Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BATAILLE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 792).
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☞ BATAILLE. s. f. Action générale, ordinairement précédée de quelque préparation, entre deux armées. Prælium. Ranger, mettre en bataille. In aciem producere, educere ; aciem instruere. Donner, livrer bataille. Prælium committere, conserere, dare, miscere.

☞ Les Vocabulistes, d’après l’Académie, disent que la bataille est un combat général de deux armées ennemies. Ce dernier mot est inutile ; le reste n’est pas exact. Combat n’est pas un terme générique. Le mot d’action est le genre dont bataille & combat sont les espèces. Celui de bataille, comme nous l’avons dit avec M. l’Abbé Girard, est une action plus générale, & ordinairement précédée de quelque préparation : celui de combat exprime une action plus particulière, & souvent imprévue. Ainsi les actions qui se sont passées à Cannes entre les Carthaginois & les Romains, à Pharsale entre César & Pompée, sont des batailles. Mais l’action où les Horaces & les Curiaces décidèrent du sort de Rome & d’Albe, celle du passage du Rhin, la défaite d’un convoi ou d’un parti, sont des combats.

☞ On remarquera encore que le mot de bataille a rapport aux dispositions, & celui de combat à l’action même de se battre. Ainsi l’on dit l’ordre de bataille, & chaleur du combat. Enfin le mot de bataille a des grâces particulières, lorsqu’il n’est question que de dénommer l’action. C’est pourquoi l’on ne parleroit pas mal en disant qu’à la bataille de Fleurus le combat fut fort chaud.

☞ Une autre différence entre bataille & combat, c’est que ce dernier se prend souvent dans un sens figuré ; bataille & action jamais.

Bataille navale. C’est le choc de deux flottes, de deux armées de mer rangées en diverses escadres. Navale prælium. Voyez Combat naval.

☞ Corps de bataille, qu’on appeloit autrefois simple la bataille, est cette partie de l’armée qui est entre les deux ailes. Acies.

Bataille, se dit aussi d’une armée prête à combattre, de troupes rangées en état de combat, & toutes disposées à donner & à recevoir le choc. Acies ad pugnam instructa, comparata. La bataille étant trop étendue, ils ne pouvoient donner ordre à tout, ni voir ce qui manquoit en chaque lieu. Il marchoit en bataille avec le bagage au milieu. Ablanc. Il marchoit en bataille sur quatre fronts. Id. Il donna beaucoup de hauteur à sa bataille. Id.

Le Champ de bataille, est le terrain où l’on combat ; & l’on dit que le champ de bataille est demeuré à un parti, quand il a obligé l’ennemi à s’en retirer. Locus prælii, pugnæ. On le dit aussi figurément dans une dispute, quand on a eu avantage sur son adversaire, & qu’on l’a réduit à céder, ou à acquiescer.

Maréchal de Bataille, étoit autrefois un grand Officier qui avoit soin de ranger l’armée en bataille ; mais dont la charge est maintenant exercée par les Maréchaux de camp. Castrorum præfectus.

Marcher en bataille, c’est marcher en bataillons & escadrons, dans le même ordre que si on avoit à donner bataille, quand le terrain le permet : ce qu’on fait toujours quand on est près des ennemis. Procedere in acie.

Cheval de bataille, est un cheval fort & adroit, que les Officiers réservent pour les occasions où il faut combattre. Equus bellator, ou bellicus.

On dit figurément de celui qui a une bonne raison, un argument bien pressant en quelque dispute, que c’est son cheval de bataille. Qu’il faut qu’une personne livre des batailles, quand elle rencontre des difficultés pour obtenir d’un supérieur ce qu’elle lui demande. Ainsi le mot de bataille au figuré, se prend pour toutes sortes de combats & d’assauts, ou d’entreprises en général : & en particulier pour les combats & les assauts que la beauté des femmes livre au cœur des hommes. Ses charmes ont livré à mon cœur une horrible bataille. Desmarais.

☞ Malgré l’autorité de l’Auteur qu’on vient de citer, on peut éviter, même dans le comique, d’employer le mot de bataille au figuré dans ses sortes d’occasions. Les batailles se donnent seulement entre des armées d’hommes. Les combats se donnent entre les hommes, & se font entre toutes les autres choses qui cherchent à se détruire ou à se surmonter.

On dit proverbialement, voilà ce que j’ai sauvé de la bataille ; pour dire, ce qui m’est resté de mes pertes, de mes procès, des contestations que j’ai essuyées. On le dit aussi de ceux qui peuvent retirer & arracher quelque chose des mains des personnes qui se battent.

Ce mot vient de battualia, qui signifie proprement le lieu où deux hommes s’exerçoient au combat ; ou de batalia, qui signifie l’exercice ou l’apprentissage des gens de guerre ; de-là on a aussi dérivé le mot de battere, dont on a fait battre. Mena. On trouve aussi batallum dans la basse latinité, pour duellum. Mabillon, Annal. Bened. L. XLV, p. 478.

Bataille (en Jurisprudence) s’est dit dans le même sens que combat, lorsque les duels étoient autorisés en justice. Voyez Combat & Duel.

Bataille, se dit encore d’une espèce de jeu de cartes. Les enfans jouent à la bataille.

☞ On se sert de ce mot au figuré, pour signifier les représentations des batailles en Peinture. Les batailles d’Alexandre par le Brun sont mises au nombre des morceaux de peinture les plus achevés qui soient en deçà des Alpes. On appelle Peintre de batailles, celui qui s’adonne particulièrement à ces sortes de sujets.

Batailles, s. f. pl. C’est le nom qu’on donne dans les forges à la galerie qui règne autour de la charge & du haut de la cheminée.