Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AGGRAVE ou AGGRAVATION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 156-157).
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AGGRAVE, s. m. ou AGGRAVATION. s. f. Terme de Droit Canonique. Censure ecclésiastique, qui menace qu’on fulminera l’excommunication après trois monitions ou avertissemens de se soumettre à l’Eglise, & d’exécuter ce qu’elle a ordonné. Comminatio gravioris pœnæ per censuram infligendæ. Faire fulminer un aggrave. Quand il est nécessaire de passer jusqu’à l’aggravation, & à la réaggravation, c’est-à-dire, à la dernière excommunication, ce qui ne se fait qu’après trois publications des monitoires, il faut une permission du Juge laïque, sans laquelle l’Official, ou le Juge ecclésiastique ne peut ordonner l’aggravation, & la réaggravation. Le curé ne peut publier l’aggravation sans un ordre de l’Official.

Les Auteurs qui ont traité de l’excommunication, ne sont pas d’accord sur la différence qu’il y a entre la sentence d’excommunication & l’aggrave & le réaggrave. Il y en a qui prétendent que l’excommunication & les aggraves & réaggraves, ne sont au fond qu’une même censure, & que toute la différence qu’on y peut remarquer, c’est que les aggraves & réaggragraves se prononcent avec certaines cérémonies capables de jeter la terreur dans l’ame du pécheur. Les autres disent que, suivant l’ancienne discipline de l’église, l’excommunication ne privoit que de la communion intérieure de l’Eglise, c’est-à-dire, de la participation aux sacremens, au saint sacrifice, aux suffrages de l’église & aux mérites des justes ; & que l’aggrave interdisoit à l’excommunié le commerce de la vie civile avec les fidèles ; & que le réaggrave défendoit aux fidèles de communiquer même dans les choses profanes avec celui qui étoit excommunié & aggravé ; ainsi l’aggrave & le réaggrave étoient comme de nouveaux degrés d’excommunication qui augmentoient les peines extérieures à l’égard de l’excommumunié qui persistoit opiniâtrément dans la désobéissance, & qui faisoient qu’il paroissoit plus éloigné de l’Eglise, & qu’il devenoit plus qu’il n’étoit auparavant, un objet d’horreur & d’abomination pour les fidèles, & c’est ce qu’on nommoit anathême.

Dans le dessein de donner plus de terreur aux pécheurs, et de leur faire connoître l’importance de cette nouvelle censure, on publioit l’aggrave au son des cloches avec des chandelles allumées, qu’on éteignoit, qu’on jetoit par terre & qu’on fouloit aux pieds, avec des cercueils qu’on exposoit dans l’église, & avec d’autres cérémonies lugubres & terribles, qu’on observoit diversement selon les différentes coutumes des provinces. On publioit le réaggrave avec les mêmes cérémonies, & on y en ajoutoit d’autres encore plus effrayantes, Voyez les Conf. d’Angers.

Dans le diocèse de Paris & dans quelques autres, on joint à la Sentence d’excommunication portée en conséquence d’un monitoire, un aggrave & un réaggrave. Mais M. Eveillon, en son Traité des Excommunications & Monitoires, remarque fort bien que cette pratique est inutile & contraire à l’ordre de l’Eglise. Voy. les Conférences d’Angers. Je suis convaincu que suivant l’usage d’aujourd’hui, l’aggrave n’est qu’une fulmination de la Sentence d’excommunication.