Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AQUILA

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 445-446).
AQUILANO  ►

AQUILA. s. m. Nom d’homme. Aquila. La version d’Aquila. Aquila étoit du Pont. S. Epiphane & la Chronique paschale disent qu’il étoit beau pere de l’empereur Adrien : c’est une fable. On ne peut pas dire la même chose de ce qu’ajoute Saint Epiphane, qu’étant à Jérusalem, Adrien qui vouloir rétablir cette ville, lui donna l’intendance de cet ouvrage. Il y vit les Chrétiens & les admira ; il embrassa leur religion, & fut baptisé ; mais ayant continué de s’adonner à l’Astrologie judiciaire qu’il avoit apprise, il en fut repris comme il méritoit, & ne se corrigeant point, il fut chassé de l’Eglise. Le dépit qu’il eut de l’affront qu’il recevoit par-là, lui fit abjurer le Christianisme, & embrasser la religion des Juifs. Il s’appliqua fortement à l’étude de la langue hébraïque, & entreprit une nouvelle version de l’Ecriture, pour l’opposer à celle des Septante, dont les Chrétiens se servoient alors très-utilement contre les Juifs. Mais n’étant pas tout à fait content de sa version, il la retoucha ensuite, & en fit une seconde plus à la lettre que la première. C’est ce qui fait que l’on trouve quelquefois la version d’Aquila citée de différente manière sur un même passage. Les fragmens qui nous en restent, prouvent évidemment que cet Interprète s’étoit principalement appliqué à traduire mot pour mot le texte hébreu de la Bible, & à faire plutôt un Dictionnaire des mots hébreux, qu’une version. Aussi Saint Epiphane la méprise, & la regarde comme un ouvrage assez inutile ; & Saint Jérôme le traite quelquefois de ridicule & d’impertinent, parce qu’il ne s’étoit pas contenté de traduire les paroles ; mais qu’il avoit de plus exprimé l’étymologie ou la propriété des mots. Cette barbarie n’est pas si générale & si grande que M. Simon le fait entendre, & S. Jérôme loue souvent Aquila comme un Interprète exact & fidele ; & lorsqu’il s’agit de donner la propre & véritable signification des mots hébreux, il a recours à la version d’Aquila. Quand il l’a blâmée, c’est que pressé du reproche qu’on lui faisoit de n’avoir pas traduit l’Ecriture sainte avec assez d’exactitude, il répondit que cette façon de traduire si littéralement & selon la rigueur de la Grammaire, devoir être rejetée, & il donna pour exemple la version d’Aquila.

Origène témoigne que les Juifs préféroient la version d’Aquila à celle des Septante ; & c’est pour cette raison qu’ils s’en servoient ordinairement dans les disputes qu’ils avoient avec les Chrétiens. Les Chrétiens d’autre part la décrierent par la même raison, & la regarderent comme une version fausse, & faite par un de leurs plus grands ennemis. Quelques Peres même l’accuserent d’avoir falsifié l’Ecriture. Il est certain qu’Aquila ne toucha point au texte hébreu, & ne le changea point. Il ne l’est pas moins qu’en quelques endroits où les Peres lui reprochent d’avoir favorisé les Juifs, on ne voit pas trop quel avantage les Juifs en pouvoient tirer. Mais il faut aussi convenir qu’il affecta en quelques-uns d’interpréter le mot hébreu d’une manière qui ôtât sa force à l’argument que les Chrétiens en tiroient contre les Juifs. L’endroit le plus fort est celui que Saint Irenée lui reproche, L. III, c. 24. C’est le passage d’Isaïe, C. VII v. 4. Voilà qu’une Vierge enfantera. Il ne traduit point le mot hébreu עלמה, alma, pour celui de πάρθενος, une Vierge, comme les Septante, mais par νεανὶς, une jeune fille. En quoi il y a certainement de l’affectation, & du dessein d’ôter aux Chrétiens ce témoignage d’Isaïe, par lequel ils pressoient les Juifs.

Et ce qui marque encore mieux l’affectation d’Aquila : c’est que lui qui cherchoit avec soin le sens propre & primitif des mots hébreux, & qui par conséquent devoit traduire עלמה, par ἀποϰρυφη, abscondita, a évité même cette traduction, pour prendre νεανὶς, qui certainement ne répond point au mot hébreu. D’où peut venir une affectation si marquée, sinon du dessein d’ôter aux Chrétiens l’avantage qu’ils tiroient de cet endroit d’Isaïe contre les Juifs ?

Tant il est vrai que dans ces premiers siècles, ces siècles apostoliques, les Chrétiens entendoient par-là une Vierge proprement dite, & demeurant Vierge malgré l’enfantement, & qu’ils étoient bien éloignés de croire que le Prophète parlât de la femme & du fils qu’elle mit au monde, comme quelques Chrétiens l’ont prétendu de nos jours. Tant il est vrai que les Juifs sentoient toute la force de ce mot, & qu’ils ne pouvoient l’éluder que par des interprétations fausses & insoutenables.

Drusius, & le P. Montfaucon dans ses Hexaples, ont ramassé les fragmens de la version d’Aquila qui nous restent.

Aquila. Ville du royaume de Naples. Aquila. Elle est dans l’Abruzze ultérieure, sur le penchant d’une petite montagne, au pied de laquelle coule la rivière de Pescaire. Elle s’est agrandie des ruines d’Amiternum & de Forconium. Elle est capitale de l’Abruzze ultérieure.