Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARRÊTER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 524-526).

☞ ARRÊTER. v. a. Qui, dans une acception générale, présente l’idée d’un obstacle, d’un empêchement. Ainsi arrêter, c’est empêcher la continuation d’un mouvement, le cours, le progrès d’une chose, d’aller plus loin. Morari, retinere, cohibere, comprimere. Arrêter un carrosse. Arrêter un courier. Arrêter le débordement d’une rivière. Les vents contraires arrêtoient notre flotte. Arrêter l’armée dans sa marche. Josué arrêta le soleil dans sa course. On a arrêté l’horloge. Il faut arrêter l’eau dans ce réservoir, en empêcher l’écoulement. La rose arrête le crachement de sang. Il arrêtoit les blés qui venoient de la ville. Vaug. Ne voulez-vous jamais arrêter vos larmes ? Il ne se présente dans cette matière aucun sujet de douter, ni qui suspendre & arrête mon esprit. Font.

Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent ?
Achille va combattre & triomphe en courant. Racin.

Ce mot vient du latin, restare, rester, demeurer derrière. Icquez le dérive de restan, mot de la langue des Francs & des langues septentrionales, qui veut dire, retenir, arrêter, sistere, morari, retinere : on a ensuite ajouté la préposition ad, dont on a adouci la prononciation en changeant le d en r. On trouve dans la plus basse latinité arrestare dans le même sens que nous disons arrêter en François. Voyez Act. Sant. Mart. T. I, p. 558.

☞ On dit dans le figuré arrêter ses yeux, ses regards sur une chose, les fixer, figere, defigere. Arrêter sa pensée sur une chose, s’en occuper, y réfléchir avec attention. Attendere aliquid, ad aliquid, de re aliquâ

☞ On le dit encore au figuré des choses morales & physiques pour retenir, réprimer, faire cesser. Reprimere, comprimere, arrêter le cours du libertinage, de la calomnie. Il n’y a que la crainte des peines éternelles qui puisse arrêter le torrent de la cupidité. Arrêter le cours de la cruauté. Vaug. Avec deux mots que vous daignâtes écrire, vous sûtes arrêter pour jamais mes peines. Voit. Arrêter le caquet de quelqu’un. Arrêter l’insolence & la sévérité des séditieux.

Quel frein pourrait d’un peuple arrêter la licence.
Racin.

Arrêter, signifie aussi, convenir des conditions, conclure quelque délibération, soit en soi-même, soit en compagnie. Constituere, vacisci, convenire, statuere. L’assemblée, après plusieurs contestations, a enfin arrêté que, &c. Il avoit déjà arrêté dans son esprit qu’il feroit telle chose. Nous avons arrêté ensemble que, &c. Arrêter une marche.

Arrêter, signifie saisir, tant les biens que la personne. Tradere in custodiam bona, aliquem, facta per Principem protestate. On a arrêté les deniers que doivent les locataires. On a saisi & arrêté les gages. On l’a arrêté prisonnier ; ou absolument, on l’a arrêté. Philippe le Bel fit arrêter par tout son royaume les Templiers. Mézeray.

Arrêter un compte, c’est après l’avoir examiné & vérifié sur les pièces justificatives, & avoir calculé les chapitres de recette & de dépense, déclarer au pied par un écrit signé, laquelle des deux sommes est la plus forte.

Arrêter un mémoire, c’est régler le prix des marchandises qui y sont contenues, mettre au bas le total, avec promesse de le payer dans un temps convenu. De perscriptis nominibus decidere.

Arrêter, engager quelqu’un, le retenir. Detinere. Les charmes, ni les engagemens de Paris, ne vous arrêteront pas. Voit. Elle employoit tous ses charmes pour l’arrêter. Vaug. Les délices de l’Italie l’y arrêterent long-temps.

Arrêter, terme de Peinture, se dit d’une esquisse, d’un dessein fini, pour les distinguer des croquis ou esquisses légères. Un dessein arrêté, une esquisse arrêtée. Encyc.

Arrêter, terme de Metteur en Œuvre, c’est fixer la pierre en rabattant les sertissures d’espace en espace, afin d’achever de la sortir plus commodément & avec moins de risque.

Arrêter l’artillerie, terme de Marine, attacher un coin avec des clous derrière l’affût des grands canons, pour les tenir fermement attachés aux côtés du vaisseau, afin qu’ils ne vacillent pas quand le vaisseau balance.

Arrêter, s’assurer de quelque chose pour son service, pour son usage, pour sa commodité

Arrêter une maison, un laquais. Conducere. Arrêter une place au coche.

Arrêter, dans les Arts, synonyme de fixer, attacher. Arrêter une planche, une poutre avec des clous, des crampons. Figere.

Arrêter une pierre, en Maçonnerie, c’est après l’avoir mise aplomb & de niveau, y mettre du mortier pour l’assurer à demeure. Positum ad perpendiculum ac libellam lapidem arenato vincire, firmare. C’est aussi sceller en plâtre, en ciment, en plomb.

