Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AVARIE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 621-622).
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AVARIE. s. f. Terme de Marine. C’est le dommage arrivé à un vaisseau, ou aux marchandises dont il est chargé, depuis le départ, jusqu’au retour. Damnum, jactura, detrimentum. On répute aussi pour avaries, les dépenses extraordinaires & imprévues faites pendant le voyage, soit pour le vaisseau, soit pour les marchandises, soit pour le tout ensemble. Il y a des avaries simples, qui sont les dommages arrivés aux marchandises par leur vice propre ; comme l’empirance, pourriture, dégât, mouillure d’eau, visite, & appréciation, ou pour les fauves, &c. dont la répartition ou contribution se fait au marc la livre entre l’assuré & les assureurs, & seulement sur les choses qui ont souffert le dommage. Les avaries ordinaires, sont les emballages, enfonçages, chariages, droits de celui qui fait ou adresse la cargaison, & le coût de l’assurances. Les autres avaries sont grosses & communes, comme toutes celles qui aviennent par tourmente, ou par la faute du maître du navire, pour pilotage, touage, lamanage, ancrage, & par un second fret qu’on est obligé de faire des vaisseaux ou alléges quand le navire a touché. Elles sont réglées au sou la livre, tant sur les propriétaires du vaisseau, que des marchandises. Elles sont réglées dans le titre IV, du livre III de l’Ordonnance de la Marine de 1681. Toutes ces distinctions y sont marquées précisément. On appelle aussi avarie commune, ou grosse avarie, celle qui avient par jet des marchandises, pour cables, voiles ou mats coupés pour le salut commun.

Il y a deux sortes d’avaries, dit un Auteur qui a fait un traité ou une dissertation sur les avaries ; l’une commune, & l’autre qu’on nomme grosse. La première est celle à laquelle les marchandises seules contribuent ; la seconde, où le vaisseau & les marchandises contribuent. Pour que la grosse ait lieu, il faut, dit le même Auteur, 1o. Que quelque chose ait été jetée en mer. 2o. Qu’au temps qu’on l’a jeté, il y eût une nécessité grande & inévitable de le faire. 3o. Que le Gouverneur ne l’ait fait qu’après avoir consulté les Marchands. 4o. Que cela ait été fait pour le salut commun de tout le navire. 5o. Qu’en conséquence le navire se soit sauvé & soit arrivé à bon port. Dans ces cas, tous ceux pour l’intérêt desquels la chose a été jetée en mer, doivent contribuer au dédommagement de celui à qui elle appartenoit ; tout doit entrer en contribution, même les pierres précieuses & les bijoux, qui ne chargent point le vaisseau, les esclaves & le navire même ; mais non pas les têtes libres, ni les vivres, nec Nautarum locaria. L’estimation se doit faire par des Experts. Il faut y distinguer les choses qui ont été jetées en mer, & celles qui ont été conservées. Le prix des premières doit être réglé sur ce qu’elles ont été achetées, & celui des secondes, sur ce qu’elles peuvent être vendues. Pour l’argent, il en faut considérer la valeur intrinsèque & l’extrinsèque. Rainoldus Christian. à Derschau in Nov. Mart. Balt. 1700, jul. p. 200.

Avarie, signifie aussi un droit qui se paye pour l’entretien d’un port, par chaque vaisseau qui y mouille. Mornac, sur la Loi 4. Dig. ad Legem Rhodiam de jactu, dit que ce mot est corrompu du grec βᾶρις, qui signifie Navire chez les Ioniens. Les Italiens & les Espagnols se servent du même terme.

Cela s’appelle en allemand haveren, d’où l’on a fait havaria, pour exprimer la même chose en latin. Ce mot, dit un Auteur Allemand, vient de hafen, qui signifie port. Les Espagnols appellent ce droit, El Gasto de haberia ; & D. Juan Solerzano, dans son ouvrage De Indiar. Gubernat. L. IV, c. 1, prétend que ce nom vient de l’Espagnol haber, bien, ou haberes, biens, qui vient du latin habere. Voyez ce qu’il en dit au même endroit. Les Espagnols disent en latin haberia, & non pas haveria, comme dans le Nord.