Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/B

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 681-682).
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B s. m. Est la seconde lettre de l’Alphabet, dans notre langue, & dans plusieurs autres, comme l’Hébraïque, la Chaldaïque & la Syriaque, l’Arabique, la Grecque, la Latine, &c. C’est la neuvième dans l’Alphabet Ethiopien, tel que Ludolf l’a disposé ; la 26e dans l’Arménien, &c. Le B est la première des consonnes. La prononciation du B approche un peu du cri & du bêlement des moutons : il n’y a de différence que celle qui est entre bé & bê.

La figure de cette lettre est prise des Latins, qui l’avoient prise des Grecs. Le b majuscule est tout-à-fait semblable au grand Βῆτα des Grecs, & notre petit approche fort du petit βῆτα des Grecs. Ceux-ci l’avoient eu des Phéniciens, dont Cadmus apporta les caractères en Grèce. Le Beth Phénicien, ou le Beth de l’ancien Hébreu ; car les Phéniciens & les Hébreux, avant la captivité de Babylone, avoient le même caractère & la même langue : ce Beth, dis-je, étoit à peu-près la même chose que le Βῆτα des Grecs. Il a la pance d’en-haut & la moitié de celle d’en-bas ; les Grecs n’ont fait que la fermer. Nous la trouvons souvent sur les médailles Hébraïques presque fermée, & ayant quasi la forme de ce β des Grecs. Voyez la Dissertation du P. Souciet Jésuite, sur les médailles Hébraïques.

Pierius, dans ses Hiéroglifiques, Liv. XLVII, ch. 28, dit, que les Egyptiens exprimoient par la figure d’une brebis le son que nous exprimons par le caractère B, parce que la brebis exprime presque ce son en bêlant, comme nous disions tout à l’heure.

Le B est une des lettres que les Grammairiens Hébreux, Chaldaïcs, Syriacs & Arabes, appellent labiales, labiales, parce que les lèvres, labia, sont principalement employées dans la prononciation de cette lettre. Le B a beaucoup d’affinité avec d’autres lettres aussi labiales, qui sont le V consonne, le P & le Φ des Grecs, ou notre F, que nous tenons des Latins. De-là vient que dans les manuscrits le B & l’V sont souvent mis l’un pour l’autre ; que les Arméniens ont très-souvent mis le B pour le P, & le P pour B, & qu’ils disent, par exemple, Betrus au lieu de Petrus, Bolus au lieu de Paulus, & Aprahamui, pour Abraham. Ludolf a remarqué la même chose des Orientaux en général. Voyez encore sur ces changemens M. Spanheim le Médailliste, pag. 120 & 128. Le même changement est souvent arrivé en arabe & dans les autres langues. De-là vient encore que dans la prononciation latine on ne distinguoit pas fort le B & le V, comme Saint Augustin l’indique quelque part, & comme il paroît par les manuscrits, où nous trouvons amabit pour amavit, & amavit pour amabit, Berna pour Verna, ou autres semblables. C’est sur cela qu’étoit fondée l’équivoque d’Aurélien sur l’Empereur Bonose, grand buveur : Non ut vivat natus est, sed ut bibat. Les Espagnols & les François même, voisins d’Espagne, comme les Gascons, ont conservé cet usage, ne mettant guère de différence entre le B & le V consonne. Il en faut mettre cependant en françois pour bien parler. Le B a un son plus fort ; & pour le prononcer, il faut commencer par fermer entièrement les lèvres, & les presser même un peu l’une contre l’autre, au lieu que pour prononcer le V consonne, il ne faut pas même les fermer entièrement. Plutarque, dans ses questions grecques, dit que les Macédoniens changeoient le φ en Β, & prononçoient Bilippe, Balacre, & Béronice, pour Philippe, Phalacre, & Phéronice. Au contraire, ceux de Delphes à la place d’un π mettoient un B, disant βαθειν pour παθειν ; & βικρόν pour πικρόν, aussi-bien que les Æoliens, comme le même Auteur nous l’apprend, Symposiac, Lib. VI, quest. 8. Les Latins disoient suppono, oppono, au lieu de subpono, obpono, & prononçoient optinuit quoiqu’ils écrivissent obtinuit, comme l’a remarqué Quintilien. Ils faisoient aussi scripsi & scriptum de scribo, &c. Les Latins ont aussi fait quelquefois le changement non-seulement du B en P, & du P en B, mais encore du F, ou PH, en B. Ainsi on trouve Bruges pour Phryges, & dans l’ancienne inscription rapportée par Gruter, p. DCCCLXXXVI, n. 16. obrendario, pour ofrendario : ce qui montre que le son du B n’étoit pas fort différent du F & du V consonne.

La lettre B est une de celles que M. l’Abbé Dangeau, dans ses Essais de Grammaire, appelle foibles, lesquelles sont précédées par une petite émission de voix, ou d’un petit mouvement de bouche, & qui par conséquent ne peuvent être employées qu’au commencement des syllables, & ne peuvent jamais terminer un mot dans la prononciation. Desorte que, pour ne parler ici que du B, s’il est à la fin du mot, comme dans Aminadab, Joab, on le changera naturellement en la lettre forte qui lui répond, c’est-à-dire, en P, & l’on prononcera Aminadap, Joap, où si l’on veut s’efforcer à prononcer le B, on ajoutera nécessairement après, un petit e féminin, pour donner lieu à la prononciation du B ; Aminadabe, Joabe. C’est ce que les Hébreux appellent scheva, & qu’ils supposent se trouver sous toutes ces consonnes finales.

