Dictionnaire de Trévoux/5e édition, 1752/Tome 1/031-040

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Fascicules du tome 1
pages 021 à 030

Dictionnaire de Trévoux, 1752
Tome 1, pages 031 à 040

pages 041 à 050



Ils aborderent en des pays inconnus. Vaug. Il signifie, Arriver en foule. Les présens abordent chez moi de toutes parts. Ablanc. Il signifie encore, Entrer, parvenir. Nous ne pûmes aborder de la place, parce que toutes les avenues étoient gardées. Il fut impossible d’aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du Peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemi de mettre pavillon bas, & d’aborder. Accedere. On dit de deux vaisseaux qui s’approchant en droiture, s’enferrent par leurs éperons, qu’ils s’abordent de franc étable. On dit, Aborder au port, sur les rivières : mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.

Aborder, v. act. signifie, attaquer l’ennemi hardiment, tant par mer, que par terre. Aggredi, invadere. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toujours d’empêcher qu’on ne les aborde. Ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

On dit aussi, qu’On n’oseroit, ou qu’on ne peut aborder un lieu, à cause de la situation, ou de quelque autre obstacle qui le rend inaccessible, soit des voleurs, ou des bêtes farouches. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder de la basse-cour.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour lui parler. Adire aliquem, congredi cum aliquo. Ce Ministre est si honnête qu’on l’aborde facilement. Il l’aborda avec ce compliment : Les Grands doivent soulager le respect & la timidité de ceux qui n’osent les aborder. M. Esp.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lorsque la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix cachée dans le buisson.

Abordé, ée, part. & adj. Appulsus.

ABORENER. v. a. Ce mot se trouve dans le Roman de la Rose, pour dire, Abhorrer : il vient d’abhorrere. Borel.

ABORIGINES, ou ABORIGÈNES. s. m. & pl. Il y a quatre principales opinions sur l’origine de ce peuple, qui feront connoître en même temps celle du nom. 1°. Aurelius Victor les appelle Aborigènes, comme si l’on disoit Abeorigenes, vagabonds, de ab & erro. J’erre çà & là : & il prétend que ce sont des Scythes, qui vinrent demeurer dans cette partie de l’Italie : Festus est aussi de ce sentiment. S. Jérôme dit qu’ils ont été appelés Aborigenes, parce qu’ils n’avoient point d’origine, de ab & origo, origine ; c’est-à-dire, parce qu’ils étoient originaires du pays, & non point d’une Colonie venue de nouveau, ou, comme dit Denis d’Halicarnasse qui rapporte ce sentiment, mais sans l’embrasser, διὰ τὸ γενέσεως τοῖς μετ´ αὐτοὺς ἄρξαι, parce qu’ils furent les chefs de la postérité qui habita ce pays. Virgile semble être de ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 177.

Saturnusque Senex Janique Bifrontis Imago,
Vestibulo adstabant, aliique ab origine Reges.

Car Servius remarque, que ab origine Reges, est mis pour Ab originum Reges. & Pline, Liv. IV dit qu’on appelle les Tyriens Aborigines Gadium, les Aborigines de Cadix, parce qu’ils en étoient les fondateurs. 3°. Denis d’Halicarnasse croit qu’ils sont appelés Aborigines ; Ἀϐοριγῖνες de ce qu’ils habitoient les montagnes, comme qui diroit Ἀπὸ ὄρεσι à Montibus. Virgile semble favoriser ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 321. v. 177.

Is genus indocile ac dispersum, Montibus altis
Composuit, legesque dedit.

D’autres, dit Danet, en suivant la même opinion, le dérivent de ab, pere, & de ori, caverne, ou lieu creux. L’origine est Hébraïque, mais il falloit dire, har, ouhor, Montagne, pere des montagnes : fils des montagnes, בני הרים seroit plus dans le génie de la Langue Hébraïque.

Quelques Auteurs prétendent que Cham, qui étoit le Saturne des Egyptiens, ayant ramassé divers peuples errans, les conduisit en Italie. Tite-Live & Denis d’Halicarnasse assûrent que les Aborigines vinrent d’Arcadie sous la con-


duite d’Œnotrus, fils de Lycaon : Genebrard prétend que ce sont des Phéniciens, ou Chananéens chassés par Josué. Outre les Auteurs que je viens de citer, voyez Suidas, & les Notes de Portus. Jean Picard dans la Celtopædie, Liv. V, prétend que les Aborigines étoient une Colonie Gauloise. Il se fonde non-seulement sur Caton & Solin, mais encore sur Timagène, fameux historien Grec, dont Suidas nous a conservé le témoignage, & sur Ammien Marcellin, qui dit, que les Aborigines parurent d’abord dans les Gaules. Danet & Maty écrivent Aborigènes, mais M. Corneille écrit Aborigines.

☞ ABORNEMENT, abournement, abonnement, abonnage. Termes synonymes, se prennent aussi pour une convention qui se fait dans quelques coutumes, entre le Seigneur & les vassaux, par laquelle les droits féodaux sont fixés & arrêtés à une certaine somme.

ABORNER, v. act. Terme de Géométrie. Donner des bornes à une terre. Limites ponere, statuere.

ABORTIF, ive, adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, ni la maturité. Abortivus. Il ne se dit guère que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un Enfant en cette phrase de l’Ecriture : Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi souvent en Médecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le temps.

Abortif, ive, adj. se dit quelquefois activement de ce qui a la vertu de produire l’avortement. Abortum faciens, producens. Des remédes abortifs. Les remédes les plus abortifs de leur nature.

☞ ABOSI. s. m. Nom propre d’une ville de l’isle de Niphon, au Japon. Abosia, ou Abosium. Elle est dans la principauté de Farima, sur la côte, vis-à-vis l’isle Awad. Abosi est une ville défendue par quatre forts. Elle a un grand magazin Impérial, & est gouvernée au nom de l’empereur du Japon, par un Bugio qui y réside ; un Intendant de l’empereur s’y tient aussi, pour recevoir les revenus de ce Monarque, & en avoir soin. Koempfer, L. V. p. 183. La carte de Koempfer la met environ au 163e degré de longitude, & au 33e de latitude nord.

ABOUCHEMENT, s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conférence. Collocutio. L’abouchement des Grands Princes à été souvent nuisible à leurs Etats. On a plutôt terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de négociation par lettres.

Abouchement, Terme d’Anatomie. La rencontre & l’union de deux vaisseaux, des veines & des artères. Venarum, arteriarum concursus.

ABOUCHER, v. act. Aborder quelqu’un, lui parler tête à tête, conférer avec lui bouche à bouche. Colloqui. On ne peut aboucher cet homme là, tant il a d’affaires. Il signifie aussi, Faire conférer une personne avec un autre. Je les ai abouchés, & ils ont terminé leurs affaires. On le dit plus volontiers avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de Parti s’abouchent ensemble. Les Rois de France & d’Espagne se sont abouchés pour la Paix des Pyrenées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l’un dans l’autre, qui se touchent, qui se communiquent. Tubum cum tubo jungere. On le dit particulièrement en Médecine des veines & des artères, & autres vaisseaux qui ont de la communication, dont les orifices se touchent. Confluere, conjungi.

☞ ABOUCHOUCHOU. s. m. Sorte de drap de l’espèce de ceux qui s’envoient au Levant par la voie de Marseille. C’est un drap de laine qui se fabrique en Languedoc, en Dauphiné & en Provence.

ABOUEMENT, ou plutôt BOUEMENT, s. m. Terme de Menuiserie. On appelle assemblage d’abouement, celui où la plus grande partie de la pièce est quarrée, & la moindre partie à onglet.

ABOUGRI, ou plutôt RABOUGRI. Terme dont on se sert dans les forêts, pour signifier des bois de mauvaise venue, dont le tronc est court, raboteux, plein de nœuds, & qui ne poussent guère de branches. Arbor retorrida, perusta, scabra. Le bois abougri n’est point propre pour les ouvrages, & est sujet au recépage.

☞ ABOUNA. s. m. C’est le nom que l’on donne à l’Evêque d’Ethiopie. L’Abouna Jacobite fut rappelé. Mém. des Miss. du Lev. T. IV. p. 284.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c’est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu’on appelle vache. Recentis salis ad veteris cumulum accessio. L’Ordonnance défend l’abouquement, si ce n’est en présence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. a. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel. Veteri sali recentem addere.

ABOUTÉ. adj. Terme de Blason, qui se dit des différentes pièces d’armoiries, dont les bouts se répondent & se joignent en croix. Vellera velleribus in crucem obversa.

ABOUTIR, v. n. Finir, tendre, se rendre, terminer à un certain endroit, en toucher un bout. Terminari. Cette maison aboutit au grand chemin. Tous les rayons d’un cercle aboutissent à son centre. Cette Pyramide aboutit en pointe. Vaug.

Aboutir, se dit figurément en Morale, de la fin que les choses peuvent avoir. Spectare, pertinere. Ce procès a abouti enfin à une transaction. On ne sait où aboutiront tous ces grands desseins. Cette grande recherche n’aboutira à rien. Ce long compliment n’a abouti qu’à me demander de l’argent à prêter. Les murmures alloient aboutir à une sédition. Vaug.

Aboutir, se dit aussi en Médecine, d’une plaie qui vient à suppuration. Suppurare. On met des emplâtres, des cataplasmes, pour faire aboutir des bubons, des abcès, des froncles, des tumeurs.

Aboutir, en termes de Plombier, signifie, Revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre saillie d’Architecture & de Sculpture de bois. Plumbeas lamellas operi sculpto superaddere. On se sert pour cela de coins, & autres outils ; mais ensorte que l’épaisseur du métal n’empêche pas que le profil ne se conserve. Quelques-uns disent amboutir.

Aboutir, v. n. & n. p. avec le pronom personnel, se dit en termes de jardinage, pour signifier que les arbres sont boutonnés. Ainsi nos Jardiniers disent : Nos arbres s’aboutissent fort bien cette année. Les poiriers s’aboutirent très-peu l’année passée. Nos péchers sont bien aboutis. On applique ce mot aux arbres par rapport à aboutir, qui signifie à l’égard des animaux, faire comme une espèce de tête, un abcès ; en Latin, Caput facere ; parce que les boutons des arbres naissent comme de petites têtes. Liger. Peut-être aussi que les Jardiniers qui n’entendent pas tant, de finesse, l’ont tiré de bouton, & l’ont dit au lieu de boutonner. Je doute que nos Jardiniers sachent ce que veut dire aboutir en termes de Médecine. Arbres bien ou mal aprêtés, bien ou mal préparés, bien ou mal aboutis, sont termes qui signifient la même chose. La Quint.

