Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BARBARISME

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 754).
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BARBARISME, s. m. Terme de Grammaire. Expression dure ou qui n’est pas du bel usage ; faute dans le langage qui tient le milieu entre le solécisme, & l’impropriété. Barbarismus. Il se commet quand on se sert de quelque mot, ou phrase étrangère à la langue, & qui n’est pas naturelle, ou en oubliant des particules, des pronoms, & des prépositions dans les endroits où elles sont nécessaires. Vaug. Rem. On peut commetre un barbarisme, c’est-à-dire, parler barbarement, & hors des bons termes d’une langue, ou en une seule parole, ou en une phrase entières. Les barbarismes d’un seul mot sont aisés à éviter ; mais pour les barbarismes, de la phrase, il est facile d’y tomber, parce que tous les mots dont la phrase est composée, sont françois, & ainsi l’on ne s’apperçoit point de la faute ; au lieu qu’au barbarisme du mot, l’oreille qui n’y est pas accoutumée, le rebute, & ne s’y laisse pas surprendre. Mais au barbarisme de la phrase, l’oreille étant comme trahie par les mots qu’elle connoît, lui ouvre la porte, & la laisse passer dans l’esprit. Vaug. Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme. Boil. Barbarisme, selon Hesychius, Eusthatius & Suidas, ne se trouve que dans un seul mot, & non pas dans les phrases : lorsqu’on donne à un mot une terminaison, un accent, une mesure de quantité, ou une prononciation qu’il n’a pas, on fait, selon ces Auteurs, un barbarisme. On a pû étendre cette signification, & l’appliquer aux phrases entières, suivant la remarque de M. de Vaugelas.

☞ Le barbarisme est une élocution étrangère, au lieu que le solécisme est une faute contre la régularité de la construction d’une langue.

☞ Ainsi on fait un barbarisme, en disant un mot qui n’est pas de la langue, ou qui est pris dans un sens qui n’est pas autorisé par l’usage, & en usant de façons de parler qui ne sont en usage que dans une autre langue.

☞ Il y a deux sortes de barbarismes, dit Voltaire ; celui des mots é celui des phrases. Egaliser les fortunes, pour égaler les fortunes : au parfait, au lieu de parfaitement : éduquer, pour donner de l’éducation, élever : voilà des barbarismes de mots. Je crois de bien faire, au lieu de dire je crois bien faire : encenser aux Dieux, pour encenser les Dieux : je vous aime tout e qu’on peut aimer. Voilà des barbarismes de phrase.

☞ Ce mot vient de la signification que les Grecs & les Romains avoient attachée au mot barbare qui vouloit dire étranger. Ainsi tout mot étranger mêlé dans la phrase grecque ou latine étoit appelé barbarisme.

Barbarisme, est une des quatre espèces de sectes, ou d’hérésies, d’où les autres se sont formées. Le barbarisme ne s’est trouvé que parmi les hommes qui ont vécu sans société, sans composer une Eglise, ni un corps politique. Voyez S. Jean Damascène, qui dit que le barbarisme a duré depuis Adam jusqu’à Noé, qui est le temps où les hommes ont vécu dans une entière indépendance & dans une pleine liberté ; c’est cet état d’indépendance & de liberté qui est marqué par le nom de barbarisme ; soit que ceux qui vivoient ainsi dans les premiers temps, & avant Noé, reconnussent & adorassent le vrai Dieu, soit qu’ils fussent idolâtres. D’autres disent que le barbarisme, qu’ils appellent aussi Scythisme, est l’athéisme, ou l’erreur de ceux qui, selon le Psalmiste, disent dans leur cœur, il n’y a point de Dieu. Quelques Anciens, selon S. Epiphane, disoient que le barbarisme avoit précédé le déluge, & que le Scythisme avoit regné depuis le déluge, jusqu’à Sarug, où l’Hellénisme avoit commencé. Mais 1°. Epiphane ne dit point que ces Barbares avant le déluge, & ces Scythes d’avant Sarug, n’eussent point de connoissance de Dieu. 2°. Toute la distinction de ces sectes est vaine. Elle n’a d’autre fondement que l’onzième verset du ch. 3, de l’Epître aux Colossiens, où S. Paul dit, où il n’y a point de Gentil & de Juif, de circoncis & d’incirconcis, de Barbare & de Scythe, d’esclave & de libre. Mais S. Paul ne prétend point par ces mots marquer différentes sectes, ou opinions de Dieu ; mais seulement nous apprendre que tout homme étoit également appelé & reçu, s’il vouloit, au christianisme, sans distinction de nation ou de condition, & que les Juifs n’avoient point de privilége en cela plus que le Gentil, le Barbare, le Scythe & le Grec, le libre plus que l’esclave.