Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BÂTON

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 798-800).

BÂTON. s. m. Morceau de bois rond, long & menu, qui sert ordinairement pour s’appuyer en marchant. Baculum, bacillum, baculus, scipio. Les vieilles gens, les estropiés, se soutiennent sur un bâton, marchent avec un bâton, sont réduits au bâton. Le Cardinal Bona remarque, dans son Traité des Liturgies, qu’autrefois ceux qui avoient un bâton dans l’Eglise pour se soutenir, étoient obligés de le quitter, & de se tenir debout, droits & fermes, lorsqu’on lisoit l’Evangile, pour montrer le respect par leur posture, & faire connoître qu’ils étaient prêts à obéir à J. C. à aller où il leur commanderoit. Les Philosophes autrefois avaient un bâton & une besace, ce qui leur fit donner le nom de Bactoperates. Voyez ce mot.

Ménage dérive ce mot de bastone, qui a été fait de bastum, qui s’est pris pour un bâton, avec lequel on porte des fardeaux. C’est de-là qu’il fait aussi venir nastion & bastille ; bast & bastir. Nicot le dérive du grec βάκτρον, ou du latin batuo, batuis, qui signifie battre. Le P. Pezron, qui tire tout du celtique, le dérive de bach, ou bagl, mot celtique qui a la même signification.

Bâton est une arme naturelle, offensive & défensive, quand on se bat à coups de main. Fustis. Ces paysans se sont battus à coups de bâton. Ils étaient armés de piques & de bâtons durcis au feu. Vaug. Les Lacédémoniens ne portoient point d’épée pendant la paix, & se contentoient d’un gros bâton courbé, qui leur étoit particulier. La correction par les coups de bâton étoit la moins sévère que les Romains exerçassent sur leurs esclaves ; parce qu’ils les recevoient sur les habits. S. Evr. C’est un plus grand affront d’être battu à coups de bâton qu’à coups d’épée : l’épée est l’instrument de la guerre, & par conséquent il est honnête : le bâton est l’instrument des outrages, & par conséquent il est infâme. Le Mait.

Par le dixième article du Règlement de Messieurs les Maréchaux de France, sur diverses satisfactions & réparations d’honneur, du 22 Août 1656, il est dit : pour les coups de bâton, ou autres pareils outrages, l’offensant tiendra prison un an entier, & ce temps ne pourra être modéré, sinon de six mois, en payant trois mille livres, applicables à l’Hôpital le plus proche du lieu de la demeure de l’offensé ; outre cela l’offenseur est obligé de demander pardon à genoux à l’offensé, & à être prêt à recevoir pareils coups de bâton qu’on pourra en certaines occasions obliger l’offensé de lui donner, quand il auroit la générosité de ne pas faire. Par règlement des Maréchaux de France du 22 Juin 1679, celui qui donne des coups de bâton après avoir reçu un soufflet, ou des coups de main dans la chaleur d’un démêlé, est condamné à deux ans de prison & à quatre, s’il n’a point été frappé le premier de la main. Par un édit du Roi de 1666, les épées en bâtons à ferremens sont défendues. Le Duc Louis d’Orléans, ennemi du Duc Jean de Bourgogne, portoit pour devise dans ses banderolles un bâton épineux & noueux, avec ce mot : Je l’envie ; par lequel il vouloit dire que où il frapperoit, la bugne y leveroit. Le Duc de Bourgogne, pour y répondre, faisoit peindre un rabot dans ses bannières, voulant dire qu’il raboteroit & applaniroit le bâton noueux du Duc d’Orléans. Parad.

Parbleu je le ferois mourir sous le bâton,
S’il m’avoit soutenu des faussetés pareilles. Mol.

Bâton, est quelquefois une marque de commandement. Le bâton de Maréchal de France, est un bâton fleurdelisé, que le Roi envoie à celui qu’il fait Maréchal : & on dit absolument, il aspire au bâton, il a eu le bâton ; pour dire, qu’un homme aspire à cette dignité, ou que le Roi l’a fait Maréchal de France. Bacillum Marescalli.

