comme de petites têtes. Liger. Peut-être aussi que les Jardiniers qui n’entendent pas tant, de finesse, l’ont tiré de bouton, & l’ont dit au lieu de boutonner. Je doute que nos Jardiniers sachent ce que veut dire aboutir en termes de Médecine. Arbres bien ou mal aprêtés, bien ou mal préparés, bien ou mal aboutis, sont termes qui signifient la même chose. La Quint.

ABOUTISSANT, ante. adj. Qui touche par un bout. Terminatus. Cette pièce de pré est aboutissante à la rivière par un bout, & par l’autre à la varenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forêt & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans ; ce sont les bouts, & les côtés par où il tient à d’autres.

On dit au Palais, Donner une déclaration d’héritage par tenans & aboutissans, quand on désigne les bornes & les limites de tous les côtés : ce qu’on appelle autrement les bouts & joûtes. Fines laterum & capitum agri. Une saisie réelle des biens roturiers doit contenir tous les tenans & aboutissans.

On dit figurément, Savoir tous les tenans & aboutissans d’une affaire, d’une entreprise ; pour dire, En connoître parfaitement le secret, en savoir le fort & le foible, toutes les circonstances & les dépendances. Singula causæ capita, ordo rei & series.

ABOUTISSEMENT, s. m. Terme de couture. C’est une pièce d’étoffe que l’on coud avec une autre qui n’est pas assez longue pour aller jusqu’où l’on veut. Productio. Cette pièce est trop courte, il y faut mettre un aboutissement pour l’allonger.

ABOUTS, au lieu de BOUTS. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des extrémités de toutes les pièces de Charpenterie & de Menuiserie mises en œuvre. C’est dans l’assemblage de la Charpenterie, la partie du bout d’une pièce de bois, depuis une entaille, ou une mortoise. Materiaræ structuræ extrema. Les Couvreurs disent aussi, On remanie about.

Tous ces mots viennent de bout.

ABOYER, Voyez ABOYER.

ABR.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’est dans la 192e Lettre à M. Costar, qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre.

Inscribas chartæ quod dicitur Abracadabra.
Sæpius & subter repetas, mirabile dictu,
Doneo in angustum redigatur littera conum.

C’est-à-dire, Abracadabra, & au-dessous Abracadabr, & à la troisième ligne, Abracadab, &c. Mr Voiture a raison de se railler de cette recette, & on auroit de la peine à croire que personne y eût jamais ajoûté foi, si l’on ne savoit d’ailleurs de quels excès l’esprit humain est capable, lorsqu’il s’abandonne à la superstition & à l’amour des nouveautés en fait de Religion.

Abracadabra, étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’Auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien. Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept Cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit d’autres pareilles rêveries. S. Jérôme, dans son Commentaire sur le chap. 3. du Prophète Amos, écrit que le Dieu ΑΒῬΑΞΑΣ est le même que les Payens adoroient sous le nom Mitra ; & l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un Lion couronné de rayon a pour inscription ϺΙΘΡΑΚ ou ΜΙΘΡΑΞ. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de Lions, de Dragons, &c. Les Anciens qui en ont parlé sont S. Irenée, Liv. 1. Ch. 24. de la dernière édition, Tertullien de Praescript. Ch. 46. S. Epiphane haer. 24. num. 7. & 8. S. Jérôme à l’endroit que j’ai cité, Théodoret, haer. & fabul. Liv. 1. Ch. 4. S. Augustin haeres. 4. S. Jean Damascène haer. 24. Tous ces Pères n’attribuent la fable du Dieu qu’à Basilides, & aux Basilidiens. Parmi les Modernes Macarius & Chiflet ont fait des traités sur cet. Baronius, Gassendi, Du Gange, le Père Hardouin dans une Dissertation particulière, le P. Mont-faucon Palaeogr. L. II. Ch. 8. Feuardent, & le P. Massuet dans leurs Notes sur S. Irenée, en font aussi mention,

