Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACCABLER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 60).

☞ ACCABLER. v. a. Dans le sens propre. Faire succomber sous le faix, sous un poids capable d’abattre, d’écraser. Opprimere. Ils furent tous accablés sous les ruines de cette maison. Ce mur est tombé, & a accablé tous ceux qui étoient auprès.

On le dit par exagération, comme synonyme de surcharger. Il porte un fardeau dont il est accablé.

On dit à peu-près dans le même sens, mais qui tient du figuré, être accablé par le nombre, par la multitude. Obrui numero. Leur multitude pouvoit accabler notre valeur. Sarras.

Accabler, se dit dans un sens figuré, d’une surcharge d’affaires, de dettes, d’impôts, de malheurs, d’infirmités, & généralement de tout ce qui met l’esprit dans un état de contention, de chagrin, de douleur, & que l’on considère comme un poids difficile à porter. Obruere curis, negotiis, doloribus, &c. Accablé de vieillesse, de chagrin, de dettes, de misère. Le travail, les visites, les importuns l’accablent. Il y eut à Rome bien des gens accablés sous les ruines de la république. L’Empire Romain courant à sa ruine, entraîna avec lui les belles-lettres, qui se trouverent accablées sous le poids de sa chûte. Bail. Ici il présente l’idée de ruine, de destruction. Si un ouvrage est trop chargé de pensées, leur nombre accable, & lasse l’esprit. Nicol.

A vaincre tant de fois, les Etats s’affoiblissent,
Et la gloire du Trône accable les sujets. Corn.

On dit accabler quelqu’un de reproches, d’injures, lui faire de grands reproches, lui dire beaucoup d’injures. Il est même employé en bonne part, comme synonyme de combler. Accabler quelqu’un de présens, de bienfaits. Cumulare muneribus, beneficiis. Ne vous venoit-il jamais aucun scrupule sur tous les éloges dont on vous accabloit ? Font. On est souvent trahi par ceux que l’on accable de biens. Je croirois pourtant que dans cette dernière acception le mot accabler dénote un excès. Accabler quelqu’un de louanges, c’est le louer plus qu’il ne le mérite, en sorte que cela suppose un défaut de discernement, ou un peu de flatterie dans celui qui loue. C’est ainsi qu’on dit d’un homme excessivement civil & poli, qu’il accable tout le monde de ses complimens.

Accabler, se dit aussi avec le pronom personnel. Il y a des gens qui s’accablent de travail, d’affaires. Ces deux personnes s’accablent de politesses, de complimens.

☞ ACCABLÉ, ÉE. part. Oppressus, obrutus. Il a les significations du verbe au propre & au figuré.