Dictionnaire de Trévoux/3e édition, 1732/Tome 1/031-040

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Trévoux, 1732
Tome 1, pages 031 à 040

pages 041 à 050


qui ont fait venir ce nom de Cadmus, parce qu’il sut le premier Instaurateur des Lettres chez les Grecs, se sont trompés. D’autres disent que ce mot est composé de deux mots Grecs, δείζ, qui signifie remède, & δέμοζ, qui veut dire Peuple, comme si les Académies étoient le remède du Peuple. Sa véritable origine vient d’Academus, ou Ecademus, nom propre d’un Bourgeois d’Athènes, dont la maison servit à enseigner la Philosophie. Il vivoit du temps de Thésée. C’est dans sa maison située dans le fauxbourg d’Athènes, que Platon enseigna la Philosophie. Cimon l’orna, & l’embellit de fontaines & d’allées d’arbres, pour la commodité des Philosophes qui s’y assembloient. On y enterroit les grands hommes qui avoient rendu de signalés services à la Patrie. Depuis Platon tous les lieux où se sont assemblés les gens de Lettres, ont été nommés Académie. Sylla sacrifia aux loix de la Guerre les délicieux bocages, & les belles allées que Cimon avoit fait dresser dans l’Académie d’Athènes, & employa ces arbres à faire des machines pour battre la Ville. Cicéron avoit une maison près de Pouzzol, à qui il donna le même nom : c’est là qu’il écrivit ses Questions Académiques & ses livres de Naturâ Deorum, de Amicitiâ, & de Officiis, dit Mr Harris.

Académie se prend aussi pour la Secte des Philosophes. On compte trois Académies, trois Sectes académiciennes. Quelques-uns en comptent même jusqu’à cinq. Platon fut le Chef de l’ancienne. Arcésilas, l’un de ses successeurs, apporta quelques changemens dans sa Philosophie, & fonda par cette réforme ce qu’on appelle la seconde Académie. On attribue à Lacides, ou à Carnéades, l’établissement de la troisième ou nouvelle Académie. Quelques Auteurs ajoûtent deux Académies. Une quatrième fondée par Philon & Carmides ; & une cinquième fondée par Antiochus, & nommée Antiochienne, qui allioit l’ancienne Académie avec le Stoïcisme. Voyez sur tout cela les Questions Académiques de Cicéron ; personne n’a mieux débrouillé les différens sentimens, ou plutôt les différentes méthodes de traiter la Philosophie, dont se servoient ceux qu’on appelloit de son temps les partisans de la nouvelle, & les partisans de l’ancienne Académie. L’ancienne Académie doutoit absolument de tout, & alloit même jusqu’à douter s’il falloit douter, se faisant une espèce de principe de ne jamais rien assurer, & de ne jamais rien nier, de ne tenir rien ni pour vrai, ni pour faux. La nouvelle Académie étoit un peu plus raisonnable, elle reconnoissoit plusieurs vérités, mais sans s’y attacher avec assurance. Ces Philosophes s’appercevoient bien que le commerce même de la vie & de la société est incompatible avec ce doute absolu & général de l’ancienne Académie ; mais cependant ils regardoient les choses comme probables, plutôt que comme vraies & certaines ; & par ce tempérament ils croyoient se tirer des absurdités dans lesquelles tomboit l’ancienne Académie. Voyez encore Vossius de Sect. Philos. c. 12. 13. 14. 15. & Georg. Hornius Hist. Philos. L. 3. C. 20.

ACADÉMIE, s. f. Assemblée des gens de Lettres, où l’on cultive les Sciences & les beaux Arts. Academia. En France il y a toutes sortes d’Académies établies par Lettres Patentes dans Paris : l’Académie Royale des Sciences, pour cultiver la Physique, la Chymie, & les Mathématiques : l’Académie Françoise, pour la pureté de la Langue : l’Académie des Médailles & des Inscriptions : l’Académie d’Architecture, pour les bâtimens. L’Académie de Peinture est une belle école de Peintres & de Sculpteurs. Et l’Académie de Musique est établie pour les Opéras. Il y en a même d’établies dans les Villes particulières, comme à Arles, à Soissons, à Nismes, &c. Il y a à Toulouse l’Académie des Lanternistes. Il y a aussi dans la plûpart des Villes d’Italie des Académies, dont les noms sont curieux à cause de leur bisarrerie. A Sienne on appelle les Académiciens, Intronati : à Florence, Della Crusca ; à Rome Humoristi, Lyncei, Fantastici : à Bologne, Otiosi : à Gènes, Addormentati : à Padoue, Ricovrati, & Orditi : à Vincenze, Olympici : à Parme, Innominati : à Milan, Nascosti : à Naples, Ardenti : à Mantoue, Invaghiti : à Pavie, Affidati : à Cesene, Offuscati : à Fabriano, Disuniti : à Fayence, Filoponi : à Ancone, Caliginosi : à Rimini, Adagiati : à Cita del Castello, Assorditi : à Perouse, Insensati : à Ferme, Rafrontati : à Macerata, Catenati : à Viterbe, Ostinati : à Alexandrie, Immobili : à Bresse, Occulti : à Trevise, Perseveranti : à Verone, Filarmonici : à Cortone, Humorosi : à Luques, Oscurri : Mr Pelisson en a donné ce Catalogue dans son Histoire de l’Académie. Mascurat ajoûte les Sileni, à Ferrare : les Agitati, à Cita di Castello, mettant les Assorditi à Urbin. On a dit d’un Perroquet :

Ce petit animal plein de sens & d’esprit,
N’entendoit rien qu’il ne comprît ;
Parla si bien François tout le temps de sa vie,
Que si tout son mérite avoit été connu,
Assurément il auroit eu
Une place à l’Académie. Pavill.


Il y a encore à Florence une Académie de Physique nommée del Cimentò, où l’on fait plusieurs expériences Physiques & Astronomiques. Elle a été établie par Laurent de Médicis, & est souvent citée par Francisco Redi Médecin. Au reste, l’Académie della Crusca à Florence est différente de l’Académie de Florence, laquelle est plus ancienne que celle della Crusca. On les a souvent confondues, & le Tasse même s’y méprit d’abord. Il attribua à l’Académie de Florence la critique que quelques Académiciens della Crusca firent de ses Ouvrages dans les premiers temps de l’établissement de cette Académie. Voyez tout cela fort bien débrouillé dans l’Aminta diffesa du savant Mr Fontanini. Il falloit aussi ajoûter l’Académie des Arcadiens à la liste des autres. Car quoique ces Messieurs ne se donnent point le titre d’Académiciens, & qu’ils affectent de ne se servir que de termes conformes à la qualité qu’ils prennent de Bergers d’Arcadie, cependant on appelle Académie ce qu’ils ne veulent appeller que Ragunanza, ou Assemblée, parce qu’effectivement on se propose à peu près le même but dans leurs Assemblées que dans les autres Académies, qui sont établies pour entretenir une noble émulation parmi les Savans, & sur-tout parmi ceux qui cultivent la Poësie, & ce qu’on appelle plus particulièrement les belles Lettres. On a depuis peu établi à Venise une Académie de Savans ; une autre à Dublin, une autre à Oxford, qui travaillent à l’avancement des Sciences. Il y a eu une Académie en Allemagne, établie sous le titre d’Académie des Curieux des secrets de la Nature dans le Saint Empire Romam. L’Empereur lui donna sa protection en 1670. Elle fut établie dès 1652. par le Sieur Bauch Médecin. L’une des plus fameuses de toutes les Académies, est celle qui est établie à Londres, sous le nom de Société Royale d’Angleterre, qui est composée de plusieurs Savans de qualité, qui nous ont fait voir plusieurs beaux Ouvrages, & dont on a vû aussi d’excellens Journaux, sous le titre de Philosophical Transaction. Au reste, quoique ces Académies soient dans l’approbation commune, elles ne sont pas toutefois dans celle de ce grand Chancelier d’Angleterre, François Bacon, ni, pour le dire vrai, dans la mienne. Car je vois que du temps de Léon X. que l’on doit comparer à celui de l’Empereur Auguste, ces façons d’exercer la jeunesse avec tant de montre, de pompe & d’éclat n’étoient point en usage, desorte que l’on pourroit dire avec Pétrone à tous ces MM. les Académistes, Pace vestrâ liceat dixisse, Primi omnium eloquentiam perdidistis, &c. Mascur. Charlemagne établit par le Conseil d’Alcuin une espèce d’Académie, dont il voulut être lui-même, & qui étoit composée des plus beaux Esprits, & des plus Savans de la Cour. Dans ces conférences Académiques chacun rendoit compte des anciens Auteurs qu’il avoit lûs ; & même ceux qui en étoient, prirent chacun un nom de quelque Auteur ancien qui étoit le plus à son goût, ou de quelque homme fameux dans l’antiquité. Alcuin, dont les Lettres nous apprennent ces particularités, prit celui de Flaccus, qui étoit le surnom d’Horace ; un jeune Seigneur, nommé Angilbert, prit celui d’Homère ; Adelard, Abbé de Corbie, s’appella Augustin ; Riculfe, Evêque de Mayence, se nomma Dametas ; le Roi lui-même prit le nom de David. P. Dan. Il paroît par-là que Mr Baillet n’étoit pas assez instruit, quand il a dit que c’est en suivant le génie des gens de Lettres de son temps, amateurs des noms Romains, qu’Alcuin s’est appellé Flaccus Albinus.

On dit aussi Academie en parlant des Ecoles des Juifs, & des endroits où ils ont des Rabbins & des Docteurs pour enseigner aux jeunes gens de leur nation la Langue Hébraique, leur expliquer le Talmud, leur apprendre la Cabale &c. Les Juifs n’ont eu de ces sortes d’Académies que depuis le retour de la captivité de Babylone. Les Académies de Tibériade, de Babylone, ont été fameuses.

Quelques Auteurs ont employé ce terme pour signifier aussi ce que nous appellons Université. L’Académie d’Oxford est si illustre, que son Chancelier est toujours un des premiers Seigneurs du Royaume. Larrey. Ce n’est pas parler assez juste. Il est vrai que M. Harris, dans son savant Dictionnaire des Arts, définit le mot Académie, une espèce de hautes Ecoles, ou Université, dans laquelle de jeunes gens sont instruits dans les Arts Libéraux & dans les Sciences ; mais il parle Anglois, & explique ce que signifie ce mot en Anglois. De même en Latin on appelle Académie, ce que nous appellons Université, & tout le VIII. livre de Lymnaeus de Academiis, regarde les Universités. Mais quand on écrit en François, il faut distinguer ces deux choses, qui dans notre langue sont fort différentes. Académie est une Assemblée de gens doctes, qui tiennent entre-eux des conférences sur des matières d’érudition. Université est un Corps composé de Docteurs, de Bacheliers qui aspirent au Doctorat, de Régens qui enseignent dans les Colléges, & de jeunes gens, ou Ecoliers qui étudient sous ces Régens. On peut cependant appeller Académies les lieux où les jeunes gens étoient instruits & élevés. Ainsi l’on dit que pendant que les Romains étoient les Maîtres de la Gaule, il y avoit des Académies à Autun, à Bourdeaux, à Marseille, à Narbonne, à Tours & à Trèves. Le Gendre. Mais en parlant de nos temps cela fait un équivoque qu’il faut éviter, en distinguant ces deux choses, Académie & Université, comme en effet l’usage les distingue.

L’ACADÉMIE DE PEINTURE, fut établie par le Roi il y a plus de 50. ans. Le Cardinal Mazarin en fut le premier Protecteur ; & M. le Chancelier Seguier Vice-Protecteur. Elle est composée d’un Directeur, d’un Chancelier, de quatre Recteurs, d’un Trésorier, de douze Professeurs, d’Ajoints à Recteurs & à Professeurs, de Conseillers, d’un Secrétaire, de deux Professeurs, l’un pour l’Anatomie, & l’autre pour la Géométrie & la Perspective, & de deux Huissiers. On y est reçu, ou comme Peintre, ou comme Sculpteur. Les Peintres y sont reçus selon leurs talens, & avec distinction de ceux qui travaillent à l’histoire, & de ceux qui ne font que des portraits, ou des batailles, ou des paysages, ou des animaux, ou des fruits, ou des fleurs, ou qui ne peignent que de miniature, ou qui s’appliquent à la gravure, ou à quelque autre partie qui regarde le dessin.

L’ACADÉMIE DES SCIENCES. Regia Scientiarum Academia. Elle fut établie en 1666. par les ordres du Roi, mais sans aucun acte émané de l’autorité Royale. En 1699. le Roi lui donna une nouvelle naissance, en lui donnant une nouvelle forme. Le règlement est du 26. Janvier 1699. En vertu de ce règlement l’Académie est composée de quatre sortes d’Académiciens, les Honoraires, les Pensionnaires, les Associés, & les Elèves ; la première classe composée de dix personnes, & les trois autres chacune de vingt. Les Honoraires doivent être tous regnicoles ; les Pensionnaires doivent être tous établis à Paris ; des Associés huit peuvent être étrangers ; les Elèves doivent être tous établis à Paris. Les Officiers de l’Académie sont, un Prèsident, qui est nommé tous les ans par le Roi, un Secrétaire, & un Trésorier.

