Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALBÂTRE ou ALABASTRA
ALBÂTRE, ou ALABASTRA. Albastra. Ville d’Egypte, du côté de l’Arabie, & dans la partie orientale de ce royaume. Quelques-uns disent qu’elle est ainsi appelée, parce qu’elle est entourée de montagnes, où l’on trouve l’Albâtre. D’autres disent que de ces montagnes on en tiroit une pierre dont on faisoit des vases appelés Alabastri ; & que c’étoient des vases de senteurs, faits d’onix. Le Géographe Etienne met cette place dans la Phrygie, & cite Hérodote sur cela. Saumaise réfute ce sentiment, p. 558, sur Solin Ep. 240. Il dit qu’elle étoit dans la Thébaïde.
ALBÂTRE. s. m. Pierre de la nature du marbre, mais moins dure & plus transparente, remplie de veines diversement colorées. Alastrides, Onix. On en trouve de toutes sortes de couleurs. Il y en a qui est très-blanc & luisant ; c’est le plus commun : & d’autre qui est rouge comme du corail. Il y en a une sorte qu’on appelle Onix, parce que sa couleur est semblable à celle d’une autre pierre qu’on nomme proprement Onix, & qui en est bien différente. Le plus estimé vient d’Orient, & s’appelle Albâtre oriental. L’Albâtre est aisé à tailler. On en faits de petits vases, des statues & des colonnes. Albâtre chez les Anciens signifioit une boîte à parfums. Quelques-uns tirent ce mot du latin Albus, à cause de la blancheur de cette pierre : d’autres du grec Ἀλάϐαστρον, qu’ils tirent d’α privatif, & de λαμϐάνω, capio. Cette pierre est si unie, que les mains glissent dessus sans pouvoir s’y attacher. Il y a près de Marseille une carrière d’Albâtre de différentes couleurs. Il est si transparent, que par le poli très-parfait dont il est capable, on voit à plus de deux doigts dans son épaisseur l’agréable variété des couleurs dont il est embelli. Acad. des Sc. 1703, Hist. p. 17.
On dit figurément d’une femme fort blanche, qu’elle a la gorge d’albâtre, le teint d’albâtre, que c’est de l’albâtre animé.
Albâtre. Dans S. Math. chap. XXVI. 7, dans S. Marc, XVI, 3, & en S. Luc. VII, 37. Alabastrum, albatre, est pris pour un vase d’onguent précieux. Les Traducteurs de Port-Royal, ont cru, ou semblent avoir cru que ce vase étoit d’albâtre. Ce n’est pas le sentiment le plus reçu, ni le plus approuvé ; & d’habiles Interprêtes ont peine à croire qu’il se fût cassé si aisément que la femme de l’évangile le cassa, comme S. Marc le rapporte. Aussi M. Simon, qui dans le texte a traduit comme Port-Royal, un vase d’albâtre, avertit dans sa note, qu’on pourroit traduire autrement, un vase façon d’albâtre ; & que, comme on mettoit ordinairement ces sortes de liqueurs dans des boîtes ou vases d’albâtre, on donnoit ce nom à tous les vases où l’on en mettoit. C’est en effet le sentiment de Luc de Bruges, & d’autres Commentateurs. D’autres veulent qu’albâtre en ces endroits de l’écriture, signifie un vase fait d’une certaine manière, & d’une certaine forme, & sur-tout sans anses, d’où ils prétendent que son nom lui a été donné, διὰ τοῦ μὴ ἔχειν λαϐας ; de l’α privatif, & de λαϐὴ, anse. Saint Epiphane rend ce mot par un vase de verre, & l’auteur de l’étymologique l’a suivi, aussi bien qu’Erasme & l’Interprête arabe. Mais d’autres, avec beaucoup plus de raison, ce semble, prétendent qu’alabastrum en ces endroits signifie précisément en général, un vase de liqueur. Pollux même le rend souvent par μυρινὸν. Au IIe Liv. des Rois XXI, 13, quelques Interprêtes traduisent צרתה par ἀλάϐαστρον, & d’autres simplement par πυξον. Hesychius & Phavorinus interprêtent ἀλάϐαστρον, Cyathus olci, un pot d’huile. On trouve de ces prétendus vases d’albâtre qui sont de marbre, d’onix, d’or, d’argent, & d’autres métaux. Ainsi le P. Bouhours a très-bien traduit, quand il a dit en général : une femme s’approcha de lui avec un vase plein de liqueur odoriférante, &c.
Le P. Kirker, dans son Œdipus Ægypt. Tom. II, p. 188, dit qu’albâtre, alabastrum, est non-seulement un vase de liqueur précieuse, mais aussi une mesure égyptienne, qui contenoit 9 Koft, autre mesure, & 9 livres d’Egypte, c’est-à-dire, selon lui, 24 livres, ou 24 sextiers Romains. Si cela est vrai, ce ne fut pas ce vase-là que la femme dont il est parlé dans l’Evangile, rompit sur la tête de Notre-Seigneur.