Il y a aussi des bâtons de Maître d’Hôtel, de Capitaine des Gardes, d’Exempts, qui sont faits diversement, & qu’un homme met en sautoir sous l’écu de ses armes, pour marque qu’il est revêtu de ses charges. Bacillus, radius.

Autrefois ceux qui enseignoient Homère, & qu’on nommoit Ῥαψῳδοί, avoient un bâton rouge, quand ils expliquoient l’Iliade ; & un bâton jaune, quand c’étoit l’Odyssée.

Bâton, se dit des choses qui ressemblent au bâton, quoiqu’en très-petit volume. Un bâton de casse, un bâton de cire d’Espagne. Le petit bâton d’un Charlatan.

Bâton, se dit aussi des véritables armes montées sur un fût ou hampe. Hastile ferreâ cuspide utrinque præfixum. C’est une bonne arme qu’un bâton à deux bouts. Les mousquet, les fusils, les arquebuses, sont appelés des bâtons à feu.

Bâton, se dit aussi de toute sorte de bois menu qui sert à brûler. Ligna virgulta. Un bâton de fagot, de cotret. Un bâton de gros bois : c’est autrement un rondin ; car quand le bois est fendu par quartier, on l’appelle bûche.

Bâton augural. C’étoit un bâton tourné par le haut en forme de crosse, que portoient les Augures. Lituus auguralis. Ils s’en servoient pour partager le Ciel, afin de faire leurs observations. On en voit sur des médailles.

Bâton à deux bouts. C’est un fût ou hampe de bois, ferré par les deux bouts, en pointe ; à quelques-uns même, le fer rentre dans la hampe par le moyen d’un ressort, & en sort, lorsqu’on secoue le bâton un peu ferme. Le fût ou hampe est d’un brin de bois bien droit & bien uni, un peu plus pesant & plus grand que celui d’une pique. Sa longueur est de six pieds & demi, entre les viroles qui accollent les deux pointes taillantes hors du bâton, de quatre pouces & demi. Les gardes des forêts & des parcs s’en servent comme d’une arme.

Bâton de cage. C’est un petit morceau de bois que l’on passe de travers dans la cage, pour que l’oiseau puisse s’y percher. Il est d’une grande importance que les bâtons de la cabane (des serins) soient bien stables, afin qu’ils ne puissent tomber, sur-tout lorsque le mâle va après sa femelle ; ce qui feroit faire une quantité d’œufs clairs à la femelle. Hervieux.

Bâton de chaise. Morceau de bois épais de deux ou trois pouces, & long de six ou sept pieds, qu’on met dans les portans de la chaise, pour la soulever & la porter par la ville, Vectis,

Bâton de chasse. Il se dit de ceux que l’on porte quand on va courre. Salnove.

Bâton de Confrérie. C’est un bâton qui sert à porter aux Processions l’image de quelque Saint, ou la représentation de quelque Mystère, pour le faire voir au peuple : & l’on appelle une fête à bâtons, celle on célèbre la fête du Saint qui est au bout de ces bâtons.

Bâton de croisure. C’est un bâton rond ordinairement, de bois de saule. On en fait de diverses longueurs, mais tous d’un pouce de diamètre Les Hautelissiers s’en servent pour croiser les fils de leurs chaînes.

Bâton de la Croix, est un bâton qui sert à porter la Croix dans les processions. Baculus.

Bâton à gants. Manière de grand fuseau, dont le Gantier se sert pour donner plus de forme aux gants, quand ils sont faits. Bacillum.

En termes de Géométrie, on appelle Baton de Jacob, un instrument qui sert à prendre les hauteurs, ou les distances, par les angles. Badius astronomicus. Il est composé de deux règles divisées en plusieurs parts égales, qui se coupent à angles droits, qui sont mobiles dans une boîte ou charnière qui les tient fermes. Aux extrémités il y a des pennules pour faire des observations justes. C’est la même chose que l’arbalête dont on se sert sur la mer. Il est apparemment ainsi appelé, parce que les divisions du monde ne ressemblent pas mal aux degrés d’une échelle pareille à celle que Jacob eut en vision, qui alloit jusqu’au Ciel. On le nomme aussi sur la mer Verge d’or, Radiomètre, & Rayon astronomique. Son traversier s’appelle marteau. On peint les anciens Astronomes avec un bâton de Jacob à la main.