ACADÉMIE DES MÉDAILLES ET DES INSCRIPTIONS. Regia Numismatum & Inscriptionum Academia. Elle est établie pour la recherche & explication des anciens monumens, & pour consacrer les événemens considérables par des monumens semblables, tels que sont les Médailles, les Jettons, les Inscriptions.

Il y a aussi une Académie de Politique. Regia Rerum Politicarum Academia. Elle est composée de six personnes, qui se rendent certains jours de la semaine au Louvre, dans la chambre où sont les papiers & les mémoires qui regardent les affaires étrangères : ils lisent les choses qu’on leur met entre les mains suivant les ordres de Mr de Torcy, qui fait connoître au Roi leur capacité & les progrès qu’ils font, afin que Sa Majesté puisse les employer dans les affaires, selon qu’Elle le jugera à propos.

Académie, se dit aussi des maisons, logemens & manèges des Ecuyers, où la noblesse apprend à monter à cheval, & les autres exercices qui lui conviennent. Epheborum Gymnasium. C’est ce que Vitruve appelle Ephebeum. Au sortir du collège on a mis ce gentilhomme à l’Académie. Newcastle dit que l’art de monter à cheval prit naissance en Italie ; que ce fut à Naples que la première Académie pour monter à cheval fut établie, & que Frédéric Grison, Napolitain, fut le premier qui en écrivit ; ce qu’il fit en vrai cavalier & en grand maître. Henri VIII fit venir en Angleterre deux Italiens, écoliers de Grison, qui remplirent le Royaume d’écuyers. Gui Allard dit que Pluvinel est le premier qui a établi en France des Académies pour apprendre à monter à cheval. Il étoit du Dauphiné. Newcastle dit aussi que le plus célèbre écuyer qui fut jamais en Italie, étoit à Naples & Napolitain, nommé Pignatel ; que la Broue monta cinq ans sous lui, Pluvinel neuf, & S. Antoine plusieurs années ; que ces trois François, qui firent leur apprentissage sous Pignatel, remplirent la France d’Ecuyers François, qui étoit auparavant pleine d’Ecuyers Italiens. Il croit que la Broue a été le premier qui a écrit en François de l’art de monter à cheval.

Académie. Terme de Peinture. C’est une figure entière, dessinée d’après le modèle, qui est un homme nu, ou la copie d’un pareil dessein. Cette Académie ne m’a coûté qu’une heure de travail.

Académie, se dit abusivement du Brélan, ou des lieux publics où l’on reçoit toutes sortes de personnes à jouer aux dez & aux cartes, ou à d’autres jeux défendus. Les Juges de Police sont obligés de veiller à ce qu’on ne tienne point des Académies de jeu. Voulons que les ordonnances de Police pour chasser ceux chez lesquels se prend & consomme le tabac, qui tiennent Académie, brélans, jeux de hasard, & autres lieux défendus,


soient exécutées. Ordonnance de 1666. Ces lieux que l’on appelle fort improprement Académies, mais beaucoup mieux du nom infâme de Brélan, tout homme d’honneur doit les éviter, & les loix les condamnent. De la Mare. Cet Auteur montre dans son Traité de la Police, L. III. Tit. iv. C. 2 & 3, que non-seulement les Peres & les Loix ecclésiastiques, mais les Loix civiles chez les Païens, ont défendu ces sortes d’Académies. Les maîtres de ces Académies étoient si infâmes & si odieux, que s’ils étoient volés ou maltraités dans le temps du jeu, ils n’avoient aucune action en justice pour en demander réparation. L. i. Præt. ait. ff. de alea. & ibi gloss. Ulpian.

Académie. Il se prend aussi pour les écoliers mêmes. Ce jour-là un tel Ecuyer fit monter toute son Académie. Acad. Fr.

ACADÉMIQUE, adj. m. & f. Qui appartient à l’Académie des Arts & des Sciences. Academicus. Les Questions Académiques de Cicéron. Les exercices Académiques continuent en une telle ville.

ACADÉMIQUEMENT, adv. D’une maniére Académique. Academicè. Cette question a été traitée académiquement, pour dire, suivant la méthode des Académiciens.

ACADÉMISTE, s. m. Ecolier qui fait ses exercices chez un Ecuyer, qui apprend à monter à cheval, à faire des armes, à danser, &c. Equestris disciplinae tyro.

ACADIE, s. f. Acadia. Grande Province de l’Amérique Septentrionale, entre le Fleuve de S. Laurent & la nouvelle Angleterre. Elle a environ cent lieues d’étendue. Les Anglois la céderent aux François par la paix de Bréda en 1667. La France l’a rendue à l’Angleterre par celle d’Utrècht, en 1713.

ACAJA, autrement, IBAMETARA. C’est un des plus grands arbres du Bresil, dont Pison parle, l. IV. c. 16. & qu’il distingue de l’Acajou dont il avoit parlé, c. 6. Il paroît cependant que ce n’est qu’une espèce de l’Acajou ; car il appelle aussi cet Arbre Acaja iba, comme celui-ci.

ACAJOU, s. m. Arbre d’Amérique de la hauteur de nos pommiers, branchu & chargé de beaucoup de feuilles. L’écorce de son tronc est ridée & cendrée. Son bois est rougeâtre, ses feuilles sont sèches, fermes, luisantes, arrondies, & ont cinq pouces de longueur sur trois de largeur. Les extrémités de ses branches se terminent par un bouquet de fleurs panachées de rouge & de verd, d’une seule pièce taillée en entonnoir. De plus de cent fleurs qu’il y a quelquefois sur un bouquet, il n’y en a que trois à quatre qui nouent ; c’est le pistille de la fleur qui devient un fruit de la figure d’une poire grosse comme un œuf d’oie, qui en mûrissant est tantôt rouge, tantôt jaune, & tantôt également teint de ces deux couleurs, & dont la grande acreté diminue à mesure qu’il mûrit. De l’extrémité de ce fruit pend une semence ou amande bonne à manger, revêtue de deux écorces, dont la première est gris de souris, & l’autre brune, entre lesquelles est contenue une liqueur huileuse, très-caustique, & dont on se sert en Amérique pour emporter les dartres & faire tomber les cors des pieds. Le suc de cette poire, qui soutient la semence, quand il est nouvellement exprimé, est blanc, laiteux, & d’une acreté si grande, qu’il prend à la gorge, & qu’on ne peut le boire qu’après qu’il a fermenté & qu’il s’est éclairci ; pour lors il est agréable, & a le goût du vin. Il coule du tronc de l’Acajou une gomme pareille à celle qu’on nous apporte du Sénegal ; mais elle est en plus gros morceaux ; elle se fond dans l’eau comme la gomme Arabique. Thevet, Pison, & la plupart des Voyageurs nous ont parlé de cet arbre.

Il y a d’autres arbres qu’on nomme dans les Isles d’Amérique Acajou rouge, Acajou blanc, Acajou à planches, Acajou à canot ; mais le caractère de ceux-ci ne nous est pas si connu. Monsieur Louvillers de Poinci, dans son Histoire naturelle des Antilles, le décrit plus exactement & différemment de ceci. Voici ce qu’il en dit. Il y a trois sortes d’arbres qui portent le nom d’Acajou. Mais il n’y en a qu’un qui porte du fruit. C’est un arbre de moyenne hauteur, qui panche ses branches jusques à terre. Ses feuilles sont belles & larges, arrondies par-devant, & rayées de plusieurs veines. Il porte des fleurs qui sont blanches, lorsqu’elles s’épanouissent nouvellement ; puis après elles deviennent incarnates, & de couleur de pourpre. Elles croissent par bouquets, & elles exhalent une très-douce odeur. Ces fleurs ne tombent point jusqu’à ce qu’elles soient poussées par une espèce de chataigne faite en forme d’oreille, ou de rognon de lièvre. Quand cette chataigne a pris son accroissement, il se forme au-dessous une belle pomme longuette, qui est couronnée de cette crête, qui devient en mûrissant d’une couleur d’olive, pendant que la pomme se revêt d’une peau délicate & vermeille au possible. Elle est remplie au-dedans de certains filamens spongieux, qui sont imbus d’un suc tout semblable, doux & aigre, qui désaltère grandement, & que l’on tient être très-utile à la poitrine, & aux défaillances de cœur, étant tempéré avec un peu de sucre. Mais s’il tombe sur quelque linge, il y imprime une tache rousse qui demeure jusqu’à ce que l’arbre fleurisse de nouveau. Les Indiens font un breuvage excellent de ce fruit, lequel étant gardé quelques jours, a la vertu d’enyvrer aussi promptement que le meilleur vin de France. La noix qui est au-dessus étant brûlée, rend une huile caustique, de laquelle on se sert pour amollir & même pour extirper les cors des pieds. Si on la casse, on trouve dedans un pignon couvert d’une tendre pellicule, laquelle étant ôtée, est d’un très-bon goût, & a la vertu d’échauffer & de fortifier l’estomac. Cet arbre ne porte du fruit qu’une fois l’an, d’où vient que les Brésiliens comptent leur âge avec les noix qui croissent sur cette pomme, en réservant une par chaque année, laquelle ils conservent avec grand soin dans un petit panier qui n’est destiné qu’à cet usage. Si on fait une incision au pied de cet arbre, il jette une gomme claire & transparente, que plusieurs ont prise pour celle qui vient d’Arabie. La semence de l’arbre est en la noix, qui produit aisément étant mise en terre.

Les autres Acajous sont des arbres propres à bâtir. On en fait cas à cause de leur hauteur & de leur grosseur si excessives, que les Caraibes tirent souvent d’un seul tronc ces grandes chaloupes, qu’ils appellent Pyranguës, qui sont capables de porter 50. hommes. Il pousse plusieurs branches fort touffues, & qui sont un ombrage fort agréable, & même quelques-uns tiennent qu’il contribue à la santé de ceux qui s’y reposent. Il y a deux sortes d’Acajou, qui ne diffèrent qu’en la hauteur de leur tronc & en la couleur de leur bois. Le plus estimé est le rouge, qui outre ce qui en a été dit ci-dessus est de bonne senteur, & fort facile à mettre en œuvre. Il ne se pourrit point dans l’eau. Les armoires qui en sont faites donnent une bonne odeur aux habits, & les préservent des vermines qui s’y engendrent, ou s’y glissent, dans les coffres d’une autre matière. Ces propriétés sont cause que quelques-uns ont cru que cet arbre étoit une espèce de Cèdre. On en fait de l’escente pour couvrir les maisons. L’Acajou blanc est semblable au dehors à l’Acajou rouge ; mais il n’est pas tout-à-fait si haut. Il est facile à mettre en œuvre, quand il est fraîchement coupé ; mais si on le laisse à l’air il se durcit en telle sorte, qu’on a bien de la peine à s’en servir. Il est sujet aux vers, & se pourrit en peu de temps. Si on fait une incision au pied de ces arbres ; ils jettent une grande abondance de gomme. Voyez aussi l’Histoire des Antilles du P. Du Tertre Tr. III. C. 4. §. 4. & C. 5. §. 6. & Pison L. IV. C. 6. Il l’appelle du nom que lui donnent les Sauvages, Acaja Iba.

ACANGE. s. m. Excursor, Prædator, Velo. Espèce de soldat Turc, qui ne fait qu’aller en course pour butiner. Les Turcs les appellent Akingi, nom qui vient du mot Turc Akan, ou plutôt Akin, & signifie, Proie, butin, course. Meninski. Les Acanges sont des volontaires Turcs, qui ne reçoivent point de solde, & ne font la guerre que dans l’espérance du butin. Gratiani. Histoire de Chypre.

ACANTE, s. f. Acanthus. On croit que c’est sur la figure du feuillage de cette plante que Callimachus, Sculpteur Athénien, a formé ces ornemens du chapiteau Corinthien. Les Botanistes modernes reconnoissent, avec Dioscoride & Pline, deux espèces d’Acanthe, dont l’une est sans épine, & l’autre en est armée. Celle qu’on nomme ordinairement Achante molle, a ses racines rougeâtres, longues, assez tendres & visqueuses. Ses feuilles sont grandes, larges, lisses, découpées assez profondément en plusieurs segmens, qui sont encore recoupés en de plus petits lobes, charnues, d’un verd obscur & luisant en dessus, & plus pâle en dessous. Entre ces feuilles s’élève une tige haute de trois à quatre pieds, de la grosseur du doigt, garnie vers sa partie moyenne de quelques petites feuilles, au dessus desquelles se forme un bel épi de fleurs, mais très-piquant ; chaque fleur est d’une seule pièce applatie & découpée par le haut en trois, retrécie & terminée par le bas en un tuyau court & en forme d’anneau. Quatre étamines chargées de leurs sommets tiennent lieu de la lèvre supérieure de la fleur. Le calice est formé par quelques feuilles, dont la supérieure est voûtée, & semble suppléer au défaut de la lèvre supérieure de la fleur, soit par sa situation, soit par une teinte de pourpre dont elle est colorée, & que les autres n’ont point. Le pistille qui s’élève du fond du calice & de la fleur, devient un fruit de figure d’un gland, & partagé en deux cellules, qui contiennent chacune quelques semences, applaties & jaunâtres.

