Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ADOPTION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 118-119).
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ADOPTION. s. f Action par laquelle on adopte ; acte par lequel un homme en fait entrer un autre dans sa famille, comme son propre fils, & lui donne droit à la succession, en cette qualité. Adoptio. L’Adoption se faisoit par un acte public, & avec certaine formule. C’étoit une imitation de la nature, inventée pour la consolation de ceux qui n’avoient point d’enfans ; cette imitation de la nature étoit si régulière, que les Eunuques ne pouvoient adopter, parce qu’ils étoient dans l’impuissance actuelle d’avoir des enfans. Il n’étoit pas non plus permis au plus jeune d’adopter le plus vieux, parce que cela eût été contre l’ordre naturel ; & il falloit que celui qui adoptoit, eût 18 ans plus que l’enfant adoptif, afin qu’il pût être père : car l’adoption eût été un monstre, si le fils eût été plus âgé que le père. Chez les Romains on distinguoit deux sortes d’adoptions : l’une qui se faisoit devant le Préteur ; & l’autre par l’assemblée du peuple, dans le temps de la République, & depuis par un rescrit des Empereurs. La première regardoit un fils de famille, & alors on s’adressoit au Préteur devant lequel le père naturel déclarait, qu’il émancipoit son fils, & qu’il consentoit qu’il passât dans la famille de celui qui l’adoptoit. La seconde regardoit une personne libre, & cette espèce d’adoption s’appeloit adrogation. Adrogatio ou arrogatio. Celui qui étoit adopté changeoit tous ses noms, & prenoit le prénom, le nom & le surnom de celui qui l’adoptoit. Du temps du Pape Benoît II, l’Empereur Constantin Pogonate envoya à Rome les cheveux de ses deux fils, Justinien & Héraclius, qui furent reçus par le Pape, le Clergé & l’armée. C’étoit une espèce d’adoption usitée en ce temps-là ; & celui qui recevoit les cheveux d’un jeune homme, étoit regardé comme son père. Fleur. Le Pape Jean VIII avoit adopté Boson premier Roi d’Arles, comme il parle dans une de les lettres. A peine trouvera-t-on d’autre exemple de l’adoption dans l’ordre ecclésiastique ; la loi, qui imite la nature nécessairement, n’osant pas donner des enfans à ceux à qui ce seroit un crime de s’en faire. Chorier. Hist. de Dauph. l. x. t. i, p. 693.

Les anciens Gaulois appeloient l’adoption une affiliation. L’adoption ne se pratique point en France : on en trouve seulement quelques vestiges dans la coutume de Saintonge, qui porte que l’affilié ne succède à l’affiliant qu’aux biens meubles, & non aux héritages, pour lesquels l’adoption ne lui peut profiter. Au reste, les enfans par adoption n’étoient point distingués des autres, & ils entroient dans tous les droits que la naissance donne aux enfans à l’égard de leurs pères. C’est pourquoi ils devoient être ou institués héritiers ou nommément exhérédés par le père qui les avoit adoptés ; autrement le Testament étoit nul. Cependant l’enfant adoptif ne succédoit point aux parens du père adoptant, à moins qu’ils n’eussent consenti à l’adoption. Les Chrétiens sont enfans de Dieu par adoption. C’est une espèce d’adoption que la réception d’un Religieux. C’est aussi une espèce d’adoption honoraire que l’institution d’un héritier universel, à la charge de porter le nom & les armes de la famille. Cette adoption testamentaire étoit aussi en usage chez les Romains : mais comme cette espèce d’héritier n’étoit qu’un simple légataire, plutôt qu’un enfant adoptif, il falloit que l’adoption par testament fut confirmée par le Peuple. Ainsi, lorsqu’Auguste se trouva adopté par le testament de César, M. Antoine retarda la confirmation de l’assemblée du Peuple, parce qu’il ne vouloit point qu’Auguste fût appelé le fils de César en vertu d’une adoption juridique. Nous avons quelques adoptions marquées sur les médailles. Celle de Trajan. Imp. Caes. Nerva Trajan. Aug. Germ. Au revers. Adoptio. Une figure en habit de guerre, tenant de sa main gauche une haste, tend la main droite à une figure qui est en habit de Sénateur. Celle d’Hadrien par Trajan. Caes. Trajanus Hadrianus Aug. & au revers, Adoptio parth. divi Trajan Aug. p. m. tr. p. cos. Monsieur Boussac dans ses Notæ Theologicæ 14, 15 & 16e Dissertation, explique diverses sortes d’adoptions, dont l’une se faisoit au Baptême, l’autre par l’épée, & la dernière par les cheveux. M. de Cordemoy a cependant remarqué à la fin de l’Histoire de Dagobert, que l’adoption étoit permise quand on n’avoit point d’enfans ; elle se faisoit devant le Roi, qui en donnoit des lettres ; & celui qu’on adoptoit étoit considéré comme fils : il jouissoit dès ce moment des biens de son pere adoptif, à la charge de lui fournir toutes les choses dont il avoit besoin pour vivre commodément suivant sa condition.