Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMORTIR

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 302-303).

☞ AMORTIR. v. a. Affoiblir, diminuer la violence de quelque chose, faire perdre de la force. Infringere. La natte d’un jeu de paume amortit le coup de la balle & empêche sa réflexion. On garnit un sautereau d’épinette d’un morceau d’étoffe, pour amortir le son de la corde.

Amortir. Rendre moins violent, moins ardent, éteindre une chose allumée. Extinguere, restinguere. Cet incendie a été grand, il a fallu de l’eau pour l’amortir. Amortir le feu d’un érésipèle avec de l’oxycrat.

☞ Il se dit souvent avec le pronom personnel. L’ardeur de la fièvre s’amortit par la saignée. Extingui, restingui.

☞ Il se dit aussi des couleurs, pour signifier, en diminuer la vivacité, l’éclat, par des couleurs sombres, ou autrement. Ces couleurs sont un peu trop vives & trop dures, il faut les amortir par d’autres plus douces.

☞ On le dit aussi des herbes, pour signifier, en diminuer la force, l’amertume. Amortir des herbes, c’est les laisser dans l’eau chaude autant de temps qu’il en faut pour leur ôter leur verdeur, sans les faire cuire. Il s’emploie plus ordinairement dans le neutre. Faire amortir des herbes.

AMORTIR. Terme de Pratique. Consentir que des gens de main-morte possèdent des fiefs, moyennant le dédommagement des avantages que le Seigneur en tireroit s’ils demeuroient dans le commerce. Jure caduci prædium exsolvere. Il n’y a que le Roi qui puisse amortir des fiefs. Les fiefs amortis ne doivent plus rien au Roi.

Amortir la foi & hommage, signifie prendre abonnement du Seigneur, c’est-à-dire, décharger de la foi & hommage, à la charge de quelqu’autre redevance ou droits annuels & perpétuels. Nous avons quelques Coutumes où ces abonnemens sont en usage, comme celles d’Anjou, du Maine, & autres.

Amortir, signifie aussi, éteindre, racheter une rente, une pension, une dette. Annuæ pensignis obligatione se se exsolvere. On fait souvent revivre des rentes qui ont été amorties ou rachetées. Il est permis d’amortir à prix d’argent une pension sur un bénéfice, parce que c’est une chose temporelle.

Amortir, est un terme de Coutume, qui veut dire, donner son bien à quelqu’un, à condition d’en être nourri jusqu’à la mort. Lauriére sur Rag.

Amortir. Terme de Boyaudier. Faire tremper les boyaux dans le chaudron, à mesure qu’ils sont lavés, pour les amollir un peu, & les disposer à recevoir le dégraissage.

Amortir, se dit figurément en Morale. Extinguere, restinguere. L’âge amortit les plus violentes passions, amortit l’ardeur de la jeunesse, c’est-à-dire, rend les passions moins vives, moins ardentes. Son amour est fort amorti ; pour dire, s’est fort ralenti. Le temps amortit les afflictions. Pasq. Les Saints nourrissoient là (aux pieds du Crucifix) leur piété, y allumoient leur ferveur, y amortissoient le feu de leurs passions. Bourdal. Exh. II, p. 205.

AMORTI, IE. part. Extinctus, infractus.