L’Acanthe épineuse se distingue de la molle par ses feuilles plus finement découpées, & dont chaque segment se termine par un piquant assez roide & fort aigu ; le vert est aussi plus obscur. Ces deux espèces ne changent point par la culture, & l’une ne dégénère jamais en l’autre. On doit donc être très-assuré que ces deux espèces sont très-distinctes & très-constantes.

On appelle l’Acanthe, Branca ursina, branche ou branque ursine, à cause de la prétendue ressemblance de ses feuilles avec la patte


d’un ours, & Branca hircina, à cause que ces mêmes feuilles se contournent en quelque façon comme les cornes d’un bouc ; mais ces dénominations sont assez mal fondées. Le rapport qu’ont les feuilles de certaines plantes à celles de l’Acanthe, a aussi donné lieu à quelques Botanistes d’attribuer le nom d’Acanthium à plusieurs chardons, ou plantes épineuses, & celui de Branca ursina Germanica à la Berce, en latin Sphondylium, Plantes souvent de différens genres. On dit que plus l’Acanthe est pressée, mieux elle pousse. C’est ce qui a donné lieu d’en faire une devise, qui a pour mot : Depressa resurgit, pour exprimer que la vertu tire des forces de l’affliction. L’Abbé Picinelli en fait aussi le symbole de la pénitence, avec ce mot : Tabida curat : Elle guérit la corruption.

Acanthe. Terme d’Architecture. Ornement dont on embellit les chapiteaux des colonnes. Acanthina folia. Un chapiteau taillé à feuilles d’Acanthe. Felibien. La feuille d’Acanthe, qui a été le sujet de l’invention du chapiteau Corinthien, a aussi donné le nom à cet ouvrage d’Architecture. Il y en a de deux espèces : la cultivée & l’épineuse ou sauvage. C’est de cette dernière, qui est la moins belle, que se sont servis les Sculpteurs Gothiques, qui l’ont mal imitée. Pour l’Acanthe cultivée, qui est plus refendue, & plus découpée, & assez semblable au persil, elle est la plus parfaite. C’est ainsi qu’elle a été taillée aux chapiteaux Composites des arcs de Titus & de Septime Sévère à Rome, & au Corinthien de la cour du Louvre. Sur les Côtes de Barbarie cette plante sert de haie aux jardins.

Acanthe. s. f. Acantha. C’est, selon quelques Anatomistes, l’avance de derrière des vertèbres, appelée autrement Epine du dos. Spina dorsi. Harris.

ACAPATHI. s. m. Plante de la nouvelle Espagne, qui porte le poivre long. Elle a son tronc contourné à la façon des sarmens ; & le tronc a des feuilles qui ressemblent à celles du poivre blanc, mais plus longues & aiguës. Son fruit est rond & long ; sa graine n’acquiert jamais une parfaite maturité sur la plante : c’est pourquoi on la cueille dès qu’elle commence à rougir. On la met sécher au soleil, où elle achève de mûrir, & on la seme. On la mange séche, & verte ; & elle donne un bon goût aux viandes. Voyez Poivre.

ACARIÂTRE. adj. m. & f. Qui est d’une humeur farouche, aigre, difficile, opiniâtre, & qu’on ne peut gouverner. Morosus, acerbus, pertinax. Je ne puis traiter avec cet homme-là, c’est un esprit & une humeur acariâtre. C’est une femme acariâtre, qui crie jour & nuit contre son mari & ses domestiques. Il a aussi autrefois signifié Fol.

ACARER. Voyez Accarer.

Sylvius dérive ce mot de saint Acaire, parce qu’il guérit les acariâtres. Ménage veut qu’il vienne du mot Latin acariasser, & Nicod du mot Grec Κάρη, signifiant caput, comme si on disoit acaris, un homme sans tête & écervelé ; ou plutôt un homme têtu & opiniâtre. Capito, ou, comme dit Prudence, capitosus. D’autres le tirent du Grec ἀκαριέστερος, qui signifie, Opiniâtre, ennemi de la complaisance, dont les mœurs & les paroles sont désagréables, & tirent vers la folie. Borel le dérive de cara, vieux mot François venu d’Espagne, qui signifioit un visage refrogné.

ACARIÇOBA. Plante du Japon, que les Portugais appellent Erva do Capitaon, herbe du Capitan. Elle vient dans les lieux humides, & le long des ruisseaux & des fontaines. Sa feuille est ronde, lisse & assez épaisse ; sa fleur est d’un gris blanchâtre. Elle a beaucoup de racines qui sont blanches, & serpentent à terre. Elles sont longues, distinguées par des nœuds, bulbeuses, & pleines de suc. Elle est chaude & aromatique, & très-agréable au goût. Ses principales qualités sont dans ses racines. Elles sont apéritives, & guérissent les obstructions du foie & des reins. Pison, L. iv. C. 50.

ACARNA, ou ACORNA. s. m. Chardon à fleur large & jaune : ses têtes sont oblongues, garnies d’épines ; sa semence ressemble à celle du Carthame. L’étymologie est ἄκορνα, plante épineuse.

ACARNANIE. Acarnania. Province de l’Epire en Grèce, qui avoit à l’orient l’Ætolie, dont elle étoit séparée par le fleuve Achéloüs ; à l’occident le golfe d’Ambracie, que nous nommons aujourd’hui golfe de Larta, & au midi la mer Ionienne, & les îles d’Ithaque & de Céfalonie. On l’appelle aujourd’hui Despotat, ou Petite Grèce, ou Carnie ; mais quand on parle de l’Antiquité, il faut dire Acarnanie. Les chevaux d’Acarnanie étoient estimés chez les Anciens.

Acarnanie est aussi le nom d’une ville de Sicile célèbre par un temple dédié à Jupiter.

ACARNANIEN, ENNE. s. m. & f. Qui est d’Acarnanie. Les Acarnaniens ne faisoient, dit-on, leur année que de six mois. Les Acarnaniens se faisoient couper les cheveux pardevant, apparemment pour ne donner point par-là de prise à leurs ennemis dans les combats.

ACARNAR. Nom de la dernière étoile du fleuve Eridan.

ACARNE, ou ACARNAN. Voyez Pline & Rondelet. C'est un poisson de Mer qui ressemble en figure & grandeur au rouget. Il est blanc, couvert d'écailles argentines ; sa tête est grosse, son museau aquilin, sa gueule petite, ses dents menuës, ses yeux grands, sa chair bonne à manger. Il purifie le sang, & excite l'urine. Acarnus, acarnanus.

ACAT. s. m. Vieux mot, au lieu duquel on dit aujourd’hui Achat, comme acheter, au lieu d’acater ; & acheteur, au lieu d’acateur.

ACATALÈCTE, adj. Est un terme de Poësie Latine. Ce mot veut dire, à quoi il ne manque rien à la fin. Acatelectus. On appelle un vers acatalècte, quand il a tous ses pieds, & quand il ne lui manque aucune syllabe, parce qu'une syllabe toute seule ne fait point un pied dans les vers Latins, chaque pied ayant au moins deux syllabes.

ACATALÈCTIQUE, adj. Terme de Poësie, qui se dit des vers qui sont exactement parfaits, & qui n'ont pas une seule syllabe de trop ou de trop peu. Ainsi le définit Monsieur Harris. Pour parler juste, & selon la force du mot, il faut dire que ce sont les vers auxquels il ne manque point de syllabe à la fin, au contraire des vers catalèctiques, auxquels il manque à la fin quelque syllable. Car ces mots sont Grecs & viennent de , cesso, desino. De-là , à qui il manque quelque chose à la fin ; & avec l'a privatif , a qui il ne manque rien à la fin. Par exemple, dans la Ve. Ode du Ir. Livre d'Horace, chaque strophe est de trois vers, dont les deux premiers sont acatalèctiques, & le troisième catalèctique.

Solvitur acris hyems gratâ vice
Veris & Favoni,
Trahuntque siccas machinæ carinas.

Dans la Poësie Françoise on peut appeler acatalectiques, les vers de sept syllabes, tels que sont ceux-ci composés sur la mort de M. le Dauphin & de Madame la Dauphine, morts à quelques jours l’un de l’autre.

En vain la mort & l’amour
D’une funeste victoire
Se disputent-ils la gloire,
Ils sont vainqueurs tour à tour.
Sitôt que la mort jalouse,
A l’époux ravit l’épouse,
Aussitôt l’amour jaloux
A l’épouse rend l’époux.

Et de même les vers de trois syllabes :

La cigale ayant chanté
Tout l’été, &c.

Ou bien ces tèrmes de Marot :

Damoiselle de Torcy,
Cet an cy
Tel étrène vous désire,
Qu’un bon coup vous puissiez dire :
Grand’mercy.

A CAUSE. Préposition qui gouverne le génitif : & a cause que, conjonction, qui veut après soi, l’indicatif. ☞ Voyez au mot Cause.

ACAZER. v. a. Terme de Coutume. C’est proprement donner en fief, inféoder.Infeodare. Voyez Caseneuve, dans son Traité du franc-alleu. L. i, Ch. ii. Du Cange sous le mot Casare. De Lauriere.

ACAZER, dans la Coutume de Bordeaux, Art. 101, signifie aussi, Bailler à rente. Id.

ACAZEMENT, s. m. Terme de Coutume, il a les significations de son verbe, & signifie l'action par laquelle on donne à fief, ou en rente.

ACC.

ACCABLEMENT, s. m. Bouleversement, accident par lequel une chose succombe sous une charge excessive. Eversio, oppressio. Pendant ce tremblement de terre il y eut un accablement général dont personne ne se put sauver. On ne l’emploie point au propre. Il est plus en usage au figuré. Il signifie embarras, langueur, abattement, redoublement d’affliction, multitude de choses. Oppressio, Mœror Je n’ai pas de ces heures de chagrin & d’accablement qui vont jusqu’à l’ame. Voit. Il est dans un grand accablement d’esprit, de douleur, &c. Il est dans un grand accablement d’affaires ; pour dire, il est chargé d’un nombre infini d’affaires.

Accablement de pous. Terme de Médecine. Dérèglement de pous, lorsque l’accès commence, ou redouble, Venæ inordinatæ. Dog.



AcCABLER, v. act. Faire tomber une chose pesante sur une autre, qui l’oblige à succomber sous un poids excessif. Opprimere. Il a été accablé sous la ruine de cette maison. Les Ennemis l’accablerent par leur nombre. Leur multitude pouvoit accabler notre valeur. Sarras.

Cambden dérive ce mot de l’Anglois cablu, qui signifie, Opprimer.

Accabler, signifie aussi périr de quelque façon que ce soit dans quelque renversement général de l’Etat. Il y eut à Rome bien des gens accablés sous les ruines de la République. L’Empire Romain courant à sa ruine, entraîna avec lui les belles Lettres, qui se trouvèrent accablées sous le poids de sa chûte. Bail.

Accabler, se dit figurément en Morale de gens trop chargés d’affaires, de dettes, d’impôts, de malheurs, ou d’infirmités. Obrutus negotiis, aere alieno, doloribus oppressus. Il est accablé de chagrin, de gens qui l’importunent. Accablé de vieillesse. Accablé de sommeil. Ne vous venoit-il jamais aucun scrupule sur tous les éloges dont on vous accabloit ? Font. On accable la nature en la chargeant d’alimens, ou de remèdes. On dit d’un homme excessivement civil, qu’il accable le monde de complimens. Si un Ouvrage est trop chargé de pensées, leur nombre accable, & lasse l’esprit. Nicol. Jesus-Christ afflige les ames qu’il aime, mais il ne les accable pas. Abbé de la Trape.

A vaincre tant de fois, les Etats s’affoiblissent,
Et la gloire du Trône accable les sujets. Corn.

Sire, les Muses désolées
Aujourd’hui sans force & sans voix,
Viennent vous remontrer qu’elles sont accablées.
Sous le nombre de vos exploits.

On le dit même en bonne part. Accabler de présens, de bienfaits ; pour exprimer qu’On est comblé de graces & de faveurs. Il se dit aussi avec le pronom personnel, s’accabler de travail.

Accablé, ée, part. pass. & adj. Oppressus, obrutus.

s’AcCAGNARDER. v. a. Verbe neutre, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, s’Accoquiner, mener une vie fainéante, libertine, ou débauchée, soit en s’attachant au jeu, au vin, aux femmes ; soit en demeurant au com de son feu, au lieu de prendre un honnête emploi. Inertiæ, ignaviæ tradere se.

☞ Il s’accagnarde au cabaret
Entre le blanc & le clairet.
Je m’accagnarde dans Paris,
Parmi les amours & les ris. Boisr.

