Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARISTOLOCHE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 500-501).

ARISTOLOCHE. s. f. On disoit autrefois Aristolochie. Aristolochia. Plante qui a pris son nom ou d’Aristolochus qui l’employa le premier, comme le rapporte Cicéron, ou de ses propriétés. On lui a donné ce nom d’ἄριστος, très-bon, & λοχέια, enfantement, accouchement ; parce que c’est un bon remède pour procurer les vidanges aux femmes nouvellement accouchées. Il y a quatre espèces d’Aristoloche employées en Médecine ; savoir, la ronde, la longue, la rampante & la menue. L’Aristoloche ronde, Aristolochia rotunda, est ainsi dite à cause de ses racines qui sont en truffes de différentes grosseurs, jaunes en dedans, & de couleur de buis, d’un goût acre très-amer, & d’une odeur de drogue. De ces racines partent plusieurs tiges, ou sarmens menus, carrés, foibles, longs d’un pied ou deux, & rarement branchus, garnis de feuilles alternes, taillées en forme de cœur, d’un pouce de largeur, sur un & demi environ de longueur, molles, vertes, pâles, chargées de quelques veines qui parcourent presque toute leur surface, & soutenues par une queue fort courte, qui le plus souvent ne passe pas deux lignes. Des aisselles de chaque feuille naissent une ou deux fleurs qui sont portées sur des pédicules longs environ de demi-pouce ; ce sont des tuyaux d’un jaune verdâtre en dehors, plus jaunes en dedans, terminés par une languette d’un rouge brun. Le calice qui supportoit la fleur devient un huit rond, divisé en six loges, dans lesquelles sont contenues plusieurs semences plates, larges, noirâtres, posées les unes sur les autres. L’Aristoloche ronde est commune en Languedoc, en Espagne & en Italie. Sa racine est sur-tout d’usage pour faciliter les accouchemens, pour provoquer les mois & la sortie de l’arrière-faix, & on s’en sert extérieurement dans les teintures vulnéraires, & dans les eaux composées contre la gangrène.

L’Aristoloche longue, Aristolochia longa, diffère de la ronde, 1°. Par ses racines qui sont longues quelquefois d’un pied, & épaisses d’un pouce & demi : 2°. Par les tiges le plus souvent branchues : 3°. Par ses feuilles qui sont soutenues par des pédicules longs environ de demi pouce, & 4°. Par ses fruits moins ronds. L’Aristoloche longue croît en Languedoc. On emploie sa racine dans des opiats & dans des teintures pour les asthmatiques, pour provoquer les mois, en décoction dans des lavemens pour faciliter les vidanges, & la sortie de l’arrière-faix.

L’Aristoloche rampante, appelée improprement Aristoloche clématite, Aristolochia clematites, se fait aisément distinguer, 1°. Par ses racines, qui tracent & se plongent quelquefois fort avant en terre, ensorte qu’un seul pied est capable d’occuper un espace de terrain considérable. Elles sont menues comme des plumes à écrire, quelquefois plus grosses, jaunâtres, d’une odeur forte, & d’un goût très-amer. 2°. Par ses tiges qui sont rondes & droites, couchées, & longues de deux pieds environ. 3°. Par ses feuilles deux ou trois fois plus grandes que celles de l’Aristoloche ronde, quelquefois fort amples, toujours plus pâles & d’un vert tirant sur le jaune pâle. 4°. Par ses fleurs, qui sont plusieurs en nombre dans l’aisselle de chaque feuille, & qui sont d’un jaune pâle. 5°. Par ses fruits beaucoup plus gros que dans les autres espèces. Cette Aristoloche est très-commune dans les vignes : elle y est même nuisible, parce qu’elle donne au raisin & au vin un goût désagréable. On la nomme en Languedoc Poterne ; dans le Lyonnois Rattelon. Sa racine est substituée dans quelques dispensaires à celle de l’Aristoloche menue, qu’on a nommée la Pistolochie, Aristolochia Pistolochia dicta, Aristolochia Polyrrhisos, & que nous nommons Aristoloche menue, à cause que ses racines sont des paquets de plusieurs petites fibres d’une ligne d’épaisseur, longues d’un demi-pied, jaunâtres en dedans, d’un goût & d’une odeur tout-à-fait approchante de l’Aristoloche longue. Ses tiges sont beaucoup plus menues que celles des précédentes espèces : elles n’ont guère qu’une demi-ligne, & sont longues de cinq pouces environ, branchues quelquefois, & garnies de feuilles presque moitié plus petites que celles de l’Aristoloche longue, d’un vert plus brun, & un peu ondées dans leur contour. Ses fleurs ressemblent à celles de l’Aristoloche longue, mais elles sont petites à proportion, le fruit de même. Cette dernière espèce se trouve en Languedoc, en Provence, & dans le haut Dauphiné. On demande ses racines dans la composition de la thériaque, & souvent on y met des racines de mélissa, qui leur ressemblent à l’extérieur, mais qui n’en ont pas le goût, & qui se vendent pour telles. L’Aristoloche s’appeloit autrefois la Sarrasine,

