Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BALLE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 724).

BALLE. s. f. Petite boule, ou globe à jetter, ou tirer en l’air. Pila. Il s’en fait de plusieurs sortes. Une balle de jeu de paume est faite de petites bandes de laine bien battues, bien liées & bien arondies, & couverte d’une autre bande blanche ou de feutre. Un éteuf est une petite balle couverte de cuir, & pleine de son.

Ce mot est fait de palla, d’où on a fait aussi ballotte, ballon & ballotter. Ménage. Mais Nicot le dérive du grec βάλλω, mitto, j’envoie. Du Cange le dérive de l’Anglois ball.

Balle de mousquet, de pistolet, d’arquebuse à feu ou à vent, & même d’arbalète, se dit de certaines petites balles de plomb, de fer, de pierre, qui servent à charger ces armes. Glans plombea. Une balle de calibre est celle qui est de la même grosseur que le calibre du fusil. Un pistolet chargé de deux ou trois balles. Cette garnison est sortie tambour battant, mèche allumée, balle en bouche, c’est-à-dire, avec le mousquet chargé, & une balle dans la bouche pour recharger prestement.

En Artillerie, quoiqu’on dise ordinairement boulet de canon, néanmoins on dit aussi balle en quelques occasions. Un canon de batterie porte trente-six livres de balle. Dans les saluts de mer, pour faire plus d’honneur, on tire des canons chargés à balle. C’est ce qu’on appelle salve royale.

Balles à feu. Terme d’Artillerie. Elles sont faites de grosse toile remplie de poudre & d’autres matières capables de mettre le feu. Il y en a de plusieurs espèces, selon l’usage auquel on les destine ; les unes sont pour mettre leu feu aux travaux de l’assiégeant, ou aux édifices d’une ville ; les autres pour incommoder les travailleurs : on en fait pour éclairer pendant la nuit, qu’on appelle des balles luisantes. On s’en sert aussi dans les feux d’artifice, d’autres servent à faire une grande fumée ; & d’autres enfin à infecter l’air, ou à répandre de la puanteur ans une mine, ou un souterrain.

Balles luisantes. Terme d’Artillerie & d’Artificier. Voyez Balles à feu.

Balle ramée, se dit à l’égard du mousquet, de deux balles attachées ensemble par un fil de fer : & pour le canon, ce sont deux demi-boulets qui sont joints ensemble par une barre de fer pliée en forme de charnière de compas. Glans veruculo trajecta, glans veruculo cum alia glande trajecta. Ces balles étant sorties s’écartent & coupent des cordes, des voiles, & même des mâts. On les appelle aussi balles à fiches, & anges, ou balles à deux têtes.

Balle, terme de commerce, se dit aussi des marchandises ou meubles qu’on veut transporter au loin, & qu’on empaquette dans de la toile, après les avoir bien garnies de paille pour empêcher qu’elles ne se mouillent, ou qu’elles ne se brisent. Mercium colligatarum fascis. Toutes les marchandises qui viennent aux Foires sont en balles. Il y a des petits Merciers de campagne qui portent des balles sur leur dos.

On appelle aussi des marchandises de balle, celles qui viennent de loin dans des balles, qui sont d’ordinaire fabriquées avec peu de soin par de méchans ouvriers, ou de méchante matière, à la différence de celles qu’on commande aux ouvriers choisis, & qu’on voit faire devant soi. Les pistolets de S. Etienne en Forez sont des marchandises de balle ; ils sont faits de fer aigre & trop à la hâte.

En ce sens on le dit figurément de toutes les choses qu’on méprise, ou qui ne valent rien. Ce sont des nouvelles, des contes de balle.

On appelle aussi une balle de dez, un paquet de dez où il y en a plusieurs douzaines. On a trouvé autrefois dans la besace d’un Cynique une balle de dez, & le portrait d’une Courtisanne. Balzac.

Balle, en termes d’Imprimerie ; c’est un instrument de bois, qui est creux en forme d’entonnoir, avec une poignée au-dessus qui est aussi de bois. Le creux de cet instrument est rempli de laine, laquelle est couverte d’une peau de mouton qu’on trempe dans l’encre, pour toucher sur les formes ou sur les planches. ☞ Lorsque les cuirs neufs refusent l’encre, faute d’avoir été assez corroyés, ce qui fait paroître sur les balles des taches noires & blanches ; on dit que les balles sont teigneuses. On le dit encore si la laine de dedans sort par les bords. Il se forme alors une espèce de duvet qui se mêle avec l’encre, & introduit sur la forme nombre d’ordures qui remplissent l’œil de la lettre.

Balle, en termes d’Agriculture ; c’est la première écorce du grain, une espèce de capsule où il est enfermé. Gluma, folliculus. L’orge mondé n’a plus de balle. Le grain de l’épeautre est fort difficile à tirer de la balle. Balle se dit même plus particulièrement de l’enveloppe de l’avoine. La balle est appelée autrement dans quelques Provinces barboule & borde. La balle est un bon fourrage pour les bestiaux. Ce blé est encore tout plein de balle. Lig.

Balle, ou Ballot de chanvre. L’un & l’autre se dit pour signifier une certaine quantité de queues de chanvre réunies par un lien commun.

On dit proverbialement, au bon joueur la balle lui vient ; pour dire, qu’un homme qui est habile en une profession n’y fait point de fautes, y réussit ordinairement. On appelle Enfans de la balle, les enfans qui suivent la profession de leur pere, & entre autres les enfans d’un Maître de Tripot avec qui il est dangereux de faire partie. On dit aussi prendre la balle au bond ; pour dire, se servir de l’occasion, ne la laisser pas échapper. On dit, la balle cherche le joueur ; pour dire, que les occasions changent d’elles-mêmes pour ceux qui les demandent, & qui en savent profiter. On dit encore, que la balle est en amour ; pour dire, qu’elle est bien renvoyée, qu’elle ne touche pas à terre ; & dans le sens figuré, cela se dit d’une conversation où il y a beaucoup de vivacité. On dit aussi, à vous la balle, ou, à vous le dé ; pour dire, c’est à votre tour à parler, à agir. On dit aussi figurément d’un homme qui s’est saoulé jusqu’à crever, que son estomac est chargé à balle. Il y va balle en bouche, mèche allumée ; c’est-à-dire, qu’il entreprend une affaire ouvertement, & bien résolu de la pousser vigoureusement. Ce sont balles perdues ; c’est-à-dire, ce sont des efforts inutiles. On appelle Rimeur de balle, un Poëte dont les vers sont si mauvais qu’ils ne servent qu’à envelopper des marchandises.

☞ On dit au jeu de paume, la balle la perd, ou la balle la gagne ; pour dire, que celui qui a joué la balle, a gagné ou perdu la chasse.