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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BANDE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 733-735).
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BANDE. s. f. Pièce d’étoffe coupée en longueur, & qui a peu de largeur. Tænia. Les Suisses portent des habits découpés par bandes. Il y a des bandes de velours sur les habits du train de cet Ambassadeur. Dans les guerres civiles des maisons d’Orléans & de bourgogne sous Charles VI, l’Orléanois portoit des écharpes, que le peuple appeloit, comme il fait encore maintenant, bandes. Pasq. Recherch. Liv. VIII, Ch. 51. Le Comte d’Armagnac Connétable avoit pour devise une bande ; c’est pour cela qu’ayant été tué dans la prise de Paris par les Bourguignons, on lui leva une bande de sa peau de la largeur de trois ou quatre doigts depuis les épaules jusqu’au genouil, & on la lui mit en écharpe. Parad.

Bande, est aussi un lien large & plat, servant à lier, serrer ou contenir quelque chose. Fascia. Les bandes d’un enfant en maillot, d’une femme en couche, d’un cautère.

Ménage, après Lipse & Saumaise sur Solin 1130, dérive ce mot de l’allemand bande, qu’ils disent être aussi un mot persan & arabes ; mais que les Persans & les François l’on pris du bas grec bandon, ou du latin bandum, signifiant une enseigne d’une pièce d’étoffe ou de linge, plus longue que large. Bandum se trouve dans la vie de saint Anastase Persan, qui vivoit au commencement du VIIe siècle, & dont la vie a été écrite au même siècle par un Auteur témoin oculaire ; bandum s’y trouve, dis-je, pour signifier un étendard, un drapeau, une enseigne militaire. Voyez Bollandus. Acta SS. Jan Tom. II, p. 439. Un vieux Glossaire grec manuscrit de la Bibliothèque de M. Séguier, cité dans le Glossaire qui est à la tête de l’histoire de Théophilacte Sinéocartes, dit qu’il se tire du latin, & que les Italiens appellent Βάνδα les étendards. Nous ne l’avons donc pas pris du grec moderne bandon, mais plutôt les Grecs ont pris bandon du bas latin bandum, qui probablement s’est formé selon les étymologies qui sont suivre.

Du Cange dit qu’il vient du Saxon bend, dont la basse latinité a fait bende & bendellus, bandeau ; d’où sont venus aussi les mots de banderolle & de bannière, les bandes des gens de guerre, parce qu’ils étoient distingués par bandes & par enseignes. Dans la vie de saint Zite, on trouve Binda dans le même sens ; sur quoi le P. Papebrock remarque qu’il vient de l’allemand Binden, qui signifie lier. Act. Sanct. April. T. III, p. 519. Voyez encore Maii T. IV., p. 389. A. & dans Anastase, sur le retour de Léon III à Rome, on lit, cum signis & bandis, avec les étendards & bannières ; la lettre du Pape Hadrien à Charlemagne ; Procope, de Bello Vand. 2, p. 123, qui appelle Βανδόφοροι, ceux qui portoient les étendards, ou bannières, Liv. II, p. 134. Voyez le Glossaire de Pabretti, qui est à la tête de Cédrenus de l’édit. du Louvre, & celui de Meursius. Ce mot néanmoins ne vient point du grec, comme on l’a déjà dit. Du Cange croit que bande s’est fait de ban, banum, parce que ceux qui mettoient le ban à quelque chose, ou qui mettoient quelque chose au ban, y attachoient un voile, ou un morceau d’étoffe. Enfin d’autres le dérivent de bannar, ancien mot britannique, ou cambrobritannique, qui signifie étendard, & qui a été formé de bann, élévation ; car bann, comme on le peut voir dans Boxhornius, signifie être haut, être élevé.

On appelle aussi des bandes de broderie, ou de tapisserie, les ornemens faits à l’aiguille, qui sont étendus en long & avec peu de largeur sur des lits, sur des paremens d’Autels, sur des habits, &c. Instita opere Phrygio texta.

Bande, se dit aussi du fer battu en long, qui sert à lier ou contenir quelque chose. Ferrea lamina. Il faut trois bandes de fer pour attacher une flèche de carrosse. Il faut mettre deux bandes à cette roue. Voyez Bandage.

On appelle bandes flamandes, une espèce de peinteures.

Bande d’une selle, se dit de deux pièces de fer plattes, larges de trois doigts, clouées aux arçons pour la tenir en état.

Bande, est aussi un terme de Pâtissier, qui se dit d’un morceau de pâte étendue, qu’on coupe en long, pour mettre sur des tourtes de godiveaux & autres ouvrages de pâtisserie.

Bande, en Chirurgie. On appelle bande roulée à un chef, une bande roulée par un bout, & bande roulée à deux chefs, celle qui est roulée par les deux bouts.

Bande d’Héliodore. Fascia Heliodori. Espèce de bandage ou suspendoir pour les mammelles. Voyez-en la description dans le Dict. de M. Col. de Villars.

