Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANCILE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 335).

ANCILE. s. m. Ancile. C’est le nom d’un petit bouclier qui tomba, dit-on, du ciel sous Numa Pompilius. En même-temps une voix se fit entendre, qui dit que Rome seroit la maîtresse du monde, tant qu’elle conserveroit ce bouclier. Ainsi ce fut le Palladium de Rome. Denys d’Halycarnasse, Lactance, Ovide, Fast. Liv. III. v. 373, rapportent cette fable. Les Anciles se gardoient dans le temple de Mars, & tous les ans au mois de Mars on les portoit en procession autour de Rome, & le trentième jour de ce mois on les renfermoit.

On donne différentes origines à ce nom. Camérarius & Muret croient qu’il est grec, & qu’il s’est formé d’ἀγϰύλος, qui signifie, courbé. De-là vient que quelques Auteurs qui les suivent, écrivent ancyle & ancylia, par un y. Plutarque, dans la vie de Numa, écrit ἀγϰύλια, & dit que Juba, dans son Histoire, vouloit à toute force que ce mot eût été tiré du grec. Mais les médailles & les manuscrits condamnent cette orthographe. Dans Antonin Pie ANTONIUS AUG. PIUS P. P. TR. P. COS. III. & au revers IMPERATOR. II. SC. ANCILIA, avec deux anciles. Varon, au Liv. VI. De ling. lat. dit que ces boucliers étoient appelés ancilia ab ancisu, parce qu’ils étoient coupés, ou échancrés des deux côtés, de même que les boucliers des Thraces, qu’on nommoit pelta. Plutarque, dans la vie de Numa, dit la même chose de la figure des anciles ; mais il différe de Varon, en ce qu’il prétend que ce n’étoit point la figure des peltes, qui étoient toutes rondes & sans échancrures. Ovide, au Liv. III. de ses Fastes, v. 377 semble dire que la figure de l’ancile étoit toute ronde, & que c’étoit pour cela qu’il étoit appelé ancile, comme si l’on avoit dit ancisum, de am & cæde, coupé tout autour egalement ; desorte, dit ce Poëte, qu’on n’y remarque aucun angle de part ni d’autre. Plutarque dit encore après Juba, qu’ancile pourroit bien venir d’ancon, ἀγϰὼν, coude, parce qu’on porte ces armes au coude. Une autre étymologie, qui n’est que de lui & non pas de Juba, comme les deux autres qui sont grecques, est que ce mot vient d’ἀνέϰαθεν, qui signifie, d’en haut, pour marquer que l’ancile étoit tombé du ciel. Il ajoute encore de son chef deux ou trois autres étymologies grecques, si peu vraisemblables, que je ne les rapporterai point. L’opinion de Varon paroît la plus vraie. Au reste, quoiqu’il ne fût tombé du ciel qu’un ancile, il y en avoit pourtant douze, parce que pour conserver plus sûrement celui-là, Numa par le conseil, dit-on, de la Nymphe Egérie, en fit faire onze autres tout semblables à celui-ci, afin que si quelqu’un vouloit entreprendre de l’enlever, comme Ulysse enleva le Palladium, il ne pût distinguer l’ancile véritable des faux anciles. Il institua de plus les douze Saliens pour la garde de ces boucliers. M. Béger, rapporte, Tom. II. p. 560, une médaille d’Auguste, au revers de laquelle il y a deux boucliers, qu’il prétend être des anciles.