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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AIL

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 184-185).

AIL. s. m. au pluriel aulx. Plante assez connue, & dont il y a diverses sortes. Allium. Le cultivé, qui est celui des jardins, a une tige assez longue, toute unie, & creuse : ses fleurs sont à six feuilles, & naissent en gros bouquets sphériques. Son fruit est divisé en trois loges, remplies de quelques semences presque rondes ; ses feuilles ne sont point fistuleuses comme celles de l’oignon. Sa racine est bulbeuse, ou à oignon, composée de quelques tuniques, qui enveloppent plusieurs tubercules charnus, d’un goût âcre, & d’une odeur forte. L’ail est fort chaud, & caustique ; non-seulement il excite des vessies, mais il ronge, étant appliqué en dehors : il ne fait pas le même effet dans l’estomac, quand on en mange, soit à cause du levain, & des autres alimens qui y sont contenus ; soit parce que la tissure en est différente. On s’en sert dans la peste, dans la colique venteuse & dans plusieurs autres maladies. On l’appelle pour cette raison, la Thériaque des paysans. Son usage est désagréable, à cause de sa puanteur. Outre les aulx domestiques, il y en a de sauvages. Il y en a un dont les feuilles sont plus larges, semblables à celles du poireau. D’autres ont leurs feuilles menues & très-étroites, & les têtes très-petites, en comparaison du domestique ; elles sont garnies de fleurs, ou blanches, ou purpurines, ou rayées, ou jaunes. Il y en a une espèce commune en France qui vient dans les bois & fleurit au printemps. Cette espèce ne donne qu’une ou deux feuilles aussi larges que celles du muguet ; d’entre ces deux feuilles s’élève une tige haute d’un pied au plus, qui porte à son extrémité une tête garnie de fleurs blanches. On la nomme ail d’ours, Allium ursinum. Les anciens Botanistes avoient donré le nom de Moly à une partie de ces aulx sauvages, & ils appelaient Scorodoprasum, les espèces qui portoient des feuilles de poireau.

Ail de chien. Voyez Muscari. Ses fleurs sont de couleur de pourpre. Il y a aussi un ail poireau, qui est gros comme un poireau, & qui participe aux qualités de l’un & de l’autre : en Grec σκοροδπρασον. On ne peut souffrir l’haleine de ceux qui ont mangé de l’ail. En 1368 Alphonse, Roi de Castille, fit un Ordre de Chevalerie, qu’il appela l’Ordre de la Bande ; il leur défendit par ses Statuts de manger des aulx, ni des oignons, & ordonna que les contrevenans s’abstiendroient pendant un mois de pratiquer la Cour, ni les autres Chevaliers. Matth. Vie de Louis XI. Liv. 6. en ses annot. marg. De Roch. Les aulx & les oignons sont les viandes ordinaires des Espagnols & des Gascons ; la dixme de l’ail rend plus de 1000 écus de rente à l’Archevêché d’Alby. La pointe d’une épée qui a touché de l’ail fait une plaie où la gangrène se met d’abord, si l’on n’y remédie. L’ail se sème de gousse, ou autrement de caïeux, à la fin de Février, & se met trois à quatre pouces avant dans la terre, & à trois à quatre pouces de distance. On les tire de terre vers la fin de Juillet, & on les met sécher, pour les garder ensuite d’une année à l’autre dans un lieu qui ne soit pas humide. L’ail mangé à jeun est la Thériaque des Paysans. Il est vrai qu’il cause la soif, la chaleur par tout le corps, & des maux de tête quand on en use souvent ; mais on peut corriger ces accidens en mangeant de l’ache, ou du persil incontinent après. L’ail appliqué en forme de cataplasme sur une morsure de serpent, ou de chien enragé, est, dit-on, un souverain remède. Pour empêcher que les oiseaux ne nuisent aux fruits nouveaux des arbres, il faut pendre aux branches quelque quantité d’ails. Id. En latin allium, qui vient du grec ἄγλιθες, qui signifie la tête de l’ail. Vespasien dit à un jeune homme, qui lui demandoit un gouvernement : j’aimerois mieux que tu sentisses l’ail, que le parfum. Ablanc. Il étoit défendu à ceux qui avoient mangé de l’ail, d’entrer dans le temple de la mere des Dieux. Bayl.

Cette plante n’a été appelée allium en latin, selon saint Isidore, Orig. lib. 3, cap. 10, qu’à cause de la forte odeur qu’elle répand, allium dictum quòd oleat.