Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AÎNESSE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 192).

AÎNESSE. s. f. Primogéniture, qualité de ce qui fait un aîné, & le droit que cette qualité lui donne. Natalium inter fratres prærogativa. On ne le dit guère qu’en le joignant au mot droit, droit d’aînesse. Le droit d’aînesse est reconnu par-tout, & particulièrement chez les Nobles. Esaü vendit son droit d’aînesse pour un plat de lentilles. Il semble que le droit d’aînesse est une prérogative injuste, & contraire au droit naturel ; car puisque la naissance seule donne aux enfans le droit de prétendre à la succession paternelle, le hasard de la primogéniture ne doit point mettre d’inégalité entr’eux. Aussi le droit d’aînesse qui appelle l’aîné par préférence à la couronne, s’est-il introduit fort tard en France. Il n’étoit point connu sous les Rois de la première race, ni même de la seconde. Les quatre enfans de Clovis partagerent également le royaume. Louis le Débonnaire divisa aussi l’empire en quatre portions, qu’il donna à ses quatre fils. Apparemment ce n’est que sous la race de Hugues Capet, que la prérogative de la succession à la couronne fut affectée à l’aîné. La prérogative du temps est un droit d’aînesse que la nature nous oblige de reconnoître. Patr. Il n’est pas permis aux peres ni aux meres d’y déroger directement, ni indirectement. Cette prérogative est inviolablement observée parmi toutes les nations, ensuite de ce qui est dit au Deut. XXI, 15, & au II. Paral. XXI, 3. Des Roch. Voyez encore Gen. XXV, 31, XLIX, 3. Du Moul. in Cons. Par. §. 8, q. 3, n. 24. Aînesse & primogéniture sont quelquefois deux choses différentes : la primogéniture est un titre que la nature établit & que la naissance fixe ; l’aînesse est un droit que la loi donne & que la coutume étend. En France on a étendu le droit de primogéniture ; car après la mort du premier né, le second lui succède au droit d’aînesse, desorte que ce droit passe toujours à celui des freres qui est le plus âgé.