Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANNEAU

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(1p. 365-369).
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ANNEAU. s. m. Bague, corps circulaire qu’on met au doigt. Annulus. Ménage dérive ce mot de anellus, qui se trouve dans Cicéron pour petit anneau. L’anneau est composé de trois parties, du jonc, ou anneau proprement dit, du chatton, & de la pierre, Voyez M. le Vayer sur la manière de diverses nations de porter des anneaux, sur-tout des Indiens. Sénèque a déclamé contre la vanité des femmes, qui portoient un ou deux patrimoines à chaque doigt.

L’anneau d’un Evêque fait partie des ornemens pontificaux. Les Rois de France, & les Empereurs investissoient anciennement les Evêques & les Archevêques, en leur donnant la crosse & l’anneau. L’anneau est un gage du mariage spirituel de l’Evêque avec son Eglise. L’usage de l’anneau pour les Evêques est très-ancien. Le IV Concile de Tolède tenu en 653, en parle au chap. 28, où il ordonne qu’un Evêque déposé, s’il est trouvé innocent dans un second Concile, ne pourra être rétabli, qu’en recevant des mains d’un Evêque devant l’autel, l’étole appelée Orarium, l’anneau, & le bâton, ou la crosse. Un sermon sur S. Valentin, Evêque de Gènes, au commencement du IV siècle, fait mention de l’anneau des Evêques en ce siècle ; mais ce sermon n’est que du XIII siècle. Cet usage de l’anneau pour les Evêques a passé aux Cardinaux, qui doivent même donner je ne sais quelle somme pour cela, pro jure annuli Cardinalatitii.

Les Brefs Apostoliques sont scellés de l’anneau du pêcheur. Ce sceau s’appelle l’Anneau du pêcheur, parce qu’on suppose que S. Pierre, qui étoit pêcheur, en a usé le premier ; & les Papes s’en servent après lui. Il n’y a cependant qu’environ 400 ans que ce terme est en usage. Ce sceau s’appelle ainsi, parce qu’il a l’image de S. Pierre, Voyez le Hiérolexicon des Macri. Grégorius Tholosanus. Syntagm. Juris univers. L. XV. c. 3. v. 24. & seqq. & Gérard Von Mastrict, Histor. Jur. Eccles. §. 402.

Pline, Liv. XXXIII. ch. 1. dit, qu’on ignore celui qui a le premier fait un anneau ; que ce que l’on dit de Prométhée est une fable, aussi-bien que l’anneau de Midas. Les premiers chez qui nous trouvons l’usage de l’anneau sont les Hébreux, Genèse XXXVIII. 10, où Juda fils de Jacob, donne son anneau à Thamar, pour gage de sa parole. Les Egyptiens, dans le même temps, en usoient aussi, Genèse XLI. Pharaon tire son anneau de son doigt, & le met entre les mains de Joseph, pour marque de la puissance qu’il lui donne. Au troisième Liv. des Rois, ch. XXI. 8. Jézabel cachette de l’anneau du Roi, l’ordre qu’elle envoie de faire mourir Naboth. Les Chaldéens & les Babyloniens s’en servoient de même. Voyez Daniel VI. 17. XIV. 10. Les Perses s’en servoient aussi, comme il paroît par le livre d’Esther, ch. VIII. v. 10, & par Q. Curce, Liv. VI. c. 6. où il dit, qu’Alexandre cachetoit de son ancien anneau les lettres qu’il écrivoit en Europe, & celles qu’il envoyoit en Asie de l’anneau de Darius. Les Perses disent que Guiamschid, quatrième Roi de la première race, introduisit l’usage de porter des anneaux au doigt, pour cacheter les lettres & les autres actes nécessaires dans le commerce de la vie. Les Brachmanes se parent d’anneaux dans Philostrate, Liv. III. c. 4. Pour les Grecs, Pline croit, Liv. XXXIII. ch. 1. qu’au temps de la guerre de Troie, ils n’avoient point encore l’usage de l’anneau. Sa raison est qu’Homère n’en parle point, & que quand il s’agit d’envoyer des lettres, ou de renfermer des habits précieux, & des vases d’or & d’argent dans des cassettes, on les lie, on noue les liens dans Homère, mais jamais on n’imprime la marque de l’anneau. Voyez le VI Livre de l’Iliade, & le VIII de l’Odyssée. Les Sabins avoient des anneaux dès le temps de Romulus, au rapport de Denys d’Halicarnasse, Liv. II. Les Etruriens en avoient aussi du temps des Rois de Rome, témoin les anneaux que le vieux Tarquin prit aux Magistrats d’Etrurie après les avoir vaincus. Ibid. Liv. I, ch. 5. Pline croit que cet usage avoit passé de Grèce à ces habitans d’Italie ; & c’est de l’un ou de l’autre de ces peuples qu’il se transmit aux Romains. Il ne s’y introduisit pas cependant d’abord. Pline ne sait lequel des Romains a commencé d’en porter ; il assure que la statue de Romulus, qui étoit dans le Capitole, n’en avoit point, ni même aucune autre que celle de Numa, & de Servius Tullius. Celle de Brutus même n’en portoit pas, ni les Tarquins, quoique originaires de Grèce, d’où Pline croit que cet usage avoit passé en Italie. Les anciens Gaulois & les Bretons, peuple originaire des Gaules, portoient des anneaux ; mais les paroles de Pline, qui le rapporte au même chapitre, ne nous donnent point à entendre si l’anneau avoit chez ces peuples d’autre usage que l’ornement. Les François en portoient aussi, & l’on a trouvé dans le tombeau de Childeric son anneau d’or, qui se garde à la Bibliothèque du Roi, & sur lequel sont ces mots, CHILDIRICI REGIS. Celui de Louis le Débonnaire, rapporté par Chifflet, avoit pour inscription, XPE PROTEGE HELDDOVICUM IMPERATOREM.

