Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AGRIONIES

La bibliothèque libre.
Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 169).

AGRIONIES. s. f. pl. Fêtes en l’honneur de Bacchus, surnommé Ἀγριώνιος, c’est-à-dire, sauvage, féroce ; aussi le char de ce Dieu étoit-il tiré par des tigres. Cette fête se célébroit en Béotie. Plutarque est le seul que nous connoissions qui en ait parlé, (in Anton.) Les femmes s’assembloient pendant la nuit, & cherchoient Bacchus avec empressement, comme s’il leur eût échappé, & au retour elles disoient, comme pour se consoler, qu’il étoit allé se cacher chez les Muses ; ce qui signifioit que l’étude des sciences est capable d’adoucir l’humeur la plus féroce. Après cela, ces femmes se donnoient un grand festin entre elles, & à la fin du repas, elles se proposoient les unes aux autres des griphes & des énigmes. (Sympos. L. 8. Quæst. I.) Leur recherche étoit précédée d’un sacrifice fait à leurs frais. Ce qu’il y avoit de propre à la ville d’Orchoméne, c’est que les femmes d’une famille devenue odieuse par une action barbare, étoient exclues de la fête, & devoient s’éloigner des lieux où les autres femmes avoient résolu d’aller. Celles-ci marchoient, ayant à leur tête le prêtre de Bacchus, l’épée à la main, & s’il rencontroit quelques-unes des Eolée, Αἰολεῖαι, (car c’est ainsi qu’on appeloit les femmes exclues) il pouvoit la tuer. Il y en eut une de tuée du temps de Plutarque, & les Orchoméniens n’y trouverent point à redire ; mais les Romains, qui pensoient autrement que les Grecs, ne voulurent point souffrir de pareils jeux, & condamnerent la ville d’Orchoméne à une grosse amende. (Quæst. Græc.) On employoit dans cette fête beaucoup de lierre, plante consacrée à Bacchus. L’intempérance y triomphoit. Un jour les filles de Mynias, transportées de la fureur du Dieu, massacrerent Hippasus, fils de Leucippe, & le servirent sur leur table. Leur famille fut exclue pour toujours de cette fête. Plutarque parle des Agrionies à la fin des Questions Romaines, ou Meursius a très-bien corrigé le texte de cet auteur, où on lit καὶ οὔτ´ ἐν Ἥρας Ἀθήνησιν οὔτε Θήβησιν ἐν Ἀφροδίτης ἴδοι τις ἂν κιττόν ἄγριον ἰδοις δὲ καὶ Νυκτελίοις. Et où il faut lire, ἴδοι τις, ἂν κιττόν. Ἀγριωνίοις δὲ καὶ Νυκτελίοις. Ainsi il ne faut pas traduire, comme a fait Amyot : & pourtant ne voit-on jamais ès sacrifices & cérémonies de Junon à Athènes, ni de Venus à Thèbes, du lierre sauvage ; mais bien en voit-on ès sacrifices qui se font de nuit. Il falloit ôter sauvage, & dire, mais bien en voit-on aux Agrionies, & aux sacrifices qui se font de nuit.