Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BARBOTINE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 759-760).
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BARBOTINE. s. f. Semence qu’on réduit en poudre, & qu’on donne aux enfans pour tuer les vers qu’ils ont dans le corps : elle est petite, de couleur brune ou jaune, de figure oblongue, d’un goût amer & d’une odeur forte. On en convient pas quelles est la plante qui la produit. Les uns veulent que ce soit l’espèce d’absinthe qu’on appelle santonicum, ou marinum absynthium, les autres la tanesie, ou tanacetum. Mais il y a plus d’apparence que c’est une espèce d’Aurone, ou Abrotanum. Quelques-uns l’appellent Semen sanctum, ou Semen contra vermes, Semen santonicum, sementina. A Paris on dit de la poudre aux vers. M. Lippi, Médecin de Paris, qui fut tué avec M. le Comte du Roule Ambassadeur du Roi en Ethiopie, avoit observé auprès du Caire une espèce d’absinthe qui avoit tout-à-fait l’odeur de la barbotine. M. de Tournefort en a trouvé une autre espèce en Espagne qui en approchoit par son odeur.

Les Botanistes ont été fort en dispute au sujet de la plante qui donne cette semence. J. Bauhin a donné une grande dissertation sur cette matière. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous ne connoissons pas cette plante. Rauwolfe nous parle d’une espèce d’absinthe qui a plus de rapport avec la véritable plante de la barbotine qu’aucune autre ; car la figure de Mathiole ne paroit pas exacte. Rauwolfe l’a observée aux environs de Bethléem. Ses feuilles sont découpées ; menues, cendrées ; ses tiges sont fort branchues à leurs extrémités, & portent beaucoup de semences âcres, salées, amères, & qui sentent si mauvais, qu’elles font naître des envies de vomir. Les Arabes appellent cette plante Schela, & sa semence qui est menue Zina. Elle est souveraine pour tuer les vers. Les Marchands des caravanes l’achètent pour la vendre sous le nom de graine pour les vers. On doit choisir la barbotine nouvelle, verdâtre, d’un goût âcre, amer & aromatique, cependant désagréable. On la fait prendre en dragées, ou en opiats, pour tuer les vers.

On dit proverbialement d’un homme qui fait des vers à l’impromptu, il a pris de la barbotine.

Les Apothicaires & les Droguistes donnent encore d’autres noms à cette plante. Ils l’appellent Santoline, ou Xentoline, Semencine. Voici ce qu’en dit M. Tavernier, dans le second tome de ses voyages. On ne peut recueillir la semencine, ou poudre à vers, comme on fait les autres graines : c’est une herbe qui croît dans les prés, & qu’il faut laisser mûrir, & le mal est que lorsqu’elle approche de la maturité, le vent en fait tomber une grande partie entre les herbes, où elle se perd, & c’est ce qui la rend chère. Comme on n’ose la toucher de la main, parce qu’elle seroit plutôt gâtée, & que même, quand on fait la montre, on la prend dans une écuelle, lorsqu’on en veut recueillir ce qui est demeuré de reste dans l’épi, voici de quelle adresse on se sert : ils ont deux paniers à anses, & en marchant dans ces prés, ils font aller ces paniers l’un de la droite à la gauche, & l’autre de la gauche à la droite, comme s’ils fauchoient l’herbe, laquelle toutefois ils ne prennent que par le haut ; c’est-à-dire, par l’épi, & toute la graine tombe ainsi dans ces paniers. Barbotine est le nom de la graine dont nous parlons ; Sémencine est le nom de la plante qui porte la barbotine : ces deux noms se confondent quelquefois dans l’usage. On couvre la barbotine de sucre, & on en fait des dragées à cause de son amertume.