Quant à la matière des anneaux, il y en avoit d’un métal simple & d’autres d’un métal mixte, ou d’un double métal. Car quelquefois on doroit le fer & l’argent, ou bien on enfermoit l’or dans le fer ; comme il paroît par Artémidore, Liv. II ch. 5. Les Romains se servirent très-long-temps d’anneaux de fer, & Pline assure à l’endroit que j’ai cité, que Marius n’en porta un d’or qu’à son troisième Consulat, l’an de Rome 650. Il en est cependant parlé dans Tite-Live à l’année 432 de Rome, à l’occasion du deuil que causa à Rome le traité honteux de Claudium. C’est la première fois qu’on l’a trouvé dans l’Histoire Romaine, Tite-Live, Liv. IX, ch. 7. Il y en avoit dont l’anneau étoit de fer, & le cachet d’or. Quelques-uns étoient solides, & d’autres étoient creux, comme le rapporte Artémidore, Liv. II, ch. 2. Festus au mot Edera, & Aulugelle, Liv. X, ch. 15. Quelques-uns avoient une pierre précieuse pour cachet, & d’autres n’en avoient point. Aristot. Physic. Livr. III, ch. 9. Jul. Pollux, Liv. VI, ch. 33. v. 7. Artémid. Liv. II, ch. 5. En quelques-uns la pierre étoit gravée, en d’autres elle ne l’étoit point, Pline, Livre XXXIII, ch. 1. Il y en a eu qui avoient deux pierres, ou même davantage : une lettre de l’Empereur Valérien en fait foi, aussi-bien que Trebellius Pollion, dans la vie de Claude le Gothique, ch. 14. Au lieu de pierre précieuse le peuple mettoit du verre. Plin. Liv. XXXV, ch. 6. Celles qui étoient gravées en creux s’appeloient Gemmæ ectipiæ, & en relief ; Gemmæ sculpturâ prominente. Il y avoit des anneaux qui étoient tout d’une pierre précieuse, mais sur-tout plusieurs d’ambre, comme on le peut voir dans Artémidore, Livre II, chapitre cinq, dans Pline, Liv. XXXVII ; & dans le Dactyliotheca de Gorlæus, n. 101.