Les lettres foibles, & les lettres fortes, ont encore une propriété ; c’est que pour que deux de ces consonnes se prononcent l’une auprès de l’autre, il faut qu’elles soient de même force ; c’est-à-dire toutes deux fortes, ou toutes deux foibles ; en sorte que si l’une est forte & l’autre foible, il faut que l’une ou l’autre se change, & devienne forte ou foible, selon que l’autre l’est ; & c’est toujours la seconde qui fait changer la première. Ainsi, parce que le B est la lettre foible, & que le P est la lettre forte qui lui répond ; dans ces rencontres, le B se change en P, ou le P en B. C’est pourquoi, bien que nous écrivions observer, obtenir, absoudre, nous prononçons néanmoins opserver, optenir, apsoudre, comme s’il y avoit un P. Quintilien a remarqué que la même chose se faisoit en latin. Voyez son Liv. I, ch. 7. C’est encore pour cela que lorsque pour faire ἔβδομος, septieme, d’ἑπτα, sept, on a changé le Τ en Δ ou on a aussi changé le Π en Β.

Enfin le B, dit encore M. l’Abbé Dangeau, s’il est passé par le nez, devient un M. Ainsi un homme qui est fort enrhumé, qui a le nez embarrassé, qui est fort enchifrené, ne pouvant faire passer les lettres par le nez, met des b, où il faut prononcer des m, & il dit, par exemple, Je ne sçaurois banger de bouton, au lieu de dire, Je ne sçaurois manger de mouton. Le B, en passant par le nez, doit s’affoiblir, ou tout au moins sa prononciation ne sera pas si distincte qu’elle étoit. Si donc elle a à soutenir la prononciation d’une liquide, comme L & R, il faudra qu’elle reprenne sa nature de B. C’est pour cela que quand Tremulus est devenu François, & que dans le passage perdant le V, le M & le L se sont trouvées immédiatement l’une auprès de l’autre, le M s’est changé en B, trembler ; & de même dans similis, semblable ; camera, chambre ; cucumer, concombre ; rememorari, remembrer ; cumulus, comble, humilis, humble. J’ai dit que le M se change en B ; car le M qui s’écrit dans ces mots n’est pas le M des mots latins, ni proprement une consonne ; mais elle fait une voyelle avec celle qui précède, selon les principes de M. l’Abbé Dangeau, qui sont très-vrais, & dont nous parlerons en temps & lieu. Tout ceci est extrêmement à remarquer pour la connoissance de l’origine des mots, & des étymologies.

Le B en François se trouve au commencement & au milieu des mots après toutes les voyelles & toutes les diphtongues, comme dans battre, befroi, bille, bon, bulbe, courbaton, courbe, corbillon, jambon, courbure, oublier, aubeine, aubier, bouline, &c. mais il ne se trouve jamais à la fin des mots, s’il n’est suivi au moins d’un e muet, comme dans aube, bulbe, &c. Car dans les mots étrangers même, que l’usage a conservés tout entiers sans y faire aucun changement, & dans lesquels nous n’écrivons point d’e après le b final, tels que sont ceux-ci Aminadab, Caleb, Eliasib, Jacob, Béelsebub, nous ne laissons pas d’en prononcer un, ainsi qu’on vient de le dire.

B. Nom subst. qu’il faut prononcer . C’est le nom propre de cette seconde lettre de l’Alphabet.

B, chez les Anciens, étoit une lettre numérale qui signifioit 300, suivant ce vers.

Et B tercentum perse retinere videtur.

Quand on mettoit une ligne par-dessus, elle signifioit trois mille. Le B chez les Grecs ne signifie que deux. Il se trouve souvent sur les médailles pour marquer des époques. On s’en est servi aussi pour marquer 200, en ajoutant une espèce d’accent dessous. Chez les Hébreux il se prenoit aussi pour deux. C’est pour cela que dans les médailles hébraïques frappées du temps du Grand-Prêtre Simon, on trouve en ancien caractère hébreu שב ; c’est-à-dire, שנת השבי ; anno secundo.

On dit d’un homme ignorant, qu’il ne sait ni A ni B. Voyez la lettre A. On dit aussi d’un homme malin, qu’il est marqué au B ; pour dire, qu’il est borgne, ou bossu, ou boiteux ; parce que ceux qui sont tels, sont ordinairement malins. Mais cela se doit mettre au rang des proverbes.

B. En termes de Calendrier, la seconde des sept Lettres dominicales.

B sur les monnoies. C’est le caractère par lequel on distingue les monnoies fabriquées dans la ville de Rouen. Le double BB est la marque de la monnoie de Strasbourg.

B, dans l’Alphabet chimique, désigne le mercure suivant Raymond Lulle.

B quarre, & B mol, sont des termes & des marques de Musique. Voyez Bécarre & Bémol.