On le dit aussi activement, La mauvaise compagnie l’a accagnardé. Il est du style familier.

Nicod dérive ce mot de cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, ou exposé au soleil, où les gueux s’assemblent pour fainéanter, qu’on appelle pour cela cagnardins, & cagnardiers.


Accagnardé, ée, part. & adj.

ACCARER. v. a. Terme de Palais, usité dans quelques-unes de nos provinces méridionales les plus voisines d’Espagne. Confronter les témoins & les criminels. Testes cum reo componere. Ce mot vient de cara, qui en Espagnol signifie la tête ou le visage de l’homme. Ainsi accarer les accusés, c’est les mettre tête à tête. Il envoya prier la Reine de ne faire mourir ce malheureux, qu’il ne fût premièrement accaré à lui. Brant. Accariation, c’est la confrontation des témoins.

ACCAREMENT, ou ACAREMENT. s. m. Confrontation. Voyez Accarer

ACCARON. s. m. Accaron. Ville de la Palestine, & l’une des cinq Satrapies ou gouvernemens des Philistins, où ils garderent quelque temps l’Arche d’Alliance, après l’avoir prise. Ce n’est aujourd’hui qu’un village. Postel prétend que c’est le Portus Jamnetorum, ioμνετῶν, de Ptolomée. On y adoroit l’Idole de Béelzébuth, qui est appelé le Dieu d’Accaron au 4e Liv. des Rois, C. i. v. 6. Elle est à 3 lieues de la mer, & à 3 de Jaffa. Ceux de Geth envoyerent l’Arche de Dieu à Accaron. Saci.

Je ne sçai dans quel Pline l’Auteur d’un de nos Dictionnaires a pris que Accaron, Achoron, & Acharon, sont les Dieux des mouches, selon Pline, L. x. C. 28. Ce Chap. n’a que trois lignes que voici : Invocant & Ægyptii Ibes suas contra serpentium adventum : & Elei Mylagron Deum, Muscarum multitudine pestilentiam afferente, quæ protinùs intereunt quâ litatum est illi die. Il est vrai que quelques Mss. au lieu de Mylagron, ont mis Myiacoren ; mais c’est manifestement une faute.

AcCASTILLAGE. s. m. Terme de Marine, qui se dit en parlant des châteaux qui sont sur l’avant & sur l’arrière d’un vaisseau. Et on appelle un Vaisseau accastillé, quand il est accompagné de ces deux Châteaux.

ACCÉLÉRATION. s. f. Action par laquelle on avance une affaire, prompte expédition. Acceleratio. Il a omis plusieurs demandes qu’il avoit à faire pour l’accélération du jugement de son procès.

Accélération, se dit principalement en Physique, de l’accroissement de vitesse dans le mouvement des corps, lorsqu’ils tombent librement, ou qu’ils sont poussés vers le centre de la terre. On recherche avec soin la cause de l’accélération du mouvement des corps qui tombent, & pourquoi ce mouvement, étant fort lent dans son commencement, augmente & devient très-rapide vers la fin. Bern. Galilée est le premier qui a trouvé la proportion de l’accélération du mouvement. Ce n’est point pésanteur qui fait l’accélération du mouvement des corps dans leur chûte, car on a remarqué qu’un poids d’une livre tombe & descend avec la même vîtesse qu’un poids de cent livres. Bern. Supposant qu’à la même distance du centre de la terre la gravité agit uniformément sur tous les corps, & que le temps qu’un corps met à descendre soit divisé en parties toutes égales ; si après que le grave par son poids est tombé vers le centre de la terre pendant la première de ces parties de temps, sa gravité cesse d’agir. Ce corps tombera également, avec une vîtesse égale à la force de la première impulsion, c’est-à-dire, que pendant chacune de ces parties de temps, il ne parcourra qu’autant d’espace qu’il en a parcouru pendant la première : sa gravité donc ne cessant point, mais agissant toujours, il s’ensuit qu’au second moment ce corps recevra une nouvelle impulsion pour descendre ; sa vîtesse sera donc double de ce qu’elle étoit au premier moment, elle sera triple au troisième, quadruple au quatrième, & ainsi des autres. Par conséquent les vîtesses dans l’accélération sont comme le temps. De plus, parce que l’espace que décrit un mobile dans un temps donné avec une vîtesse donnée, est le rectangle fait du temps & de la vîtesse, un corps grave étant également & uniformément accéléré, l’espace qu’il décrit au commencement du temps de son mouvement, est justement la moitié de celui qu’il auroit décrit, si dans le même temps il s’étoit mû avec une vîtesse égale à celle qu’il a en finissant. De-là il s’ensuit, 1°. Que l’espace parcouru avec la vîtesse de la fin dans la moitié d’un certain temps, est égale à l’espace décrit par un corps accéléré dans ce temps-là tout entier. 2°. Que si un corps en descendant décrit un espace dans un certain temps, dans le double de ce temps-là il en parcourra quatre fois autant, dans le triple neuf fois autant, &c. Ou autrement si les temps sont en progression arithmétique, 1, 2, 3, 4, 5, les espaces seront 1, 4, 9, 16, 25, &c. 3°. Puisque l’espace décrit dans la première partie du temps est 1, dans la seconde 4, dans la troisième 9, &c. si vous considérez séparément l’espace parcouru dans la seconde partie, ce sera 3. Et si de 9, qui est l’espace décrit dans la 3e partie du temps, vous en ôtez 4, qui est l’espace décrit auparavant dans le second moment, il restera 5. Puis donc que les parties du temps sont toutes supposées égales, les espaces décrits par un corps grave dans sa descente, seront comme les nombre impairs dans leur ordre naturel 1, 3, 5, 7, 9, 11, 15, 17, &c. 4°. Puisque les vîtesses acquises dans la chûte sont comme les temps, les espaces parcourus doivent être comme les carrés des vîtesses ; & les temps & les vîtesses pris ensemble seront en raison sous doublée des espaces décrits par un corps qui tombe.

Accélération des étoiles fixes. Terme de l’ancienne Astronomie. Cette accélération est la différence qui se trouve entre la révolution du premier mobile, & la révolution solaire : cette différence est de trois minutes & environ cinquante-six secondes.

ACCÉLÉRER, v. act. Diligenter, presser une affaire, une entreprise. Accelerare. La succession échue à ce jeune homme fera accélérer son mariage. Il faut s’en servir sobrement hors la Philosophie. Les corps graves en tombant accélèrent leur mouvement en certaine proportion qu’on fait voir dans la Statique.

ACCENSE. s. m. Accensus. Terme d’Histoire ancienne, qui signifie Huissier, & quelquefois soldat surnuméraire. Car il y avoit chez les Romains deux sortes de gens qu’on appeloit accensi ; les uns étoient des Officiers, des Magistrats subalternes, qui avertissoient le peuple de s’assembler, introduisoient à l’audience du Prêteur & marchoient devant le Consul, lorsqu’il n’avoit point de faisceaux. Accensi forenses. Leurs fonctions répondoient à celles de nos Huissiers. Les autres étoient à l’armée, des soldats surnuméraires, pour remplir la place des morts ou des blessés. Les premiers se nommoient Accensi, ab acciendo, dit Varron, parce que leur emploi principal étoit de convoquer le peuple. Les autres, parce qu’ils étoient ajoutés au nombre compétant ; quia adcensebantur, ou accensebantur ; c’est-à-dire, ad censum adjiciebantur, ainsi que l’explique Asconius Pedianus.

Accense. s. f. Terme de Coutume. On écrit aussi adcense, & accense. Accensa, datio ad censum, locatio accensiva. C’est ce qu’on appelle louage ailleurs.

On appelle aussi accense un héritage, ou une ferme qu'on tient à certains cens & rente, ou à prix d'argent. Cette métairie est une accense d'une telle Abbaye. Tenir un héritage, une maison en accense.

ACCENSEMENT, ou ADCENSEMENT, ou ACENSEMENT, Terme de coutume. On trouve ce mot dans l’ancienne coutume de Paris, il veut dire la même chose qu’accense, c’est l’action d’accenser.

ACCENSER, ou ACENSER, v. act. C’est ce qu’on appelle louer, Locare, ad censum dare. Il y a encore des Provinces où l’on dit accenser une maison, pour louer une maison. Ce mot vient d’ad censum, en sousentendant dare, donner. Adcense, & adcensement, ont la même origine, aussi bien qu’Accenseur qui suit.



ACCENSEUR & ADCENSEUR, s. m. Terme de coutume. C’est dans la coutume de Berri. Celui qui donne à louage quelque chose. Accensator, qui dat ad censum.

ACCENT, s. m. Inflexion de voix, prononciation qu’on a contracté dans la Province où l’on est né. Sonus vocis. Il faut se garder soigneusement d’un certain accent populaire, qui rend les plus belles choses désagréables. M. Scud. Il est bien difficile de se défaire de l’accent Gascon, ou Normand. On connoît le Pays d’un homme à son accent.

Accent, signifie aussi un certain ton de voix qui est souvent une marque de l’intention de celui qui parle, & qui fait donner une bonne ou mauvaise interprétation à ses paroles. On offense souvent avec des termes flatteurs ; mais l’accent fait tout. Quand on dit les choses d’un certain accent, elles ont un sens bien différent de celui qu’elles ont naturellement.

Accent, signifie en Grammaire, certaine marque qu’on met sur les syllabes, pour les faire prononcer d’un ton plus fort, ou plus foible, & pour marquer les diverses inflexions de la voix. Accentus, voculatio. Les Savans ont observé que l’usage des accens étoit inconnu aux anciens Grecs. Ils ont été inventés par les Grammairiens, pour fixer la prononciation de la Langue grecque. Le Cardinal du Perron dit que les Hébreux appelloient les accens טעם, taham, c’est-à-dire, gustus, parce que c’est comme le goût & le relief de la prononciation.

Il y a trois sortes d’accens. L’aigu, qui relève un peu la syllabe, la bonté. Acutus. Le grave, qui la rabaisse, là. Gravis. Et le circonflexe, qui est composé des deux autres, & qui étend le son, extrême. Circumflexus. On le met sur la plupart des syllabes longues dont on retranche une S, comme trône, pâle, &c. Il y a des Provinces qui ont leurs accens particuliers. Deux des plus marqués sont l’accent Gascon, & l’accent Normand. L’accent Gascon est un accent aigu, qui se fait trop sentir. L’accent Normand est un accent émoussé, grossier & pesant, qui assomme les oreilles. Les Gascons aiment leur accent jusqu’à la folie ; c’est-à-dire, jusqu’à le garder à la Cour même. L’accent Normand est trop grossier pour favoriser la vanité de l’esprit : l’accent Gascon la favorise par je ne sai quelle élevation qui ne déplait pas. Vign. Mar. Il falloit dire plutôt, parce qu’il marque de l’esprit & de la vivacité. M. de Segrais, qui étoit de l’Académie Françoise, & qui avoit passé sa jeunesse à la Cour, a toujours parlé Bas-Normand, & conservé son accent ; ce qui donna lieu à Mademoiselle de Montpensier de dire à un gentilhomme qui alloit faire le voyage de Normandie avec M. de Segrais : vous avez un fort bon guide, il sait parfaitement la langue du pays. Vign. Mar.

