Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRETON

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 58-60).
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BRETON, ONNE, s m. & f Britannus. Brito. C’est le nom des anciens habitans de l’île que nous appelons aujourd’hui Grande-Bretagne. Ils avoient ce nom au temps de César, & l’ont gardé jusqu’à l’invasion des Saxons. Voyez ce qu’on dit de son étymologie au mot Grande-bretagne. Aujourd’hui on n’appelle point en françois Bretons les habitans de cette île, mais Anglois, ceux qui habitent la partie méridionale ; & Ecossois, ceux qui occupent la partie septentrionale. Cependant, en parlant des anciens peuples de ce pays, sur-tout de la partie méridionale, il faudroit dire Bretons, jusqu’à l’invasion des Saxons.

Breton, onne, s. & adj. Armoricus, a. Nom du peuple qui habite la petite Bretagne, province de France, qu’on appeloit autrefois Armorique. Ce sont les seuls qui portent aujourd’hui en notre langue le nom de Bretons, qu’ils ont depuis plusieurs siècles. Voyez Bretagne. Les Bretons de France, & les Gallois d’Angleterre, ou Montagnards de la Principauté de Galles, ont une même langue, & s’entendent les uns les autres. La noblesse Bretonne. Grégoire de Tours dit expressément, Liv. IV, C. 4 que depuis Clovis les Bretons furent sous la domination des François ; que les Bretons dès-lors n’eurent plus de Rois, & que leurs Princes se contenterent de porter le titre de Comte. P. Dan. Les charges bretonnes sont au Parlement de Bretagne les charges de Conseillers, qui ne peuvent être possédées que par des Bretons, comme les charges françoises ne peuvent l’être que par d’autres que des Bretons. Un cheval breton.

On dit bas-Breton & basse-Bretonne, pour dire un homme ou une femme qui est de Basse-Bretagne. Un gentilhomme bas-Breton. Au lieu de basse-Bretonne, on dit souvent dans le discours familier une basse-Brette. Les basses-Brettes ont de l’esprit, c’est-à-dire, les basses-Bretonnes, les femmes de Basse-Bretagne. Ce Capitaine de vaisseau a épousé une basse-Brette qui lui a donné du bien.

Breton-Bretonnant. Si l’on en croit d’Hosier, dans son Hist. de Bretagne, pag. 43, 44, les Bretons qui habitoient les côtes de l’Océan du côté de l’occident, prirent des femmes de la Grande-Bretagne, & c’est le langage de ces femmes qui continue encore aujourd’hui, & que nous nommons bas-Breton ; car c’est le langage des meres que les enfans apprennent ; & c’est pour cela, dit-il, qu’on appelle ceux-ci Bretons-bretonnans. Pour les autres situés vers l’orient , ils prirent des femmes Gauloises, & c’est à raison de leurs meres & de leur langue, qu’on les appelle Bretons-Gaulois. Dans le pays on les appelle Gallots.

Il est vrai qu’on appelle Bretons-hretonnans ceux qui parlent bas-breton ; mais la raison qu’il en rapporte n’est pas bien sure : il y a plus d’apparence que c’est leur peu de commerce avec la France, & leur langue qui leur fit donner ce nom, qui du reste est bas & populaire.

Du Tillet, Rec. des Rois de Fr., p. 3, dit Breton tonnant, & non pas bretonnant. Ce n’est qu’un retranchement de la première syllabe, & cette expression n’a rien de différent de l’autre ; mais elle ne se dit plus. Cet Auteur n’appelle point ainsi le peuple de Bretagne, mais le langage de ce peuple que nous appelons bas-Breton. Du reste, il dit plus vraisemblablement que d’Hosier, que c’est le langage apporté & conservé jusqu’à présent par les Bretons qui s’y retirerent chassés par les Anglois-Saxons. Mais après tout, il est difficile de se persuader que quelques réfugiés fissent changer le langage aux Armoriques naturels du pays. Ils s’accommoderent bien plutôt au leur, qui n’étoit pas fort différent de celui des Bretons, parce qu’il est certain, que les Bretons de l’Île Britannique étoient originairement Gaulois.

Breton & Britto, Brittus, au plur. Brittones & Britti, selon le P. Pezron, sont des noms pris de la langue des Gaulois, qui disent Brittes, Brith, pour signifier un homme peint & marqué de diverses couleurs, & chez eux Britho étoit un verbe, qui signifioit pingere, variegare, c’est-à-dire, peindre & marquer de diverses couleurs. Brittones & Britti n’étoient donc autre chose que des hommes peints. En effet, continue-t-il, ces peuples Bretons anciennement se peignoient le corps, & même le visage principalement d’une couleur qui tiroit fur le bleu ; delà-vient que Martial les appelle Picti Britanni, en parlant de ceux d’Angleterre. Sur quoi il est bon de remarquer, dit encore le P. Pezron, que Britannia vient du Celte Britt, c’est-à-dire, peint ; &c de tan, ou stan, qui signifie pays, ou région. Ainsi Britannia, selon lui, veut proprement dire région des hommes peints. Desorte que les Grecs qui ont écrit Βρεττία & Βρεττάνια par un e & deux tt, ont mieux marqué le véritable nom de ces peuples que les Latins, qui disent Britannia.