Le mot qu’on a écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractères Grecs, ΑΒῬΑΞΑΣ, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365. si on l’écrit en Latin : cette faute, qui est dans la plupart des livres, vient de ce que la Lettre Grecque Sigma a la figure d’un C. Latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en Latin, il faut écrire Abrasax, & en lettres Grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second Tome des Annales Ecclésiastiques qu’il falloit lire ΑΒΡΑΣΑΞ, & non pas ΑΒΡΑΞΑΣ. Car dans tous les Pères Grecs qui en parlent ; c’est-à-dire, S. Epiphane, Théodoret, S. Jean Damascène, on lit Ἀβρασὰξ. Il n’y a que dans les Latins qu’on trouve Abraxas, & Abraxan, à l’accusatif. Il est vrai que dans S. Irenée on lit Ἀβραξὰς ; mais nous n’avons qu’en Latin le chapitre où il en parle, & si Ἀβραξὰς y est écrit en Grec, c’est aux Copistes Latins, ou aux Editeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très-facile qu’on ait transporté le Ξ & le Σ. Il paroît même, surtout par S. Jérôme, que c’est l’usage qui avoit fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent Ἀβραξὰς. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avoit introduit, ou une faute de Graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μϑραξ au lieu de Μϑραϰ.

ABRAHAM. s. m. Abraham, Abrahamus. Nom propre d’un saint Patriarche fils de Tharé, ou comme l’on prononce en Hébreu, Tharahh, & pere d’Isaac, aïeul de Jacob, & par lui pere de tous les Hébreux, qui sont souvent appelés les enfans, c’est-à-dire, les descendans d’Abraham. Dieu tira Abraham de la Chaldée, & le conduisit dans la terre de Chanaan, où il entra à l’âge de 75 ans. Ce Patriarche s’appeloit d’abord Abram, qui signifie Pater excelsus. Après les promesses que Dieu lui fit d’une postérité nombreuse, il lui changea son nom en ajoutant un ה hé, au milieu, le nommant Abraham. Les Rabbins trouvent de grands mystères dans ce hé, ה, ajouté. Nos Interprètes expliquent ce mot en plusieurs manières. Les uns disent que אברהם, Abraham, est la même chose que אב המון, Pere de multitude ; c’est-à-dire d’une nation grande & nombreuse. D’autres disent que c’est אביר המון, Multitude forte, puissante. D’autres croient qu’il est composé de trois mots אב רב & אמון, ce qui signifie Pere d’une grande multitude. D’autres enfin, que c’est une contraction du premier nom de ce Patriarche אברם, Abram, & המון, amon, d’où l’on a dit אברהם c’est-à-dire, Pater excelsus multitudinis ; Pere Haut, c’est-à-dire, glorieux d’une multitude, ou d’une nation nombreuse. La foi d’Abraham est célébre dans l’Ecriture. Dans le même style un enfant d’Abraham est quelquefois un homme fidèle, plein de foi, qui imite la foi d’Abraham. Les Arabes disent Ebrahim, & les Turcs Ibrahim.

ABRAHAMIEN, enne, ou ABRAHAMITE. s. m. & f. Abrahamianus, Abrahamita. Nom de Secte. Les Abrahamites nommés par les Arabes Ibrahimiah, du nom de leur Auteur Ibrahim ou Abraham, parurent sur la fin du second siècle de l’hégire, & au commencement du neuvième de Jesus-Christ, sous l’Empire de Nicéphore en Orient, & de Charlemagne en Occident : ce fut dans Antioche, sa patrie, qu’Ibrahim renouvella la Secte des Paulianistes. Cyriaque, alors Patriarche d’Antioche, lui résista puissamment. D’Herb.

ABRAHAMITES, sont aussi des Moines Catholiques du IXe siècle, qui souffrirent le martyre pour le culte des images sous Théophile, ainsi qu’on le peut voir dans le Continuateur de Constantin Porphyrogénéte, L. III. C. II. & dans Cedrenus.

ABRAME. s. m. Nom d’homme. Abramius. Sozom. L. II C. 16. M. Chappel. 4. Fév.

ABRAMEZ. subst. m. Nom d’homme. Abraames. Chapp. 14. Fév.

ABRÉGÉ, s. m. Sommaire, épitome, racourci ; discours dans lequel on réduit en peu de paroles ce qui est ailleurs plus ample & plus étendu. Epitome. Abrégé de l’Histoire Romaine. Mézerai a fait l’abrégé de sa grande Histoire en trois volumes in quarto.

