Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRIS

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 77-78).
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BRIS. s. m. Terme de Palais, Rupture faite avec violence ☞ d’une chose fermée, ou de ce qui en fait la clôture. Bris de scellé, bris de prison. Fractura. Le bris des prisons rend un accusé coupable, & sert de conviction. Par la disposition du Droit, ceux qui avoient brisé leur prison, étoient punis comme criminels. Mais en France la peine du bris de prison est arbitraire, & se règle par la qualité de l’évasion. De Lange. En ce cas on fait le procès à l’accusé par défaut & contumace. Voyez l’Ordonnance de 1670. Le bris de prison est un crime dans la personne même de celui qui se trouveroit avoir été emprisonné sans cause légitime, parce que la violence n’est point permise, & qu’il faut tenir sa liberté de la Justice. Les complices du bris de prison sont punis encore plus sévèrement que le prisonnier qui cherche à s’évader. La peine de ce crime est arbitraire, parce qu’il est toujours accompagné de circonstances qui le rendent plus ou moins grave. Il y a un article dans la dépense du compte des menus plaisirs du Roi, pour le bris qui se fait dans les voyages de la Cour.

☞ Le bris de scellé se poursuit extraordinairement.

Ce mot vient du grec βρίζω, impetum facio, ou du vieux mot brisare, qui se trouve dans quelques loix en la même signification.

Bris, se dit aussi des vaisseaux qui viennent échouer, ou se rompre sur les rochers ou les bancs qui sont sur les côtes. Quassatarum navium labefactatio, laceratio. C’étoit le droit de s’emparer des effets des malheureux que la tempête faisoit échouer sur les côtes. Lobin. Hist. de Brét. T. I, p. 203. Tous les effets d’un vaisseau brisé ou échoué sur les côtes, & le vaisseau même, étoient au Duc de Bretagne, & ceux qui sauvoient ces effets dévoient se contenter d’un salaire convenable, à moins qu’ils ne se fussent mis en mer pour cela ; car alors il leur étoit dû le tiers de ce que l’on sauvoit. Id. p. 848.

Le droit de bris des vaisseaux, qu’un titre de l’an 1155 appelle en latin laganum, appartient au Seigneur du lieu où se fait le bris : c’est le droit le plus injuste & le plus universel qui soit au monde. D’Argentré, Hist. de Brét. L. I, p. 102, dit qu’il y a lettres parmi les chartres, par lesquelles les Princes de Bretagne avoient droit de prendre ce droit jusqu’à la Rochelle & à Bourdeaux, & déclaration des Rois de France & d’Angleterre au profit des Ducs. Au Royaume d’Achem, & par toutes les Indes, le bris appartient au Roi. Les anciens Gaulois usoient de ce droit, parce au’ils réputoient tous les étrangers pour leurs ennemis, & en faisoient même de sanglans sacrifices à leurs Dieux. Les Romains abrogèrent cet usage : mais sur le déclin de l’Empire il fut rétabli à caufe de l’incursion des nations, & sur-tout des Normands qui ravageoient les rivages de la Gaule. Enfin les Ducs de Bretagne, du temps de S. Louis, & à sa sollicitation, changerent cette barbarie, & donnerent, moyennant quelque taxe, des brefs ou congés qu’ils obligeoient de prendre à tous ceux qui vouloient naviguer sur leurs côtes : & pour cela les Ducs tenoient des Bureaux, des Secrétaires, & des Receveurs à Bourdeaux, à la Rochelle & aux autres ports, comme témoignent d’Argentré, les Bénédictins dans la nouvelle Hist. de Bretagne, & Garcie de Ferrande en son Grand Routier. Voyez aussi ci-dessus au mot Bref.

Au Concile de Nantes tenu en 1127, le Duc de Bretagne, Conan III, surnommé le Gros, se dépouilla généreusement du droit de bris, priant les Peres de prononcer anathème contre ceux qui voudroient en user dans la suite. Les Evêques prononcerent avec joie cet anathème. Mais ce Concile travailla en vain à abroger cette barbare coutume. Les Seigneurs de Leon & de Penthévre écouterent plus leurs intérêts que les loix du Concile. Ils se firent un droit de cette barbarie, & l’appelèrent droit de bris ou de lagam. Guiomar de Léon disoit à ce propos qu’il avoit dans ses Etats une pierre plus précieuse, que toutes les pierres précieuses du monde, qui lui valoit tous les ans dix mille sous. Il entendoit parler d’un écueil fameux par les naufrages. Lobineau. Tom I, p. 202, 204. On appeloit aussi de droit Peçoi de mer. Id pag. 308. En 1430, le Duc de Bretagne se plaignit au Pape que l’Evêque de S. Malo prétendoit le droit de bris en sa ville. Lobin. T. I, p. 583. Il y a eu des Chapitres d’Eglises Cathédrales qui ont prétendu avoir le droit de bris. Il y a eu aussi des Abbayes qui ont prétendu ce droit de bris, & qui en jouissoient par la concession des princes. Id. p. 846.

En France, en Italie, en Espagne, en Angleterre & en Allemagne, le bris n’a plus lieu, si ce n’est à l’égard des pirates & des ennemis de l’Etat & de la Foi. L’Empereur Andronic fut le premier qui fit exécuter un Edit portant défenses de piller les vaisseaux échoués ou brisés : ce qu’on faisoit auparavant avec grand rigueur sur toutes les côtes de l’Empire, nonobstant les défenses des Princes précédens, comme témoigne Mireta Sénateur de Constantinople en son histoire. Chez les Auteurs ce droit s’appelle lagam, que Spelmannus dit être un mot saxon sui signifie jacere, ejectus, & qui est fort différent du droit de varech.

Bris, en termes de Blâson, se dit de ces longues happes de fer à queue patée, dont on se sert pour soutenir les portes sur leurs pivots, & pour les faire rouler sur leurs gonds. Quand on représente sur un ecu ces pivots sur lesquels se meuvent les portes ou fenêtres brisées, on les appelle bris d’huis.

Bris de marché, est le vol des marchandises que l’on porte au marché, ou le monopole, afin d’empêcher la bonne vente au marché, ou quand quelqu’un avec port d’armes empêche les Marchands d’aller au marché ou à la foire, ou bien quand on empêche le payement du péage.