Bande, en terme d’Anatomie. Dans la Planète de Jupiter, outre les taches, nous voyons plusieurs bandes parallèles qui traversent son disque apparent. Elles ne sont cependant par toujours de même grandeur, ni à même distance ; il semble qu’elles augmentent ou diminuent alternativement. Tantôt elles sont fort éloignées l’une de l’autre, tantôt elles paroissent se rapprocher ; mais c’est toujours avec quelque nouveau changement. Institut. Astronomiq. p. 54.

Bande, en Architecture, se dit de plusieurs membres plats & unis, qui représentent en effet des bandes, ou lisières ; comme les frises, qu’on appelle autrement plates-bandes en fasces, les architraves, & autres pièces moindres, dont quelques-unes sont susceptibles d’ornemens. Fascia. Il y a aussi des bandes de trémie, qui sont des barres de fer qui servent à soutenir les atres, les manteaux & les languettes des cheminées. Vectis. Les bandes de colonnes sont une espèce de bossage, dont on orne le fût des colonnes. Fascia. Il y en a de diverses sortes, selon les divers ordres d’Architecture.

Bandes, chez les Imprimeurs, se dit des pièces de fer sur lesquelles roule le train de la presse.

Bandes ligamenteuses, en Anatomie. Ce sont trois bandes adhérentes à la tunique membraneuse ou commune du cœcum.

Bande, chez les Charcutier. Bande de Cervelas, six Cervelas attachés l’un au bout de l’autre.

Bande, terme de Potier, signifie plusieurs carreaux arrangés de suite ; car alors on dit bande de carreaux.

Bande, chez les Ceinturiers, qui appellent bandes de baudrier, presque tout le corps du baudrier.

Bande, terme de Balson. La bande est une des pièces qu’on appelle honorables dans l’Ecu. Tænia. Elle est de métal ou de couleur, traverse l’Ecu d’angle en angle, & prend depuis le chef du côté droit, & aboutit à la pointe au côté gauche. La bande, quand elle est seule, doit régulièrement occuper le tiers de l’Ecu ; car si elle ne contient que les deux tiers de son ordinaire, on l’appelle cotice, tæniola ; & quand elle n’est que du tiers, ou moins de ce tiers, on l’appelle bâton, ou bande en devise. Obliquum bacillum. Bande dentelée, engrélée, denchée, bretessée, échiquetée, ondée, potencée, chargée, accompagnée, &c. Et quand il y en a plusieurs, on en spécifie le nombre, & on dit, un Ecu bandé, de 6, de 8 pièces, &c. On l’appelle aussi bandé, quand les principales pièces sont chargées de bandes, comme le chef, la fasce, le chevron, &c. Le Landgrave de Hesse porte d’azur au lion bande d’argent & de gueule de 8 pièces. On le dit aussi des bandeaux qui sont sur les têtes des figures du Blason. Quand le bâton ne touche pas les bords de l’Ecu, on l’appelle péri en bande. Les bandes, les barres, les fasces représentent les écharpes que les Dames donnoient aux Chevaliers dans les tournois. Les bandes qui sont dans les armoiries de plusieurs familles, viennent de ce que leurs ancêtres dans les divisions des maisons d’Orléans & de Bourgogne, avoient pris parti pour les Duc d’Orléans, dont les partisans portoient des bandes ou des écharpes blanches.

Bande, dans le Commerce. Petit poids d’environ deux onces, dont on se sert en quelques endroits de la côte de Guinée, pour peser la poudre d’or.

Bande de glace. Terme de Miroitier. Pièce de glace qui n’est propre qu’à faire des bordures de miroirs.

Bandes, en termes de Carreleurs, sont divers carreaux carrés de terre cuite, dont on forme des espèces de bandes entre lesquelles on renferme les carreaux hexagones. On ne se sert plus guère à Paris de cette manière de carreler en bandes.

Bande. Terme de Conchyliologie. Voyez Fascie.

Bande, en terme de Marine, signifie, côté. Plaga, regio. Nous navigeons à deux degrés de la ligne de la bande du Nord. La déclinaison de l’aiguille est là de tant de degrés de la bande du Sud.

On dit aussi, mettre son vaisseau à la bande, quand on le fait pencher sur un côté, pour lui donner le radoub, ou le suif.

Bande, signifie encore une multitude de personnes associées séparées des autres, & pour un même dessein. Caterva, turba. La grande bande des Violons se dit des 24 Violons du Roi. On dit aussi bande de séditieux, bande de factieux, bande de ligueurs, bande de voleurs. On a pris des voleurs, qui ont déclaré tous ceux qui sont de leur bande. On dit encore, bande de Bohémiens, bande d’Egyptiens.

Monsieur, l’on vous demande ;
C’est un Comédien. Parbieu voici la bande.
Dites Troupe. L’on dit, Bande d’Egyptiens,
Et bande offenseroit tous les Comédiens.

Poisson, Bar. de la Crasse.