Il y a eu plusieurs manières différentes de porter les anneaux. Il paroît par Jérémie XXII, 24, que chez les Hébreux on les portoit à la main droite. Chez les Romains avant qu’on les ornât de pierres précieuses, lorsque la figure se gravoit encore sur la matière même de l’anneau, chacun les portoit à sa fantaisie, à quelle main, & à quel doigt il lui plaisoit, Macrob. Liv. VII, ch. 13. Quand on y eut ajouté les pierres, on les porta sur-tout à la main gauche, & ce fut une délicatesse excessive d’en porter à la droite. Lucien Navig. Tertul. de l’habit des femm. ch. dern. Pline, Liv. XXXIII. 1. Silius Ital. Liv. XI. Horat. Liv. II. Sat. VII. v. 8. Jul. Capitol. in Maxim. ch. 6. Il semble par les derniers mots du I. Liv. de Tertul. de cultu fem. que du temps de ce Pere on n’en portoit encore qu’à la main gauche. Sinistra per singulos digitos de saccis singulis ludit. Il n’eût pas oublié la main droite dans un endroit où il ne cherche qu’à exagérer ces superfluités, si on y avoit porté des anneaux. Pline dit qu’on les porta d’abord au quatrième doigt, que les statues de Numa & de Servius Tullius en étoient des preuves ; qu’ensuite on en mit au second doigt, c’est-a-dire, à l’index, puis au petit doigt, & enfin à tous les autres, excepté celui du milieu. Les Grecs le portoient aussi au quatrième doigt de la main gauche, Aulugelle Liv. X, ch. 10. La raison qu’il en rapporte, est qu’ayant trouvé par l’anatomie, que ce doigt avoit un petit nerf qui alloit droit au cœur, ils crurent qu’à cause de la communication qu’il avoit seul avec la plus noble partie de l’homme, il étoit plus honorable. Les Gaulois & les anciens Bretons les portoient au doigt du milieu, comme Pline le rapporte, à l’endroit que j’ai cité. D’abord on ne porta qu’un seul anneau, ensuite on en porta à tous les doigts, Mart. Liv. V. Epigr. 63. Tertull. de cultu fem. Liv. I & plusieurs même à chaque doigt. Martial, Liv. XI, Ep. 60. Enfin on en porta un, & quelquefois plusieurs à chaque jointure de doigt, Aristoph. in nubib. Martial. Liv. V. Epigr. II. Senec. nat. quæst. Liv. VII. ch. 31. Quintil. Instit. Liv. XI. Clément Alex. Pædag. Liv. III. ch. 11. La délicatesse & le luxe allèrent si loin en ce genre, qu’on eut des anneaux qui servoient par semestre, pour me servir du terme de Juvénal, sat. VII. v. 89. Aurum semestre, semestres annuli, les uns pour l’été, & les autres pour l’hiver. Ventilat æstivum digitis sudantibus aurum. Il paroît par les derniers mots du premier Livre de Tertullien, de l’ornement des femmes, qu’on faisoit des dépenses excessives en ce genre ; mais si l’on en croit Lampridius, chap. 32, personne ne poussa les choses à un excès si grand qu’Elagabale, qui ne porta jamais deux fois, ni le même anneau, ni la même chaussure. Aujourd’hui on n’en porte qu’au quatrième & au cinquième doigt, mais plus ordinairement au quatrième, qui s’appelle le doigt Porte-anneau, & en latin, annularis. Quelques tableaux de 100 & 200 ans en mettent aussi à l’index, c’est-à-dire, au second doigt.