Les Hébreux ont l’accent de Grammaire, de Rhétorique, & de Musique, ou plutôt, l’accent de Grammaire & de Rhétorique ; car l’accent de Musique n’est point différent de l’accent de Grammaire qu’on appelle aussi accent Tonique, parce qu’il donne le ton à la syllabe ; & l’accent de Rhétorique se nomme Euphonique, parce qu’il sert à rendre la prononciation plus douce & plus agréable. Il y a quatre accens de Rhétorique, ou Euphoniques, & 25 Toniques, ou de Grammaire, dont les uns se placent sur la syllabe, les autres dessous. Les Grammairiens Juifs, suivis des autres qui ont écrit des Grammaires Hébraïques, les distinguent en accens Rois, & en accens Ministres, ou serviteurs. Les premiers sont ceux qui font une distinction grande ou petite. On les appelle Rois, parce que les autres se rapportent à eux, leur servent, & qu’ils sont dans leur Empire ; c’est-à-dire, dans la phrase que ceux-là gouvernent, & qu’ils terminent. Les seconds sont ceux qui ne font point de distinction, mais qui montrent que la phrase n’est pas finie, qu’il faut rapporter le mot ou le membre sur lequel ils dominent à ce qui suit. Parmi ceux qui font distinction, & qu’on appelle généralement Rois, on distingue encore un Empereur, des Rois, des Ducs, ou Chefs. Tous ces noms sont métaphoriques pour marquer une distinction plus ou moins grande. Celui qui domine sur toute une phrase complète, qui termine un sens entier, s’appelle Empereur : cela revient à ce que nous appelons un point. Celui qui domine sur un grand membre de la phrase, qui termine un sens, qui n’est pas cependant tout-à-fait complet, s’appelle Roi : & c’est à-peu-près comme nos deux points, ou notre point avec une virgule. Enfin, celui qui dans un grand membre en gouverne & en coupe un plus petit, qui fait aussi un sens, mais imparfait, se nomme Duc : c’est, si l’on veut, notre virgule. Au reste, l’accent Roi devient quelquefois Ministre, & le Ministre Roi, selon que les phrases sont plus ou moins longues. De plus, l’art & la combinaison des accens est autre dans la poësie hébraïque, que dans la prose. On dispute beaucoup sur l’usage de tous ces accens Toniques, ou de Grammaire. Un grand nombre de Protestans, sur-tout parmi les Luthériens, soutiennent qu’ils servent à distinguer le sens. Le commun des Catholiques, & les plus habiles Protestans, croient au contraire qu’ils ne servent que pour le chant, ou la musique ; car les Juifs chantent l’Ecriture-Sainte dans leurs Synagogues plutôt qu’ils ne la lisent. Je crois qu’ils sont faits pour marquer ce chant ; mais qu’on a réglé ce chant sur le sens des paroles, & sur l’attention qu’on a voulu qu’on fît à certains mots ; qu’ainsi les accens Hébreux, en marquant le chant, marquent aussi quelque distinction, mais que ces distinctions en si grand nombre sont souvent inutiles ou trop subtiles. Ainsi parmi nos Ecrivains Latins & François, & parmi ceux qui nous donnent des éditions des anciens Auteurs, il y en a qui mettent une fois plus de distinctions de points, de virgules, &c. que les autres. Quoiqu’il en soit, il est certain que les anciens Hébreux n’avoient pas ces accens, qu’ils n’ont été inventés que vers le VIe siècle par les Docteurs Juifs qu’on nomme Massorettes, & qu’ainsi ils n’ont point une autorité divine, quoiqu’en disent quelques Protestans. Les plus judicieux même parmi eux conviennent de ce qu’on vient de dire. Voilà en peu de mots ce que l’on peut dire de plus clair & de plus raisonnable sur une matière fort embrouillée & sur laquelle on a écrit, & l’on écrit encore tous les jours bien des volumes.

Il y a de grandes disputes parmi les Savans sur les accens qu’on trouve depuis plusieurs siècles dans les Livres Grecs, soit imprimés soit manuscrits. Isaac Vossius, qui a composé un discours à ce sujet, prétend que ces accens ne sont point anciens, & qu’autrefois il n’y en avoit point d’autres que de certaines notes qui servent à la Poësie. C’étoient proprement des notes de Musiciens pour chanter les Poëmes, & non pas des notes de Grammairiens, telles que sont celles qui ont été inventées très-long-temps après. Aristophane le Grammairien, qui vivoit vers le temps de Ptolomée Philopator, fut l’Auteur de ces notes musicales. Aristarque son disciple enchérit dans cet Art par-dessus lui : & tout cela ne servoit que pour apprendre plus facilement aux jeunes gens l’art de faire des vers. Le même Vossius montre par plusieurs anciens Grammairiens, qu’on marquoit en ces temps-là les accens Grecs sur les mots, tout autrement qu’ils ne sont présentement dans les Livres, ce qu’il justifie aussi par des exemples. Voyez sa dissertation De accentibus Græcanicis.

Henri Christian Hennin, dans une Dissertation qu’il a publiée pour montrer qu’on ne doit point prononcer la Langue Grecque selon les accens, a embrassé le sentiment d’Isaac Vossius, qu’il a poussé encore plus loin. Il croit que ce sont les Arabes qui ont été les inventeurs de ces notes, ou pointes, acuminum, qu’on voit sur les mots, & qu’on nomme accens ; & qu’ils ne s’en sont servis que dans la Poësie. Il appuie ce sentiment sur le traité de Samuël Glarck de Prosodiâ arabicâ, imprimé à Oxford en 1661 ; mais il ne paroît pas avoir entendu la pensée de cet Auteur.

Hennin prétend que ces anciens accens, inventés par Aristophane, s’accordoient parfaitement avec la prononciation de la Langue Grecque, au lieu que ceux d’aujourd’hui la détruisent. Il ajoute que les nouveaux Grammairiens Grecs ne les ont inventés, que dans des temps où la Langue Grecque commençoit à tomber, voulant empêcher par-là la mauvaise prononciation que les Barbares y introduisoient ; & il ne leur donne que neuf cens ans d’antiquité, ce qu’il prouve, parce qu’il ne se trouve point de plus anciens Livres manuscrits, où ces accens soient marqués. Lisez sa Dissertation imprimée à Utrecht en 1684, sous le titre de Dissertatio paradoxa, avec celle d’Isaac Vossius qui y est jointe.

Wetstein, Professeur à Bâle, en Langue Grecque, a opposé aux paradoxes de Hennin une savante Dissertation, où il fait voir que les accens qui sont dans les Livres Grecs, soit imprimés, soit manuscrits, ont une bien plus grande antiquité. Il avoue que ces accens n’ont pas toujours été marqués de la même manière que les Anciens, & il en apporte en même temps la raison. Comme la prononciation de la Langue Grecque n’a pas été la même chez tous les peuples, il n’est pas étonnant que les Doriens les aient marqués d’une manière, & les Æoliens d’une autre. De même, ajoute-t-il, un même peuple a prononcé différemment sa Langue en différens temps. Tout ceci se peut confirmer par l’exemple de notre Langue. Il rapporte deux raisons qu’on eut dès ces temps-là de marquer les accens. L’une est qu’on écrivoit alors tout en lettres majuscules, toujours également éloignées les unes des autres, sans distinction de mots, ni de phrases. L’autre est de distinguer les mots ambigus, & qui peuvent avoir deux sens. Il prouve ceci par une dispute sur un endroit d’Homère, rapportée par Aristote dans sa Poëtique, Ch. 25. C’est ainsi que les Syriens, qui ne marquent point les accens toniques, quoiqu’ils aient des accens distinctifs, ont encore inventé certains points, qui se mettent au-dessus ou au-dessous du mot, pour en faire connoître le mœuf, le temps, la personne, ou le sens, & qui étoient très-utiles lorsqu’on écrivoit le Syriac sans voyelles. Cette Dissertation, qui est pleine d’érudition, a été imprimée à Bâle


en 1686, sous le titre de Dissertatio epistolica de accentuum Græcorum antiquitate & usu, à la fin de ses Discours apologétiques pour la véritable prononciation de la Langue Grecque.

Il n’est pas possible de fixer exactement le temps auquel les Grecs ont marqué les accens dans leurs Livres. Mais on peut assurer que Hennin & Isaac Vossius ont un peu outré cette matière. Wetstein a aussi trop étendu quelques-unes de ses preuves. De plus, on doit demeurer d’accord que les accens ne sont point marqués dans les Livres Grecs qui ont mille ans d’antiquité. Mais il ne s’ensuit pas de là que ces accens ne fussent point encore dans ce temps-là en usage chez les Grecs. Cela prouve seulement, que la plûpart des Copistes les ont négligés ; & c’est ce qui fait qu’il est très-rare de trouver d’anciens Manuscrits où ils soient marqués. C’est la remarque que M. Simon, qui a lu un grand nombre de Manuscrits Grecs, a faite dans son Histoire critique du Nouveau Testament, où il dit : l’Exemplaire Grec & Latin de Cambridge, qui contient les quatre Evangélistes & les Actes des Apôtres, & qui est au moins ancien de mille ans, n’a aucuns accens. L’Exemplaire Grec & Latin des Epîtres de S. Paul qui est dans la Bibliothèque du Roi, & qui n’est pas moins ancien que celui de Cambridge, a à la vérité des accens ; mais il paroît qu’ils y ont été ajoutés après coup, parce qu’ils ne sont point de la même main que l’écriture de tout le Livre. Georges Syncelle, ajoute M. Simon, fait mention d’un Exemplaire Grec de la Bible, qui étoit écrit avec une grande exactitude, où l’on avoit mis les points & les accens. Syncelle dit que cet Exemplaire lui étoit venu de la Bibliothèque de Césarée en Cappadoce, & qu’on voyoit par l’inscription qui étoit au-devant du Livre, qu’il avoit été copié sur un Exemplaire qui avoit été corrigé par le grand S. Basile.

Hennin ne paroit pas exact, quand il assûre que les accens sont une invention des Arabes, qui fut perfectionnée par Alchalil vers le temps de la mort de Mahomet ; que les Massorettes de Tibériade, au milieu du sixième siècle adopterent cette invention, & que celui qui perfectionna les accens, fut le Rabbin Juda ben David Chiug, natif de Fez, dans l’onzième siècle. Il se peut faire à la vérité, que les Juifs aient emprunté leurs points voyelles des Arabes ; mais comment auroient-ils pris de ces mêmes Arabes leurs accens, puisque la Langue arabe n’a aucuns accens, ni dans la prose, ni dans les vers ? La poësie est très-ancienne chez les Arabes, & long-temps avant Alchalil Eben Ahmed, qui l’a seulement réduite en art, marquant les mesures des vers que nous appelons en Latin pedes, les pieds. C’est ce que Samuël Clarck a fort bien expliqué dans son Livre intitulé, De Prosodiâ arabicâ.

A l’égard des Juifs, on peut croire que les Massorettes de Tibériade ont ajouté les accens au texte Hébreu de toute la Bible. Ceux qui disent que le Rabb. Juda de Fez perfectionna les accens, n’ont avancé cela que parce qu’ils ont crû que ce Rabbin a été le premier Grammairien des Juifs. Mais ils se trompent ; car Rabb. Saadias Gaon, qui vivoit long-temps avant Juda Chiug, a composé une Grammaire hébraïque. On trouve dans l’Histoire Critique de l’Ancien Testament, Chap. 30, un Catalogue des Grammairiens Juifs, à la tête desquels est ce Rabb. Saadias. M. mon dit en ce lieu-là : Après que les Juifs de Tibériade eurent ajouté les points voyelles & les accens au texte de la Bible, les Docteurs des autres Ecoles commencerent à les imiter. Ils mirent ces points & ces accens dans leurs exemplaires, que les particuliers décrivirent ensuite.

Les accens des Hébreux ont quelque chose de commun avec les accens des Grecs & des Latins, & ils ont en même temps quelque chose de particulier, & qui ne se trouve que dans la Langue hébraïque. Ce qu’ils ont de commun, c’est qu’ils marquent les tons, quand il faut élever, ou abaisser la voix sur certaines syllabes. Quand un Juif habile lit le texte Hébreu de la Bible, il chante plutôt qu’il ne lit, parce qu’il le prononce selon les tons qui sont marqués par les accens. Ce que les accens ont de particulier dans cette Langue, c’est qu’ils y font la même chose que les points & les virgules dans le Latin, dans le Grec & dans le François : ils distinguent les sections, les périodes, & les membres des périodes. Le mot accent vient d’accentus ; & ce dernier mot, selon Covarruvias, vient d’accento, verbe fréquentatif dérivé d’accino.

Accent, en Musique, est une inflexion, ou modification de la voix, ou de la parole, pour exprimer les passions & les affections, soit naturellement, soit par artifice.

Les Poëtes & les amoureux se servent quelquefois du mot d’accens au plurier, pour signifier la voix, ou les cris. Les accens plaintifs. Les derniers accens. Il expliqua sa passion par ces tristes accens. Pousser des accents funèbres.

Loin d’ici, profane vulgaire,
Apollon m’inspire & m’éclaire :
C’est lui, je le vois, je le sens :
Mon cœur cede à sa violence.
Mortels, respectez sa présence,
Prêtez l’oreille à mes accens. R.

Rien n’empêche même de s’en servir en prose, & M. Pelisson a dit fort élégamment aux Réfugiés : Pendant que toute la terre pleine de son nom (du Roi) & des charmes de votre Patrie, apprend à parler François, vous tâcherez de vous former avec peine aux accens de quelque Langue étrangère, qui ne laissera pas de vous faire entendre à toute heure ce que vous avez perdu.

ACCENTUER. v. a. Marquer les syllabes avec des accens, pour avertir comment il les faut prononcer. Syllabæ accentum apponere. Les Romains n’accentuoient point leurs syllabes en écrivant.

ACCENTUÉ, ÉE. adj. & part. pass. Cet é est accentué, il le faut prononcer plus fortement.

ACCÈPTABLE. adj. m. & f. Ce qu’on ne peut raisonnablement refuser. Accipiendus, quod potest accipi. Ces offres, ces propositions sont accèptables, & ne doivent point être rejettées. Celka est du style simple.

ACCÈPTANT, ante. adj. Terme de Pratique. Celui qui accèpte, qui agrée ce qu’on fait en sa faveur. Dans tous les Contrats on dit, qu’un acquéreur, ou donataire, est présent & accèptant. Dans les cessions à un absent, le Notaire prend qualité d’accèptant pour le cessionnaire.

