Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AFFAMER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 135-136).
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AFFAMER. v. a. Faire souffrir la faim, causer la faim en retranchant ou en coupant les vivres. Famem inferre.

☞ AFFAMER une ville, une place, une province. On affame une ville assiégée, en lui coupant les vivres par un blocus. On affame souvent les provinces par un transport mal entendu des blés. On affame quelqu’un en lui donnant trop peu à manger.

☞ On dit figurément d’un grand mangeur, qu’il affame tous les convives, qu’il affame toute une table ; pour faire entendre qu’il mange tout, qu’il ne laisse rien aux autres.

Affamer, se dit aussi figurément dans ces phrases.

Affamer son écriture, la rendre trop déliée, trop maigre.

Affamer un habit, un ameublement, y épargner trop l’étoffe. Acad. Fr. Dans ce sens il se dit plus ordinairement au participe, que je crois même peu usité. Écriture affamée, habit affamé, me paroît une expression tirée par les cheveux.

AFFAMÉ, ÉE. part. Famelicus, fame pressus. Il est cruel comme un loup affamé, pressé de la faim.

Affamé, se dit figurément en choses morales & spirituelles, & signifie, une personne qui désire ardemment quelque chose, qui a une passion extrême d’en jouir. Cupidus, incensus, inflammatus fludio alicujus rei. Ce Prince est affamé de gloire. Cet homme est affamé de nouvelles. Il est affamé d’argent. Pensez-vous que ce soit un homme affamé de femmes ? Mol. Ce qui rend la solitude insupportable à la plûpart des gens, c’est que leur cœur demeure vide & affamé de louange, & qu’étant privé de cette nourriture ordinaire, il ne trouve pas dans soi-même de quoi se remplir. Port-R.

Affamé, se dit dans le commerce, d’un homme qui a toujours besoin d’argent, qui a trop souvent recours au crédit, ou à la bourse de ses amis.

Affamé, se dit aussi dans le style familier des choses qui sont faites avec avarice, ou épargne, ou qui n’ont pas la grandeur ou la grosseur requise. Constrictus, Arctatus. Ainsi on dit qu’un habit est trop affamé, ou trop étroit ; un caractère, une lettre affamée, qui n’est pas bien nourrie, ou assez chargée d’encre. Macer, tenuis, tenuior, exilis, exilior, gracilis. Voyez Affamer.

On dit en proverbe, ventre affamé n’a point d’oreilles ; pour dire qu’un homme qui a faim n’écoute guère ce qu’on lui dit. Jejunus venter non audit verba libenter. On appelle un poux affamé, un gueux à qui on a donné un emploi lucratif, dans lequel il veut s’enrichir en peu de temps. Il est affamé comme un jeune levron. Affamé comme un rat d’église. Mascur.