Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOURDON

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 8-9).
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BOURDON. s. m. Bâton fait au tour, qui a une pomme en haut & au milieu, & un fer pointu par en bas, que portent les Pélerins. Baculus longior qualem gestare solent qui perigrinationes obeunt. On peint S. Jacques avec son bourdon.

Ménage dérive ce mot du latin burdo, qui signifie un âne, ou un mulet, parce qu’il aide à marcher comme les mulets : de même qu’on appelle un bâton la haquenée des Cordeliers, & que des bourdes signifioient autrefois des potences. Selon Guichard דרב darab, fait dourban, דרבן (il falloit dire dorban) qui est exposé, Stimulus qui rustici arantes boves pungunt, fustis, baculus ; c’est-à-dire, l’aiguillon dont on pique les bœufs à la charrue, fustic, baculus, bâton. De sorte que par transposition de ces radicales en ברדן, bourdan, bourdon s’en trouvera dérivé en françois en même signification. M. Le Moine prétend que ce mot est arabe, & qu’il signifie un bâton fait du bois qui fournissoit la matière du papier.

Dans la vie du B. Simon, Hermite de S. Augustin, il est fait mention d’un bourdon de fer, cum uno bordono serreo in manu ; sur quoi le P. Papebrock remarque que c’est un mot françois & italient, Act. SS. April. T. II. p. 828, & dans les Actes de S. Canion, qui semblent avoir été faits sur la fin du troisèime siècle, mais qui sont faux, & ne peuvent être même du commencement du cinquième siècle, on trouve burdilli pour des bâtons, des instrumens, dont ce Saint fut battu pendant une heure. C’est apparemment un diminutif de burdo, qui seroit fort ancien si ces Actes étoient vrais.

Bourdon, se prend aussi quelquefois pour le Péleron qui le porte. Peregrinus.

Hé quoi ! Madame à son chevet
Pourroit voit un Bourdon. La Font.

Planter le bourdon en quelque lieu. Sedem in aliquo loco figere. C’est une façon de parler proverbiale & figurée, qui veut dire, s’établir en quelque lieu.

Quelques-uns appellent les trois bourdons ces trois étoiles que le vulgaire nomme les trois Rois, & qui sont dans le baudrier d’Orion, toutes trois de la seconde grandeur, sur une même ligne & à peu près en égale distance. Celle du pied gauche d’Orion est de la première grandeur, & s’appelle Rigel ; & des deux brillantes de ses deux épaules, qui sont toutes deux de la seconde grandeur, celle de l’épaule droite qui est fort rouge, s’appelle Beldegensis, & celle de l’épaule gauche s’appelle Bellatrix, & toutes ces Etoiles n’ont jamais fait partie de celles qui composent les trois Rois.

Bourdon, en termes d’Imprimerie, est une faute que commet l’ouvrier, lorsqu’il omet un ou plusieurs mots, ou même plusieurs lignes de la copie. Faire un bourdon.

Bourdon, est aussi une grosse mouche guêpe qui fait beaucoup de bruit en volant. Fucus. Ce mot est fait par onomatopée du bruit que dont les mouches en volant. Bumbus. Swammerdam en décrit huit espèces. Il y a des bourdons dans les ruches d’abeilles. Les bourdons sont d’une couleur obscure, d’un tiers plus grands & un peu plus gros que les abeilles. Il y a des ruches où il ne se trouve qu’un petit nombre de bourdons, & d’autres où il s’en trouve une plus grande quantité, & il y a des saisons de l’année où l’on n’en remarque point. Il y a des bourdons qui ne sont pas plus grands que les abeilles. Tous les bourdons mâles n’ont point d’aiguillon. Maraldi, Mém. de l’Acad. des Scienc. 1712. p. 302. En ce sens Guichard dérive ce mot de דבורה, debora, mot qui signifie une abeille ; faisant une transposition בורדה, boreda, d’où bourdon, vespa, sucus, a été formé en françois, si on l’en veut croire. Mais apparemment c’est le bruit que font ces insectes qui leur a fait donner ce nom.

Bourdon, est aussi le jeu de l’orgue qui fait la basse, qui a le son le plus creux, & qui a les plus gros tuyaux. Ordo tuborum soni gravioris. Le bourdon est un des principaux jeux de l’orgue. Il est de bois & bouche. Il est accordé à l’unisson avec la montre. Il y a un second bourdon qui est de quatre pieds quand il est bouché, ou de huit pieds quand il est ouvert, fait en forme de flûte, qui est à l’octave de la montre ou du premier bourdon ; il peut être d’étain ou de bois. Matthieur Paris témoigne que ces tuyaux ont été appelés burdones, à cause qu’ils ressemblent aux bourdons des Pélerons. On le dit aussi des basses de quelques autres instrumens, comme des deux flûtes ou chalumaux des cornemuses & des musettes, dont le vent ne sort que par la pate. Notre bourdon ou basse répond à la note que les Grecs appeloient προσλαμϐανόμενος. Les Anciens avoient de grosses flûtes, faites en forme de bâton, qu’ils appelloient bourdon, d’où sont venus ces termes de Musique, parce que ces sons creux & bas imitent le bourdonnement des mouches.

Faux-Bourdon, est une Musique simple qui se chante note contre note, & qu’on appelle aussi simple contrepoint, à la différence du contrepoint figuré, qui subdivise les notes en croches & en doubles croches. Rudior musicorum concentus. Les Italiens nomment encore faux-bourdon une certaine harmonie produite par l’accompagnement de plusieurs sixtes de suite, qui fait entendre plusieurs quartes entre deux parties supérieures, parce que la troisième de ces parties est obligée de faire plusieurs tierces avec la basse. Brossard.

On appelle aussi bourdon, la grosse cloche de Notre-Dame de Paris.

Bourdon, s. m. Espèce de poire de la fin de Juillet, qui pour la grosseur, la qualité de sa chair, de son goût, de son parfum & de son eau, aussi-bien que par le tems de sa maturité, ressemble à-peu-près au Muscat Robert, & n’en est guère différente que par la queue, qu’elle a plus longue. La Quint.