ACCÈPTATION. s. f. Consentement de celui qui accèpte, action par laquelle on reçoit volontairement, on agrée ce qui est proposé, offert. Acceptio. L’accèptation d’une donnation est nécessaire pour sa validité : c’est une formalité essentielle. L’accèptation est le concours de la volonté du donataire, qui donne la perfection à l’acte ; sans quoi le donateur peut révoquer son don. Si le porteur d'une lettre de change n'en fait point faire l'accèptation dans un certain temps, il n'a plus de garantie sur le tireur. Savary.

En matière bénéficiale, l’accèptation doit être faite au temps même de la résignation, & non ex intervallo. L’accèptation est réputée faite par un Gradué, nommé, quand il a demandé à l’ordinaire qu’il lui confère le Bénéfice. Bouchel.

Accèptation, en termes de Théologie, se dit de la manière de recevoir les Constitutions des Papes, ou de l’acte par lequel on les reçoit. Il y a deux sortes d’accèptations, l’une solennelle, & l’autre tacite : l’accèptation solennelle est l’acte par lequel on reçoit, & on accèpte une Constitution, en condamnant ce que le Pape condamne. L’accèptation solennelle se pratique plus ordinairement dans les lieux où les erreurs condamnées se sont élevées, dans ceux où elles se sont répandues, où elles ont causé du scandale, où les Livres condamnés ont été imprimés ; dans les pays où sont ceux à qui la Constitution est adressée en particulier, quand elle ne l’est pas à tous les Fidèles. Quand une Constitution a été accèptée expressément par ceux qu’elle regarde d’une manière particulière, elle est censée accèptée tacitement par les autres Prélats du monde Chrétien qui en ont connoissance ; & cet acquiescement est ce qu’on appelle accèptation tacite. Ainsi la France, la Pologne, &c. ont accèpté tacitement la Constitution contre la Doctrine de Molinos ; & l’Allemagne, la Pologne, &c. ont accèpté tacitement les Constitutions contre la Doctrine de Jansénius, Evêque d’Ypres. Enfin, quand la plus grande partie des Evêques a accèpté une Constitution expressément, ou tacitement, les autres sont obligés de l’accèpter & d’y adhérer, en ce qui regarde la foi & les mœurs ; & il n’est point nécessaire que l’accèptation du Corps des Pasteurs soit solennelle, pour que les Constitutions du Saint-Siége soient des règles du sentiment des Fidèles. Procès verbal de l’Assemblée du Clergé en 1705.

Accèptation d’une lettre de change, est la promesse par écrit de l’acquitter dans le temps de son échéance.

ACCÈPTER. v. a. Agréer ce qui est offert. Accipere. Il a accèpté une charge difficile à remplir. La loi est censée accèpter pour les mineurs, & elle supplée à leur intention dans les choses favorables. Courtin. Accèpter un combat sur un défi. Accèpter la paix, les conditions d’un traité. Il faut remarquer que ce mot est moins étendu que recevoir ou agréer, & qu'il suppose quelque traité ou négociation. On le dit pourtant quelquefois lorsqu'il ne s'agit point d'affaires. Les Juges ne doivent accèpter aucuns présens des Parues ; pour dire simplement, Recevoir.

Elle venoit, Seigneur, fuyant votre courroux,
A la face des Dieux l’accèpter pour époux.

Ragin.

On dit, j’en accèpte l’augure ; pour dire, je souhaite que cela arrive comme on le fait espérer.

Accèpter se dit des Constitutions, Bulles, ou Brefs des Papes, comme on l’a expliqué au mot accèptation. Un arrêt du Conseil du cinquième Juillet 1714, le Roi y étant, déclare un Mandement d’un Evêque comme non fait, & non advenu, parce qu’il introduit une nouvelle manière d’accèpter les Constitutions du Pape. Il y a cette différence entre accèpter & accèptation pris en ce sens, que l’on dit également bien accèpter ou recevoir une Bulle, ou Constitution, au lieu qu’on ne dit point récep-


tion, mais toujours accèptation d’une Bulle ou Constitution.

On dit aussi, accèpter une lettre de change, pour en empêcher le protêt, lorsqu’on la souscrit, & qu’on promet de la payer.

On dit aussi au Palais, accèpter les offres de sa partie.

Accèpté, ée. part. Qui a les mêmes sens que son verbe. Les offres qui ne sont point accèptées sont sujètes à révocation. En matière de Bulles & de Constitutions du Saint-Siége, quoiqu’on dise accèptation, & non pas réception, on dit cependant reçu, & non pas accèpté. Cette Constitution est reçue en France. On n’encourt point en France l’excommunication, & les autres peines portées dans cette Bulle, parce qu’elle n’y a point été reçue, & non pas accèptée, au moins dans l’usage ordinaire.

ACCÈPTEUR. s. m. Terme de commerce. Accèptor. L’Accèpteur est celui qui a accèpté une lettre de change. L’Accèpteur devient débiteur personnel après l’accèptation, est obligé de payer, quand même le tireur viendroit à manquer.

ACCÈPTILATION. s. f. Accèptilatio. Terme de Jurisprudence Romaine. Remise verbale qu’on donne à un débiteur sans aucun payement de sa part ; déclaration qu’on fait en faveur de son débiteur, qu’on ne lui veut plus rien demander, qu’on a été satisfait d’une dette, ou qu’on la lui remet. On trouve dans le droit une certaine forme prescrite pour l’accèptilation. Ulpien a cependant décidé que l’accèptilation n’est point aux paroles ; & qu’étant de droit naturel que chacun remette ce qui lui est dû, en la manière qu’il lui plaît, elle ne dépend point des formalités.

ACCÈPTION. s. f. Considération, sorte de préférence qu’on a pour quelqu’un plutôt que pour un autre. Respectus, discrimen, delectus. Les bons Juges ne font aucune accèption des personnes. Cette expression nous est venue de l’écriture, où le Traducteur Latin rend par accipere personam, & personarum accèptio, ce que l’Hébreu exprime par גקר פנים connoître, ou considérer le visage, y faire attention, ou par משא פנים, assumptio facierum, ce qui signifie faire distinction des personnes, avoir des égards, des considérations pour les unes, qu’on n’a pas pour les autres. On s’est servi autrefois aussi en ce sens du mot d’accèptation ; mais accèptation est plus propre pour les affaires, & accèption pour les personnes.

Accèption. Terme de Grammaire. Sens dans lequel on prend un mot. Significatio, notio, intellectus. Ce mot a plusieurs accèptions. Dans sa première & plus naturelle accèption, il signifie, &c.

ACCÈS, s. m. Abord, entrée ; facilité d'approcher de quelque personne, ou de quelque chose. Aditus. Heureux celui qui a accès auprès du Roi. Cet homme cherche quelque accès dans cette maison, quelque connoissance qui lui en facilite l'entrée. C'est un homme dans l'esprit duquel il est impossible de trouver aucun accès. S. Evr. L'accès de cette côte est difficile à cause des rochers. Le facile accès est une partie du devoir du Prince. Louis XI. donnoit des audiences publiques à tous ses Sujets ; son accès étoit doux & charmant, sa présence étoit agréable, Matthieu en sa vie L. 3. Deroch.

Accès, se dit aussi en Médecine des retours périodiques de certaines maladies, qui laissent quelques bons intervalles. Accèssio, accèssus. Il a eu un accès de fièvre, de goutte. Il lui prend quelquefois un accès de folie. En ce sens il se dit aussi seul, & sans ajoûter le nom de la maladie. L’accès a été long & violent.


ACCESSIBLE. adj. m. & f. Ce qui peut être approché. Ad quem facilis est aditus. On le dit des lieux & des personnes. L’humeur farouche de ce Juge fait qu’il n’est accèssible qu’à peu de gens. Il étoit accèssible à toute heure & à tout le monde. Le Gend. Cette place n’est accèssible que par un seul endroit.

ACCESSION. s. f. Terme de pratique. L’action d’aller dans un lieu. Accèssio. Le Juge a ordonné une accèssion de lieu, pour dresser procès verbal de l’état des choses. Il signifie aussi l’union d’une chose à une autre que l’on possédoit déjà ; en ce cas c’est la même chose qu’accroissement : s’approprier un fonds par droit d’accèssion. Le droit explique diverses sortes d’accèssions, en vertu desquelles une chose jointe à une autre accroît au profit du propriétaire de la chose à laquelle l’autre a été unie. La pourpre par voie d’accèssion appartient au maître du drap avec lequel elle a été confondue par la teinture. Inst. P. 2, T. i.

ACCESSIT, Terme de Collége. Récompense qu’on donne aux écoliers qui ont composé presqu’aussi-bien que celui qui a emporté le prix. Un tel a eu le premier prix des vers, & un tel le premier accessit ; c’est-à-dire, qu’il est celui qui a approché le plus près des prix.

Ce mot est Latin, & vient de ce qu’après avoir donné les prix on nomme ceux qui en ont approché le plus près, en disant : Ad hos proximè accesserunt. Il se dit & de la personne & de la chose ; c’est-à-dire, de l’honneur d’être ainsi nommé, & aussi de la récompense qu’on donne à ceux qui sont ainsi nommés, car on dit : Il est le premier ou le second accessit, il a eu le premier accessit ; & voilà mon accessit, en montrant le Livre qu’on a reçu.

ACCESSOIRE, s. m. Dépendance du principal, suite de quelque chose qui est plus considérable. Accessio. Les depens, qui ne sont qu’un accessoire, montent souvent plus haut que le principal. L’accèssoire doit céder au principal. Persée fut le principal acteur de la guerre, & Gentius n’en étoit que comme l’accèssoire. Ablanc. La caution dans le contract est un accèssoire qui fortifie le contract, & par cette raison il est condamné comme le principal obligé, parce que l’accèssoire tient de la nature du principal.

Accessoire, se prend figurément pour un état fâcheux. Status acerbus. Il étoit dans un étrange accessoire. On ne s’en sert plus en ce sens.

Accessoire, pris comme adjectif, se dit de ce qui n’est point de l’essence d’une chose, mais que l’on y joint comme un accompagnement, comme une dépendance. Adscitus, adventitius.

Accessoire, en matière de Pharmacie, veut dire un changement qui arrive au médicament par des causes extérieures, & qui augmente, ou qui diminue sa vertu.

ACCHO. Accho. Ville de Phénicie. Elle fut donnée à la Tribu d’Aser ; mais cette Tribu n’en chassa point les Chananéens, ou Phéniciens, non plus que de quelques autres lieux dont il est parlé au Ch. i du Liv. des Juges v. 31. Quelques-uns veulent que ce soit la même qu’Acé, ou Ptolémaïs. Bochart, Chanaan, C. 2, dit que c’est Acon, que Jacques de Vitry, dans son Histoire d’Orient, C. 25 écrit Accon. Voyez sur cet endroit les notes d’André Hojux, p. 461, de l’édition de Douai 1597, & Fuller. Miscell. Liv. iv, C. 15.

Etienne a tort de chercher dans la langue grecque l’étymologie de ce nom ; encore plus Josephe de le faire venir d’ἀρχή, principium. C’est un mot purement Hébreu, ou Phénicien, עכו, que quelques-uns interpretent compressus, ou consractus ; mais dont nous ne savons pas la vraie signification.

ACCIDENT, s. m. Terme de Philosophie, propriété accidentelle, ce qui survient à la substance, & qui ne lui est pas essentiel ; qui peut y être, ou n’y être pas, sans qu’elle périsse. Accidens. Un accident, ou un mode, c’est ce que nous concevons nécessairement dépendant de quelque substance. Roh. La blancheur est un accident dans une muraille, parce que cette muraille peut subsister sans la blancheur : au lieu que la blancheur ne peut naturellement subsister sans qu’elle soit soutenue par quelque substance. Les Cartésiens disent que l’extension constitue l’essence de la matière, & que les accidens ne sont que des modifications, qui n’en sont point distinctes réellement. Ces sentimens sont rejettés par les Théologiens, comme contraires à ce que la Foi nous enseigne touchant l’Eucharistie. Ce n’est pas nous, Nos très-chers frères, qui avons imaginé cette distinction de substance & d’accident ; c’est Platon, c’est Aristote, qui n’avoient aucune part à nos disputes : nous ne faisons qu’emprunter leurs termes, pour mettre hors de tout équivoque les termes communs. Peliss.

Accident, Evènement fortuit, hasard, coup de fortune. Casus. Malheur imprévu. Casus adversus. Il y a des gens à qui la faveur arrive comme un accident, ils en sont surpris les premiers. La Bruy. C’est par un heureux accident que cet homme a été garanti du naufrage. Quand il est mis seul, & sans adjectif qui en détermine le sens, il se prend presque toujours en mauvaise part. Il arrive quelquefois des accidens d’où il faut être un peu fou pour se bien tirer. Rochef. C’est dans les hôpitaux que se rassemblent toutes les infirmités, & tous les accidens de la vie humaine. Flech. Je suis fâché de l’accident qui vous est arrivé : cela s’entend de quelque avanture désagréable.

Quand on se brûle au feu que soi-même on attise,
Ce n’est point accident, mais c’est une sottise. Regnier.

