Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BIENFAISANCE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 894).
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BIENFAISANCE. s. f. Inclination à faire du bien. Benignè faciendi voluntas. Ce mot est nouveau, & a été hasardé par M. l’Abbé de Saint Pierre dans cette phrase : L’esprit de la vraie Religion & le principal but de l’Evangile, c’est la bienfaisance, c’est-à-dire, la pratique, de la charité envers le prochain. Mém. de Trév. Mai 1725.

Ils croient que Dieu se plaisoit davantage à entendre chanter les louanges, qu’à voir pratiquer la justice & la bienfaisance. L’Ab. de S. Pierre. Pierre l’Hermite croyoit que le Pèlerinage à Jérusalem étoit plus efficace pour le salut, que l’observation de la justice, & la pratique de la patience envers son prochain, & des autres œuvres de bienfaisance. Id.

M. l’Abbé Desfontaines dit, en parlant de M. Rollin, combien de choses ne nous auroit pas pu dire M. Crevier, au sujet de sa bienfaisance, de sa candeur, de la générosité, de ses aumônes & de sa piété tendre & sincère ? Les Journalistes de Trévoux ont employé ce mot en parlant de Madame Rouve. On en fait une dévote parfaite, & l’on donne de grands éloges à sa bienfaisance & à sa générosité, vertus qui brillent le plus dans sa conduite. Messieurs Boutet pere & fils faisoient huit cens livres de pension à M. Rousseau. Il est à propos que ce fait passe à la postérité, avec les honneurs dus à la noble bienfaisance, exercée à l’égard des illustres malheureux. Jugemens sur quelques ouvrages nouveaux. Tom. I, p. 68. Ce mot signifie en ce dernier exemple libéralité, munificence, générosité. Depuis que j’ai vu que parmi les chrétiens on abusoit du terme de charité dans la persécution que l’on faisoit à ses ennemis, & que les hérétiques disent qu’ils pratiquent la charité chrétienne en persécutant d’autres hérétiques, ou les catholiques mêmes… j’ai cherché un terme qui nous rappelât précisément l’idée de faire du bien aux autres, & je n’en ai pas trouvé de plus propre pour me faire entendre, que le terme de bienfaisance. S’en servira qui voudra, mais enfin il me fait entendre, & il n’est pas équivoque. M. L’Abbé de S. Pierre, dans le 2e tom. de juillet 1726, p. 57 & 58 des Mém. de Trév. ☞ Ce terme paroît expressif & analogue. M. de Voltaire s’en est servi dans son discours sur ce que c’est que la vertu. Voici ce qu’en dit cet illustre Auteur.

Certain Législateur, dont la plume féconde
Fit tant de vains projets pour le bien de ce monde,
Et qui depuis trente ans écrit pour des ingrats,
Vient de créer un mot qui manque à Vaugelas,
Ce mot est bienfaisance : il me plaît, il rassemble,
Si le cœur est en cru, bien des vertus ensemble.
Petits Grammairiens, grands Précepteurs des sots,
Qui pesez la parole, & mesurez les mots,
Pareille expression vous paroît hasardée,
Mais l’Univers entier doit en chérir l’idée.

M. l’Abbé Desfontaines, Obs. sur les Ecrits mod. tom. XXX, pag. 124, 125.