Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ABERRATION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 26).

ABERRATION. s. f. Terme d’Astronomie, qui se dit d’un mouvement en déclinaison, que l’on prétend depuis quelques années avoir trouvé dans les étoiles fixes, différent de celui qui vient du mouvement des étoiles autour des pôles de l’écliptique. M. Bradley, Anglois, est le premier qui l’ait découvert. Il prétend que chaque étoile observée pendant le cours d’une année, semble décrire dans les Cieux une petite ellipse, dont le grand axe est d’environ 40″. La cause de ce mouvement apparent, ou d’aberration, s’il y en a, doit être le mouvement annuel de la terre dans son orbite. J’ai dit, s’il y en a ; car quoique M. Roëmer ait aussi cru trouver ce mouvement par les observations qu’il a faites à Stockholm, néanmoins les plus habiles & les plus exacts astronômes, ayant fait en France les mêmes observations sur les mêmes étoiles que Roëmer, ont à la vérité souvent trouvé quelque chose qui sembloit favoriser cette opinion ; mais plus souvent encore, ou pour le moins aussi souvent, ils n’ont trouvé aucune différence dans la situation de ces étoiles pendant le cours d’une année. D’ailleurs, l’orbite annuelle apparente d’une étoile est si petite, qu’il est impossible de déterminer si c’est une ellipse, ou un cercle, ou quelqu’autre courbe. Voyez Bradley dans les Transactions philosophiques, N°. 406, M. Horrebow dans sa Clavis Astronomiæ, vel Copernicus triumphans. Hawniæ, 1727.

M. Bradley ne prétend pas que ce mouvement apparent des étoiles vienne du mouvement seul de la terre dans son orbite, mais du mouvement de la terre & du mouvement de la lumière que l’étoile lance, combinés l’un avec l’autre. Ce second mouvement s’appelle aberration de lumière. Ces deux mouvemens combinés ensemble sont ce qu’on appelle aberration des étoiles fixes.

Ce terme signifie donc l’éloignement d’une étoile du lieu effectif où elle est. Les étoiles paroissent faire un circuit en ellipse autour du point qu’elles occupent réellement ; c’est ce qu’on appelle aberration. La parallaxe nous fait voir les astres, où ils ne sont pas, & tous les astronômes y ont égard dans leurs observations & leurs calculs ; mais en outre les étoiles ont encore d’autres aberrations. M. Bradley, qui est le premier, je crois, qui se soit apperçu de l’aberration des étoiles, après avoir conclu qu’elle se faisoit par le mouvement progressif de la lumière, donna des règles pour trouver l’aberration en ascension droite. En l’année 1737, M. Claitaut présenta un Mémoire à l’Académie des Sciences sur l’aberration des étoiles, où il donne des méthodes plus sûres & plus exactes pour calculer cette aberration, que tout ce qu’avoient dit MM. Bradley & Manfrédy, en comparant le mouvement progressif de la lumière avec le mouvement de la terre. Quoique M. Bradley prétende avoir observé l’aberration dans le lieu des fixes, néanmoins parce que cette théorie n’est pas encore adoptée de tout le monde, nous ne croyons pas qu’il faille trop se hâter de recevoir une découverte qui n’est encore attestée que par un seul auteur, qui ne s’accorde point avec les observations faites par les astronômes François, & qui est fondée sur le mouvement successif de la lumière, dont les plus habiles astronômes doutent encore. Voici cependant la réflexion d’un célèbre astronôme. Si la France a produit dans le dernier siècle les deux plus grandes découvertes de l’astronomie physique, savoir, l’accourcissement du Pendule sous l’Equateur, dont Richer s’apperçut en 1672, & la Propagation ou le mouvement successif de la lumière, démontré dans l’Académie des Sciences par Roëmer, l’Angleterre peut bien se flatter aujourd’hui d’avoir annoncé la plus grande découverte de ce dix-huitième siècle. Institutions Astronomiques de M. Le Monnier, p. 94.