Accident, signifie aussi les circonstances, & les incidens d’une action. Quand Sapho veut exprimer les fureurs de l’amour, elle ramasse de tous côtés les accidens qui suivent, & qui accompagnent cette passion : & remarquez que de tous ces accidens, elle choisit ceux qui marquent davantage l’excès & la violence de l’amour. Boil.

Accident absolu. Accidens absolutum. C’est celui qui subsiste, ou qui peut au moins surnaturellement & par miracle subsister sans sujet. Tels sont les accidens du Pain & du Vin dans le Sacrement de l’Eucharistie : car l’Eucharistie étant un Sacrement ; c’est-à-dire, un signe visible, de la Grace invisible, il faut nécessairement qu’il y ait quelque chose de sensible. Ce ne peut être aucune substance, il faut donc que ce soient des accidens. De plus il se fait dans l’Eucharistie une véritable conversion ; c’est la Foi de l’Eglise Catholique, la Doctrine des Pères, & la décision des Conciles de Rome, sous Grégoire VII. de Latran, sous Innocent III. & de Trente, Sess. XIII. Chap. 6. Or en toute convèrsion il doit y


avoir quelque chose de commun, qui demeure après le changement le même qu’il étoit avant le changement ; autrement ce ne seroit qu’une simple substitution d’une chose à la place d’une autre. Comme donc il n’y a aucune substance qui demeure, il faut que ce soient de purs accidens. Enfin, le Concile de Constance a condamné comme hérétique cette proposition, qui est la seconde de Wiclef, dans la Sess. VIII. Les accidens du Pain ne demeurent point sans sujet dans le même Sacrement (de l’Eucharistie). Et quoique le Concile de Trente ne se soit point servi du mot d’accident, il a néanmoins défini la même chose au regard des espèces, qui dans le langage de tous les Théologiens ne signifient autre chose que les accidens du Pain & du Vin. Car que sont autre chose les especes après la consecration, que des espèces sacramentelles & des accidens sans sujet ? dit le Concile de Cologne en 1539. Part. VII. §. 15. On peut voir encore dans le Concile de Basse le discours de Jean de Ragusio, Procureur général des Dominicains. Quelques Théologiens ou Philosophes reconnoissent pour accidens absolus tous ceux qui restent dans le Sacrement après la consécration ; la quantité, la couleur, la saveur, &c. D’autres disent qu’il n’y a proprement que la quantité qui soit un accident absolu & sans sujet, que les autres ont pour sujet la quantité. Le premier sentiment est plus conforme à celui des Pères, & à l’ancienne Doctrine ; car les Pères ont reconnu des accidens absolus autres que la quantité, & ailleurs que dans le Sacrement de l’Eucharistie. S. Basile, dans son Homélie VI. sur la création, enseigne, que la lumière ou plutôt la splendeur, la lueur de la lumière, , est différente de son sujet, comme la blancheur du corps blanc, & qu’elle a été au commencement sans ce sujet, ayant été créée quatre jours auparavant, ce qu’il regarde comme un miracle de la toute-puissance de Dieu. S. Grégoire de Nazianze dit la même chose. Orat. 43. Nicétas aussi-bien que Procope sur la Genèse approuvent ce sentiment de S. Basile. Les Cartésiens ont imaginé tout ce qu’ils ont pu pour détruire cette Doctrine des accidens absolus ; mais ils n’ont rien inventé qui satisfasse. Ils disent que sans qu’il reste rien, Dieu fait sur nos sens les mêmes impressions que faisoient le Pain & le Vin avant la consécration. Mais c’est là rejetter la Doctrine de l’Eglise, & au lieu d’une vraie conversion, ne reconnoître qu’une simple substitution. D’autres soutiennent que tous les corps ont beaucoup de matière hétérogène, d’air & d’autres corpuscules renfermés dans leurs pores ; que quand le Pain est détruit, cette matière, qui n’est point du Pain, subsiste ; que Dieu par miracle la conserve dans le même arrangement, qu’elle avoit dans les pores du Pain, avant qu’il fût détruit ; qu’ainsi elle doit produire les mêmes sensations que produisoit le Pain. Mais on répond à cela que c’est encore là n’admettre qu’une pure substitution, & non point une véritable conversion ; que d’ailleurs dans les principes mêmes des Cartésiens toute cette explication doit être fausse ; que l’espace qu’occupoient avant la consécration les parties solides de la substance du Pain & du Vin, ou demeure vuide après la consécration, ou se remplit de quelque autre substance, qui n’est pas du Pain, ni du Vin ; que soit qu’il demeure vuide, soit qu’il se remplisse de quelque autre substance, ce n’est plus le même tissu, ni le même arrangement de parties, puisque ce n’est plus du Pain ni du Vin ; qu’ainsi selon les Cartésiens mêmes ce ne doit plus être les mêmes sensations. De plus, que les parties du Pain n’étant point disposées, ni figurées de la même manière que celles du corps de Jesus-Christ, les pores ne peuvent être non plus disposés de même ; que cela étant il ne se peut faire que la matière interceptée dans les pores du Pain & du Vin, & conservée après la consécration dans la même situation, réponde exactement aux pores du Corps de Jesus-Christ ; qu’en plusieurs endroits elle tombera sur des parties solides ; qu’alors il faut de deux choses l’une ; ou que pour conserver toujours le même arrangement de cette matière, il y ait pénétration de plusieurs de ses parties avec des parties solides du Corps de Jesus-Christ, ce qui n’est pas possible dans les principes de Descartes ; ou que la disposition & l’arrangement se change, & que ce ne soient plus les mêmes sensations, ou impressions sur nos sens, ce qui est faux. Voyez la lettre d’un Philosophe à un Cartésien de ses amis. La substance corporelle ne se peut séparer de ses accidens. Qui vous l’a dit ? Etiez-vous du Conseil de Dieu, quand il tiroit du néant les substances & les accidens ? Peliss.

Accident, en termes de Médecine, est la même chose que symptome, & se dit de tout ce qui arrive de nouveau à un malade, soit en bien, ou en mal. Symptoma. Le remède travailla de telle sorte, que les accidens qui s’ensuivirent fortifierent l’accusation. Vaug. Cette plaie se pourra guérir, s’il ne lui arrive point d’accident ; c’est-à-dire, de fièvre, d’inflammation, ou d’autres symptomes. Par Accident, manière de parler adverbiale. Fortuitò. Elle marque une chose arrivée par malheur, ou un évènement qu’on ne devoit pas naturellement attendre. Le Prince a l’humeur bienfaisante, & s’il fait du mal, ce n’est que par accident. En termes de Philosophie, par accident, per accidens, signifie ce qui ne suit pas de la nature d’une chose, mais de quelque qualité accidentelle qu’elle a, & il est opposé à de soi ; per se, autre manière de parler semblable qui marque ce qui suit de l’essence & de la nature d’une chose. Ainsi le feu brûle de soi, per se, & entant qu’il est feu, & non pas par accident ; mais un fer, même chaud, ne brûle que par accident, par une qualité accidentelle qui lui est ajoûtée ; & non pas de soi & entant qu’il est fer.

ACCIDENTEL, elle. adj. Qui n’est pas de l’essence d’une chose, ce qui est indifférent à un sujet. Adventitius. La blancheur est accidentelle au marbre, la chaleur au fer.

ACCIDENTELLEMENT. adv. Par accident. Ce n’est qu’accidentellement qu’un homme est blanc ou noir, grand ou petit. On ne s’en sert guère qu’en termes de Philosophie.

ACCISE. s. f. Terme de Relation. C’est une certaine taxe, ou impôt qu’on leve dans les Provinces-Unies sur le vin, la bière, & sur la plûpart des choses qui se consument. On condamne à de grosses amendes ceux qui fraudent les accises. Ce mot vient du Latin, disent les Jésuites d’Anvers, Acta. Sanct. April. T. iii. p. 738, de accidere, tailler, parce que c’est une taille, un retranchement. On trouve en Latin moderne Accisia, pour la taille.

AcCLAMATION, s. f. Clameur, bruit confus, cri de joie, par lequel le public témoigne de l’applaudissement, de l’estime, ou son approbation par quelque chose. Acclamati. Le Roi entra dans la ville parmi les applaudissemens & les acclamations du peuple. Ablanc. Les soldats ne purent retenir les pleurs, ni les acclamations par lesquelles une multitude exprime ses mouvemens. Vaug. Aux avénemens des Princes, & à leurs premières entrées dans les villes, les peuples ont accoutumé de faire des acclamations & des réjouissances publiques. Dans le Code Théodosien, L. vii, il est fait mention des acclamations du peuple Romain, aux entrées des Empereurs Auguste & Constantin. De Roch. Voici quelques formules de ces acclamations, que l’Antiquité nous a conservées : Que les Dieux vous conservent pour nous, votre salut, notre salut : Dii te, nobis servent, vestra salus, nostra salus. En vous, ô Antonin, & par vous, nous avons tout. In te omnia, per te omnia habentur, Antonine. Lamprid. Lorsqu’Agripprine entra dans Rome, les peuples crioient qu’elle étoit l’honneur de la patrie, le seul sang d’Auguste, le seul modèle de l’antiquité, & faisoient des vœux pour ses enfans. Tacit. Annal. L. iii. C. 4. Lampridius dit qu’à l’entrée d’Alexandre Sévère les peuples crioient Salve, Roma, quia salvus Alexander ! O Rome, soyez sauve, puisqu’Alexandre est sauf. Les Hébreux crioient Hosanna. Les Grecs Ἀγαθὴ τύχη, c’est-à-dire, bonne fortune. De Roch. Voyez Juste. Lipse, Elect. L. 11. C. 10, & Lymneus, Jus Public. Imper. L. 11. C. 5. Anciennement on se servoit d’acclamation & d’applaudissement dans les églises, comme dans les théâtres : les Magistrats, les Evêques, étoient élus autrefois par les suffrages, & les acclamations publiques. Dans les Conciles on s’en est aussi souvent servi, soit pour souhaiter de longues années aux Empereurs, soit pour opiner.

AcCLAMPER. v. act. Terme de Marine. C’est fortifier un mât par des clamps, qui sont des pièces de bois qu’on y lie, qu’on y attache pour opposer plus de résistance au vent.

AcCOINTANCE. s. f. Vieux mot. Habitude, commerce, ou familiarité qu’on a avec une personne. Commercium, consuetudo. Il ne faut avoir aucune accointance avec des gens de mauvaise vie.

Le bel esprit au siècle de Marot,
Des grands Seigneurs vous donnoit l’accointance.

Des Houl.

AcCOINTER. v. act. Vieux mot, & hors d’usage qui signifioit, Hanter quelqu’un, faire société avec lui. Habere commercium, inire consuetudinem. Il s’est accointé de cette fille, pour dire, il la voit un peu trop familièrement.

AcCOISER, v. act. Vieux mot, qui signifioit, Adoucir, appaiser. Placare, mulcere. La tempête après avoir duré six heures, s’accoisa un peu. La sédition fut accoisée par l’adresse d’un tel Magistrat.

AcCOLLADE, ou Accolade. s. f. Embrassement, caresse qu’on fait en sautant au cou de quelqu’un en l’embrassant. Amplexus, complexus.


Les amis qui ont été long-temps sans se voir, se font mille embrassades & accollades.

Accolade, se dit aussi de l’embrassade, & d’une cérémonie dont on use quand on fait un Chevalier, lequel on embrasse en signe d’amitié ; & en ce cas on dit, donner l’accolade aux Chevaliers. Grégoire de Tours rapporte que les Rois de la première race donnoient le baudrier & la ceinture dorée aux Chevaliers, & les baisoient à la joue gauche. Après l’accolade le Prince donnoit un petit coup du plat d’une épée sur l’épaule du Chevalier, qui entroit par là dans la profession de la guerre.

Accolade, se dit aussi de deux lapereaux qu’on sert, qu’on présente joints ensemble.

Accolade, Ordre Militaire, ou de Chevalerie, en Angleterre. Autrefois il n’appartenoit qu’aux Chevaliers de l’Accolade de porter l’épée & les éperons dorez. Justiniani ne dit rien de cet Ordre dans ses deux volumes des Ordres de Chevalerie.

AcCOLER ; v. act. Embrasser quelqu’un en lui mettant les bras sur le cou pour le baiser, le caresser. Amplecti, complecti. Ce mot est composé de col, & vient de ad, & de collum. Il se dit le plus souvent en riant.

Accoler, Embrasser le cou.

Psycharpax sur son dos légérement s’élance,
l’accole, & de ses bras le serre étroitement.

Accoler la cuisse, accoler la botte, signifie, Saluer quelqu’un avec grande soumission, avec respect, comme quand on va au devant d’un homme qui arrive, jusqu’à l’endroit où il descend de cheval, & qu’on s’y trouve pour l’y saluer:ce qui est une marque d’infériorité. Ad genua advolvi.

Accoler, en termes de Pratique, signifie, Faire un trait de plume en marge d’un compte, d’un mémoire, d’une déclaration de dépens, qui marque qu’il faut comprendre plusieurs articles sous un même jugement, & les comprendre dans une même supputation pour n’en faire qu’un seul. Multa in unum redigere.