ABOUTISSANT, ante. adj. Qui touche par un bout. Terminatus. Cette pièce de pré est aboutissante à la rivière par un bout, & par l’autre à la garenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forêt & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans ; ce sont les bouts, & les côtés par où il tient à d’autres.

On dit au Palais, Donner une déclaration d’héritage par tenans & aboutissans, quand on désigne les bornes & les limites de tous les côtés : ce qu’on appelle autrement les bouts & joûtes. Fines laterum & capitum agri. Une saisie réelle des biens roturiers doit contenir tous les tenans & aboutissans.

On dit figurément, Savoir tous les tenans & aboutissans d’une affaire, d’une entreprise ; pour dire, En connoître parfaitement le secret, en savoir le fort & le foible, toutes les circonstances & les dépendances. Singula causæ capita, ordo rei & series.

ABOUTISSEMENT, s. m. Terme de couture. C’est une pièce d’étoffe que l’on coud avec une autre qui n’est pas assez longue pour aller jusqu’où l’on veut. Productio. Cette pièce est trop courte, il y faut mettre un aboutissement pour l’allonger.

Aboutissement. s. m. Il ne se dit guère que d’un abscès qui vient à aboutir. L’aboutissement d’un abscès. Acad. Franç.

ABOUTS, au lieu de BOUTS. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des extrémités de toutes les pièces de Charpenterie & de Menuiserie mises en œuvre. C’est dans l’assemblage de la Charpenterie, la partie du bout d’une pièce de bois, depuis une entaille, ou une mor-


toise. Materiaræ structuræ extrema. Les Couvreurs disent aussi, On remanie about.

Tous ces mots viennent de bout.

☞ ABOY, ou ATHABY. s. m. Bourg d’Irlande. Aboya, Atboya. Ce bourg est dans le comté d’East-Méath, en Lagénie, entre les villes de Drogéda & de Molingax.

ABOYANT, ANTE. adj. Qui aboie. Des chiens aboyans.

ABOYÉ, ée. part. Il n’est guère en usage qu’au figuré. Un débiteur aboyé de ses créanciers.

ABOYER, v. n. Qui se dit au propre pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens aboient quand ils sentent des larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien aboie les passans.

Le chien, qui de ses cris bat ces rives désertes,
Retint prêt d’aboyer ses trois gueules ouvertes.

dit Sar. sur la descente d’Orphée aux enfers. Ce mot vient du latin adbaudare. Ménag. ou de boare, Latin qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en aboyant. Nicod.

Aboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la désirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare. Cet avare, cet ambitieux, aboie après cette succession, après cette charge. Ce chicaneur aboie toujours après le bien d’autrui.

On le dit encore de ceux qui font crier après eux. Un Avocat demandant à quelqu’un qui lui disoit des injures, pourquoi m’aboies-tu ? Cet autre répondit, parce que je vois un voleur. Ablanc. Cet homme est si méchant, que tout le monde aboie après lui. Un Satyrique aboie après les vices. C’est un médisant qui aboie tout le monde. Ablanc.

Je suis par-tout un fat comme, un chien suit sa proie,
Et ne le sens jamais, qu’aussi-tôt je n’aboie. Boil.

Je tiens qu’originairement aboyer & abayer sont deux mots différens ; qu’aboyer s’est dit seulement au propre, du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayer & béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment ; ce qu’on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Abayer à la lune, pour dire, crier & pester inutilement contre une personne au-dessus de soi. On dit aussi, tout chien qui aboie ne mord pas ; pour dire, que ceux qui menacent souvent ne font pas grand mal.

ABOYEUR, s. m. Latrator. Qui aboie. Un chien qui est un grand aboyeur est importun. On appelle aboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui aboient devant lui sans l’approcher.

On le dit aussi singulièrement des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité : Voilà bien des aboyeurs. Il y a des aboyeurs à ses côtés. Ablanc. Jamais bon chien n’aboie à faux ; pour dire qu’un homme sage ne menace pas sans raison, ou qu’un habile homme ne manque pas son coup.


ABR.

☞ ABRA. s. m. Monnoie d’argent de Pologne, qui vaut treize sous six deniers de France. L’Abra a cours à Constantinople & dans tous les Etats du Grand Seigneur, & y est reçu sur le pied du quart d’un asselani, ou daller de Hollande. Voyez Asselani.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’est dans la 192e Lettre à M. Costar, qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre.

Inscribas chartæ quod dicitur Abracadabra.
Sæpius & subter repetas, mirabile dictu,
Doneo in angustum redigatur littera conum.

C’est-à-dire, Abracadabra, & au-dessous Abracadabr, & à la troisième ligne, Abracadab, &c. Mr Voiture a raison de se railler de cette recette, & on auroit de la peine à croire que personne y eût jamais ajoûté foi, si l’on ne savoit d’ailleurs de quels excès l’esprit humain est capable, lorsqu’il s’abandonne à la superstition & à l’amour des nouveautés en fait de Religion.

Abracadabra, étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’Auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien. Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept Cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit d’autres pareilles rêveries. S. Jérôme, dans son Commentaire sur le chap. 3. du Prophète Amos, écrit que le Dieu ΑΒῬΑΞΑΣ est le même que les Payens adoroient sous le nom Mitra ; & l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un Lion couronné de rayon a pour inscription ϺΙΘΡΑΚ ou ΜΙΘΡΑΞ. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de Lions, de Dragons, &c. Les Anciens qui en ont parlé sont S. Irenée, Liv. 1. Ch. 24. de la dernière édition, Tertullien de Praescript. Ch. 46. S. Epiphane haer. 24. num. 7. & 8. S. Jérôme à l’endroit que j’ai cité, Théodoret, haer. & fabul. Liv. 1. Ch. 4. S. Augustin haeres. 4. S. Jean Damascène haer. 24. Tous ces Pères n’attribuent la fable du Dieu qu’à Basilides, & aux Basilidiens. Parmi les Modernes Macarius & Chiflet ont fait des traités sur cet. Baronius, Gassendi, Du Gange, le Père Hardouin dans une Dissertation particulière, le P. Mont-faucon Palaeogr. L. II. Ch. 8. Feuardent, & le P. Massuet dans leurs Notes sur S. Irenée, en font aussi mention,

Le mot qu’on a écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractères Grecs, ΑΒῬΑΞΑΣ, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365. si on l’écrit en Latin : cette faute, qui est dans la plupart des livres, vient de ce que la Lettre Grecque Sigma a la figure d’un C. Latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en Latin, il faut écrire Abrasax, & en lettres Grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second Tome des Annales Ecclésiastiques qu’il falloit lire ΑΒΡΑΣΑΞ, & non pas ΑΒΡΑΞΑΣ. Car dans tous les Pères Grecs qui en parlent ; c’est-à-dire, S. Epiphane, Théodoret, S. Jean Damascène, on lit Ἀβρασὰξ. Il n’y a que dans les Latins qu’on trouve Abraxas, & Abraxan, à l’accusatif. Il est vrai que dans S. Irenée on lit Ἀβραξὰς ; mais nous n’avons qu’en Latin le chapitre où il en parle, & si Ἀβραξὰς y est écrit en Grec, c’est aux Copistes Latins, ou aux Editeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très-facile qu’on ait transporté le Ξ & le Σ. Il paroît même, surtout par S. Jérôme, que c’est l’usage qui avoit fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent Ἀβραξὰς. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avoit introduit, ou une faute de Graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μϑραξ au lieu de Μϑραϰ..

☞ ABRACALAN. C’est un terme Cabalistique, auquel les Juifs attribuent la même vertu qu’à Abracadabra. Selden nous apprend, en parlant de Diis Syriis, que ces deux mots sont des noms d’une Déesse Syrienne. Ainsi le charme suppose apparemment une invocation de cette ancienne divinité. Dict. de James.

☞ ABRACONIS. Ville de la grande Arménie. Abraconium. Elle se trouve sur la rivière d’Alingeac.

ABRAHAM. s. m. Abraham, Abrahamus. Nom propre d’un saint Patriarche fils de Tharé, ou comme l’on prononce en Hébreu, Tharahh, & pere d’Isaac, aïeul de Jacob, & par lui pere de tous les Hébreux, qui sont souvent appelés les enfans, c’est-à-dire, les descendans d’Abraham. Dieu tira Abraham de la Chaldée, & le conduisit dans la terre de Chanaan, où il entra à l’âge de 75 ans. Ce Patriarche s’appeloit d’abord Abram, qui signifie Pater excelsus. Après les promesses que Dieu lui fit d’une postérité nombreuse, il lui changea son nom en


ajoutant un ה hé, au milieu, le nommant Abraham. Les Rabbins trouvent de grands mystères dans ce hé, ה, ajouté. Nos Interprètes expliquent ce mot en plusieurs manières. Les uns disent que אברהם, Abraham, est la même chose que אב המון, Pere de multitude ; c’est-à-dire d’une nation grande & nombreuse. D’autres disent que c’est אביר המון, Multitude forte, puissante. D’autres croient qu’il est composé de trois mots אב רב & אמון, ce qui signifie Pere d’une grande multitude. D’autres enfin, que c’est une contraction du premier nom de ce Patriarche אברם, Abram, & המון, amon, d’où l’on a dit אברהם c’est-à-dire, Pater excelsus multitudinis ; Pere Haut, c’est-à-dire, glorieux d’une multitude, ou d’une nation nombreuse. La foi d’Abraham est célébre dans l’Ecriture. Dans le même style un enfant d’Abraham est quelquefois un homme fidèle, plein de foi, qui imite la foi d’Abraham. Les Arabes disent Ebrahim, & les Turcs Ibrahim.

ABRAHAMIEN, enne, ou ABRAHAMITE. s. m. & f. Abrahamianus, Abrahamita. Nom de Secte. Les Abrahamites nommés par les Arabes Ibrahimiah, du nom de leur Auteur Ibrahim ou Abraham, parurent sur la fin du second siècle de l’hégire, & au commencement du neuvième de Jesus-Christ, sous l’Empire de Nicéphore en Orient, & de Charlemagne en Occident : ce fut dans Antioche, sa patrie, qu’Ibrahim renouvella la Secte des Paulianistes. Cyriaque, alors Patriarche d’Antioche, lui résista puissamment. D’Herb.