On dit aussi, Un abrégé des merveilles du monde, quand on veut bien louer une chose, ou une personne qui a toutes sortes de perfections, & où on trouve tout ce qu’on peut voir de beau ailleurs. Orbis miraculum. Les Anglois disent que Londres est l’épitome, ou l’abrégé du monde. L’homme est appellé microcosme ; pour dire qu’il est un abrégé des merveilles de l’Univers. L’amour est la plénitude & l’abrégé de toute la Loi. Port-R. Voici l’abrégé de toute la sagesse, & de toute la folie. Ablanc.

Abrégé, signifie aussi abréviation, retranchement de quelques lettres dans un mot, pour écrire plus promptement, & en moins d’espace. Compendium scribendi. Il est malaisé de déchifrer les abrégés qui sont dans les Bulles, & les signatures de la Cour de Rome. Pelis.

Abrégé, en termes d’Organiste, se dit d’une certaine réduction des touches du clavier de l’orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche qui n’a que deux pieds de long se rapporte à chaque soupape des sommiers, qui sont longs de 4. 5. ou 6. pieds ; ce qui se fait par plusieurs barreaux, pointes & chevilles : d’où vient qu’une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant une orgue, on connoît que les abrégés sont bien faits, lorsque le clavier n’est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lorsqu’il se ferme aisément, & qu’il n’est pas besoin d’enfoncer beaucoup les touches.

En Abrégé, adv. Sommairement, en peu de paroles. Summatim. Pour profiter de la lecture, il faut recueillir en abrégé ce qu’on trouve de plus curieux dans les Livres. Contez-nous la chose en abrégé, sans tant de circuits & de détours.

ABRÉGEMENT, s. m. Accourcissement. Contractio. Ce mot a été renouvellé, parce qu’il est très-commode. Le P. Bouhours le condamne pourtant dans cette phrase : Ceux qui ont voulu introduire l’usage des tables, semblent avoir été trompés par l’abrègement des paroles & du papier. Port-R.

ABRÉGER, v. act. Rendre en moins de paroles, ou renfermer dans un plus petit espace ; racourcir, resserrer ce qui est trop diffus. Contrahere. Abréger son discours, dire succinctement. On a abrégé le temps de son exil. Cette traverse abrége le chemin. Viæ compendium. Les jours de l’homme ont été abrégés, & réduits à 120. ans depuis le Deluge. Les excès abrégent la vie. Ablanc. Ce mot vient de abbreviare. Nicod.

Abrégé, ée, part. & adj. Racourci, le plus court. Contractus. Chemin abrégé pour aller à la gloire.

Pour abréger, Façon de parler adverbiale ; pour dire, enfin, pour conclusion. Quid multa, ne longum sit. On dit aussi, Abrégez, quand un Supérieur est ennuyé d’un discours trop prolixe qu’on lui fait. Contrahe. On le dit aussi en un calcul de jettons quand il y a trop de jettons sur une même ligne.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio. Le peuple s’en sert encore quand on lui dit ou qu’on lui fait quelque chose qui lui déplaît, à quoi il ne veut point participer ; & ce mot a de l’énergie, & marque quelque horreur, & comme Harris l’a remarqué du mot abrenonciation, un renoncement, un abandonnement entier ; tel en un mot que celui par lequel on renonce au Démon, d’où ce mot est pris.

ABRÉVIATEUR, s. m. Celui qui abrége un livre. Qui epitome conficit. Mr de Sponde Evêque de Pamiers est l’abréviateur de Baronius. Mr Bernier a rendu un grand service au Public ; il est l’abréviateur de Gassendi. Les abréviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux. Il faut du bon goût & de l’intelligence pour être un excellent abréviateur.

Abréviateur, se dit encore de deux sortes d’Officiers de la Chancellerie Romaine. Les Abreviateurs, qu’on appelle de parco majori, sont des Prélats à qui le Régent de la Chancellerie distribue les Supliques, & qui ont des Substituts pour dresser la minute des Bulles. Et les Abréviateurs de parco minori ont le soin de dresser les dispenses de mariage.