Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BÉCAFIGUE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 827-828).
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BÉCAFIGUE. s. m. Becfigue est plus doux & plus usité. On dit aussi Beccafi par apocope, ou par abréviation, & au pluriel Beccafis. Petit oiseau très-délicat, & commun en Provence & en Syrie. Ficedula. Il se nourrit de figues & de raisins, ce qui a donné lieu à ces vers de Martial.

Cùm me ficus alat, cùm pascar dulcibus uvis,
Cur potiùs nomen non dedit uva mihi ?

Il est fort gras, & sa graisse est dedans, dehors & dans la substance même de sa chair. Il est d’une seule couleur, gris-clair. Il vit neuf à dix ans. On l’appelle à Marseille tête-noire. Ils viennent en Septembre dans les lieux où il y a des figues & des raisins, & s’en vont en Novembre, tant en Syrie qu’en Provence, où ils sont très-communs. Il y en a une si grande quantité dans l’île de Chypre, qu’on les marine au vinaigre dans des barils, & l’on en fait commerce. Il s’en débite beaucoup à Venise. C’est-là le beccafi commun.

Toutes les viandes sont à grand prix à Smyrne & très-bonnes, & sur-tout les bécafigues, qui, comme je crois, sont les véritables ortolans. Il y en a une si grande quantité, qu’en une après-dinée aux environs de la ville j’en ai tué deux douzaines sur les térébinthes dont ils aiment particulièrement le fruit, du Loir, p. 16.

Il y a encore un autre beccafi, ou beccafigue, qui est un oiseau parfait, rare, & peu connu en France. Boccaticus canepinus, ou Ficedula canepina. Il siffle fort bien, & contrefait le chant de plusieurs oiseaux, & entre autres de la fauvette & du rossignol. Il y en a par-tout, quoique nous n’en nourrissions point en France. Mais en Lombardie on a trouvé le moyen d’en élever & d’en tenir en cage. Son pennage est un peu plus rougeâtre que celui du beccafi commun. Il fait son nid dans les buissons, ou arbrisseaux, ou bien dans quelque épine bien épaisse, avec des écorces de vigne & des racines d’herbes. Il fait jusqu’à cinq petits, mais communément quatre. On le nourrit comme le rossignol ; il vit jusqu’à dix ans. Cet oiseau est semblable par tout le corps aux fauvettes. Il est presque par-tout d’une couleur cendrée, tirant sur le brun, principalement par le dos, & par les parties de dessus. Sa poitrine est jaunâtre, & ses pieds noirs. Voyez Olina dans son Traité des oiseaux qui chantent.

D’autres croient avec Aristote, Hist. des Anim. L. IX, c. 49, que c’est le même oiseau qui change de chant & de nom, & même, selon Pline, de forme & de plumage deux fois l’année ; qu’en Autonne, au temps des figues, les Grecs le nommoient Συκελὶς, & les latins Ficedula ; qu’après l’Autonne son plumage change, & brunit sur la tête ; les Grecs le nommoient Μελαγκορυφός, & les Romains Atricapilla. Cet oiseau a aussi deux noms en France. On le nomme en Autonne becfigue ; dans les autres saisons, pivoine : les Italiens de même le nomment beccafico en Autonne, quand les figues sont mûres, & qu’il en mange & le reste de l’année caponero. D’autres en mettent encore une troisième espèce qui a le dessus de la tête roux-obscur, & qu’on appelle tête-rousse.

Turnerus rapporte qu’en Angleterre il n’y a point de beccafis. Aristote dit que le beccafi fait son nid dans les arbres, & il ajoute, aussi-bien que Pline, que cet oiseau est extrêmement fécond, & qu’il fait plus de vingt œufs. Ils entendent parler du beccafi commun. Voyez encore au mot Pivoine quelques autres espèces de beccafigues.

Les Anciens faisoient grand cas des becfigues, comme on le peut voir dans Athénée, L. II, & L. IV, & dans Aulugelle, L. XV, c. 8. Voyez encore Pline, L. X, c. 29. Bruyerin. Compeg. L. IX, c. 44. Aldrov. L. XXVII, ch. 36. Voss, De Idolol. L. III, c. 92. Bochart, Hieroz. P. II, L. I, c. 16. Saumaize sur Solin, p. 238.