ABRAHAMITES, sont aussi des Moines Catholiques du IXe siècle, qui souffrirent le martyre pour le culte des images sous Théophile, ainsi qu’on le peut voir dans le Continuateur de Constantin Porphyrogénéte, L. III. C. II. & dans Cedrenus.

ABRAME. s. m. Nom d’homme. Abramius. Sozom. L. II C. 16. M. Chappel. 4. Fév.

ABRAMEZ. subst. m. Nom d’homme. Abraames. CHAPP. 14. Fév.

☞ ABRAN. Nom d’une ville ancienne de la Tribu d’Aser, dans la Galilée supérieure, aux confins de la Tribu de Nephtali. Jos. XIX. 28. C’est la même qu’Helba ; on l’appelle aussi Acran & Achran. Samson la confond sans raison avec Elmélech.

☞ ABRANTES. Nom propre d’une ville de Portugal. Abrantus. Elle est dans l’Estramadure de Portugal, sur le Tage, entre Portalègre & Leiria.

☞ ABRASION. s. f. Abrasio. Castelli rend ce mot par Ulcération superficielle des parties membraneuses, avec déperdition de substance par petits fragmens. Ainsi l’on dit, qu’il y a abrasion dans les intestins, lorsque la membrane interne est exulcérée, & qu’il s’en détache de petites parcelles qui sont expulsées avec les excrémens. Dict. de James.

☞ ABRAXAS. s. m. Pierres précieuses, sur lesquelles on gravoit des caractères hiéroglyphiques, & qu’on portoit en façon d’amulètes et de charmes. Certains Chrétiens hérétiques, & natifs d’Egypte, qui avoient mêlé un grand nombre de superstitions païennes avec le Christianisme, sont les premiers qui aient fait universellement connoître ces sortes de pierres. Aux Abraxas ont succédé, dans les derniers temps, les Talismans, espèce de charmes, auxquels on attribue la même efficace, & qui sont aujourd’hui en grand credit dans les pays Mahométans, à cause qu’on y a mêlé, comme aux Abraxas, les rêveries de l’Astrologie judiciaire. Essai sur les Hiéroglyph.

Abraxas. Divinité qui fut imaginée par des Sectaires au commencement du second siècle de l’Église : c’étoit, selon eux, un Dieu souverain, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, qui présidoient aux cieux, & auxquels ils attribuoient 365 vertus, une pour chaque jour de l’année. On le représentoit quelquefois sous la figure d’Anubis ou d’un lion. On croit que cet Abraxas est le Mithra des Perses.

☞ Les lettres du nom de ce Dieu, prises arithmétiquement, égalent le nombre des jours qui composent l’année. De-là vient que saint Jérôme croyoit qu’Abraxas étoit le même que le Mithra des Perses ; c’est-à-dire, le soleil. Voici les lettres de ce mot rangées en forme d’Addition. Voyez S. Irènée, L. I. C. 23.

α. 1.
β. 2.
ρ. 100.
υ. 1.
ξ. 60.
α. 1.
ϟ. 200.
___
365.

☞ ABRÉNER. Voyez ABARANER.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio. Le peuple s’en sert encore quand on lui dit ou qu’on lui fait quelque chose qui lui déplaît, à quoi il ne veut point participer ; & ce mot a de l’énergie, & marque quelque horreur, & comme Harris l’a remarqué du mot abrenonciation, un renoncement, un abandonnement entier ; tel en un mot que celui par lequel on renonce au Démon, d’où ce mot est pris.

☞ ABREOJOS. Nom d’un amas d’écueils qui se trouvent sur la côte de l’Île Espagnole, au nord de la ville de Sant-Ïago. Les Espagnols leur ont donné le nom d’Abréojos, c’est-à-dire, Ouvre les yeux, pour marquer que les vaisseaux doivent bien prendre garde à éviter ces rochers, qui sont très dangereux ; on les nomme aussi Bancs de Babuaca, ou Basses de Babuoca.

ABREUVER. v. a. Adoquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abeuvré. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abreuver, signifie aussi, Humecter & imbiber d’eau. Humectare, imbuere. Il faut abreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abreuvé d’eau. La terre est abreuvée par les pluies. Abreuver les prés, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées. Les porosités des corps sont abreuvées par des humeurs crues, épaisses, froides.

Abreuver, verbe actif, terme de Vernisseur. On dit dans ce sens, que la première couche de vernis ne se met que pour abreuver le bois.

Abreuver, Terme d’Agriculture, faire entrer l’eau dans un pré. Les prés ont besoin qu’on les abreuve. Nos prés n’ont pas besoin d’être abreuvés, à cause des pluies fréquentes qui les arrosent. Liger. Il semble qu’on ne le dit que des prés.

Abreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas il signifie boire, s’enyvrer. Inebriari. Ce jeune homme étoit si bien abreuvé, qu’il bronchoit à chaque pas.

Abreuver, signifie figurément, instruire, prévenir quelqu’un par quelque chose, & l’en remplir. Imbuere. Il l’a abreuvé de cette opinion. J’en suis abreuvé dès ma jeunesse. Tout le monde est abreuvé de cette nouvelle. Souvenez-vous de ces sources immortelles où vous vous êtes abreuvés des saintes eaux de la Sagesse. Patru.

Abreuvé, ée. part. pass. & adj. Imbutus.

Sitôt que du Nectar la troupe est abreuvée.

ABREUVOIR. s. m. Lieu où on abreuve les chevaux. Aquarium. Mener les chevaux à l’abreuvoir. Il se dit plus précisément d’un glacis le plus souvent pavé de grais, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin, ou à une rivière, pour abreuver les chevaux. Dav. Il se dit aussi de l’endroit d’un ruisseau où les oiseaux vont boire. On prend des oiseaux à l’abreuvoir, en y mettant grand nombre de petits gluaux. L’heure la plus convenable de tendre à l’abreuvoir est depuis dix heures jusqu’à onze, & depuis deux heures jusqu’à trois après midi, & enfin, une heure & demie devant le coucher du


soleil, que les oiseaux viennent en foule à l’abreuvoir. Chomel.

Abreuvoir, en terme de Maçonnerie, se dit des intervalles que les Maçons laissent entre les joints des pierres, pour y faire entrer du mortier. En ce sens l’on se sert plus souvent du mot godet. Bima. Les Anglois se servent du mot abreuvoir dans ce même sens.

On dit proverbialement d’une plaie large & sanglante, que c’est un abreuvoir à mouches. Il lui a porté un coup à la tête, & lui a fait un grand abreuvoir à mouches. Ablanc. On dit aussi, qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abreuvoir, quand on se leve de table pour prendre soi-même à boire au buffet. Ces phrases sont du style burlesque.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoiqu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

Je veux une coëffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode. Mol.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Mouillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale. Perfugium tutum à &c. L’étude des cas de conscience n’est point un art de s’aveugler, pour pécher à l’abri des Loix. La Plac. On s’en sert particulièrement pour exprimer un lieu de refuge & de sureté contre les inconstances du sort, & contre les revers. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. Il est entré au service du premier Ministre, c’est un bon abri contre ses ennemis. Il est à l’abri de la persécution. Son amitié me doit servir d’abri & de consolation dans mes disgraces. Sa vertu s’est maintenue sans tache à l’abri de son peu de mérite. Vill. Dieu l’a retiré des agitations du monde, & l’a mis comme dans un abri, pendant que tout est dans la confusion, & dans le trouble. Ab. d. l. Tr. Dieu est le maître des Monastères. C’est lui qui doit faire les vocations de ceux qui viennent y chercher des retraites & des abris contre les orages du monde. Id. Il arrive des tentations qui nous arrachent des abris, dans lesquels nous nous étions réfugiés. Id.

A l’abri d’une longue & sure indifférence,
Je jouis d’une paix plus douce qu’on ne pense. Des Houl.

Si dans la pauvreté l’on est à l’abri des inquiétudes des richesses, l’on n’y est pas exemt des soins rongeans de la misère. S. Evr. Boileau parle de certains Abbés dont tout le métier,

Est d’aller à l’abri d’une perruque blonde,
De leurs froides douceurs fatiguer le beau monde,

On dit aussi adverbialement, se mettre à l’abri de l’orage. Etre à l’abri des coups. Ce criminel ayant eu avis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, & s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est assuré, qu’on l’a mis en prison.

☞ On dit proverbialement : Un homme sans abri, c’est un oiseau sans nid.

ABRIC. s. m. Quelques Chymistes Anglois nomment ainsi le soufre. Harris, Boyer.

☞ ABRICON. Vieux s. m. plus communément Bricon. Charlatan, trompeur, séducteur.

ABRICORNER. v. a. Inducere. Borel dit que ce mot vouloit dire autrefois Charlater ; c’est-à-dire, Engager comme font les Charlatans; gagner, obtenir ce qu’on veut. Il cite une vieille traduction d’Ovide, où il est parlé de ce que fit Ulysse pour obtenir qu’Iphigénie fût sacrifiée.

Bientôt la mere abricorner.

ABRICOT. s. m. Prunum, ou Malum armeniacum. Fruit participant de la pêche & de la prune. Il est doux & agréable au goût. Il est un peu rouge & jaune en mûrissant, & pour cela on l’a appelé à Rome Chrysomèle, comme qui diroit, Pomme d’or. Il mûrit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appelé chez les Médecins ces fruits, Mala præcoqua ; c’est-à-dire, hâtifs. Il y a trois sortes d’abricots. Les abricots ordinaires, qui ne mûrissent qu’à la mi-Juillet ; les abricots hâtifs, qui se mangent dès le commencement du même mois ; & ceux qu’on nomme le petit abricot, qui vient à la mi-Juillet. Chomel. Ménage fait dériver ce mot de mala præcoqua, ou præcocia ; d’autres du grec αϐριν qui signifie Mou & délicat, ou du latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericocia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piémont, qu’un seul a quelquefois donné la fièvre : & néanmoins la Framboisière soutient qu’ils valent mieux que les pêches ; car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans le ventricule ou l’estomac : & d’habiles gens prétendent que les abricots ne sont pas plus pernicieux en Piémont qu’en France, & qu’ils ne sont fiévreux que lorsqu’ils sont verds, de même que la plûpart des autres fruits. Il y a une espèce d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & qui est de bon goût. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, lequel est le mâle, dont le noyau tient à la chair, dont le goût est exquis, musqué & extraordinaire ; son amande est douce comme celle de l’amandier. Un des plus habiles Botanistes qui soient en France, nous avertit qu’il ne connoît point ces deux espèces-ci d’abricots, & qu’il les croit fort extraordinaires, si elles ne sont pas supposées.

