Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOUFFON

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 989).
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☞ BOUFFON. s. m. Plaisant de Comédie, qui divertit, qui fait rire les gens par ses plaisanteries, par ses quolibets. Mimus, scurra, sannio, sannius. Les meilleurs bouffons se trouvent à la Comédie italienne.

Bouffon, se dit aussi de celui qui fait profession de dire ou faire des choses plaisantes pour faire rire les autres. Scurrans, scurra. C’est un bon, un excellent, un froid, un plat bouffon. C’est un ennuyeux personnage qu’un mauvais plaisant, & un bouffon insipide. C’est une qualité qui tient lieu de mérite à bien des gens.

En vain par sa grimace un bouffon odieux.
A table nous fait rire, & divertit nos yeux. Boil.

☞ On dit d’un homme qui aime à faire rire la compagnie, qu’il se plaît à faire le bouffon.

On dit aussi d’une femme qui est de même humeur, qu’elle fait la bouffonne ; & on dit par caresse à une petite fille gaie & enjouée, que c’est une petite bouffonne.

Servir de bouffon, c’est être un sujet de moquerie, de risée. Dans ce sens, un homme qui voit qu’on se moque de lui, dit je vois bien que je sers ici de bouffon. Je ne prétends pas vous servir de bouffon.

Bouffon, se prend quelquefois adjectivement, tant au masculin qu’au féminin. Scurrilis, mimicus. Il a fait un discours, un conte bouffon. C’est une humeur boufonne. C’est un bouffon personnage. Il a la mine bouffonne.

Aux accès insolens d’une bouffonne joie.
La sagesse, l’esprit, l’honneur furent en proie. Boil.

Qu’est devenu cet air, ce langage bouffon,
Dont tu charmais nos yeux & nos oreilles ?
Auroit-on volé tes bouteilles,
Ou jetté tes muids sur le fond.

Quelques-uns dérivent ce mot d’une fête qui fut instituée au pays d’Attique par le Roi Erecthée, à l’occasion d’un Sacrificateur nommé Buphon, lequel après avoir immolé le premier bœuf sur l’autel de Jupiter Polien, ou Gardien de la ville, s’enfuit sans sujet, si soudainement, qu’on ne le put arrêter, ni le trouver, laissant la hache & les autres ustensiles du sacrifice par terre. On les mit entre les mains des Juges pour leur faire leur procès, qui jugèrent la hache criminelle, & le reste innocent. Toutes les autres années suivantes on fit le sacrifice de la même sorte. Le Sacrificateur s’enfuyoit comme le premier, & la hache étoit condamnée par des Juges. Comme cette cérémonie & ce jugement étoient tour-à-fait burlesques, on a appelé depuis bouffons & bouffonneries, toutes les autres momeries & farces qu’on a trouvées ridicules. Cet histoire est rapportée dans Cœlius Rhodiginus, Liv. 7 j chap. 6.

Ménage, après Saumaise, dérive ce mot de buffo. On nommoit ainsi en latin ceux qui paroissoient sur le théâtre avec des joues enflées pour recevoir des soufflets, afin que le coup faisant plus de bruit, fit rire davantage les spectateurs. Vossius est de même avis, & dit que bouffer signifioit autrefois enfler & souffler ; d’où vient qu’on dit bouffi d’orgueil, que les habits bouffent, & une bouffée de vent. Il tire de la même origine le mot soufflet, qu’on appelle aussi un buffe.