On a aussi porté des anneaux aux narines, de la même manière que des pendans d’oreille aux oreilles. Voyez S. Jérôme sur le chap. XVI d’Ezéchiel. S. Augustin l’assure des Maures, & Bartolin a fait un Livre de Annulis narium, des anneaux des narines. Pietro de Valle & Licet en parlent aussi, & le premier assure que les Orientaux ont cette mode. Enfin, il n’y a guère de parties du corps humain où la galanterie n’en ait fait mettre, aussi-bien qu’aux doigts de l’une & de l’autre main. Les Relations de l’Inde Orientale assurent que les habitans les portoient ordinairement au nez, aux lèvres, aux joues, & au menton. André Corsal en dit autant de toutes les femmes Arabes du port de Calayates. Nous lisons à peu près la même chose dans Ramusio, des Dames de Narsingue vers le levant ; & Diodore témoigne au IIIe Liv. de sa Bibliothèque, que celles d’Ethiopie avaient accoutumé de se parer les lèvres d’un anneau d’airain. Pour les oreilles, par tout le monde on s’est plû, hommes & femmes, à y pendre des bagues de prix. Le Vayer. Les Indiens & les Indiennes, & entre autres les Guzzerates, ont porté des anneaux aux doigts des pieds. Quant Pierre Alvarès reçut sa première audience du Roi de Calicut, il le vit tout couvert de pierreries enchâssées dans des pendans d’oreilles, des bracelets & des anneaux, tant aux doigts des mains que des pieds ; faisant voir sur l’un de ses orteils un rubis, & une escarboucle de très-grand prix. Louis Bartome représente un Roi de Pégu, qui étoit encore plus excessif en cela, n’ayant aucun des doigts de les pieds qui ne fût chargé d’anneaux garnis de pierreries. Idem.

Par rapport à l’usage, il y avoit trois différentes sortes d’anneaux chez les Anciens. Il y avoit des anneaux qui servoient à distinguer les conditions. Pline assure à l’endroit que j’ai déja cité souvent, que dans les commencemens les Sénateurs même n’avoient point permission de porter d’anneau d’or, à moins qu’ils n’eussent été Ambassadeurs chez quelque peuple étranger : encore ne leur étoit-il permis alors de se servir de l’anneau d’or, qu’on leur donnoit, que dans les actions publiques ; dans leur particulier ils en portoient un de fer. Ceux qui avoient mérité le triomphe observoient la même chose. Il fut ensuite permis aux Sénateurs & aux Chevaliers, de porter l’anneau d’or ; mais si l’on en croit Acron sur Horace, L. II. sat. VII, v. 53, ils ne le pouvoient faire que le Préteur ne le leur eût donné. Après cela ce fut sa distinction des Chevaliers Romains. Pline XXX. 8. Diodore, Liv. XLVIII. Le peuple portoit l’anneau d’argent, & les esclaves le portoient de fer. On accordoit cependant l’anneau d’or à des gens du peuple. Voyez Cicéron dans son troisième discours contre Verrès, & Liv. X. Ep. 31. Macrobe Saturn. Liv. II, chap. 10. Sevère le permit même à tous les simples soldats. Avant Auguste on ne l’accorda jamais qu’à des gens libres : ce Prince fut le premier qui donna l’anneau d’or à des affranchis, Dion, Liv. 48 & 53. Cet abus alla si loin, que Tibère fut obligé, au rapport de Pline, Liv. XXXIII. chap. 2 de le corriger par une Loi qu’il fit l’an de Rome 765, la neuvième année de son gouvernement. On passa bien-tôt après par-dessus ce règlement, & le Sénat accorda l’usage de l’anneau d’or à des affranchis de Claude, de Galba, de Vitellius, de Domitien, & même de particuliers, Pline, Liv. VIII. Ep. 6. Tacite, Hist. Liv. I. chapitre 13. Suet. dans Galba, chapitre 14. Enfin, la Novelle 68 de Justinien le permet à tous les affranchis.

