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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ASSASSIN

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 561-562).
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ASSASSIN. s. m. Homme qui tue un autre avec avantage, soit par le nombre de gens qui l’accompagnent, soit par l’inégalité des armes, soit par la situation du lieu, ou en trahison. Meurtrier de guet-à-pens, de dessein formé, & en trahison. Sicarius, percussor. Les assassins sont indignes de jouir de l’asile des églises. Pasc.

Vengeons-nous, j’y consens, mais par d’autres chemins ;
Soyons ses ennemis, & non ses assassins. Rac.

Le nom seul d’assassin m’épouvante & m’arrête. Id.

☞ M. Corneille a employé ce mot au féminin dans la Tragédie de Nicomède. Je ne sais si le mot assassin pris comme substantif féminin, se peut dire ; il est certain du moins, dit M. de Voltaire, qu’il n’est pas d’usage.

On appelle aussi assassins, les gens qui se louent pour aller tuer quelqu’un qu’ils ne connoissent pas, & pour venger la querelle d’autrui. Sicarius, ære, pecuniâ conductus. Il fit tuer son compétiteur par des assassins. ☞ L’Abbé Velly, Hist. de Fr. T. IV. pag. 194.

Ce mot d’assassin vient du Levant, d’un Prince des Arsacides, ou Assassins, qu’on appeloie le Vieux de la Montagne ; il demeuroit entre Antioche & Damas, dans un château où il élevoit de jeunes gens dans toutes sortes de plaisirs & de délices, leur promettant qu’ils iroient après leur mort dans un lieu semblable, s’ils obéissoient aveuglément à ses commandemens ; après quoi ils alloient hardiment tuer & assassiner les Rois & Princes, les ennemis, sitôt qu’il le leur avoit ordonné. Ces gens s’étendirent depuis partout le Levant. Le Sire de Joinville les appelle Beduins ; mais Volaterran & Paule Emile les appellent Assassins, & Nicole Gilles, Arsacides. Ils étoient tellement dévoués à leur Prince, qu’ils ne manquoient guère d’exécuter les arrêts de mort qu’il avoit prononcés.

Voici ce qu’Elmacin rapporte de leur origine : il la fait remonter jusqu’à l’an 278 de l’hégire, 891 de Jésus-Christ. Un prétendu prophète nommé Carmar, s’éleva en Arabie vers Coufa, & attira un grand nombre de sectateurs, jeûnant, travaillant de ses mains, & faisant la prière cinquante fois par jour. Il promettoit d’établir un Iman, ou Pontife de la famille d’Ali, prêchant la dévotion à ce prétendu Saint. Il déchargea ses sectateurs des plus pénibles observances de la loi, leur permettant de boire du vin, de manger toutes sortes de viandes ; & par cette licence, jointe à l’espérance du butin, il forma une armée immense, & fit de grands ravages sur les terres du Calife. Il mourut en laissant douze disciples, en mémoire des douze Imans descendus d’Ali. Dans la suite, les Carmariens devenus plus foibles se mêlèrent avec les autres Musulmans, & dissimulerent leur religion ; ce qui les fit nommer Batenis, c’est-à-dire, Inconnus. C’est peut-être de ce nom Batenis, que se forma celui de Beduins, que Joinville leur a donné. Quoiqu’il en suit, ils commencèrent à être désignés par ce nom, & à se fortifier en Perse, l’an 483 de l’hégire, 1090 deJésus-Christ. Hacen, leur chef, avant été menacé par le Sultan Gelaloddoulet, commanda à un de ses sujets, en présence de l’Envoyé du Sultan, de se précipiter du haut d’une tour, & à un autre de se tuer, ce qu’ils firent à l’instant. Alors Hacen dit à l’Envoyé : dites à votre Maître que j’ai 70000 hommes prêts à en faire autant. Les Batenis, ainsi cachés & déterminés à tout, commencèrent à attenter sur la vie des Princes, & en tuerent plusieurs sans qu’on pût se garantir de leur trahison. Le Juif Benjamin, dans son Itinéraire, p.32 de l’édition in-12, d’Amsterdam, les place près du mont Liban. Cet Auteur écrivoit vers l’an 1173. Il les appelle en hébreu du nom arabe אל אשי שין, El Asisin. Ce qui montre que ce nom ne vient point d’Arsacide, comme on l’a dit ci-dessus, mais du mot arabe השיש, Asis, qui signifie Insidiator, un homme qui tend des embuches, & qui vient du verbe arabe השש, Asasa, tendre des embuches. Car quoique la première lettre soit un giim, qui répond au g françois, on a pu aisément le changer dans l’usage en hha, dont il a la forme, & dont il approche pour le son. Car le hha n’est qu’un g ou giim, prononcé du gosier & avec une aspiration.

Assassin, se dit aussi au figuré, & dans le style comique, & satyrique, de celui qui tue, qui fait mourir impunément, comme font les Médecins.

Que dit-il, quand il voit avec la mort en trousse,
Courir chez un mabde un assassin en housse ? Boil.

Dans Florence vivait jadis un Médecin,
Savant hâbleur, dit-on, & célèbre assassin. Id.

Croyez-moi, charmante Dorise,

Bannissez tous vos Médecins
Ce ne font que des assassins

Que la crédulité du malade autorise.

ASSASSIN, INE. adj. Se dit encore au figuré, & dans le style comique, de tout ce qui a assez de charmes pour causer de la langueur, & pour faire mourir d’amour. Visage assassin. Voit. Beaux yeux assassins. Scar. Que dit-elle de moi, cette gente assassine ? Mol. Et c’est pour cela qu’en galanterie on appelle aussi assassins, certaines mouches taillées en long, que les femmes coquettes mettent sur leur visage pour paroître plus belles. Assassin, se dit aussi dans le grand style, & en parlant sérieusement ; pour dire, meurtrier.

Ai-je donc oublié que sa barbare main

Fit tomber tous les miens sous un fer assassin ?
Crébill.