Bande, troupe & compagnie sont synonymes, en ce qu’ils marquent tous multitude de personnes ou d’animaux ; mais ces trois mots sont distingués l’un de l’autre par quelque idées accessoire & particulière à chacun d’eux. Plusieurs personnes jointes pour aller ensemble, dit M. l’Abbé Girard, font la troupe. Plusieurs personnes séparées des autres pour se suivre & ne se point quitter, font le bande. Plusieurs personnes réunies par l’occupation, l’emploi ou l’intérêt font la compagnie. Il ne faut pas se séparer de sa troupe, pour faire bande à part, & il faut avoir & prendre l’intérêt de la compagnie où l’on se trouve. On dit une troupe de Comédiens, une bande de violons, & la compagnie des Indes. On dit aussi une bande d’étourneaux, des loups en troupe, deux tourterelles de compagnie.

Bande, se disoit autrefois des troupes de gens de guerre. militum manus ; mais il n’est demeuré en usage que dans cette phrase, le Prévôt des bandes ; pour dire, le Juge des soldats du Régiment des Gardes. Cependant Vaugelas dit dans son Quint-Curce, que les bandes Grecques avoient joint le gros de l’armée. Et M. De Harlai dans son Tacite, il falloit aller droit au camp s’assurer des bandes prétoriennes. Ce mot vient en ce sens de ce que l’on a dit bandum pour un drapeau, une enseigne militaire, comme nous l’avons marqué ce-dessus. Les Clossæ Nomicæ disent que ce nom étoit en usage chez les Romains, ce qu’il faut entendre du bas Empire.

On dit encore, qu’un Général va de bande en bande pour animer ses soldats.

On le dit aussi des corps qui sont unis, & qu’on sépare. Quand on est trop de personnes ensemble pour se réjouir, il faut se séparer en plusieurs bandes. Le gros de la Cavalerie s’est séparé en deux bandes pour aller couper les ennemis.

Bande, se dit aussi de plusieurs personnes assemblées pour se divertir. Ainsi on dit la bande joyeuse, la bande bachique ; mais ce n’est que dans le style simple & comique.

Ensuite avec solennité
Toute notre bachique bandeauBut un grand verre à ta santé. La Chap.

Bande, se dit aussi parmi les Bouchers de plusieurs bœufs qu’on mene de compagnie. Boum armentum. il vient d’arriver une belle bande de bœufs au marché.

Bande, est encore un terme de jeu de billard. La bande est le bord de la table sur laquelle on joue, ora. La bande est haute de deux ou trois pouce. On dit, collé sous la bande ; ou simplement collé, en parlant d’une bille qui touche à la bande, & qui s’y arrête.

On dit proverbialement, faire bande à part ; pour dire, se séparer d’une troupe, d’un parti avec lequel on avoit quelque liaison. Ab aluus discedere, sejungere se.

L’origine de ce mot en cette dernière signification vient, selon Pasquier, des guerres civiles des maisons d’Orléans & de Bourgogne sous le regne de Charles VI qui se distinguoient, parce que ceux qui tenoient pour la maison de Bougogne, portoient une Croix rouge de S. André, qu’on appelle encore Croix de Bourgogne ; & ceux qui suivoient le parti de la maison d’Orléans, portoient des écharpes, que le peuple appeloit bandes, desorte qu’on les appeloit les Bandés, comme on avoit dit ailleurs les Croisés ; & comme ils étoient fortement ligués, on a dit que des gens se bandoient contre quelqu’un, quand ils se liguoient contre lui, a qu’ils étoient de sa bande ; pour dire, de son parti.

Bande. Ordre militaire. L’Ordre de la Bande. Les Chevaliers de la Bande, Bandæ militia, dit Miræus dans ses Origines Ordin. Equestr. cap. 5. C’est un Ordre militaire d’Espagne, institué par Alphonse XI, ou selon d’autres XII. Roi de Castille l’an 1332, sous le pontificat de Jean XXII. Il prit son nom d’une bande, ou ruban rouge, que les Chevaliers portoient croisé, passant de dessus l’épaule droite sous le bras gauche. Banda signifie en espagnol la même chose que bande en françois. On n’y recevoit que des gens nobles ; mais les aînés des Grands en étoient exclus. Il falloit avoir servi au moins dix ans dans les armées, ou à la Cour. Ils devoient prendre les armes pour la Foi Catholique contre les Infidèles. Le Roi étoit Grand-Maître de l’Ordre. Leur Règle, que Justiniani rapporte, consiste en 38 articles. Justiniani l’appelle l’Ordre de la Bande, ou de l’écharpe. Les Chevaliers de S. Jacques semblent avoir succédé à ceux de la Bande. Ceux qui ont écrit de cet Ordre sont Mariana, Hist. d’Esp. Liv. XVI. ch. 11. Antoine Guevara, Paul Maurigia, Lib. II. Orig. Monast. cap. 9. Justiniani, Tom. II, ch. 52, p. 634, & ceux qui ont traité des ordres militaires en général, & que nous indiquerons au mot Ordre.

Dom Jean I, Roi de Castille & de Léon, prit soin d’agrandir l’Ordre de la Bande, & donna l’écharpe à cent Chevaliers le jour de son couronnement, qui se fit dans la ville de Burgos l’an 1379. Cet Ordre fut ensuite aboli, & a été renouvelé de nos jours, depuis que Philippe V, de la maison de Bourbon, & petit-fils de Louis le Grand Roi de France, est monté sur le trône d’Espagne. P. Hélyot, T. VIII. C. 42.