Le Cap-Breton. Cap de l’Amérique septentrionale, sur la côte méridionale de l’Île du Cap-Breton, à laquelle il donne son nom, & qui est située dans la mer de Canada, entre l’Île de Terre-Neuve & l’Acadie. Caput Britonum.

Le Pertuis-Breton. Petit détroit de la mer de Gascogne, entre la côte septentrionale de l’Île de Rhé, & celle de Poitou. Fretum Britannicum. Maty. L’isle des Bretons, Île de l’Amérique, Britonum Insula, autrement l’Île du Cap-Breton.

L’Île du Cap Breton, aujourd’hui île Royale. Elle est distante de dix lieues du cap de Campseaux en Acadie ; elle a 80 lieues de tour, y compris l’Île de Sainte Marie, qui y est adjacente, & située ensorte qu’elle forme deux passages, l’un entr’elle & la terre ferme, appelé l’entrée du petit passage de Campseaux ; & l’autre est un intervalle de six lieues qui est entr’elle & l’Île du Cap Breton, par où l’on va du petit passage de Campseaux au fort St Pierre. Le trajet ne s’en peut faire que par des barques, encore faut-il bien prendre garde au chenal ou canal de l’entrée du petit passage. Allant le long de l’Île de Ste Marie dehors, l’on trouve une petite Île toute ronde à trois lieues de-là, nommée l’Île Verte. Pour y aller, il faut tenir le large ; la côte y est semée de rochers qui avancent une bonne lieue en mer, trois lieues durant. Cela passé, venant trouver l’Île Verte, il la faut laisser à droit, pour entrer dans la baie de Saint Pierre. L’on y mouille devant une pointe de sable un peu au large. Les vaisseaux ne peuvent approcher plus près de S. Pierre que de trois lieues : les barques y peuvent venir, mais il faut bien savoir le canal.

Sortant du port S. Pierre par le côté de Campseaux pour faire le tour de l’Île, tirant vers la partie orientale, l’on trouve l’Île Verte. De-là l’on va aux Îles Michaut, qui en sont à trois lieues. Ce sont des rochers que l’on nomme ainsi. La pêche de la morue y est bonne, & de-là au Havre l’Anglois on compte dix lieues : toute la côte n’est que rochers, & à l’entrée de ce Havre l’on trouve une Île qu’il faut laisser à gauche. Les navires étant dedans, sont en sureté. L’ancrage y est bon ; toutes les terres du dedans ne sont que côtes de rochers assez hautes ; au bas il y a un petit étang où l’on prend grand nombre d’anguilles : la pêche de la morue y est très-bonne.

A trois lieues de-là l’on trouve le port de la Baleine, qui est encore un bon havre, mais de difficile entrée, à cause de quantité de rochers qui s’y rencontrent. De-là on va au Fourillon qui est derrière le Cap-Breton. Le Cap-Breton n’est qu’une Île, & la partie de l’Île qui porte ce nom & qui regarde le sud-est, ce sont tous rochers, entre lesquels on ne laisse pas de mettre des navires à l’abri pour la pêche, qui y est très-bonne. Toutes les terres de ce pays-là ne valent guère, quoiqu’il y ait de beauc bois dans le haut des montagnes, comme bouleaux, hêtres & principalement sapins & quelques pins.

Passant plus avant, l’on trouve la rivière aux Espagnols, à l’entrée de laquelle les navires peuvent être en sureté. Il y a une montagne d’excellent charbon de terre à quatre lieues de la rivière. La terre y est assez bonne. De l’autre côté elle est couverte de bouleaux, érables, frênes, & quelque peu de chênes. Il s’y trouve aussi des pins & des sapins. Du haut de la rivière on traverse à Labrador, à travers de deux ou trois lieues de bois.

Sortant de la rivière aux Espagnols pour aller à l’entrée de Labrador, l’on fait trois lieues parmi des rochers, au bout desquels est l’entrée du petit Chibou ou de Labrador. En cette contrée il y a encore du charbon de terre. Là commence une grande baie qui va proche de Niganiche ; elle a huit ou dix lieues de large. Dans cette baie il y a force niches où les cormorans font leurs nods : en terre de toutes ces roches, à la droite, est le grand Chibou, qui est l’entrée du havre de Sainte Anne.