En termes de joueurs de Marionnettes & de Gobelets, on appelle aussi bâton de Jacob, le petit bâton dont ces sortes de gens se servent pour faire leurs tours de passe passe.

Bâton de Jauge. Voyez Jauge.

Bâton à mèche. On nomme ainsi, en termes de Marine, une mèche que l’on entretient toujours allumée sur le château d’avant d’un navire.

Bâton de la mort. Le peuple appelle ainsi le cierge bénit qu’on met à la main des mourans.

Bâton Pastoral, est la crosse d’un Evêque qu’il porte à la main dans les jours de cérémonie. Pedum pastorale. Les Auteurs de la vie de saint Césaire disent qu’il avoit un Clerc chargé de porter le bâton pastoral de l’Evêque, & que cette fonction appartenoit aux Notaires. Un Evêque après avoir rappelé les brebis égarées avec la voix du Pasteur, les peut frapper du bâton pastoral, quand elles ne veulent pas se rendre à cette voix. P. Gail. Les Chantres ont aussi des bâtons de cérémonie, qu’ils portent en officiant. Les bâtons de Chantres sont la représentation des bâtons que portoient autrefois les Hébreux quand ils mangeoient l’Agneau Palchal ; sur quoi Honoré d’Autun remarque que les Chantres qui tenoient leur bâton de la main pendant la Messe, le quittoient lorsqu’on lisoit l’Evangile, parce que la publication de l’Evangile a fait cesser les cérémonies des Juifs. Les cresses & bâtons d’argent doivent être contremarqués aux vases, fonds de lanterne, dômes, douilles & croisillons.

Bâton rompu, est une manière de tapisserie, qui représente plusieurs bâtons qui sont rompus & entremêlés l’un dans l’autre. On en fait aussi des ornemens d’architecture & de menuiserie, des dispositions de panneaux de vitres en façon de bâtons rompus.

Bâton rond. C’est ainsi que les ouvriers en gaze appellent un gros bâton qui est au bas de leur métier, & qui le traverse dans sa largeur. Il sert à foncer, ou faire baisser la soie.

Bâton à sasser, signifie, en termes de Boulanger & de Pâtissier, un bâton que l’on met sur une huche ou pétrin, le long duquel on conduit le tas, lorsqu’on veut tirer la farine au fin.

Bâton, en termes d’Architecture, se dit d’un gros anneau ou moulure en saillie, qui est un ornement de la bâse des colonnes, qu’on appelle autrement tore, ou bosel. Torus.

Bâton, ou rouleau. Instrument dont on se sert chez les Fondeurs en sable & en terre, pour corroyer ces deux matières, dans lesquelles ils ont coutume de faire leurs moules. Ce bâton est en forme de cylindre, long de deux pieds & de deux pouces de diamètre.

Bâton, en termes de Marine, s’applique à diverses choses. Bâton de pavillon, ou d’enseigne, est un petit mât qui sert à arborer le pavillon. On met aussi ces bâtons sur la poupe du vaisseau. Bâton de girouette, est un petit mât, où la verge de fer qui tient la girouette est plantée. Bâton de flamme, le bâton où la flamme est attachée au haut du mât.

Bâton, en termes de Blason, se dit d’une espèce de bande qui n’a que le tiers de sa largeur ordinaire, ou la moitié d’un cotice, qu’on appelle brochant sur le tout, quand il passe sur d’autres pièces, ou sur différentes partitions de l’Ecu. Scutarius radius longior ; quand il est raccourci & vraiment alaisé, on l’apelle péri en bande, ou absolument péri, & péri en barre. Le bâton péri en bande est de droite à gauche ; le bâton péri en barre est de gauche à droite : ce dernier est mis ordinairement pour les bâtards. Accisus.

Bâton en musique, est une barre épaisse qui traverse perpendiculairement une, ou plusieurs lignes de la portée, & qui, selon le plus ou le moins de ces lignes qu’elle embrasse, exprime un plus grand ou moindre nombre de mesures qu’on doit compter en silence.

☞ On appelle bâton de mesure, un bâton fort court, ou un simple rouleau de papier, dont le Maître de musique se sert pour battre la mesure.

