Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AQUITAINE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 447-448).
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AQUITAINE. s. f. Aquitania. C’est le nom qu’on donnoit autrefois à la troisième partie des Gaules. Sous Jules César elle ne comprenoit que ce qui est entre la Garonne & les Pyrénées. Méla, Liv. III, ch. 2, Liv. IV ch. 17, & d’autres Auteurs, qui n’ont écrit que long-temps après César, ne lui donnent point d’autres bornes. Cependant Auguste les étendit jusqu’à la Loire, y joignant quatorze nations, qu’il tira de la Celtique, & qui se trouvoient entre la Loire & la Garonne. C’est Strabon qui nous l’apprend, & Tibulle, qui vivoit sous Auguste dans la 7e, ou, selon d’autres éditions, dans la 8e élégie de son premier Livre, lui donne pour bornes l’Océan Sanctonique, les Pyrénées, le Rhône, la Saone & la Loire. Quelques-uns prétendent que le même Empereur divisa cette grande Aquitaine en deux parties, & que des quatorze peuples qui habitoient entre la Loire & la Garonne, il en donna six, eu plutôt dix, selon Strabon, à l’ancienne Aquitaine de Jules César ; savoir ceux de Bordeaux, d’Agen, d’Angoulême, de Xaintes, de Poitiers & de Périgueux, &c. Et que des Celtes, comme dit Strabon, ou du Berri, de l’Auvergne, du Rouerge, du Querci, du Limousin, des Cévennes & de la Narbonnoise, il en fit une autre partie d’Aquitaine ; que celle-ci fut la première Aquitaine ; & l’autre la seconde Aquitaine ; qu’ensuite Hadrien divisa encore la seconde Aquitaine en deux ; que des six peuples ajoutés par Auguste à l’ancienne Aquitaine, il en fit une province qui fut la seconde Aquitaine, & que de l’ancienne Aquitaine de Jules, comprise entre la Garonne & les Pyrénées, il en fit la troisième Aquitaine, qui fut aussi appelée Novemmpopulanie, parce qu’elle comprenoit neuf peuples. Ammien Marcellin, Liv. XV. Orosoius, Liv. I., ch. 2. Athicus, Otho Frisingentis, Liv. VI. Chron. ch. 30. D’autres prétendent que ces divisions ne se firent point avant le IVe siècle ; que jusque-là l’Aquitaine telle qu’Auguste l’avoit augmentée, ne fut qu’une seule province ; que Constantin la divisa d’abord en deux parties, dont la première étoit tout ce qu’Auguste y avoit ajouté, comprenant quatorze peuples, ce qui fut désormais l’Aquitaine. La seconde étoit l’ancienne Aquitaine, qui fut appelée Novempopulanie ; que dans la suite on divisa encore la première partie en deux ; que l’une fut la première Aquitaine, qui avoit Bourges pour métropole, ou capitale ; & l’autre la seconde Aquitaine, à laquelle on donna Bordeaux pour métropole. Au reste, personne, que je sache, que le Dictionnaire de Moréri, n’attribue la division de l’Aquitaine à Auguste : il l’augmenta, il ne la partagea pas. On dispute seulement si c’est Hadrien, ou Constantin, qui ont fait ce partage.

Sous Pepin, l’Aquitaine avoit son ancienne étendue du côté du septentrion ; c’est-à-dire, qu’elle alloit jusqu’à la Loire. C’est ce que les monnoies de Pepin frappées à Limoges & à Poitiers me font croire. La Chronique d’Ademar, fol. 160, & l’histoire des Evêques & des Comtes d’Angoulême, fol. 251, nous apprennent que Pepin fit frapper de la monnoie à son coin dans les villes d’Angoulême & de Xaintes. Pepin est appelé sur ces monnoies Rex Aquitaniorum ; & sur une autre, Rex Eq. c’est-à-dire, Equitaniæ, ou Equitaniorum. Le Blanc. Bourges étoit la capitale du royaume d’Aquitaine, comme le témoigne Adrevalde, qui écrivoit sous Charles le Chauve les miracles de S. Benoît en France.

Aujourd’hui nous n’appelons souvent Aquitaine que la Guyenne de la Gascogne, cependant par rapport aux provinces ecclésiastiques, nous retenons encore l’ancienne division. Tout ce qui est compris entre l’Océan, la Loire, & le Rhône, ou la Lyonnaise & les Pyrénées, est l’Aquitaine en général. C’est en ce sens que l’Archevêque de Bourges prétend être Primat d’Aquitaine. Cette Aquitaine se divise en trois, comme nous avons marqué ci-dessus.

Pline dit que l’Aquitaine s’appela d’abord Armorique, c’est-à-dire, Maritime, selon César, Liv. VII, ch. 14. L’Auteur de la vie de S. Eloi, dans Surius, Tom. VI, Dec. I l’appelle de même, & dit que Limoges est dans les contrées Armoricaines. Un Moine anonyme, qui écrivoit la vie de Saint Basole au commencement du Xe siècle, l’appelle encore ainsi. C’est son nom Celtique ou Gaulois. Les Romains lui donnerent celui d’Aquitaine de Aqua, qui signifie de l’eau, à cause des caves, fontaines, rivières & ruisseaux, dont il y a grande quantité, selon le jugement de maître Jean le Maire en ses Illustrations, où il s’aide de Berose, qui n’est Auteur approuvé de tous. Ce sont les paroles de Jean Bouchet dans ses Annales d’Aquitaine, où il dit que c’est Galatéus XI, Roi des Gaules qui lui donna ce nom. D’autres écrivent qu’elle l’eut à cause de la grande quantité d’eaux salutaires & minérales, dont elle est pleine. Peut-être que les Romains, en lui donnant ce nom, ne firent que traduire en leur langue le nom Armorique qu’elle portoit auparavant, & en firent un dans leur langue qui y répondît. Du mot Aquitaine s’est fait par corruption Quitaine, Quiaine, Guiaine, & enfin Guienne. Jules César, dans ses Comment. au commencement du premier Liv. & à la fin du 4e. Méla, Liv. III, ch. 2. Plin. Liv. IV, ch. 17. Strabon, Liv. IV. Papire Masson, le P. Monet, De Marca, Hist. de Béarn. Louvet, His. d’Aquitaine, M. de Tillemont, Emp. Tom. I, p. 59. écrivent de l’Aquitaine. Jean Bouchet de Poitiers a fait aussi au XVIe siècle les Annales d’Aquitaine ; mais avec peu de critique. Antoine Dadin, dans ses cinq Livres de l’Aquitaine, est savant, judicieux, critique : Il mérite fort d’être lu, Rerum Aquitanicarum, Libri V. Auctore Ant. Dadino Altaserra. Tolosæ, in-4o. 1648. Il y a une Histoire sacrée d’Aquitaine par le P. Bajole Jés. une Dissertation latine de M. de la Brousse, Conseiller au Parlement de Bordeaux, sur la Primatie d’Aquitaine, qu’il prétend appartenir à l’Archevêque de Bordeaux ; & une de M. Catherinot, qui soutient le droit de l’Archevêque de Bourges.

☞ L’Aquitaine donne son nom à un grand Prieuré de l’Ordre de Malte qui vaut environ 23000 liv. de rente.