Une autre sorte d’anneaux sont les anneaux des épousailles, Annuli sponsalitii, ou les anneaux de noces, ou de mariage, annuli geniales, annuli pronubi, annuli nuptiales. Quelques-uns font remonter l’origine de cet usage jusqu’aux Hébreux ; parce que, Exod. XXXV, 22, il est dit que les hommes & les femmes donnerent leurs colliers, leurs pendans d’oreille, leurs anneaux, leurs bracelets, pour faire les vases du sanctuaire. D’autres soutiennent que ces anneaux n’étoient que pour l’ornement. La vérité est, que ni l’un ni l’autre n’est expliqué ; & qu’on ne peut conclure de cet endroit si ces anneaux avoient été donnés à la cérémonie du mariage ou non, & s’ils avoient d’autres usages que celui de servir à l’ornement. Il faut dire le même à plus forte raison du verset 21, du ch. III d’Isaïe, où le Prophète ne parle que d’ornemens. Léon de Modène, P. IV, chap. 3, dit que les premiers Hébreux ne donnoient point d’anneau nuptial ; que dans la suite cet usage s’introduisit ; mais qu’il fut rare. Selden, dans son traité de la femme Hébraïque, Liv. II, ch. 24, dit, qu’ils en donnoient un dans les épousailles, mais qu’il tient lieu d’une pièce de monnoie que l’on donnoit auparavant, & qu’il doit être du même poids. Les Grecs & les Romains ont pratiqué la même chose. Les Chrétiens la pratiquent aussi ; & cet usage est très-ancien, comme il paroît par Tertullien, dans son Traité de l’habillement des femmes ; par Grégoire de Tours, dans les vies des Peres ; par Isidore, De Officiis, Liv. II, ch. 19 ; & comme Laurentius Pignorius le prouve dans sa première & dix-neuvième lettre ; par les anciennes Liturgies, dans lesquelles on trouve la bénédiction de l’anneau nuptial ; aussi-bien que dans l’Ordre Romain, & dans les plus anciens Rituels. En Moscovie ce n’est point aux épousailles, c’est à la cérémonie des noces qu’il se donne. Chez les Grecs le Prêtre bénit deux anneaux ; l’un d’or qu’il donne au mari, & l’autre d’argent, qu’il donne à la femme. Voyez l’Eucologe, Allatius, le P. Massene.

La troisième sorte d’anneaux sont ceux qui servoient à cacheter, Annuli signatorii, Annuli sigillaricii, Cirographi ou Cerographi ; car c’est ainsi qu’il faut lire dans Catulle, Epigram 25, & non pas Chirographosque Thynos : c’est à Saumaise qu’on doit cette correction. Catulle donne à ces anneaux l’épithète Thyni ; & des vers rapportés par Isidore, disent que la lime Thynienne les polissoit, parce que c’étoit sur-tout en Bithynie qu’on les faisoit, ou qu’on les travailloit le mieux. On prétend que ces anneaux, & l’usage de cacheter, est une invention des Lacédémoniens, qui non contens de fermer leurs coffres & leurs armoires avec des clefs, y ajouterent encore un cachet ; qu’à cet effet ils se servirent d’abord de bois rongé de vers : dont ils imprimoient les marques sur la cire, ou sur une terre molle ; qu’après cela ils trouverent l’art de graver sur les anneaux, des figures qui s’imprimassent de la même sorte. Il est cependant certain que dès le temps de Moyse on gravoit non-seulement sur l’or & sur les métaux, mais même sur les pierres précieuses. Voyez Gravure. Mais il ne paroît pas, comme je l’ai déjà remarqué, que l’anneau chez les premiers Hébreux, eût d’autre usage que les bracelets & les pendants d’oreilles ; c’est-à-dire, qu’il servît à autre chose qu’à orner. Dans la suite l’anneau servoit à cacheter, ou sceller tous les actes, les contrats, les diplômes, les lettres. On en voit des exemples dans l’Ecriture 3, Liv. des Rois XXI, 8. Esther VIII, 10 ; dans Xénophon Hellen, Liv. I ; dans Quinte-Curce, Liv. VI, chap. 6 ; dans Justin, Liv. XLIII, chap. 3, où l’on apprend encore que ce fut une charge auprès des Empereurs, que d’avoir la garde de l’anneau : le Référendaire faisoit autrefois la même fonction auprès de nos Rois, de même qu’aujourd’hui les Sceaux sont entre les mains du Chancelier, ou du Garde des Sceaux. Comme Pharaon avoit donné le sien à Joseph, ainsi Alexandre donna le sien en mourant à Perdiccas, pour le désigner son successeur, si nous en croyons Lucien dans ses Dialogues. On s’en servoit encore pour sceller l’entrée de tout ce que l’on vouloit tenir exactement fermé. Ainsi dans Daniel, Darius scelle de son anneau & de celui de ses Ministres, la fosse aux lions, chap. VI, 17, & le temple de Bel, chap. XIV, 10, 13. On scelloit de même l’entrée des maisons, Aristote, De miracul. aud. l’appartement des femmes, Aristophane dans la fête de Cerès ; la pierre du sépulchre, dans S. Matt. XXVII, 66, tous les meubles, les coffres & les cassettes, les bouteilles de vin, les bourses, comme on le voit dans Pline, Liv. XXXIII, ch. 1. Plaute Casin. ect. II, Sc. 2. Martial, Liv. XI, Epigr. 89. Tacit. Annal. Liv. II, ch. 2, &c. Voyez Janus Rutgersius Var. Lect. Liv. V, ch. 5. Solon fit une loi, par laquelle, pour la sûreté publique, il défendit à tous faiseurs ou marchands d’anneaux, de garder un modèle d’un anneau qu’ils auroient vendu.

