Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ATTRACTION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 610-611).

ATTRACTION. s. f. Action de ce qui attire, ou état de ce qui est attiré par la propriété qu’a un corps de faire que d’autres corps soient attirés ou poussés vers lui. Attractio. Il y a des pompes qui font leur effet par attraction, & d’autres par compression. Tous ces termes sont en quelque sorte consacrés à la physique. Les Philosophes Cartésiens ne reconnoissent point de mouvement par attraction, mais seulement par impulsion. Ils prétendent qu’on n’a aucune idée de cette cause particulière du mouvement qu’on appelle attraction. Roh.

On peut remarquer dans le cours & dans l’économie de la nature plusieurs sortes d’attractions ; comme celle qui se fait par suction, par laquelle j’ai vu une balle de plomb au fond d’un long fusil exactement travaillé, suivre l’air qu’une personne suçoit à l’embouchure du canon, avec une telle impétuosité & roideur, qu’elle lui cassa les dents. L’attraction de l’eau ou du vin, qui se fait par un Siphon, est semblable à celle-ci ; par son moyen on fait passer une liqueur d’un vase dans un autre sans la troubler, sans en faire monter la lie. Il y a une autre sorte d’attraction qui s’appelle magnétique, par laquelle l’aimant attire le fer. Une autre électrique quand le carabé ou le jayet attire la paille. Une autre de la flamme, quand la fumée d’une chandelle éteinte, attire la flamme d’une chandelle allumée, & la fait descendre pour allumer celle qui est éteinte. Une autre est de filtration, quand un corps humide monte par un autre corps sec, ou que le contraire se fait. Et enfin quand le feu ou quelque chose chaude attire l’air, & ce qui est mêlé avec lui. Digby. Discours sur la Poud. Symp. p. 74, 75.

L’Attraction, dans la Philosophie ancienne, étoit une qualité inhérente aux corps, en vertu de laquelle ils agissent sur d’autres corps éloignés, & les tirent à eux. Dans la Philosophie Newtonienne, on entend par attraction, un principe indéfini, en vertu duquel toutes les parties, soit d’un même corps, soit de corps différens, tendent les unes vers les autres ; ou, pour parler plus exactement, l’attraction est l’effet d’une puissance par laquelle chaque particule de matière tend vers une autre particule.

L’Attraction est active, passive, ou mutuelle.

☞ Exercer une attraction active sur un corps, c’est être cause du mouvement accéléré de ce même corps abandonné à lui-même. C’est ainsi, disent les Newtoniens, que la terre exerce une attraction active sur une pierre jetée en l’air, parce qu’elle est cause de la chute accélérée de cette pierre.

☞ Souffrir une attraction passive de la part d’un corps, c’est être obligé de tomber vers ce corps : c’est tendre vers ce corps quelque soit la cause de cette tendance. Une pierre jetée en l’air souffre une attraction passive de la part de la terre, parce qu’elle est obligée de tomber vers la terre. Il en est de même, non-seulement de tous les corps sublunaires, par rapport au globe terrestre, mais encore de tous les corps qui tournent autour du soleil par rapport à cet astre. Les premiers abandonnés à eux-mêmes tomberoient sur la terre, & les seconds se précipiteroient dans le soleil.

☞ Deux corps exercent l’un sur l’autre une attraction mutuelle, lorsqu’ils tendent à se joindre l’un à l’autre, & lorsque pour en venir à bout, ils sont obligés de faire chacun une partie du chemin qui les sépare.

☞ Les Newtoniens apportent plusieurs preuves de cette gravitation ou attraction mutuelle entre tous les corps qui composent l’univers. Celles qui sont tirées du flux de la mer & des irrégularités que l’on observe dans le mouvement des corps célestes, peuvent passer pour les meilleures.

☞ Ne pas reconnoître que les corps s’attirent mutuellement, & sont portés les uns vers les autres par une loi générale que la nature a établie, c’est vouloir faire revivre les qualités occultes de l’ancienne école, ou adopter les chimères brillantes de l’ingénieux Descartes, qui donne pour cause de la gravité des corps une matière environnant ces corps.

Attraction magnétique. Si l’on présente le pôle boréal d’un aimant au pôle méridional d’un autre aimant, ces deux aimans s’attireront, parce que ces deux aimans ainsi placés, sont chacun entourés d’une atmosphère homogène : leurs atmosphères se touchent, se confondent, prennent la figure ronde, & chassent les deux aimans à leur centre commun. La même chose arrive à deux gouttes d’eau qui ne sauroient se toucher sans se confondre & prendre la figure ronde.

☞ Par une raison contraire, ces deux aimans se fuieroient si l’on présentoit le pôle boréal de l’un au pôle boréal de d’autre, parce qu’alors les atmosphères de ces deux aimans deviennent hétérogènes, non pas quant à la matière dont ils sont composés, mais quant à la direction des corpuscules magnétiques. Ces atmosphères hétérogènes ne sauroient donc se mêler ensemble, lors même qu’elles se touchent, de même que l’eau & l’huile se touchent sans se confondre.

☞ On voit par-là que l’attraction magnétique est bien différente de l’attraction Newtonienne. Celle-ci a pour cause une loi générale du créateur. Celle-là est l’effet d’un fluide magnétique sorti des pôles de la terre, & répandu autour de la pierre d’aimant. Voyez Aimant.