Accoler, en termes de Jardinage, se dit des branches d’arbres, des séps de vigne qu’on attache à des espaliers, à des échalas. Alligare. Il est temps d’accoler la vigne. Les vignes ont besoin d’être accolées, afin que par ce travail donnant plus d’air aux raisins, & empêchant qu’ils ne penchent trop à terre, ils puissent parvenir à une maturité parfaite. Accoler la vigne, est un terme fort bien inventé, car en la liant, il semble qu’on l’arrête par le cou. Liger. Cet Auteur fait entendre que ce mot ne se dit que de la vigne; & en effet je ne l’ai jamais oui dire d’autre chose.

Accoler, signifie aussi, Joindre deux lapereaux ensemble pour en servir une accolade. Componere.

ACCOLLÉ, ée. part & adj. En tèrmes de Blason, se prend en quatre sens différens. On le dit des animaux qui ont des colliers ou des couronnes passées au cou. Torquatus. Ainsi on dit, un lion de sable armé, lampassé, & accolé d’or. On s’en sert aussi en blasonnant les armes de Navarre, qui sont de gueules aux rais d’escarboucle accolés & pommetez d’or.

Accolé, se dit aussi des choses entortillées à d’autres, comme d’un serpent à un arbre, ou à une colonne, ou de toute autre chose qui est entourée de lièrre ; d’un sep de vigne à un échalas ; d’une givre, Alligatus.

Accolé, se dit encore de deux Écus qui sont joints ensemble, & attachez par les côtez. Scutum scuto annexum, adjunctum. Ainsi les écus de France & de Pologne étoient accolés sous une même Couronne du temps de Henri III, ceux de France & de Navarre depuis Henri IV. Les écus de Léon X & de François I. sont en tête du Concordat en deux Ecussons accolés : ils le sont pareillement dans le sceau dont il est scellé. Les femmes accolent aussi leurs écus à ceux de leurs maris.

On dit aussi que des fusées, des losanges & des macles sont accolées, quand elles se touchent de leurs flancs, ou de leurs pointes sans remplir tout l’écu. On se sert aussi de ces termes pour les clefs, bâtons, masses, épées, bannières, & autres choses semblables qu’on passe en sautoir derrière l’Écu.

AcCOMMODABLE. adj. m. & f. se dit en matière de différent ; qui se peut terminer, ajuster, pacifier. Quod componi, conciliari facilè potest. Cette querelle est venuë de rien, elle est accommodable. Les différens en matière de Religion ne sont guère accommodables.

AcCOMMODAGE. s. m. Travail ou salaire de ceux qui apprêtent, qui accommodent les viandes. Operæ, laboris merces. Quand on porte des viandes au cabaret, il en faut payer l’accommodage, les sauces, l’apprêt. On a tant payé au Tapissier pour l’accommodage des chambres, quand on a déménagé.

AcCOMMODANT, ante. adj. Qui est facile, complaisant, qui veut bien ce que les autres veulent, avec qui l’on peut traiter aisément. Commodus. Vous aurez bientôt conclu votre marché avec cet homme-là, il est fort accommodant. Votre humeur si égale, sociable, & si accommodante me charme. Cost.

Accommodant, signifie aussi, Ce qui nous fait grand bien, qui établit nos affaires. Un gros billet de lotterie, une succession inesperée, sont des choses fort accommodantes.

AcCOMMODATION. s. f. Terme de Palais. Accord qui se fait à l’amiable. Compositio. Ce procès est si embrouillé, qu’il n’y a pas moyen d’en sortir que par voie d’accommodation. On ne s’en sert plus. Il faut dire, accommodement.

On le dit aussi figurément de la conciliation des Loix, des passages des Auteurs qui semblent être contraires. Conciliatio. Le plus grand soin des Commentateurs est de trouver l’accommodation des textes de leurs Auteurs qui se contrarient. Conciliation est meilleur.

Accommodation. Terme de Philosophie. Accommodatio. Connoître par accommodation, c’est connoître une chose par l’idée d’une autre.

AcCOMMODEMENT. s. m. Ajustement, ce qui rend une chose plus commode, ou qui la met en meilleur ordre. Conveniens rerum dispositio, collocatio. Je ne louerai point votre maison, que vous n’y ayiez fait tels & tels accommodemens.

Accommodement, signifie aussi, Réconciliation, accord, traité pour finir un procès, ou un différend à l’amiable. Compositio, reconciliatio. Ces parties sont en voie, en termes d’accommodement. Cet homme n’est point chicaneur, il est homme d’accommodement ; il est porté naturellement à l’accommodement ; il entre volontiers en accommodement ; il écoute tous les moyens d’accommodement. Dans les accommodemens l’on cherche d’ordinaire des termes foibles, pour l’honneur de celui qui fait satisfaction. Bouh. Cet acte d’hostilité a rompu l’accommodement qu’on avoit ménagé. Ils ont fait un accommodement plâtré. [Acad. Fr. Il se prend encore pour un tempérament, & pour un biais de parvenir à un accommodement. Il y auroit un accommodement à proposer, si les intéressés y vouloient consentir ; c’est-à-dire, un moyen, & un adoucissement pour les concilier.

Le ciel défend de vrai cèrtains contentemens.
Mais on trouve avec lui des accommodemens. Malh.

Un négociateur qui a ses ordres de la Cour, feint cependant quelquefois de se relâcher de lui-même, & comme par un esprit d’accommodement. La Bruy.

On dit proverbialement, que le meilleur procès ne vaut pas le plus mauvais accommodement.


AcCOMMODER. v. a. Rendre une chose facile, commode, la réparer. Aptare, reparare, reficere. On a donné ordre pour accommoder les chemins. Il faut accommoder cette selle, la rembourer, la rendre moins dure, & plus commode.

Accommoder, signifie aussi, Arranger, mettre en ordre, en bon état. Componere, concinnare. Il a pris grand soin d’accommoder sa chambre, son cabinet ; d’orner, d’accommoder son jardin, sa maison.

On le dit aussi des choses qui regardent l’ornement de la personne. Comere. Cette femme est toujours deux heures à s’accommoder ; c’est-à-dire, à s’ajuster & à se parer. Ce Barbier accommode bien la perruque, les cheveux.

Accommoder, signifie aussi, Préparer, apprêter, assaisonner. Parare, apparare, instruere, condire. Ce Cuisinier accommode fort bien à manger. On est fort bien accommodé dans cette hôtellerie ; c’est-à-dire, on y est bien traité, & bien servi. A quelle sauce voulez-vous qu’on accommode ce poisson.

Accommoder, se dit aussi en parlant de ce qui est à la bienséance, au voisinage de quelqu’un. Convenire. Cette tèrre accommoderoit bien cette Seigneurie, parce que l’une relève de l’autre. Ce Prince est mauvais voisin, il s’accommode de tout ce qui est à sa bienséance ; il l’usurpe. Votre bénéfice m’accommoderoit fort, si vous vouliez le permuter contre un autre qui vous accommodât aussi. Vous ferez aisément marché avec ce Curieux, tout l’accommode.

Accommoder, signifie, presqu’en même sens, traiter, acheter, prêter, permuter. Si vous voulez m’accommoder de cette terre, je l’acheterai. Si vous voulez m’accommoder de quelque argent, vous me ferez plaisir.

Accommoder, signifie aussi débrouiller ses affaires, les rétablir, faire fortune, gagner du bien, reparare, restituere, rem facere. Cet homme s’est bien accommodé dans cette charge:il étoit gueux, il a bien accommodé ses affaires.

Accommoder, signifie aussi terminer un procès, une querelle. Componere, controversiam dirimere. Quand les gens sont las de plaider, c’est alors qu’ils sont disposés à s’accommoder. Ces jeunes gens étoient prêts à se battre ; mais on les a accommodes. Acad. Fr.


On le dit aussi des Loix, des passages des Auteurs & autres choses qui semblent se contrarier, & que l’on cherche à concilier. Conciliare. Comment accommodez-vous cette Loi du Digeste avec cet autre du Code ? Comment accommodez-vous la dévotion avec la coquetterie ? Il y a des dévots qui accommodent la Religion à leur intérêt.

Accommoder, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie être facile, commode dans la négociation, dans la manière de vivre. Fingere, accommodare se ad voluntatem, &c. Il y a plaisir de traiter avec cet homme-là ; c’est un homme d’un esprit aisé, & d’une humeur agréable, qui s’accommode à tout. En ce sens on dit aussi, qu’un homme sage doit s’accommoder au temps. Servire tempori, &c. C’est-à-dire, se conformer à l’usage, aux lieux, aux humeurs, à la volonté, à la capacité des personnes à qui il a affaire, pour vivre en repos, & dans l’estime publique. La science d’un homme sage est de s’accommoder au temps. Le Gend. Il faut que la raison s’accommode à la sensibilité de la nature, & que dans les extrêmes déplaisirs elle lui laisse verser des pleurs. Cail. Pour être heureux par les passions, il faut que toutes celles que l’on a s’accommodent les unes avec les autres. Fonten. Les soupirs & les langueurs ne s’accommodent point à la fierté d’un Héros. Cail. C’est-à-dire, qu’ils ne compatissent point ensemble. Il faut s’accommoder aux choses, quand les choses ne s’accommodent pas à nous. Un sage s’accommode aux vices de son siècle. Mol.

s’ACCOMMODER, avec la particule de, signifie trouver une chose bonne, commode, ou du moins ne la trouver pas mauvaise, s’en servir, en user volontiers. Convenire, uti, adhibere. Je ne saurois m’accommoder de ce valet, pour signifier, je ne puis m’en servir. On dit qu’un homme ne s’accommode pas de toutes sortes de personnes, pour dire, que toutes personnes ne lui plaisent pas ; qu’il s’accommode dans un lieu, pour exprimer qu’il s’y trouve bien. Je ne m’accommode point de la solitude, ce genre de vie est trop ennuyeux. Le P. Malebranche pensoit trop subtilement pour s’accommoder de pensées qui sont naturelles. La Bruy. Socrate, dont la vertu n’étoit point farouche, s’accommodoit de l’innocente joie des festins. M. Scud.

Accommoder, avec le nom pèrsonnel, signifie encore prendre sans façon, s’approprier les choses un peu hardiment. Usurpare, vindicare. Cet homme s’accommode de tout ce qu’il trouve ; c’est-à-dire, il s’en saisit, il s’en empare. On dit aussi, voyez comme il s’accommode ; pour exprimer, qu’il prend ses commodités avec beaucoup de libèrté.

Accommoder, se prend quelquefois à contresens, & en mauvaise part, & signifie maltraiter, ou de paroles, ou de coups ; gâter, mettre en désordre & en mauvais état. Malè habere. Il est tombé entre les mains de voleurs, d’assassins, qui l’ont accommodé d’une étrange manière. Il est tout couvert de boue, le voilà mal accommodé. Bon Dieu ! comme il s’est accommodé. En quel état il s’est mis. Expressions familières. On dit populairement, je vais l’accommoder de toutes pièces. Ablanc. Dans le jugement de ce procès il a été mal accommodé ; il y a eu de sévères condamnations contre lui.

On dit aussi par raillerie, d’un homme qui s’est enivré, qu’il s’en est donné, qu’il s’est accommodé de la belle manière ; pour dire, qu’il en a pris avec excès.

Accommoder, se dit provèrbialement dans ces phrases. On l’a accommodé tout de rôti, pour dire, on l’a fort maltraité. On dit aussi, accommodez-vous, le pays est large; pour se moquer d’un homme qui se met à son aise, qui prend ses commodités sans beaucoup de cérémonie.

AcCCOMODÉ, ée. part. Compositus. Un procès accommodé. Un homme assez accommodé des biens de la fortune. Dives. Masc.

ACCOMPAGNEMENT. s. m. Action par laquelle on accompagne. Comitatus. L’accompagnement du Saint Sacrement, quand on le porte aux malades, est une action pieuse, & qui édifie. Dans ce sens l’on ne s’en sert guère que pour des cérémonies. Le Prince de C. fut chargé de l’accompagnement de la Princesse. Ac.

Accompagnement, se dit aussi de choses qui en accompagnent une autre, & qui en sont regardées comme une suite nécessaire, ou pour l’ornement, ou pour l’agrément, ou pour la symétrie. Adjuncta. Il ne manque à cette maison qu’un bois de haute futaie pour son accompagnement. L’accompagnement d’un thuorbe avec la voix est fort agréable. Cette chambre est belle, mais elle n’a pas ses accompagnemens. S. Evr. L’harmonie dans les pièces de théatre ne doit être qu’un simple accompagnement. St. Evr.

Accompagnement, en tèrmes d’Organiste, se dit de divèrs jeux qu’on touche pour accompagner le dessus, comme le bourdon, la montre, la flûte, le prestant, &c Concentus.

Accompagnement, est aussi un terme de Blason, & se dit de tout ce qui est autour de l’Ecu pour lui servir d’ornement, le pavillon, le cimier, les supports, &c. Stipatio.