Aujourd’hui on grave sur son cachet les armes de sa maison. Chez les Anciens les figures des anneaux n’étoient point héréditaires, & chacun prenoit celle qu’il lui plaisoit. Numa, avoit défendu par une loi, que l’on y gravât les figures des Dieux. Pythagore défendoit la même chose à ses disciples, Clem. Alex. Strom. Liv. V. L’usage abrogea la loi de Numa, & les Romains gravèrent sur leurs anneaux, non-seulement leurs Dieux, mais encore les Dieux étrangers, & sur-tout ceux des Egyptiens, ainsi que Pline le rapporte, Liv. II, ch. 7, Liv. XXXIII, ch. 3. Ils y graverent des hommes, des animaux, des choses inanimées, leurs ayeux, leurs fondateurs, leurs Capitaines, les Princes, & leurs favoris, &c. Les Antiquaires seront bien-aises de trouver ici les figures des anneaux, dont l’histoire nous a conservé la mémoire ; cela peut servir à connoître ceux que l’on voit dans les cabinets. Jules César avoit une Vénus sur son cachet, Dion, Liv. 43 ; le Philosophe Asclépiade une Uranie ; la famille des Macriens, un Alexandre. Ils y gravoient aussi leurs ancêtres, ou leurs amis. P. Lentulus Sura avoit son aïeul, Ciceron. Catilin. 3. Ovide, Trist. Liv. I, eleg. 6. Scipion le jeune, un Scipion l’Africain ; Scipion l’Africain, un Siphax ; Sylla, un Jugurtha ; les amis d’Epicure, la tête de ce Philosophe. Cic. de fin. Liv. V. L’Empereur Commode, une Amasone, représentant Martia, Jul. Capit. dans la vie d’Albin, c. 2. Aristomène, un Agathocle, Roi de Sicile, Polyb. Liv. XV. Callicrates, un Ulysse, Athen. Liv. VI ; Auguste, un Alexandre ; plusieurs des successeurs d’Auguste, un Auguste, Sueton. dans August. c. 50, Dion. Liv. 51 ; Narcisse, une Pallas ; plusieurs Romains, un Séjan ; les Grecs, un Hellen ; les Troyens, un Pergame ; ceux d’Héraclée, un Hercule ; ceux d’Athènes, un Solon ; ceux d’Alexandrie, un Alexandre ; ceux de Séleucie, un Séleucus ; ceux de Lacédémone, un Lycurgue ; les Chersonires, un Constantin ; les Antiochiens, un Melèce, leur Evêque, S. Chrysost. de laud. Melet. Quelques-uns se faisoient graver, eux-mêmes sur leur anneau, Plaut. Pseudol. Act. I, Scen. I. L’anneau d’or de Childeric, trouvé dans son tombeau, & qui se voit à la Bibliothèque du Roi, porte le portrait & le nom de ce Prince. Auguste avoit un Sphinx, Plin. Liv, XXXIII, 1 ; Mécène, une grenouille, Ib. Pompée,

