Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APOSTASIE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 414-415).
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☞ APOSTASIE. s. f. Dans un sens général, signifie l’abandon d’un parti qu’on suivoit, pour en prendre un autre. Apostasie se dit plus particulièrement de l’abandon qu’une personne fait de la vraie religion, pour en embrasser une fausse, ou de la désertion d’un ordre religieux dans lequel on avoit fait profession, & qu’on quitte sans une dispense légitime. Catholicæ religionis vel instituti religiosi desertio. Les Anciens ont distingué trois sortes d’apostasie. La première, à supererogatione, se commet par le clerc ou le religieux, qui abandonne sa profession pour retourner à l’état laïc. La seconde, à mandatis Dei, par celui, de quelque état qu’il soit, qui abandonne généralement les commandemens de Dieu, quoiqu’il conserve encore la foi. La troisième, à fide, par celui qui abandonne non-seulement les bonnes œuvres, mais encore totalement la foi. De la Mar. Cette division n’est pas exacte. Dans la première espèce il n’est pas nécessaire qu’un religieux se réduise à l’état laïc pour commettre une apostasie ; il suffit qu’il renonce à son Ordre & à sa religion, demeurât-il dans l’état ecclésiastique, ou passât-il dans un autre Ordre, s’il n’en a la dispense. La seconde espèce ne porte point aujourd’hui le nom d’apostasie, on l’appelleroit libertinage, débauche, impiété. Pour la troisième, il n’est pas nécessaire de renoncer totalement à la foi ; c’est-à-dire, à tous les articles de la foi ; il suffit d’être hérétique sur un seul pour être apostat. Voici comment il faut diviser l’apostasie, ou quelles sont les espèces différentes d’apostasie. Il y en a quatre : l’apostasie de l’ordre, l’apostasie de la profession religieuse, l’apostasie de la foi, & l’apostasie d’obéissance.

L’Apostasie de l’ordre, est lorsqu’un homme engagé dans les Ordres sacrés quitte de son autorité particulière l’habit & l’état ecclésiastique à dessein de ne le plus reprendre, & de vivre en laïc, comme feroit un prêtre, ou diacre, &c. qui se marieroit ou se feroit soldat.

L’Apostasie de la profession religieuse, est l’abandon criminel qu’un religieux fait de son état dans le dessein de n’y plus retourner ; mais de vivre hors de son monastère en laïc ou même en clerc, soit qu’il quitte l’habit de son Ordre, soit qu’il le conserve. Les Canonistes conviennent qu’un religieux qui sort de son monastère pour quelque temps, & à dessein d’y revenir, n’est pas apostat, mais fugitif ; qu’encore qu’il quitte l’habit de son Ordre, au for de sa conscience, il ne tombe point dans l’apostasie ; mais au for extérieur il seroit réputé apostat. Si un religieux, sans permission de son supérieur, passe dans un autre Ordre, même plus relâché, quoiqu’il encoure l’excommunication, & qu’il soit obligé de retourner à son Ordre, il n’est point apostat. Voyez sur cela Layman, Liv. II. Traité I, c. 16, n. 1, & les Auteurs qu’il cite.

L’apostasie de la foi, qui est la plus griève, généralement parlant est le renoncement à la foi : ce qui se peut faire en deux manières : 1o En renonçant entièrement à la religion & abandonnant le christianisme, pour passer à l’athéisme, ou à une religion qui ne reconnoisse point Jésus-Christ ; & alors c’est infidélité : ou en abandonnant seulement la religion catholique, & renonçant à quelques-uns de ses dogmes, quoiqu’on reconnoisse Jésus-Christ & le christianisme pour la vraie religion, & alors c’est hérésie. L’une & l’autre espèce s’appelle apostasie, & ceux qui y tombent, Apostats. Mais il faut, comme je l’ai dit, que l’on ait été d’abord dans le christianisme, & dans la religion catholique, & qu’on l’ait ensuite abandonnée ; car être né dans l’infidélité ou dans l’hérésie & y persister, ce n’est point apostasie, ni dans le droit, ni dans l’usage de notre langue. Luther soutint publiquement son apostasie dans la Diète de Vormes. Bouhours.

L’Apostasie de l’obéissance, en la prenant dans toute son étendue, se trouve dans tout péché mortel, selon Saint Thomas. Dans un sens plus étroit, c’est lorsqu’un sujet ou subalterne s’oppose aux commandemens justes de ses supérieurs. En ce sens le mot d’apostasie n’est point en usage dans notre langue, nous disons révolte, rebellion. L’espèce la plus griève de cette apostasie est le schisme, Voyez Apostat.