Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANATOCISME

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 330).
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ANATOCISME. s. m. Anatocismus, Usurarum renovatio, usurarum usura, Fœnoris fœnus. Conversion des intérêts en principal. C’est un contrat usuraire, lorsque des intérêts d’un principal, on en a fait un contrat de constitution ; ou bien lorsque l’on joint les intérêts au principal, & que dans un même billet, ou autre acte, on comprend les intérêts avec le principal. Il n’est point d’usure plus défendue, ni plus criante que l’anatocisme, parce qu’il n’en est point qui ruine plus sûrement & plus vîte les familles. L’anatocisme est défendu sévérement dans le Droit Romain Liv. VIII, God. de usuris. Il est aussi très-expressément défendu en France. L’Ordonnance du Roi, donnée à Saint Germain au mois de Mars 1679, parle ainsi, Tit. VI, art. 2. Les Négocians & Marchands, & aucun autre, ne pourront prendre l’intérêt d’intérêt sous quelque prétexte que ce soit. Et encore, Défendons aux Négocians & Marchands, & à tous autres, de comprendre l’intérêt avec le principal dans les lettres ou billets de change, ou autres actes. M. Domat a remarqué à ce sujet, Liv. III des Lois Civil. Tit. I, n. 10, qu’il faut prendre garde de ne pas confondre avec les intérêts des deniers, les revenus d’une autre nature, comme le prix d’un bail à ferme, les loyers d’une maison, & les autres semblables. Car ces sortes de revenus sont, dit-il, différens des intérêts, en ce que les intérêts ne sont pas un revenu naturel, & ne sont de la part du débiteur, qu’une peine que la loi lui impose pour son retardement, & de la part du créancier un dédommagement de la perte qu’il souffre de n’être pas payé ; au lieu que le prix des fruits & des loyers, est un revenu naturel, qui de la part du débiteur est la valeur d’une jouissance dont il a profité, & de la part du créancier un bien effectif, qui en ses mains fait un capital comme ses autres biens. Ainsi, conclut-il, le débiteur d’un bail à ferme, ou des loyers d’une maison, en doit justement les intérêts depuis la demande. C’est ce que l’on entend quand on dit que l’anatocisme est toléré pour les fermages.

Il ajoute dans ses notes : les rentes constituées à prix d’argent sont d’une autre nature qu’un loyer, ou le prix d’un bail. Car ces rentes ne sont pas des fruits d’un fond, & n’ont pour principal qu’une somme de denier qui a fait le prix de l’acquisition de la rente. Ainsi les arrérages de ces rentes ne peuvent jamais produire d’intérêts, ni s’accumuler avec le principal, pour faire un capital, dont le débiteur puisse devoir de nouveaux intérêts. Cependant l’anatocisme est aujourd’hui toléré pour les arrérages des rentes foncières ; & on l’exige après avoir obtenu une sentence pour cela. Quant aux Mineurs, il dit au v. 13, que la règle qui défend les intérêts des intérêts n’empêche pas qu’ils ne puissent exiger légitimement de leurs tuteurs non-seulement les intérêts des sommes provenues des intérêts, que les débiteurs du mineur ont payés au tuteur, mais même les intérêts des intérêts des sommes que le tuteur lui-même pourroit devoir en son nom ; car, dit-il, tous ces intérêts entre les mains des tuteurs sont des capitaux, dont leur charge les oblige de faire un emploi. Il en apporte la raison, Liv. II, Tit. 1, sect. 3, v. 24, dans ses notes. Si le tuteur, dit-il, se trouve débiteur en son nom envers son mineur, il sera tenu de comprendre dans le fonds qui proviendra des revenus, les intérêts de ce qu’il devra lui-même. Car il a dû en faire le payement, & il en est de même à son égard que s’il les avoit reçus d’un autre débiteur. A semetipso exigere eum oportuit. lege 36, ff. de Neg. gest. Ainsi dans ces cas l’anatocisme n’est pas défendu.

Ce mot est grec, & Cicéron s’en est servi en latin ; il vient d’ἀνα, préposition qui dans la composition signifie, répétition, rénovation, duplication, & de τόκος, qui veut dire usure. Ainsi anatocisme est, usure de l’usure, intérêt de l’intérêt.