        1. un chien sur la proue d’un navire ; les gens de guerre en Egypte, un escarbot, Plutarq. De Iside ; Aréus, Roi de Sparte, qui écrivit à Onias, un aigle tenant un serpent dans ses serres, Joseph. Lib. XII, c. 5 ; Darius, Roi de Perse, un cheval ; Sporus, l’enlèvement de Proserpine, Suet. in Nerone c. 46. Les Locriens occidentaux, l’étoile du soir, appelée Hesperus. Strabon, Liv. IV ; Pline le jeune, un char tiré par quatre chevaux ; Polycrate, une lyre ; Séleucus, une ancre, Clem. Alex. Pædag. Liv. III, plusieurs Chrétiens, le Monograme de Jésus-Christ, que l’on trouve aussi sur plusieurs médailles des Empereurs Chrétiens. Clément Alexandrin exhorte les Chrétiens à n’avoir sur leurs anneaux, qu’une colombe, un poisson, un navire, une lyre, une ancre, ou quelqu’autre figure capable de leur rappeler les mystères de leur religion. Il défend absolument les figures d’idoles, & les nudités ; il ne peut même souffrir que des gens qui ne doivent respirer que la paix, y fassent graver un arc, ou une épée ; ni que des gens à qui la tempérance & la sobriété doivent être chères, y portent des coupes & des vases à boire. Au reste, il ne permet point de porter d’anneau pour l’ornement, mais seulement pour sceller les choses qui en ont besoin ; & il semble, par ce qu’il dit en cet endroit, que c’étoit la femme, plutôt que le mari, qui avoit l’anneau dans les familles.

Anneau de jonc, ou de paille. Richard, Evêque de Salisbery, dans les Constitutions de l’an 1217, C. 55, défend de mettre dans les doigts des femmes des anneaux de jonc, ou de quelque matière que ce soit, précieuse, ou non, afin d’en abuser plus aisément ; & il insinue que la cause de sa défense est, qu’il y avoit des gens assez simples pour croire que ce qui se faisoit ainsi en badinant, étoit un vrai mariage. Du Breuil, dans ses Antiquités de Paris, Liv. I, dit, qu’on avoit coutume dans la cérémonie des noces, de donner un anneau de jonc, ou de paille, à ceux qui avoient eu un commerce défendu avant leur mariage.

Saint Louis prit pour devise au temps de son mariage, un anneau entrelassé d’une guirlande de lis & de marguerites, pour faire allusion à son nom & à celui de la Reine, son épouse ; & mettant sur le chaton de cet anneau l’image d’un Crucifix, gravée sur un saphir, il l’accompagna de ces mots : Dehors cet anel pourrions avoir amour ? Cette devise est sur l’agraphe du manteau qu’il portoit le jour de ses noces, & on voit cette agraphe au monastère royal de Poissy. Un homme d’esprit, dans le départ ou l’éloignement d’un ami, prit pour devise, un anneau sans diamant, avec ce mot espagnol, Falta lo mejor. Le meilleur manque.

Nous avons de Licet, un Traité De Annulis Veterum ; des anneaux des Anciens. Gorlæus a fait Dactyliotheca ; c’est un Recueil d’anneaux. Jean Kirchman, savant de Lubec, a donné un Traité De Annulis ; Thomas Bartholin, un Livre De Annulis narium. Voyez aussi les Macri & M. Du Fresne dans leurs Dictionnaires, & Meursius De luxu Romanorum, ch. 5. La Mothe le Vayer, T. II, épître 3 ; le P. Kirker, Œdip. Æg. Liv. XII, & Latium, p. 69 ; Beger. Thesaur. Brandeb. Tom. I, p. 150 & suiv. où il y a plusieurs figures d’anciens anneaux, & beaucoup de choses sur cela.

On dit proverbialement, qu’il ne faut point mettre en son doigt d’anneau trop étroit, Annulum digito vi ne inserito ; ☞ pour marquer qu’il ne faut s’embarrasser de rien qui puisse faire de la peine, & dont on ne puisse pas se défaire aisément.

Anneau, se dit aussi d’un cercle qui est fait d’une matière dure, & qui sert à attacher quelque chose. Les anneaux d’un rideau. L’anneau d’une ancre. On attache les bateaux à de gros anneaux de fer.

Anneau d’une clé. C’est la partie de la clé que l’on tient dans la main, & qui aide à la faire tourner commodément dans la serrure.

☞ Dans les arts & métiers on donne le même nom à plusieurs choses figurées, comme ce qui porte le nom d’anneau. Les anneaux d’une chaîne, &c.