Bâton, dans la Coutume de Troyes, se prend pour le berger qui garde un troupeau, ou pour la garde d’un troupeau ; de sorte qu’un troupeau est sous un seul bâton, quand il est conduit par un seul pasteur.

Bâton, se dit figurément en ces phrases : bâton de vieillesse, est le jeune parent, ou ami, dont le vieillard espere du secours & de l’assistance sur ses vieux jours. Præsidium columen. On dit aussi qu’un homme en mene un autre le bâton haut, le bâton à la main ; pour dire, qu’il lui commande avec autorité & vigueur, ou qu’il lui fait faire quelque chose par force.

Bâton, se dit proverbialement en ces phrases : il a été réduit au bâton blanc ; pour dire, il a été absolument ruiné, & contraint de sortir de sa maison avec un bâton à la main. On dit aussi, il crie comme un aveugle qui a perdu son bâton ; pour dire, qu’il crie comme s’il avoit perdu une chose dont il avoit grand besoin. On dit aussi de celui qui n’a pas les choses les plus nécessaire à sa profession, comme un Apothicaire sans sucre, que c’est un aveugle sans bâton.

On dit encore qu’un homme est bien assuré de son bâton, lorsqu’il a de bons garants de ce qu’il dit, ou de ce qu’il fait, & lorsqu’il est sur du succès de quelque entreprise. On dit aussi, tirer au bâton avec quelqu’un, pour dire, contester quelque chose avec lui, comme d’égal à égal. On dit aussi, faire une chose à bâtons rompus ; pour dire, après plusieurs reprises & interruptions, par une métaphore tirée des desseins semblables de tapisserie. On dit aussi d’un homme sans défense, qu’il n’a ni verge ni bâton. On appelle le tour du bâton, les profits illicites qu’on fait secrétement & avec adresse dans une charge, dans une commission, dans un maniment, par une métaphore apparemment tirée des Charlatans, qui font mille subtilités qu’ils attribuent à la vertu de leur petit bâton : mais Bélinghin estime que ce proverbe vient de ce qu’on parle à l’oreille & d’un bas ton, lorsqu’on fait des offres à quelque domestique pour le corrompre, & lui faire faire quelque chose qui nuise à son maître. D’autres disent qu’il vient des Maitres d’Hôtel, qui portent un bâton pour marque de leur charge, parce qu’ils sont sujets à serrer la mule. Voici une autre origine de ce proverbe. Dans les commencemens que les Bureaux où se lèvent les droits du Roi furent établis, les Commis étoient en usage, lorsqu’ils surprenoient quelqu’un qui fraudoit les droits du Roi, de faire sonner bien haut l’amende prescrite par les Ordonnances, & puis se radoucissant, ils disoient au coupable en baissant la voix : nous vous remettons la moitié de l’amende que vous devez, & nous nous contentons de convertir l’autre moitié à notre profit. Payez-là vite sans vous faire tirer l’oreille, & admirez notre bonté. On dit aussi, faire sauter le bâton à quelqu’un ; pour dire, l’obliger à faire quelque chose contre sa volonté, par une métaphore tirée aussi des Charlatans, qui font sauter un bâton à des singes & à des chiens qu’ils ont dressés à cela, en les menaçant du bâton. On dit aussi, Martin bâton, en parlant d’un bâton dont on frappe les ânes qu’on appelle Martin, comme si on disoit le bâton à Martin. Autrefois on disoit, bâton porte paix quant à soi.

Fert secum placitæ baculus pia fœdera pacis.


Pour marquer qu’on n’attaque point ceux qui sont en état de se défendre.

On dit proverbialement, bâton ferrat & non ferrat ; pour dire, toutes sortes d’armes. Les paysans de ce vilage sortirent sur une troupe de voleurs, avec bâton ferrat & non ferrat.

Bâton, dans la Nouvelle Angleterre, a 306°, 56′, 18″ de longitude, & 42°, 25′, 0″ de latitude nord. Harris. C’est la même chose que Bouton.

Bâton, s. m. Ecuyer d’Amphiaraüs qui fut englouti avec son maître. Il eut aussi une chapelle dans le temple de ce demi-Dieu.