Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BEIRAM

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 838).
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BEIRAM, BAIRAM, ou BAYRAM. s. m. Terme de Relation. Mot turc, qui signifie fête solennelle. Festum, dies festus, dies solemnis. Les Musulmans n’ont que deux Betrams. Le premier tombe au deuxième jour du dernier mois de l’année arabique, & s’appelle Beiram buink. Grand Beiram. Le second finit le jeûne du mois Ramazan, & tombe au premier jour du mois Scheval ; on le nomme Beiram Kutschuk, ou Kitchi-Beiram, petit Beiram. On l’appelle communément la Pâque des Turcs ; & dans l’opinion du vulgaire, elle passe pour leur plus grande fête, & pour le grand Beiram. D’Herb. L. P. Roger écrit Behiram ; mais mal. Du Loir dit Bayram, parce qu’en effet ce mot en turc a un fatha à la première syllabe, & que le fatha se prononce comme un a ou comme un e. Le premier jour de leur Pâque qu’ils appellent Bayram, ils font une reconciliation générale, & à la rencontre de l’un & l’autre ils se donnent tous la main, & se la portant à la tête après l’avoir baisée, ils se souhaitent les bonnes fêtes par ces paroles ; Bayram Koutla olsun, que les Pâques soient bonnes.

Le Bayram se célèbre avec des réjouissances & des désordres infâmes. Dans les grandes rues il y a des machines rondes comme une meule de moulin, sur lesquelles ils mettent des enfans pour tourner, les jeunes garçons se brandillent à des cordes qui sont attachées à d’autres plus petites roues, qui tournent pareillement. On y dresse aussi des jeux d’escarpolettes, ornés de festons, de verdures & chacun pour un aspres ou deux peut prendre ces divertissemens, qui sont animés d’une musique aussi agréable que ces exercices, & qui est faite avec des voix, des tambours de biscaye, des luths & des violons à leur mode, qui s’accordent toujours mal pour le ton, & quelquefois passablement bien pour la cadence. Il y a des amphithéâtres à l’entour, pour ceux qui ne veulent être que spectateurs, comme sont les femmes & les hommes, qui ont plus d’âge & de retenue. De temps en temps, quand l’escarpolette chome, ceux qui en sont les maîtres, pour ne pas laisser ennuyer toute la compagnie, font quelque farce, dont la représentation est toujours mauvaise pour l’action, mais souvent abominable pour le sujet.

En même temps les enfans & les femmes qui peuvent avoir des gens pour acheter les choses nécessaires, ne sortent que rarement de leurs maisons, & n’oseroient le faire sans nécessité ; mais durant celui-ci, & de jour & de nuit, tout le monde court librement les rues pour prendre part à ces beaux divertissemens. Du Loir, L. VI, p. 194, 195.

Les peintures de toutes sortes d’animaux leur sont défendues par un commandement exprès de l’Alcoran ; & néanmoins pendant ces jours, dont la sainteté devroit donner de la retenue pour les choses qui sont innocentes de soi, ils étalent en public, sous les galleries des chambres des Janassaires, des représentations abominables de divers accouplemens infames & monstrueux, peints sur du papier ; & une foule incroyable de toute sorte de personnes vont les voir, & les considérer ; & comme si cette abomination étoit aussi bien une marque de la fête que les prières, ils y vont avec autant d’empressement qu’aux mosquées. Id. p. 195, 196.