En termes de Marine, les anneaux des vergues, sont des anneaux attachés de distance en distance aux deux grandes vergues. Anneaux de sabords, sont des boucles de fer d’une médiocre grosseur, qui servent à fermer, & à saisir les mantelets des sabords. L’anneau de l’ancre s’appelle aussi Arganeau.

En termes de Blason, l’anneau est un cercle, dont on meuble les écus. Il est tantôt uni, tantôt avec un chaton garni de pierres précieuses. L’anneau autrefois étoit le plus souvent gravé, & servoit pour signer : on l’appeloit Annulus signatorius, dont il est parlé au ff. de verb. sign. L’anneau est le symbole de la fidélité : ce qui est cause qu’on en donne dans les épousailles, & que les Prêtres en portent, pour montrer qu’ils sont époux de leur Eglise. C’étoit aussi le symbole de l’ingénuité chez les Romains, quand l’Empereur le donnoit à un Affranchi, comme il paroît dans le titre de jure aur. ann.

Anneau, se dit par extension, des boucles, qui se font par la frisure des cheveux. Cincinni. Les Anciens se servoient du même mot pour signifier la même chose. Martial, Liv. II, M p. 66.

Unus de toto peccaverat orbe comarum
Annulus, incertâ non bene fixus acu.

Saumaise sur Solin, p. 760, prétend néanmoins qu’il ne s’agit pas là, comme ailleurs, d’une simple boucle de cheveux : mais de tous les cheveux rassemblés ensemble tournés en ligne spirale, & attachés avec la même aiguille avec laquelle on les séparoit.

On dit en termes d’Astronomie, l’anneau de Saturne, en parlant de cette planète accompagnée de ses cinq satellites, & d’une lumière en forme d’anneau. On en attribue la découverte à M. Huyghens. Après avoir long-temps observé cette planète, il apperçut deux bras ou deux pointes qui sortoient du corps de la planète en droite ligne. Il reconnut ensuite que ces deux bras formoient une anse ; & parce qu’après de continuelles observations, il apperçut toujours la même figure, il en conclut que Saturne étoit environné d’un anneau solide & permanent. Il produisit son nouveau système de Saturne en 1659. Le plan de cet anneau n’est incliné au plan de l’écliptique que de 23 degrés 30 minutes, selon M. Huyghens. Il paroît quelquefois ovale, & son grand diamètre est double du petit, selon l’observation de Campani.

Anneau astronomique, Annulus astronomicus, est un petit anneau de métal divisé en degrés, que l’on tient suspendu par un anneau plus petit, pour prendre, à l’aide d’une alidade, la hauteur des astres, & mesurer les lignes accessibles & inaccessibles sur la terre. Les machines de l’Observatoire de Pékin nous parurent d’une forme approchante de nos anneaux astronomiques. P. Le Comte.

Anneau universel, est un cadran universel, composé de deux anneaux perpendiculaires entre eux, dont l’un représente l’équateur qui contient les heures astronomiques, & l’autre le méridien qui contient les degrés de latitude, avec un diamètre commun, qui représente l’axe du monde, & sur lequel sont marqués les signes du zodiaque, divisés de cinq en cinq, ou de dix en dix ; ou bien les mois de l’année, divisés aussi de cinq en cinq, ou de dix en dix. ☞ Cet anneau indique l’heure en quelque endroit de la terre que ce soit.

Anneau fibreux. Terme d’Anatomie. A l’endroit où le cou de la vésicule du fiel forme le conduit ou canal du fiel, il y a un anneau fibreux qui se dilate & se resserre comme un sphincter, pour lâcher & pour retenir sa bile dans la vésicule, & pour empêcher qu’elle ne remonte d’où elle vient. Cet anneau fait le même office que le pylore au ventricule. Dionis.

Anneau, que l’on nomme aussi Moule. C’est une sorte de grand cercle de fer, ayant deux pieds un pouce de diamètre, sur six pieds trois pouces de circonférence, qui sert aux Mouleurs de bois à mouler ; ou mesurer des bois de compte & d’andelle, en y faisant entrer autant de morceaux ou buches, qu’il en peut contenir.