Arrêter, en termes de Couture, c’est faire plusieurs points, ou mettre des ganses à des boutonnières ou aux extrémités du linge & des habits pour fixer les coutures, pour empêcher que le linge ou les habits ne s’effilent ou ne se dechirent. Repetitis fili ductibus consuere.

Arrêter, en termes de Chasse, se dit du chien qui interrompt sa course quand il est près du gibier, & avertit par là le chasseur où il est. Ce chien arrête les cailles, les perdrix. Il arrête ferme poil & plume. On dit aussi absolument qu’un chien arrête.

Arrêter, en termes de Jardinage, c’est empêcher de monter trop haut, couper à une certaine hauteur. Il se dit particulièrement des melons & des concombres, quand ils ont trop de branches, ou bien qu’ils les ont trop longues. Putare, amputare, refcindere. Il faut arrêter ces melons. Ces concombres ont besoin d’être arrêtés. On dit aussi arrêter un arbuste, une palissade ; pour dire, la tailler a une certaine hauteur. Arrêtez vos arbres, ils s’échappent trop. Cet arbre a besoin d’être arrêté. Liger.

Arrêter, est aussi neutre, & signifie cesser de marcher, & demeurer en quelqu’endroit pour quelque-temps. Après quelques jours de marche nous arrêtâmes en tel endroit pour nous reposer.

Arrêter, se dit très souvent aussi avec le pronom personnel, & devient par-là verbe récip. Il signifie, demeurer, cesser de marcher, n’aller pas plus loin. Stare, consistere. Il fut obligé de s’arrêter dans sa marche. Le soleil s’arrêta au commandement de Josué. Ils ne pouvoient ni marcher, ni s’arrêter. Vaug. Il se dit aussi de tout ce qui se meut par ressorts. Ma montre, ma pendule s’arrête a tout mpment. ☞ On le dit de même des choses fluides qui cessent de couler. Consistere, stare. Les eaux s’arrêtent en cet endroit, & y croupissent. On diroit que le temps s’arrête, tant il coule doucement. Bouh.

s’Arrêter, se prend aussi pour se contenir, cesser de faire une chose ; & alors il s’emploie absolument, & ne se dit guère qu’en parlant de ce qui n’est pas bien. Desistere, quiescere. Arrêtez-vous. Si vous ne vous arrêtez. S’il ne se fût arrêté, on lui auroit donné mille coups. Scar.

s’Arrêter, signifie encore au propre la même chose que s’amuser. Il seroit arrivé, s’il ne s’étoit pas arrêté en chemin.

s’Arrêter, est aussi employé au figuré dans les acceptions suivantes.

s’Arrêter, avoir des égards, être retenu par quelque considération. Rationem habere rei alicujus, moveri re aliquâ. Vous arrêtez-vous à ce qu’il vous dit ? Peu de gens s’arrêteront à cela, & sur-tout dans la colère. Pasc. La Cour a prononcé sans s’arrêter à son appel, à sa requête. Il ne faut jamais s’arrêter aux apparences.

s’Arrêter, s’amuser, employer tout son temps à une chose, y donner toute son attention. Immorari, insistere. Il ne faut point s’arrêter à des bagatelles. Cet homme s’arrête toujours au solide. L’orgueil philosophique s’arrête trop aux causes secondes, & ne s’élève pas assez au premier moteur de toutes choses. Maleb.

s’Arrêter, demeurer long-temps sur un sujet, y insister. Il n’y a rien où je me fois arrêté plus longtemps que sur l’amitié. Quand on s’arrête aux circonstances surperflues dans une narration, cela gâte tout, & énerve le discours. Boil.

s’Arrêter, se fixer, se déterminer, Stare, consistere. Il ne s’arrête jamais à ses premiers sentimens. Il faut s’arrêter à ce qu’on a déjà jugé. Il s’arrête à la justice, & à l’honnêteté.

s’Arrêter, demeurer court, par défaut de mémoire. Hærere. Cet homme ne devroit jamais parler en public ; il s’arrête toujours au luilieu de son discours.

s’Arrêter, mollir dans ses entreprises, ne pas poursuivre sa pointe, abandonner son projet, lorsqu’il est plus aisé à exécuter. A quoi pensez-vous, de vous arrêter en si beau chemin ?

ARRÊTÉ, ÉE part. Il a les significations de son verbe, en latin comme en françois. On dit d’un extravagant, qu’il n’a pas l’esprit arrêté ; d’un bigle, qu’il n’a pas la vue arrêtée ; d’un homme irrésolu, qu’il n’y jamais rien d’arrêté avec lui. On dit, qu’une chose est arrêtée ; pour dire, qu’elle est conclue, déterminée.

☞ On dit en Peinture, qu’un dessein est arrêté, lorsqu’il est fini, & que les contours en sont déterminés avec justesse & sans indécision. Voyez Arrêter, terme de Peinture.

En termes de Blason, On dit qu’un annimal est arrêté, quand il est debout sur ses quatre pieds, sans que l’un avance devant l’autre, comme sont les animaux qu’on appelle Passans. Insistens, inhærens pedibus.