Les abricots verds sont les premiers fruits qui se confisent. On les prend tendres, avant que le bois du noyau commence à se durcir. On les passe dans l’eau claire, avec un peu de bon tartre pour détacher la bourre qui est dessus ; puis on les essuie chacun à part, pour ôter cette bourre, & on les confit, mettant une livre de sucre pour chaque livre de fruit : si c’est pour manger en compote, il suffit de demi-livre de sucre sur une livre de fruit. Les abricots, en leur parfaite grosseur, se confisent pelés & sans peler. Voyez dans Chomel la manière de faire les compotes, les marmelades, les pâtes, & les confitures d’abricots. On dit non-seulement, Une marmelade d’abricots, Une compote d’abricots ; mais encore, Des abricots en compote, Une assiette d’abricots en marmelade, Des abricots confits.

Blanchir ou faire blanchir des abricots. Terme de Confiseur. C’est la première façon qu’on leur donne pour les confire. Elle consiste à les jeter dans l’eau bouillante ; après leur avoir ôté le noyau. Il faut prendre garde qu’ils ne se lâchent trop dans l’eau. Ensuite on les tire proprement avec une écumoire, & on les met égoutter sur un tamis.

Peler des abricots verds. Terme de Confiseur. C’est leur ôter la bourre, ou la première peau, pour les mettre en confiture ou en compote. Cela se peut faire en deux manières. La première est de mettre les abricots verds dans une serviette, & suivant la quantité que l’on en a, broyer du sel à proportion le plus menu que l’on pourra, & le jetter sur les abricots, que l’on arrose ensuite avec une cuillerée d’eau & de vinaigre. On peut les laisser ainsi dans la serviette, ou les sasser bien d’un bout à l’autre de la serviette, jusqu’à ce que la bourre au premier feu soit tombée. Il faut ensuite faire tomber le sel, les jetter dans l’eau fraîche & les bien laver. L’autre manière est de faire une lessive avec de la cendre de bois neuf, & lorsque la cendre aura bouilli, jetter les abricots dans cette lessive parmi la cendre, & la faire bouillir, jusqu’à ce qu’ils se débourrent & quittent leur première peau, en les frotant doucement avec les mains. Si l’on n’a point de bonnes cendres, on peut faire une lessive de cendres gravelées. Enfin, on les lave comme à l’autre manière.

Abricot hâtif, petite espèce d’abricot. La chair en est fort blanche, & la feuille plus ronde, & plus verte qu’aux autres ; mais pour cela il n’est pas meilleur. Id.

Les abricots ordinaires sont bien plus gros, & ont la chair jaune, & ne meurissent que vers la mi-Juillet. Il en faut


mettre aux quatre expositions pour en sauver, quand il vient de gelées pendant la fleur. Id.

En Angoumois il y a un petit abricot à amande si douce, qu’on la prendroit presque pour des avelines. On laisse souvent les noyaux pour les manger. Cet abricot a la chair blanche, & est très-bon en ce pays-là, il n’en naît guère qu’en grands arbres ; & voilà ce qui a établi la réputation de sa bonté. Id.

☞ ABRICOT. subst. m. Est aussi un fruit de l’Amérique, & principalement de S. Domingue, que les Espagnols appellent Mamet, & que les François nommentAbricot, quoique ce nom ne lui convienne que par la couleur de sa chair. Il est presque rond, & quelquefois de la figure d’un cœur, dont la pointe est émoussée. Il a depuis trois jusqu’à sept pouces de diamètre : il est couvert d’une écorce grisâtre, de l’épaisseur de plus d’un écu, forte & souple comme du cuir. Sous cette écorce on trouve une seconde peau jaunâtre, mince, mais forte & adhérente à sa chair. Après qu’on l’a enlevée, on trouve la chair du fruit, qui est jaune & ferme comme celle d’une citrouille, & d’une odeur aromatique. Quand on le mange cru, il laisse une bonne odeur dans la bouche, mais un peu amère & gommeuse. La manière ordinaire de le manger, est de le mettre par tranches dans un plat avec du vin & du sucre : cela lui ôte son amertume & sa gomme. On en fait aussi des marmelades & des pâtes qui sont astringentes, pectorales & de bon goût. Voyez le P. Labat, tome I. de ses Voyages. On trouve dans son milieu un, deux ou trois noyaux fort durs.

ABRICOTÉ. s. m. Dragée faite d’un petit morceau du fruit de l’abricot entouré de sucre. Prunum armeniacum saccharo conditum.

ABRICOTIER, s. m. Arbre qui porte des abricots. Prunus armeniaca. Ses feuilles sont semblables à celles du tremble, un peu pointues par le bout, dentelées en leur circonférence, & sortent quatre à quatre, ou cinq à cinq. Il jette des fleurs blanches comme le cerisier, d’où sort le fruit en forme de pêche, ayant au dedans un os, dans lequel il y a un noyau, tantôt doux, & tantôt amer. Pour avoir un abricotier, on prendra d’un jet qui aura poussé dans l’année, des greffes ou écussons qu’on appliquera sur le prunier, ou amandier, ou sur le noyau d’un pêcher, soit à la pousse, à la S. Jean, ou à l’œil dormant. Ces greffes d’abricotiers réussissent plus surement quand on ne prend pas les écussons sur une branche, qui ne vient que d’être coupée tout nouvellement sur un abricotier ; il est important de ne greffer que le lendemain. Chom. Les abricotiers qui n’ont qu’un an de greffe, pourvu que le jet soit beau, valent mieux pour planter que ceux qui en ont deux ou davantage. La Quint.

Abricotier, s. m. Armeniaca Malus, ou Prunus Armeniaca. s. f. Arbre d’une moyenne grandeur, dont les feuilles sont posées le long des branches alternativement, semblables à celles du tilleul, mais plus arrondies. Ses fleurs sont composées de cinq pistils disposés en roses dans les échancrures du calice, qui est un godet découpé en cinq parties. Le pistil devient un fruit charnu, presque sphérique, d’un côté silloné de sa base à sa pointe, & qui renferme dans sa chair un noyau osseux, un peu applati, & ne contenant qu’une amande, douce en quelques espèces, amere en d’autres. Les espèces d’abricotiers se distinguent sur-tout par la variété de leurs fruits.

Il vient d’assez bons abricots en grands arbres, où ils se trouvent tous tanelés de petites marques rouges, qui réjouissent la vûe & éveillent l’appétit par un goût bien plus relevé qu’ils n’ont en espalier ; mais l’espalier leur augmente la grosseur, & leur donne un vermillon admirable. Les meilleurs sont un peu sucrés, mais d’ordinaire pâteux. On commence d’en avoir dès l’entrée de Juillet, principalement d’une petite espèce qu’on appelle l’abricot hâtif. La Quint.

Abricotier. subst. m. Arbre de l’isle de S. Domingue. Il est grand, & un des plus beaux arbres qui se puissent voir. Son bois est blanchâtre, ses fibres assez grosses ; son écorce est grise & assez unie ; ses feuilles sont longues de six à sept pouces, en maniére d’ellipse, un peu pointues par un bout, d’un très-beau verd, & un peu plus épaisses qu’une piéce de douze sols. Ses branches sont grandes & fort garnies de feuilles ; de maniére qu’il fait un ombrage charmant. Cet arbre est mâle & femelle ; le mâle ne rapporte que des fleurs, le femelle rapporte beaucoup. Quand on ne trouve qu’un noyau dans un fruit, on est sûr qu’en le plantant il produira un arbre femelle.

ABRIER. v. a. Vieux mot qui signifioit, Protéger, défendre, mettre à l’abri, couvrir. Defendere, operire. Mézerai l’a employé. Je dis au Comte qu’il n’oubliât de rejeter ma robe sur son lit, en manière qu’elle les abriât tous deux. Montaigne. Il seroit à souhaiter que ce mot pût revivre. Les Jardiniers s’en servent, pour dire Mettre une couche, une fleur à l’abri du vent. ☞ Abri est encore en usage. Pourquoi perdre Abrier, qui en vient naturellement, & dont le son est très-agréable ? M. Coste, note 10, sur le premier liv. des Essais de Montaigne.

ABRITÉ, ÉE. part. pass. & adj. Terme de Jardinage. Qui est à l’abri. Les fruits gélent souvent, parce qu’ils ne sont pas bien abrités.

ABRIÉVER. v. n. Ce mot n’est plus en usage. Dans le Roman de Perceval il veut dire arriver. Advenire.

☞ ABRIVENT. s. m. C’est tout ce qui nous garantit du vent. Quod à vento defendit. On fut obligé de prendre la paille des paillasses, pour faire des abrivents aux soldats qui n’étoient jamais relevés du chemin couvert. M. de Feuquières.

ABROGATION, s. f. Action par laquelle on annulle, ou on change une loi ; on supprime une coutume. Abrogatio. L'abrogation de la Pragmatique Sanction s’est faite par le Concordat entre François I. & Léon X. en 1516.

ABROGER, v. act. Casser, annuller, mettre hors d’usage. Abrogare. Il ne se dit guère que des Loix & Coutumes. Les anciennes Ordonnances sont abrogées par les nouvelles. Les coutumes s'abrogent par un usage contraire pendant un long espace de temps. Ce Prince entreprit d’abroger les Priviléges de la Nation.

Abrogé, ée, part. pass. & adj. Abrogatus. Les Loix abrogées n’ont plus de force.

☞ ABROHANI. s. m. ou MALLE-MOLLE. s. f. Sorte de coton qu’on apporte de Bengale, aussi-bien que de plusieurs autres parties des Indes orientales. C’est une espèce de mousseline blanche, dont la pièce a seize aunes de long, sur sept ou huit de large.

☞ ABROHLOS. s. m. & pl. Petite isle & rochers qui se trouvent vers les côtes du Brésil. Ce mot en Portugais signifie la même chose que Abréojos en Espagnol, Ouvre les yeux. Ces écueils s’étendent plus de cinquante lieues entre l’isle de Fernando-Noronha, & la Capitanie de Rio-Grande.

☞ Il y a encore d’autres rochers de même nom sur la côte de la Capitanie de Porto-Peguro.

