Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACŒMÈTE ou ACEMETE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 89).
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ACŒMÈTE, ou ACEMETE. s. m. & adj. Acœmetus. Qui ne se couche ni jour, ni nuit. Ce mot est Grec, ἀϰόιμητος, formé de l’α privatif, & de ϰοιμάω, Je suis couché, je dors dans un lit. Ce nom fut donné par les Grecs à certains Moines, non pas qu’ils ne dormissent jamais, mais parce que jour & nuit, sans interruption, ils chantoient l’office divin dans leurs églises, se partageant pour cela en trois bandes ou parties, dont l’une venoit relever l’autre, & commencer le même office quand la première l’avoit fini. Ainsi, par exemple, quand les premiers avoient fini Matines, les seconds venoient les commencer ; ils étoient ensuite relevés par les troisièmes, qui chantoient aussi Matines à leur tour. Quand ils avoient fini, les premiers revenoient chanter Prime, & ainsi du reste ; en sorte que jour & nuit, les exercices pieux ne discontinuoient point dans leurs églises. Ainsi ce qui est dit dans la vie de S. Jean Calybite, imprimée par Lipoman, qu’ils furent appelés Acœmètes, parce qu’ils ne se couchoient jamais, ou qu’ils ne prenoient que très peu de sommeil, chantant toujours les louanges de Dieu, comme l’ont cru Canisius & Ferrarius dans le catalogue des Saints d’Italie, n’est pas vrai. L’instituteur des Acœmètes fut, si l’on en croit Nicéphore, l. i, v. c. 23, un Marcellus, que quelques Auteurs modernes appellent Marcellus d’Apamée, quoique Nicéphore ne lui donne point ce surnom en cet endroit-là, qu’il n’en dise rien au Liv. XII. Ch. 27, où il parle de Marcellus d’Apamée, & que Marcel d’Apamée vécût 50 ans ou plus, avant qu’il y eût des Acœmètes. On trouve dans Bollandus au 15 de Janvier la vie de S. Alexandre, fondateur des Acœmètes, inconnus avant lui, dit l’Auteur qui étoit disciple de ce Saint, & témoin oculaire de ce qu’il écrit. Ce Saint vivoit, selon Bollandus, vers l’an 430. Le premier Monastère d’Acœmètes fut bâti par ce Saint sur les bords de l’Euphrate. Pendant sa vie, ses disciples en érigèrent plusieurs semblables en différens lieux : lui-même en alla établir un à Constantinople, qui après la mort du Saint fut transféré à Bithynie, par Jean son successeur. A Jean succéda Marcellus, que Nicéphore a cru être l’Instituteur des Acœmètes. Sous ce Marcellus ce pieux institut s’étendit beaucoup, dit Bollandus ; & c’est là apparemment ce qui a fait que Nicéphore l’en a cru fondateur. Ce fut de son temps que Studius vint de Rome à Constantinople, y bâtir un Monastère, & y mit des Moines, qu’il tira des Monastères Acœmètes. Ce fut là l’origine des Studites, qui conséquemment viennent des Acœmètes. Saint Jean Calybite se retira dans un Monastère d’Acœmètes, & non pas d’Aromètes, comme le dit la Saussaye dans le Martyrologe de France. Quoique les Acœmètes aient fleuri sur-tout en Orient, il y en a cependant eu quelques-uns en Occident. Le P. le Cointe prétend, à l’endroit que je citerai, qu’il n’y a eu que le Monastère de Luxeuil, Luxoviense, celui de Remiremont, Habendense, & celui de S. Salaberge à Laon, où l’on ait dit perpétuellement l’Office de la manière que nous l’avons expliqué. Le P. Mabillon soutient qu’il y faut ajouter celui de S. Maurice, Agaunense, fondé par Sigismond, Roi de Bourgogne, celui de S. Marcel de Châlons, & celui de S. Denys en France. D’autres ajoutent encore celui de S. Riquier, &c. Il n’est pas vrai que S. Eucher Evêque d’Orléans se fit Moine Acœmète, comme l’a dit Canisius. Ce fut dans un Monastère de Bénédictins, à cinq lieues de Rouen, qu’il se retira, comme l’a remarqué Bollandus. T. i. de Janv. p. 1019.

On a aussi appelé Acœmètes les Stylites, & quelques autres Moines de la Palestine, mais dont l’institut étoit fort différent de celui des Acœmètes. On pourroit aujourd’hui appeler Acœmètes les Religieuses du S. Sacrement, qui ont l’adoration perpétuelle. Si se relèvent jour & nuit, ensorte qu’il y en ait toujours devant le Saint Sacrement à prier.

Outre Nicéphore & Bollandus, dont j’ai parlé, Théodore Lecteur, L. I, Evagrius, L. III. Chap. 18 & 21. Théophane, Cédrenus, l’Auteur de la vie de S. Alexandre. Dans Bolland. 15 Janv. & Jacobus Canisius dans le Ribadeneira latin au 20 Février, Baronius à l’an 459, M. du Fresne dans son Glossaire, le Cointe Annal. T. I. an. 536, n. 224 & suiv. Le P. Mabillon, Act. Sanct. Bened. sæc. IV, p. 2. Præf. ont écrit des Acœmètes.