Entrant dans la baie, il y a de plus grandes Îles, où les sapins sont plus beaux, & en tout cet espace de dix-huit lieues, ce ne sont qu’Îles dont on ne sait point le nombre, & le gibier y abonde de toutes parts. Il y a un passage de l’une des pointes à l’autre de la baie, entre ces Îles, pour une chaloupe & pour une barque ; mais il faut bien savoir le chemin pour y passer. Cette baie a bien près de quatre lieues de profondeur, & plusieurs rivières qui descendent dedans ; elles sont petites ; ce ne sont presque que de gros ruisseaux par où les Sauvages vont & viennent, ils y sont en grand nombre, à cause de la chasse qui est bonne dans le haut des terres, y ayant des montagnes toutes remplies d’orignaux. Il ne laisse pas d’y avoir de beaux bois, de bonne terre, & des endroits beaux & agréables. Denis. P. 1, C. 4.

Sortant de-là, allant à Niganiche, l’on passe huit lieues de côtes de roches extrêmement hautes & escarpées, comme une muraille ; & Niganiche qui est à deux lieues de la pointe ne vaut guère non plus. Du Fourillon au Cap Breton il peut y avoir vingt à vingt-deux lieues jusqu’à Niganiche, & de-là au cap de Nord cinq à six lieues, toutes côtes de rochers. Il y a place au cap du nord pour un navire, qui peut y faire sa pêche. Du Chadye au cap du nord il y a environ quinze à seize lieues : toute cette côte là n’est que rochers couverts de sapins, mêlés de quelques petits bouleaux : il s’y trouve quelques anses de sable, où à peine se peut retirer une chaloupe. Cette côte est dangereuse.

De Chadye continuant sa route le long de la côte qui sont montagnes de roches jusqu’à quatre lieues de-là, l’on trouve une petite Île vis-à-vis d’une anse de sable, propre à mettre des chaloupes à couvert. Dans cette anse il y a une montagne de pierres noires, dont les Charpentiers se servent à marquer leurs ouvrages : elle n’est pas des meilleures, étant un peu dure. Après avoir fait encore huit lieues de côtes, l’on trouve des terres basses & plattes, couvertes de bois de toutes rotes, comme frênes, bouleaux, hêtres, érables, pins & sapins ; mais tous ces bois-là ne sont pas des plus beaux. De-là on entre dans une petite rivière à chaloupe, où l’on pêche force saumons. Il y a une mine de charbon de terre ; on dit qu’il y a aussi du plâtre. Le bois est assez beau en cette rivière, & le terrein n’en est pas montagneux. De l’embouchure de cette petite rivière jusqu’à l’entrée du petit passage de Campseaux, du côté du nord, il n’y a que trois lieues, & de-là à l’autre entrée du côté du sud environ dix lieues, où j’ai commencé pour faire le tour, & c’est où finit le circuit de cette Île du Cap-Breton, à laquelle on donne communément quatre-vingt lieues de tour, dont la circonférence & le dedans ne contiennent presque que des montagnes de roches ; mais ce qui la fait estimer, sont les ports & rades où les navires se mettent pour faire leur pêche. Le maquereau & le hareng donnent fort autour de l’Île. Cette Île a encore été estimée pour la chasse à l’orignac. Il s’y en trouvoit autrefois grand nombre, mais à présent il n’y en a plus : les Sauvages ont tout détruit, & l’on abandonnée, n’y trouvant plus de quoi vivre. Ce n’est pas que la chasse du gibier n’y soit bonne & abondante ; mais cela n’est pas suffisant pour leur nourriture, outre qu’il leur en coute trop de poudre & de plomb ; car d’un coup de fusil dont ils abattent un orignac, ils ne tueront qu’une outarde ou deux, quelquefois trois ; & cela ne suffit pas pour les nourrir avec leur famille.

Breton. s. m. Coquille blanche & inégale, qui s’emploie aux ouvrage de rocailles.

BRETONNE. s. f. On a donné ce nom particulier à ce qu’on appelle en général Capote, qui, suivant l’explication qu’en a donné l’Académie-Françoise dans la troisième édition de son Dictionnaire, est une espèce de mante que les femmes mettent par-dessus leurs habits, quand elles sortent, & qui les couvre depuis la tête jusqu’aux pieds. Capote de camelot. Capote de taffetas.

☞ Le mot bretonne ne désigne point tout seul l’espèce d’habillement dont on parle ici. On dit une cape bretonne, pour la distinguer de celles qu’on porte dans les provinces voisines, en Normandie, en Anjou, & qui ne sont pas faites de la même façon.