ABROLLES, s. m. C’est un nom de rochers qui s’étendent l’espace de 50. lieues dans la mer du Bresil, vers la Capitainie du Rio-grande. Nos François ont formé ce nom sur celui que les Portugais ont donné à ces écueils, Abrolhos, composé de arbrar, ouvrir, & olhos les yeux. Ces rochers sont très-dangereux, & il faut bien y prendre garde pour les éviter.

☞ ABROTANOÏDE. s. f. Plante pierreuse, maritime, haute presque d’un pied, belle, fort rameuse, ressemblante à l’Aurone femelle, d’où est venu son nom d’Abrotanoïde, quasi similis abrotano. Elle croît sur les rochers.

ABROTONE. s. f. Abrotonum. Lucain, L. IX. v. 920, a dit aussi Abrotonus, m. Herbe, ou plante fibreuse & odoriférante. Elle ne peut supporter le froid, & vient mieux dans une terre maigre & sèche. Il y en a de deux sortes, mâle & femelle. La femelle se dit en Latin, Abrotonum fœmina, ou Santolina ; selon quelques Auteurs, Cupressus, Cyprès. Elle est toujours verdoyante, selon Théophraste. Elle étoit d’un grand usage dans la Médecine ; ce qui a fait dire à Horace, Abrotonum ægro non audet, nisi qui didicit, dare, &c. On dit aussi par corruption, Brotanne pour Abrotone ; mais ces deux termes sont peu usités


dans la Botanique, & ne se trouvent que dans d’anciennes & mauvaises traductions de Livres de plantes. Il faut dire Aurone. Voyez ce mot.

ABROUTI, adj. Bois abroutis, rabougris, ou rabourgis ; ce sont des bois malfaits, parce que, dit-on, les brouts ou bourgeons ont été mangés ou broutés par les bestiaux. Noel. Mémorial. alphabétique.

☞ ABRUCKBANIA, APRAGBANIA. s. f. Nom propre d’une ville de Transylvanie. Autariarum. Elle est sur la rivière d’Ompay, au-dessus de la ville d’Albe-Julie.

ABRUS. Voyez Pois de Bedeau.

ABRUTIR. v. a. rendre bête, stupide. Stupidum acbruti similem facere. Le vin l’a tellement abruti, qu’il est insupportable. On le dit aussi avec le pronom personnel. Les esprits foibles s’abrutissent dans la solitude. Vaug.

ABRUTISSEMENT, s. m. Stupidité grossière. État de celui qui vit en bête. Stupor. Quand un vieux pécheur est tombé dans l’abrutissement, il ne s’en peut retirer sans une spéciale grace de Dieu.

ABRUZZE. s. f. Aprutium. C’est une des quatre parties générales du Royaume de Naples. Elle a au nord le golfe de Venise, au levant la Capitanate, avec la principauté ultérieure ; la terre de Labour au midi, avec l’État Ecclésiastique qui la borne aussi au couchant. L’Abruzze se divise en citérieure, ultérieure, & Comté de Molisse. Elle occupe une partie du pays des anciens Samnites. Le mot François s’est formé de l’Italien Abruzzo, & celui-ci du Latin Aprutium.

ABS.

☞ ABSCÉDER, ABCÉDER. v. n. Terme de Chirurgie. Se tourner en abscès, former un abscès. Abire in abscessum, abscessum generare. Cette tumeur venant à abscéder. S. Yves. Je n’ai trouvé ce mot que dans cet auteur : je doute qu’il soit en usage. Lorsque les abscès sont petits, ils proviennent d’un orgeolet qui abscéde entre le cartilage & la peau qui le couvre. S. Yves. Il fait aussi ce verbe pronominatif, & dit s’abscéder. La tumeur s’étoit abscédée. S. Yves. Il paroît par ces passages qu’un bon oculiste n’est pas pour cela un bon grammairien. On trouve dans le Chirurgien Dentiste : Tumeur disposée à s’abscéder. Tom. I. p. 201. Je ne voudrois point me servir de ce mot, que je ne le visse dans d’autres auteurs.

Abscédé, Abcédé, ée, part. pass. & adj. Terme de Chirurgie. Pourri, tourné en abscès, converti en abscès. In vomicam versus, a, um. Putrefactus. Tout le lobe gauche du cerveau étoit abscédé. Acad. d. S. 1700. Hist. p. 44. Il y a des exemples de personnes dont le foie s’est trouvé squirreux ou abscédé, & qui cependant n’ont jamais été exposées à la jaunisse. Demours. Acad. d’Ed. I. p. 378.

ABCÈS, s. m. Tumeur contre nature, qui tend à corruption. Amas d’humeurs, ou de sang, qui se forme dans une partie interne du corps. Abcessus, vomica. Le peuple l’appelle Apostume. Cet homme est mort d’un abcès qu’il avoit dans le ventre. Un abcès qui perce ou suppure en dehors est capable de guérison. Voyez Tumeur & Aposthème. Quand un serin est attaqué d’un abcès qui se forme sur le croupion, vous le prenez dans vos mains, & avec une pointe de ciseaux bien fins, vous lui coupez adroitement la moitié de ce bouton blanc, puis en faites sortir le pus en le pressant un peu avec le doigt, & y mettez aussi-tôt dessus la plaie un petit grain de sel fondu dans la bouche, & cela fera sécher entièrement le mal. Si vous vous appercevez que votre serin souffre un peu, par ce que le sel le cuit, vous pourrez une heure après, ou environ, mettre sur son mal un petit morceau de sucre fondu avec la salive ; cela adoucira l’acreté du sel, & achevera de sécher la plaie. Hervieux.

☞ ABSCISSE. s. f. Terme de Géométrie & d’Analyse. Abscissa. C’est dans les sections coniques, & dans toute autre courbe quelconque, une partie de l’axe comprise entre le point où commence la courbe, appelée vertex, ou tout autre point fixe que l’on voudra, & une Ordonnée. Quelques Géomètres l’appellent Flèche, sagitta ; & d’autres, Axe intercepté, ou Diamètre intercepté. Aujourd’hui nos Géomètres en France disent toujours abscisse. Comme un diamètre peut avoir une infinité d’Ordonnées, chaque Ordonnée a son abscisse correspondante, qui se prend depuis elle jusqu’à l’extrémité du diamètre. Ordonnée & abscisse sont deux termes nécessairement relatifs. Abscisse vient d’abscissa, coupée.

☞ ABSCONS, se. adj. Vieux mot. Caché. Absconditus, a, um.

Le chant du coq la nuict point ne prononce,
Ains le retour de la lumière absconse. Marot.

ABSCONSER. v. neut. Se cacher. Abscondere, Abdere se. Vieux mot qui n’est plus en usage. On dit encore en Picardie, Esconser. Le soleil s’est esconsé. Esconsement du soleil. Occasus solis. Nicot. On trouve en Latin barbare absconsa, absconse ; pour signifier, une lanterne sourde, dont la lumière se cache, absconditur. [40]

☞ ABSENCE, s. f. Retraite, éloignement, soit du lieu, soit de la personne Absentia. L’absence nous fait connoître le prix des choses que nous perdons. Vix bona nostra aliter quam perdendo cognoscimus. Petrarq. De Roch. Les souvenirs dans l’absence sont plus vifs en amour, qu’en amitié. M. Scud. Le portrait de la personne aimée adoucit les ennuis de l’absence. Felib. Les longues absences éteignent l’amour, mais une courte absence le ranime. St Evr.

Je veux finir mes jours dans l’amour d’Uranie.
L’absence ni le temps ne me sauroient guérir. Voit.

L’ingrat de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence  ? Racin.

On travaillera à cette affaire tant en présence, qu’absence : phrase de Pratique, dont on se sert contre ceux qui ne comparoissent point aux jours d’assignation. Pour marquer en devise les douleurs de l’absence, on a peint une tulipe sous les rayons du soleil, ou sous un soleil caché d’épaisses nuées, ou au soleil couchant, avec ce mot Espagnol : Sinsus rayos, mis desmayos. Sans ses rayons je tombe en défaillance.

Absence d’esprit, signifie Distraction, quand on songe à une autre chose qu’à celle dont on parle. Mentis aberratio, avocatio. On s’en sert aussi pour exprimer, ou pour excuser une faute, ou une bévûe, ou dans la conduite, ou dans la conversation. On l’attribue à un défaut d’application. Cet homme a des absences d’esprit que ses amis ont de la peine à justifier.

Absence. s. f. En philosophie on dit, Absence de suppôt & Absence de vertu. L’absence de suppôt est quand deux substances ne se touchent point physiquement, & sont éloignées l’une de l’autre. L’absence de vertu, est quand l’une n’agit point sur l’autre par quelque vertu qu’elle ait, & qui sorte d’elle pour aller affecter l’autre. Au vrai l’absence de vertu est une absence de suppôt ou de substance ; car ces vertus par lesquelles une substance agit sur l’autre, ne sont autre chose qu’une substance, des corpuscules émanés de l’une & poussés vers l’autre ; telles sont la lumiére, la matiére magnétique, les odeurs, &c. Voyez PRÉSENCE.

ABSENT, ente. adj. & subst. Qui est éloigné, Absens. Les Absens pour la République sont réputés présens. Mépriser les dangers absens. Ablanc. Tant qu’un amant est absent, il est où il aime, & non pas où il vit. M. Scud. Les absens malheureux sont en peu de temps effacés du souvenir du monde. M. Esp.

Absent, en matière criminelle, est celui que l’on ne trouve point, & de qui on fait le procès par contumace.

Absent, en cas de prescription, est celui dont le domicile est situé hors du ressort de la juridiction où sont les héritages.

Celui qui est absent du Royaume, avec intention de n’y plus retourner, est réputé étranger ; mais il n’est pas pour cela réputé mort : ses héritiers ne laissent pas quelquefois de partager ses biens, par provision seulement ; mais sa femme ne sçauroit convoler à de secondes nôces, qu’elle n’ait des certificats authentiques de sa mort. Voyez les Décrétales de Greg. IX. Liv. 4. & M. Louet, lettre C. n. 22.

On dit proverbialement, Que les os sont pour les absens, lorsqu’on dîne sans eux, lorsqu’on ne leur laisse que les restes des autres.


ABSENTER. verbe neutre, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se retirer, s’éloigner de la présence des autres. Abesse. Ce Prince s’est absenté de la Cour. Il s’absente de ses amis avec peine.


