Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BUCCELLAIRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 101-102).

BUCCELLAIRE. Nom d’une espèce de Soldats que les Empereurs Grecs entretenoient dans les provinces & dans les campagnes. Buccellarii, Βουϰελλάριοι. Le nom de Buccellaire vient de bucca, bouche, & buccella, bouchée, d’où l’on a fait Buccellarius à Rome, & Βουϰελλάριος à Constantinople. Les Buccellaires furent ainsi appelés parce qu’ils étoient entretenus par l’Empereur : C’étoit l’Empereur qui faisoit leur dépense de bouche : ils étoient dans les provinces ce que sont à la Cour ceux qui ont bouche à la Cour, qui sont commensaux. Les Buccellaires, dans la marche d’une armée où étoit l’Empereur, marchoient devant & après l’Empereur pour le garder. Voyez Maurice, Cujas, Tournebœuf. Il y avoit encore une autre sorte de Buccellaires sous les Empereurs Grecs ; c’étoient des Grecs de Galatie, Ἑλληνο γαλάται qui fournissoient du pain aux soldats. Voyez Constantin Porphyr. Les Buccellaires pris dans le premier sens étoient, selon quelques-uns, des gens dont l’Empereur se servoit pour faire mourir en secret certaines personnes.

Les Glossæ Nomicæ l’interprètent, Envoyé, qui porte quelque chose ; & encore, Soldat stationnaire, ou qui demeure chez quelqu’un, & qui est à son service. La même explication se trouve au Livre 60 des Basiliques, où il est dit que ce mot vient de βούϰα ; c’est-à-dire, bucca, qui, dit-on, signifie pain, ἄρτος ; & les Buccellaires, continue-t-on, étoient ainsi appelés, parce qu’ils mangeoient le pain d’une personne, à la charge de demeurer chez lui.

Chez les Visigoths on appeloit Buccellaire en général tout client, tout vassal, parce qu’ils vivoient aux frais de leur Seigneur. C’est en ce sens que le prennent les loix des Visigoths dans Papias, Liv. V, tit. 3, §. 1, & Anastase le Bibliothécaire dans la vie du Pape Zacharie. Voyez sur ce mot M. du Cange, les Macri, Hoffman, & le Glossaire de Cedrenus, Constant. de Th. orient. 15, 6, & de admin. Imp. c. 51, Curopal p. 839.

Au reste, les Empereurs d’Orient ne sont pas les seuls qui ont eu des Buccellaires ; & d’autres que les Empereurs en avoient. En effet, on trouve au milieu du Ve siècle un Buccellaire du fameux Aëtius dans Grégoire de Tours, Hist. Franc. Lib. II, cap. 8, à moins qu’on ne voulût dire que c’est une prolepse ou anticipation de cet Historien ; ce qui ne paroît pas. D’ailleurs l’origine & la forme latine de ce nom persuadent aisément qu’il a passé de Rome à Constantinople plutôt que d’être venu de Gréce en Italie.