On appelle improprement Aristoloche creuse, petite Aristoloche ronde, les racines de deux espèces de fumeterre, nommée Fumaria radice cavâ & non carâ. Quoique ces racines aient beaucoup d’amertume, & qu’elles conviennent par leurs couleurs avec l’Aristoloche ronde ordinaire, on doit cependant distinguer ces deux racines, & ne les pas confondre. Parmi les Aristoloches ; on range encore deux à trois sortes de racines menues, brunes & fibreuses, dont l’odeur est très-forte & très-aromatique, & qu’on nous apporte de Virginie sous le nom de Vipérine de Virginie. Plukenet distingue fort bien ces trois variétés, & en donne des figures dans son Phytographia. On se sert de ces racines contre la morsure des bêtes venimeuses, dans les fièvres malignes & la petite vérole. Sa vertu alexipharmaque lui a fait donner le nom de Vipérine.

Outre ces espèces, il y en a plusieurs autres découvertes dans le Levant & en Amérique ; mais elles ne sont pas employées. Le P. Plumier connut en Amérique cette plante à sa racine, qui est amère, & c’est par-là, autant que par ses fleurs, qu’il la distingua de la Contrahierva, dont Nard, Ant. Rech. parle dans son VIII Livre, ch. 58, & qu’il crut avoir trouvée la première fois qu’il découvrit l’Aristoloche longue de l’Amérique, qu’il décrit ainsi pag. 91 & 92. Sa racine a plus d’un pied de long, & près d’un pouce d’épaisseur : elle est enfoncée droite dans la terre, & finit par quelques sous-divisions : son écorce est grosse & noire en dehors, & toute découpée en long par de longues fentes ; le dedans est jaunâtre, & d’un goût fort amer : les tiges qu’elle pousse sont menues, lisses, rondes, & rampent fort avant sur les haies : elles sont entrecoupées de plusieurs nœuds, à chacun desquels il y a une feuille taillée presque comme un fer à cheval, dont les deux bouts sont émoussés ; ces feuilles ont un peu plus d’un pouce d’étendue ; & leur pédicule a environ un demi pouce de long : elles sont lisses, membraneuses, d’un beau vert par dessus, un peu pales par-dessous, & chargées en long de deux ou trois nervures qui partent d’une petite côte qui est un alongement du pédicule. Les fleurs sont presque de la même figure que celles de nos Aristoloches, mais beaucoup plus élargies dans leurs ouvertures, ayant aussi la langue pointue, & plus étendue : elles sont jaunes pâles, & veinées de rouge brun. Le fruit est gros comme un œuf de pigeon, ayant une pointe émoussée vers le bout d’en bas : il est divisé en six angles arrondis, dont le dos est surchargé d’une arête ronde & élevée : il est aussi divisé en dedans en six cellules pleines de semences noires, plates, fort minces, arrondies par un bout & pointues par l’autre, rangées de plat les unes sur les autres. Je l’ai vue en fleur en Novembre & en Décembre, & en fruit en Février & Mars. P. Plum. Il l’appelle Aristoloche longue, montante, à feuilles en fer de cheval.