Ou sois long-temps absent, ou ne t’absentes point :
Une courte absence est à craindre :
Souvent l’amour s’en sert pour nous mieux enflammer. Corn.

s’Absenter, signifie encore, S’enfuir, se cacher, se mettre à couvert. Abire, evadere, discedere, aufugere, proripere se, abdere se. En ce sens il marque une cause fâcheuse de s’éloigner. Il s’est absenté de la ville, à cause qu’on avoit décrété contre lui. Ce Marchand s’est absenté, a fait banqueroute.

ABSÈS ou ABCÈS. Voyez Abscès.

ABSIDE. s. f. Absis & Absida. Terme d’Architecture & de Liturgie. C’est une voûte, car ἀψὶς en Grec, d’où l’on a fait abside, veut dire arcus, fornix, arc, voûte. On appelle aussi Abside, le Sanctuaire, ou la partie de l’Eglise qui est séparée du reste, & dans laquelle est l’Autel ; on l’a appelée du nom Abside, parce qu’elle est en voûte. Du Cange. Le corps de S. Gilbert Evêque de Meaux fut inhumé dans l’Eglise Cathédrale, sous les degrés de l’abside. Hist. de l’Eglise de Meaux, tom. 1. pag. 92.

ABSIDE. s. f. Terme d’Astronomie. Ce sont deux points de l’orbite d’une planète, dont le plus haut est nommé apogée, & le plus bas périgée, ou le plus près de la terre. Apsides. Le diamètre qui les joint, s’appelle la ligne des absides, qui passe par le centre de l’orbite de la planète, & par le centre du monde. La ligne des absides est une ligne tirée dans une ellipse. L’excentricité se prend dans la ligne des absides ; car l’excentricité est la distance entre le centre de l’orbite de la planète, & le centre de la terre. Voyez quelle est la différence de ce mot avec celui d’Abscisse. Guinée. Application de l’Algèbre à la Géométrie.

Il se dit aussi quelquefois pour des Oratoires secrets qu’on a autrement appelés Doxologia, Doxalia, noms Grecs qui viennent de δόξα, louange, parce qu’on y chante les louanges de Dieu. Ces mots sont encore en usage dans les Pays-Bas, & signifient ce que nous appelons en François Chœur, un lieu au-delà de l’Autel, où les Religieux chantent l’Office, séparés du peuple, & sans en être vûs. Voyez Act. SS. April. Tom. I. pag. 694.

Il y avoit quelquefois plusieurs absides dans une même Eglise : ainsi l’Auteur de la vie de saint Hermenland, qui écrivoit au huitième siècle, dit que ce Saint fut enterré dans l’abside méridionale de la Basilique de saint Paul à Nantes. Absides alors ne peut, ce semble, signifier que deux choses ; ou ce que nous appelons Chapelles, qui étant voûtées étoient chacune une petite abside séparée ; ou dans les Eglises bâties en forme de croix, on appeloit abside méridionale le côté droit de la croisée qui regardoit le midi, l’Autel étant toujours à l’orient. Ce second sens paroît d’autant plus probable, qu’au même endroit le même Auteur distingue abside d’Oratoire, qui n’est autre chose que Chapelle. M. Chapelain écrit apside, conformément à l’origine de ce mot.

Abside, est aussi le nom que l’on donnoit autrefois à la bière où l’on mettoit les reliques des Saints : on l’appelle aujourd’hui châsse. On appeloit absides ces sortes de bières, parce qu’elles étoient élevées, & disposées en voûte. Du Cange.

Absie. Nom propre d’un village & d’une Abbaye de France. Absia. Il est dans les enclaves de la Gastine, petit pays du haut-Poitou. L’Abbaye d’Absie, Ordre de saint Benoît, fut fondée en 1220. Absie est entre Thoüars et Fontenay-le-Comte.

ABSINTE. Voyez Absynthe.

ABSIRTIDES, ou plutôt ABSYRTIDES. s. f. & pl. Absyrtides. Îles de l’ancienne Liburnie, ou de la Dalmatie, vers l’entrée du golfe de Venise. On les nomme Absyrtides du nom d’Absyrte, frere de Médée, qu’elle y tua, & dont elle sema les membres sur sa route pour arrêter, à les ramasser, son pere Aëtes, qu’elle fuyoit avec Jason. Quelques Auteurs ont cependant appelé Ægialque ce frere de Médée. Lucain semble n’en reconnoître qu’une, qu’il appelle Absyrtos, & Brébeuf Absyrte.

Au Golfe d’Adria l’Absyrte tributaire
A ce commun devoir n’ose pas se soustraire.

ABSOLU, ue. adj. Souverain, indépendant. Cujus potestas summa. Prince absolu. Summus rerum Dominus. Commandement absolu. Il a obtenu cela d’autorité absolue.

Il signifie aussi, Sans réserve, sans restriction. Les Ambassadeurs ont quelquefois un plein pouvoir, un pouvoir absolu. On dit qu’un homme est absolu, impérieux, pour faire entendre qu’il veut être obéi, qu’il ne peut souffrir qu’on lui résiste, qu’il veut fortement ce qu’il ordonne. Imperiosus. On dit encore, Parler d’un ton absolu ; pour dire, parler d’un ton impérieux, commander avec hauteur. Une conduite ouverte & familière gagne mieux les cœurs, qu’une autorité sèche & absolue.

On appelle, Jeudi absolu, le Jeudi saint. Ce nom lui en venu de ce que dans l’ancienne Eglise c’étoit le jour auquel on absolvoit les Pénitens publics, comme il paroît par la lettre d’Innocent I. à Decentius. C. 7. Flodoard L. 1. de l’Hist. de Rheims ch. 14. Eloy de Noyon dans ses Homélies in Cœna Domini ; Hincmar dans la vie de S. Remi ; l’Ordo Romanus ; le Livre de Divin. Off. dans Alcuin, le Concile de Châlon sur Saône C. 47. &c. De là vient que ce jour s’appelle dans les vieux titres, Absolutionis dies, Jour de l’Absoute. Voyez ABSOUTE. Le P. Morin prétend néanmoins que ceci ne doit s’entendre que des Eglises d’Occident, & que dans les Eglises d’Orient, & même dans celles d’Espagne & de Milan, l’absolution ne se donnoit que le Vendredi saint, ou même le Samedi saint. Mr Godeau a dit la même chose ; mais d’habiles Théologiens prétendent qu’ils se trompent.

En termes de Grammairien, un terme absolu, est un terme qui ne se rapporte à rien autre chose. Il est opposé à relatif. Un Ablatif absolu, est une locution détachée & indépendante, qui ne régit rien, & qui n’est régie de rien. Dictio ab alia minimè pendens. C’est à l’imitation des Latins : Deleto exercitu : L’armée ayant été taillée en pièces. Tout bien considéré, en matière de Religion, le plus sûr est de s’en tenir aux décisions de l’Eglise. Port-R. Absolu, en termes de Philosophie, signifie, ce qui ne porte ou ne renferme point l’idée d’une relation, ni de rapport à autre chose ; & il est opposé à relatif. Homme est un terme absolu ; au contraire, Créature, Père, sont des termes relatifs, parce que l’un emporte un rapport au Créateur, & l’autre à des Enfans.

En termes de Théologie quelques Ecrivains, ou Catholiques, ou Protestans, le prennent encore dans un autre sens, & l’opposent à déclaratoire. Ainsi dans la doctrine Catholique l’absolution de Prêtre est absolue ; il remet absolument les péchés ; mais dans la doctrine des Luthériens & des Anglicans, l’absolution du Prêtre n’est que déclaratoire & ministériale. Absolu signifie encore ce qui est sans condition ; & une promesse, une proposition absolue, opposée à une promesse, ou à une proposition conditionelle.

Nombre absolu. Terme d’Algèbre en matière d’équation. C’est ce que Viète appelle Homogeneum comparationis, & qui fait toujours un côté ou une partie entière de l’équation, & est toujours une quantité connue. C’est encore le rectangle, ou le solide dont on cherche la racine inconnue. Ainsi dans cette équation a a + 16 a = 36. le nombre absolu est 36. lequel est égal au produit des deux racines ou valeurs de l’a ; c’est-à-dire, à a multiplié par lui-même, plus a pris seize fois. Equation absolue, en termes d’Astronomie, est la somme de deux équations de l’excentrique, & de l’optique. Harris. Voyez EQUATION.

ABSOLUMENT, adv. Souverainement, avec une autorité absolue. Summo jure. Il commande absolument dans la Province. Il signifie impérieusement & décisivement. Superbè. Cet homme parle absolument, & en maître. Ce mot vient du Latin absolvere, en tant qu’il signifie achever, parce que celui qui commande absolument, veut que la chose s’exécute sans trouver d’opposition.

Il signifie quelquefois, Tout-à-fait, entièrement, sans réserve, & sans restriction. Prorsus, omninò. Il le nie absolument.

Il signifie encore, Nécessairement, de nécessité absolue. Il


faut partir absolument, & sans repliquer. On dit vouloir absolument, pour dire, Vouloir déterminément, & à quelque prix que ce soit. Je n’en ferai absolument rien, & toutes vos remontrances ne m’y feront point consentir. La nature ne se laisse pas conduire au hazard, & n’est pas absolument ennemie de l’art & des règles. Boil.

On dit aussi en Grammaire, qu’un mot se dit absolument, quand il est sans régime. Par exemple. Il faut prier sans cesse : le verbe prier est mis là absolument, parce qu’il ne régit rien. En Philosophie & en Théologie, absolument, outre les significations déjà rapportées, signifie encore. 1°. De soi même, par soi-même, sans rapport à aucun autre, indépendamment de tout autre, & il est opposé à relativement. L’Homme pris ou considéré absolument, est un animal raisonnable. 2°. Sans addition, sans restriction, sans modification. Cela est bon absolument. En ce sens on y joint souvent simplement. Cela est simplement & absolument bon. Simpliciter & absolutè bonum. Absolument & simplement universel. 3°. Par une puissance, une vertu extraordinaire, au dessus ou hors du cours ordinaire de la nature. Les accidens se peuvent absolument séparer de leur sujet. 4°. Quelquefois absolument en morale veut dire, Souverainement. Dieu, la dernière fin de l’Homme, est absolument bon. 5°. Absolument signifie sans condition. Dieu ne promet point absolument le pardon, mais à condition qu’on sera véritablement repentant de ses péchés.

