Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALEXANDRIN

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 223-224).
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ALEXANDRIN, INE. s. m. & f. adj. Qui est d’Alexandrie, ou qui appartient à cette ville. On ne le dit guère de l’Alexandrie d’Egypte. Les Alexandrins étoient railleurs & voluptueux. Les Alexandrins soutinrent un rude siége contre César. La Bibliothèque Alexandrine ramassée par les libéralités de Ptolomée Philadelphe, & par les soins de Démétrius de Phalere, fut brûlée pendant ce siége. La Chronique Alexandrine, ou d’Alexandrie, est un ramas de plusieurs Auteurs Grecs fait sous Heraclius, auquel elle finit. Elle fut trouvée en Sicile vers le milieu du XVIe siècle. Raderus, Jésuite, qui l’imprima en 1615 à Munich, lui donna le nom de Chronique Alexandrine, parce qu’il trouva le nom de Pierre d’Alexandrie à la tête de la copie qu’il eut de cet ouvrage. Cependant ce n’étoit pas le titre de l’ouvrage, mais un passage faussement attribué à Pierre d’Alexandrie. M. Du Cange a imprimé depuis en 1688, la Chronique d’Alexandrie sous le nom de Chronique Paschal. C’est la meilleure édition.

La ligne Alexandrine. Christophe Colomb ayant découvert le Nouveau Monde ou les Indes occidentales, & étant revenu en Europe au mois de mars de l’an 1493, les Rois Catholiques Philippe & Isabelle demanderent au Souverain Pontife Alexandre VI la donation de ce nouveau Monde. Alexandre, par une Bulle du 4 Mai de la même année, leur accorda la possession de toutes les îles & terres trouvées & à trouver du côté de l’occident & du midi, tirant une ligne du pôle arctique au pôle antarctique, qui passeroit à cent lieues à l’occident des Açores & du Cap verd. C’est ce qu’on appelle la ligne Alexandrine, du nom de ce Pape. Il ordonna néanmoins par la même Bulle, que les Princes qui auroient reconnu & possédé quelques pays jusqu’au jour de Noël précédent, qui étoit le premier jour de l’année 1493, au-delà de cette ligne, en demeureroient en possession. Les différens des Espagnols & des Portugais firent dans la suite des changemens à la ligne Alexandrine. Voyez Spond, à l’an 1493. §. 8, 9, 10.

Clément Alexandrin est un Auteur ecclésiastique du IIIe siècle, natif d’Athènes, mais appellé Alexandrin, parce qu’il y expliqua l’Ecriture Sainte. Il fut maître d’Origène.

ALEXANDRIN. s. m. Alexandrinus ager, ou tractus. Petite province du duché de Milan, dont Alexandrie de la Paille est la capitale. Nous étions en quartiers d’hiver dans l’Alexandrin. Il s’étend vers le Montferrat qui le termine au couchant & au midi, ainsi que le Tortonnois au levant.

Alexandrin. adj. m. Epithète qu’on donne à un certain genre de vers de la Poësie Françoise. Alexandrinus. Ces sortes de vers sont alternativement de 12 & de 13 syllabes ; c’est-à-dire, que les masculins sont de 12, & les féminins de 13 syllabes. Ils ont leur repos à la sixième syllabe. On leur a donné le nom d’Alexandrins, à cause d’un Poëme de la vie d’Alexandre, qui fut composé avec cette mesure de vers par Alexandre de Paris, Jean li Nevelois, Lambert li Cor, & autres vieux Poëtes François. D’autres disent que l’Alexandriade étoit un Poëme latin que Guillaume le Court & Alexandre de Paris ne firent que traduire en vers François de douze syllabes ; & que ce fut du nom d’un des Traducteurs que ces vers prirent leur nom. C’est le sentiment de M. le Gendre, Mœurs & Coutumes de France, p. 264. Mais ce genre de Poësie ne fut point approuvé, & l’on en négligea même absolument l’usage. Du temps de Marot ils étoient encore si peu connus, que quand il s’en servoit, il avertissoit le lecteur en mettant ce titre, Vers Alexandrins. Baïf & du Bartas en renouvellerent l’usage : Ronsard s’est vanté de les avoir remis en vogue, & en honneur. Cependant les Poëmes héroïques étoient encore composés de vers de dix & de onze syllabes, qu’on nommoit, Vers communs. Mais les meilleurs Poëtes s’apperçurent enfin, que les vers Alexandrins sont les plus propres pour les Poëmes épiques, & pour la Poësie la plus relevée. C’est pourquoi on les appelle, Vers Héroïques. Les vers de dix syllabes furent trouvés trop courts pour y renfermer un sens achevé ; au lieu que les vers Alexandrins sont d’une juste longueur, pour parler plus sententieusement. Ils sont plus magnifiques, & plus resonnans, & la composition est plus grave. Ils tiennent dans la langue Françoise la place des vers hexamètres des Grecs & des Latins, & ils sont propres aux sujets héroïques. On s’en sert aussi pour les pièces de théâtre, & ils ont très-bonne grâce dans une élégie amoureuse, & plaintive. Pasq. Men.