Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ABIENS

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 27).

ABIENS. s. m. plur. Abii. Peuple de Scythie, qu’Homère appelle, Les plus justes de tous les hommes, Δικαιοτάτους ἀνθρώπων. Iliad. V. Quelques Auteurs les placent dans la Thrace. Quoique les Abiens aimassent leur liberté au dernier point, & qu’ils l’eussent toujours conservée depuis Cyrus, ils vinrent se soumettre volontairement à Alexandre, lorsqu’il étoit à Maracande.

On rapporte trois ou quatre étymologies de ce mot. 1.o On dit qu’il vient du fleuve Abien, Abianus, sur les bords duquel ils habitoient. Si cela étoit, ils eussent été appelés Abianiens, Abiani, plutôt qu’Abiens, Abii. 2.o On le fait venir de l’α privatif, & de ϐίος, vie, comme qui diroit : Des gens qui ne vivent pas, quorum non est vita vitalis, parce qu’ils vivoient dans le célibat, ne se nourrissant que de lait, & demeurant toujours dans des chariots. Le célibat entier d’une nation paroît une fable ; comment se fût-elle perpétuée ? Bien d’autres chez les Scythes menoient une vie encore moins humaine, qu’on n’appeloit point pour cela Abii. 3.o D’autres tirent ce nom de l’α privatif, & de ϐιός, un arc, parce qu’ils ne s’en servoient point. 4.o Enfin, & c’est ici ce qu’il y a de plus probable, d’autres veulent qu’ils fussent ainsi appelés de l’α privatif, & de βία, violence, force, parce qu’ils n’usoient point de force, ni de violence, & n’avoient jamais fait la guerre, à moins qu’on ne voulût attenter à leur liberté. L’épithète que leur donne Homère, confirme ce sentiment.