En Géométrie absolument, se prend encore pour Entièrement, parfaitement. Ainsi on appelle absolument rond, ce qui l’est entièrement, parfaitement, pour le distinguer de ce qui n’est que presque rond, comme la cycloïde & la sphéroïde.

Absolument, se dit d’une chose dont on parle en général, & sans entrer dans le détail. Universè, ou generaliter & absolutè. Cet ouvrage a quelques défauts, mais il est bon absolument parlant.

ABSOLUTION, s. f. Jugement juridique, par lequel l’accusé est absous & déclaré innocent. Absolutio. Il a obtenu un arrêt d’absolution en matière criminelle. Quand les opinions sont partagées entre la condamnation & l’absolution, on renvoie l’accusé absous ; cette jurisprudence est fondée sur les Loix de la Nature & sur le Droit Civil : c’est le sentiment de Faber sur la Loi 125. De div. reg. jur. de Cicéron pro Cluentio, de Quintilien declam. 254. de Strabon Liv. 9. On dit aussi, Absolution d’une demande civile, quand on en est déchargé.

J’entens que l’usurpation
De mon cœur, qu’avez à present,
N’empêche l’absolution ;
Car je vous en fais un present. S. Gel.

Absolution. Il y a deux sortes d’absolutions ; absolution des censures, & absolution des péchés.

Absolution des censures. C’est un acte judiciaire par lequel un juge ecclésiastique ou son délégué remet dans la possession de certains biens spirituels, dont on avoit été privé par l’excommunication ou la suspense, ou l’interdit. L’absolution des censures se donne au for intérieur, c’est-à-dire, au tribunal de la pénitence, ou au for extérieur. Quand les censures sont secrettes, & qu’elles n’ont pas été déduites aux tribunaux de justice, l’absolution s’en donne au for de la pénitence par un prêtre ; autrement elle se donne dans le for extérieur par un ecclésiastique qui a la jurisdiction ordinaire ou déléguée, pourvû qu’il ne soit pas excommunié ou suspens dénoncé. Quant aux censures à jure, dont l’absolution n’est pas réservée, tout prêtre approuvé pour entendre les confessions, peut en absoudre dans le tribunal de la pénitence. La formule dont il doit se servir est celle-ci : Ego te absolvo ab omni vinculo excommunicationis, suspensionis & interdicti in quantùm possum, & tu indiges. Que si l’absolution de la censure est réservée à certain Supérieur, il n’y a que celui à qui la réserve en est faite, ou son Supérieur, ou celui à qui il en auroit donné un pouvoir spécial, qui en puisse absoudre. Pour les censures ab homine, comme elles sont toutes réservées, il n’y a que celui à qui elles sont réservées, ou son Supérieur, en cas d’appel, (Il en faut excepter le temps de la visite de l’archevêque dans les diocèses de ses suffragans) ou celui à qui il en a donné un pouvoir spécial, qui puisse en donner l’absolution. Pour recevoir l’absolution des censures, il n’est pas nécessaire d’être présent, ni même de la vouloir. L’absolution des censures doit toûjours précéder l’absolution des péchés. On peut recevoir l’absolution d’une censure, & demeurer lié par une autre. Tout prêtre, en péril de mort, peut donner l’absolution de toutes sortes de censures & de cas réservés. On ne peut être délié des censures que par l’absolution.

Il y a une absolution des censures qu’on nomme à cautéle, ou à caution, ad cautelam, & une autre qu’on appelle Absolution cum reincidentia.

L’Absolution à cautéle ou par précaution se donne dans l’ordre judiciaire, & dans le for de la pénitence. Dans l’ordre judiciaire, c’est une sentence du juge supérieur ecclésiastique, au tribunal duquel on appelle de la sentence d’excommunication, qu’un juge ecclésiastique inférieur a portée contre quelqu’un, qui rend capable de se défendre en justice ou d’ester à droit. Le roi Louis XIV. l’a ainsi déclaré sur la demande de l’assemblée générale du Clergé, dans sa déclaration du mois d’Avril de l’an 1666. & dans l’art. 4e de l’édit de 1695. concernant la jurisdiction ecclésiastique. Aujourd’hui l’absolution à cautéle n’a point d’autre effet ; & elle ne suspend point, comme autrefois, la sentence d’excommunication. Dans le sacrement de pénitence, c’est un acte judiciaire du prêtre qui délie des censures dont on pouvoit être lié sans le sçavoir, afin qu’on soit en état de profiter de l’absolution sacramentelle. Les papes ont aussi coutume de donner l’absolution ad cautelam, pour rendre un impétrant capable de joüir de la grace que le saint siége lui accorde par un rescrit. Dans cette vûe on a soin à Rome d’insérer dans la provision des bénéfices cette clause : Cum absolutione à censuris ad effectum, &c.

Absolution, terme d’Eglise, acte juridique, par lequel un Prêtre approuvé, comme Juge, & en vertu du pouvoir qu’il a reçu de J. C. remet les péchés au Pénitent, qui est dans les dispositions nécessaires. Il faut dire absolution sacramentelle, plutôt que sacramentale. Menage. Ceux qui par l’absolution sacramentelle eussent été en la grace de Dieu. God. Les Luthériens ont retenu l’absolution sacramentale. Boss. L’absolution qu’Hincmar envoya par lettre à Hildebold Evêque de Soissons n’étoit qu’une espèce d’indulgence & de bénédiction, & non une absolution sacramentelle, puisqu’il suppose d’ailleurs que l’on doit se confesser au Prêtre en détail. Fleury. Et que non seulement il le suppose, mais qu’il avertit Hildebold de le faire. De plus, dit-il, je vous avertis par précaution, ne doutant point que vous ne l’ayiez déja fait, qu’outre cette confession générale vous ayiez soin de confesser en détail à Dieu, & à un Prêtre, tout ce que vous reconnoissez avoir commis depuis le commencement de votre vie jusqu’à présent.

Le P. Amelote de l’Oratoire, au liv. 9. ch. 3. de son Abrégé de Théologie, dit en parlant du Sacrement de la Pénitence : La principale force du Sacrement, ce qui en est comme l’ame, & où réside principalement l’influence & la vertu de Jesus-Christ jugé pour nous, c’est dans le Sacrement d’absolution que le Prêtre prononce par ces paroles : Je t’absous de tes péchés. L’absolution, ou les paroles de l’absolution, sont la forme du Sacrement de Pénitence, ainsi que l’enseignent le Concile de Florence dans le Decret ad Armenos, & le Concile de Trente Sess. XIV. c. 3. Cette forme est absolue dans l’Eglise Latine & déprécatoire dans l’Eglise Grecque, ainsi que l’on peut voir dans l’Euchologe des Grecs imprimé à Venise en 1638. dans la censure de la Confession d’Ausbourg faite par Jérémie Patriarche de Constantinople, & dans l’Instruction de Clement VIII. sur les Rits des Grecs imprimée en 1595. Arcudius prétend néanmoins que la forme de ce Sacrement est absolue chez les Grecs, aussi bien que chez les Latins, & que ce sont ces mots : Mea mediocritas habet te veniâ donatum. Mais les exemples qu’il en apporte, ou ne sont point des formules d’absolution, ou sont des formules d’absolution d’une excommunication, mais non pas de l’absolution sacramentelle. D’ailleurs, Arcudius avoue lui-même que plusieurs Prê-


tres ne disent point la formule qu’il rapporte. Enfin, il faut juger du Rit Grec plutôt par les Euchologes, que par les passages de Gabriel de Philadelphie, & des autres particuliers que cite Arcudius. L’absolution sacramentelle n’est pas déclaratoire seulement ; elle remet véritablement les péchés. Le P. Seguenot de l’Oratoire ayant dit dans ses Remarques sur le livre de la S. Virginité de Saint Augustin : Qui diroit que l’absolution n’est autre chose qu’un acte judiciaire, par lequel le Prêtre déclare, non simplement, mais avec autorité, & de la part de Jesus-Christ, que les péchés sont remis, & en prononce l’arrêt juridiquement, celui-là n’avanceroit rien à mon avis, ni contre le Concile de Trente, qui semble même avoir donné lieu à cette interprétation, lorsqu’il s’est expliqué sur cela plus nettement, ni contre les anciens Théologiens, je dis même Scholastiques, que la plupart des nouveaux ont quitté en cette matière, comme on les quitte maintenant eux-mêmes. Dieu veuille qu’ils nous le pardonnent, comme on leur pardonne. Toute cette Remarque fut justement censurée par les Théologiens de la Faculté de Paris. Cette doctrine est Luthérienne, contraire aux paroles précises de Jesus-Christ en S. Jean Ch. XX. v. 23. Ceux dont vous aurez remis les péchés, leurs péchés leur seront remis ; condamnée par le S. Concile de Trente Sess. XIV. Ch. VI. & Can. 9. & contraire à la Tradition. Voyez Tertull de pudic. S. Cyprien de Laps. & la troisième lettre de Pacien. Voyez le mot de Contrition.

Le Jésuite Dandini traite fort mal les Grecs sur la manière dont ils donnent l’absolution aux pénitens. Un homme, dit-il, au chap. 7. de son voyage du Mont Liban, s’étant confessé d’un péché commun & ordinaire fut renvoyé par le Confesseur, qui refusa de l’absoudre, à moins qu’il n’appellât sept autres Prêtres. Ceux-ci ayant été attirés par quelque argent firent étendre à terre le pénitent, comme s’il eût été mort, & ils lui donnèrent enfin l’absolution, en récitant de certaines prières. Ils ont accoutumé de demander de l’argent pour l’absolution, & de la refuser quand on ne leur en donne point. Car ils prétendent qu’il leur est dû quatre ou cinq écus & davantage pour les péchés communs & ordinaires. La pénitence qu’ils donnent pour les gros péchés, c’est de défendre la Communion pour quatre ou cinq ans. Peut-être font-ils cela par mépris, & par l’aversion qu’ils ont pour l’Eglise Latine, qui l’ordonne tous les ans.

Mr Simon, dans ses Remarques sur le voyage du Mont Liban, imprimé à Paris, justifie la pratique des Grecs dans le Sacrement de Pénitence. Si les Grecs, dit-il, diffèrent de donner l’absolution aux pénitens, ils suivent en cela l’usage de leur Eglise, qui est très-ancien : ils ont leurs livres Pénitentiaux qui les règlent, & ce n’est point leur caprice qui leur fait imposer une pénitence plutôt qu’une autre : mais ils suivent les Canons, & ils appellent faire le Canon, ce que nous appellons ordinairement faire la Pénitence. Ils éloignent souvent leurs Pénitens de la Communion pour un an, pour deux ans, & même pour davantage, suivant en cela les anciens Canons. Si les Grecs ne passent point leur Canon, ou leurs anciens livres Pénitentiaux, Mr Simon a raison ; mais il est certain qu’ils y ajoûtent souvent beaucoup, & qu’il se glisse parmi eux bien des abus dans l’administration de ce Sacrement.

On ne doit pas aussi traiter les Grecs d’ignorans & de superstitieux, parce qu’un Confesseur refuse de donner l’absolution à un pécheur, s’il n’a auparavant fait venir sept Prêtres qui donnent tous ensemble l’absolution. Cette façon paroît étrange à ceux qui ne consultent que l’usage présent : mais si l’on remonte jusqu’aux anciens temps, on trouvera que cela s’observoit même dans Rome. Le Pape Corneille assembla les Prêtres & les Evêques qui étoient alors dans Rome pour délibérer de la Pénitence qu’on devoit donner à quelques Schismatiques qui rentroient dans l’Eglise. Il n’est donc pas surprenant qu’un Papas ou Prêtre Grec, délibère avec plusieurs de ses Confrères touchant la Pénitence qu’il doit donner à un homme, qui étant engagé au service d’un Latin, étoit tous les jours dans des occasions prochaines de pécher contre les cérémonies de sa Religion.

On ne doit point aussi tourner en ridicules les Prêtres Grecs, sous prétexte qu’ils font coucher par terre le pénitent, & qu’en cet état ils récitent sur lui des prières en forme d’absolution ; car les Grecs se confessent d’ordinaire assis. Ils se contentent de se prosterner deux fois, à savoir, au commencement, quand ils demandent la bénédiction du Prêtre, qui invoque sur eux la grace du S. Esprit, & à la fin quand ce même Prêtre prie Dieu qu’ils puissent accomplir la pénitence qu’il leur impose. En un mot, il ne faut point condamner tout ce qui est conforme à leurs anciens Livres Pénitentiaux, & ce que Clement VIII. n’a point blâmé dans son Instruction sur les Rits des Grecs.

C’est une erreur de dire que dans l’ancienne Eglise on n’accordoit l’absolution aux Pénitens qu’après une satisfaction publique. Il n’y avoit qu’un petit nombre de crimes énormes & publics que l’Eglise soumît à la pénitence publique, comme l’idolatrie, l’homicide, & l’adultere. C’est encore une erreur de dire que jusqu’au vi. siècle de l’Eglise on n’a accordé l’absolution qu’une fois. C’est la pénitence publique qu’on n’accordoit qu’une fois, & non pas l’absolution en général. Il n’y a jamais eu que Novat qui ait porté les choses à cet excès. Les Novatiens & les Montanistes n’alloient point jusques-là. Ils accordoient la pénitence à tous les péchés légers & médiocres. Il n’y avoit que les grands péchés que Tertullien appelle des monstres, auxquels ils prétendoient que l’Eglise ne pouvoit, ou ne devoit point accorder l’absolution après le Baptême. Cela est évident par Tertullien l. de Pudic. & par Origène, l. de Orat. qui tous deux étoient infectés de l’erreur des Montanistes, & par ceux qui ont combattu les Novatiens, comme S. Ambroise, l. de Pœnit. & S. Pacien de Barcelonne, ep. 3. &c. Quelquefois même, dans la pénitence publique, on accordoit l’absolution & l’Eucharistie avant que la pénitence fût accomplie. Pour les péchés qui n’étoient point soumis à la pénitence publique, M. Godeau, qui croit que l’absolution se donnoit régulièrement quand la satisfaction étoit achevée, avoue pourtant que souvent, & pour des raisons assez légeres, elle se donnoit immédiatement après la confession.

L’Absolution cum reincidentia, ou avec rechûte, est une absolution qu’on donne à un homme lié des censures avec modification ou limitation : ce qui peut se faire en deux maniéres. 1°. En suspendant l’effet de la censure pour un certain temps, durant lequel celui qui en avoit été frappé, peut recevoir les sacremens, assister aux offices divins, & communiquer avec les fidéles. Mais ce temps-là expiré, il retombe dans l’excommunication sans autre sentence. 2°. En donnant cette absolution à certaines charges ou conditions qui, n’étant pas accomplies, font renaître la censure ; par exemple, à la charge qu’on satisfera la partie offensée, qu’on fera quelque bonne œuvre dans un certain temps, après lequel, si la chose n’est pas exécutée, on retombe dans la censure. Il n’y a que les Evêques, leurs grands Vicaires, leurs Officiaux, ou ceux à qui ils en donnent un pouvoir spécial, qui puissent donner l’absolution ad reincidentiam, parce que pour donner cette sorte d’absolution, il faut avoir jurisdiction au for extérieur ; ainsi les Curés & les simples prêtres n’ont pas ce pouvoir, même dans le temps du Jubilé. Ils ne peuvent donner que l’absolution simple, tout le pouvoir étant renfermé dans le for du sacrement de pénitence. En France on croit communément que celui qui en péril de mort a été absous par un simple prêtre d’une censure réservée, ne retombe pas dans la censure, quoiqu’après être revenu en santé, il ne se présente pas devant celui à qui elle étoit réservée.

☞ En Chancellerie Apostolique on appelle absolution à sævis, une grace accordée par une signature particuliére, à celui qui a assisté à quelque jugement de mort, ou qui a commis quelque cas qui rend irrégulier & incapable de posséder un bénéfice. Ce mot vient du latin absolutio, qui a le même sens, & de solvere, délier.

C’est une maxime que l’excommunié par sentence demeure en état d’excommunication, nonobstant son appel : ainsi pour éviter les inconveniens qui pourroient arriver, l’on demande au Juge l’absolution que les Docteurs appellent ad cautelam, laquelle n’a d’effet que pendant l’appel, & ne se doit accorder qu’avec beaucoup de


circonspection. Cette absolution ne se donne qu’après que le condamné affirme par serment qu’il exécutera le jugement qui sera rendu. Voyez Eveillon, Traité des excommunications. Quelques-uns croient que l’absolution ad cautelam ne se donne que par provision à celui qui a été excommunié, dans la crainte qu’il ne meure subitement, ou par quelque accident, avant qu’il ait pû se faire absoudre. Mais ce n’est point par cette raison ; car elle se donne moins en faveur de celui qui a été excommunié, qu’en faveur de ceux, qui par une conscience timorée feroient scrupule de fréquenter l’excommunié : or cette absolution leur sert de précaution, pour les assurer qu’ils ne participent point à l’excommunication. Bouchel. On dit aussi absolution à caution, & tous ces mots se trouvent dans les bons Livres. La première fois que l’on trouve qu’il est fait mention de l’absolution à cautele, ad cautelam, c’est dans une lettre du Pape Célestin écrite en 1195. à l’Evêque de Lincoln, où il lui ordonne de publier une suspense par tout le Diocese d’Yorck, & à Géofroy qui en étoit Archevêque, en l’avertissant cependant d’absoudre ces personnes ad majorem cautelam.

Absolution, en termes de Bréviaire, est une courte prière que dit celui qui officie à chaque nocturne des Matines avant les bénédictions & les leçons. On appelle absolutions, les encensemens & aspèrsions d’eau benite qu’on fait sur les corps des Princes & des Prélats qu’on enterre avec grande cérémonie.

ABSOLUTOIRE, adj. Qui porte absolution. Absolutorius. Il a une sentence absolutoire.

ABSORBANT, s. m. ABSORBANS. pl. Terme de Médecine, qui est tantôt adjectif, tantôt substantif. Medicamina ad absumendum nata. On appelle absorbans des médicamens terrestres & poreux, qui s’imbibent aisément des sels acides & alkalis, & qui boivent les substances aqueuses ou sulphureuses. Les os calcinés, la corne de cerf préparée, l’yvoire brûlé, le corail, les yeux d’écrevisse, &c. sont de véritables absorbans. On a confondu quelque temps les absorbans avec les sels alkalis, sans doute à cause de leurs effets & de leurs propriétés ; les alkalis absorbant les acides en amortissent l’activité. Le quinquina est une sorte d’absorbant qui guérit les fièvres intermittentes.

☞ ABSORBANT, TE. adj. On emploie des poudres absorbantes, quand il regne sur les superficies une fluidité qui les feroit s’attacher. M. l’abbé Nollet, Phys. expér. t. I. p. 17.

ABSORBER, v. act. Engloutir, dissiper, consumer, emporter. Absumere. Les eaux absorbent presque toute la lumière qu’elles reçoivent du soleil. Roh. Il est peu en usage au propre, si ce n’est en parlant des animaux voraces : mais il se dit au figuré, & il emporte d’ordinaire un mauvais sens. Les droits de la Femme ont absorbé tous les biens du Mari. Le frais d’un scellé absorbent les plus clairs deniers de cette succession. Ce goinfre a absorbé tout son patrimoine. La voix est absorbée dans les voûtes. Ablanc. c’est-à-dire, qu’elle s’y perd. La question de l’infaillibilité de l’Eglise absorbe toutes les autres controverses. Claude. Ce mot vient du Latin absorbeo, signifiant le même.

Absorber, se dit en jardinage, des branches gourmandes qui naissent sur les arbres fruitiers, & qui ôtent aux autres branches la plus grande partie de la nourriture dont elles ont besoin. Il faut être très-soigneux de retrancher les branches gourmandes, crainte qu’elle n’absorbent la substance nécessaire pour nourrit le teste du corps de l’arbre. Cette branche a toute absorbé la sève, ou le suc nourricier. Liger. Il se dit avec le pronom personnel. Comme tout passe & s’absorbe pour jamais dans l’éternité de Dieu, les choses périssables ne valent pas la peine d’être considérées. Ab. de la Tr.

ABSORBÉ, ÉE. part. ☞ pass. On dit d’un homme profondément appliqué à quelque chose, qu’il y est absorbé. Acad. Fr.

ABSORPTION, s. f. Action d’absorber, engloutissement. Mr Descartes ne nous fait-il pas appréhender que notre tourbillon, infiniment plus grand que la sphère du feu, ne soit absorbé quelque jour, lorsqu’on y pensera le moins ? Et quand par cette absorption le Soleil sera devenu Terre, & que peut-être en même temps la matière