Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CÉSURE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 387-388).

CÉSURE. s. f. Terme de Poësie. Cæsura. C’est dans les vers François un repos qui coupe le vers en deux hémistiches, & qui dans les vers alexandrins se trouve après la sixième syllabe, & après la quatrième dans les vers de dix syllabes.

Que toujours dans vos vers le sens coupant les mots,
Suspende l’hémistiche, en marque le repos. Boil.

Il n’y a que les vers de douze & de dix syllabes qui aient une césure. Cependant les vers de huit syllabes se ceux de sept paroissent plus harmonieux quand ils ont un repos, ceux de huit après la quatrième syllabe, ceux de sept après la troisième.

Il seroit assez mal aisé de bien soutenir la voix sur dix ou sur douze syllabes de suite sans respirer, surtout dans une prononciation grave & majestueuse, comme lorsqu’on récite ou que l’on déclame des vers. C’est pour cette raison qu’on a voulu marquer dans les deux espèces de nos plus grands vers un certain repos qui les partage en deux hémistiches, & c’est à quoi on a donné le nom de césure. Dans les vers de dix syllabes, la césure porte toujours sur la quatrième, & sur la sixième dans ceux de douze. La syllabe qui porte la césure ne sauroit souffrir l’e muet. La césure doit toujours tomber sur la dernière syllabe du mot, à moins que cette syllabe n’ait un e muet, car alors on rejette la césure sur la pénultième, & on élide l’e muet avant l’hémistiche suivant, qui doit commencer par une voyelle. La césure est fausse toutes les fois qu’en s’y arrêtant on sera obligé de s’éloigner de la manière naturelle de parler ou de lire, qui ne permet pas de se reposer pour reprendre sa respiration, en désunissant certains mots qui sont liés ensemble, & qui doivent être dits tous d’une haleine, comme l’adjectif & le substantif, le nom & son régime, le verbe auxiliaire & le participe qui y est attaché, lorsqu’ils se suivent immédiatement ; à moins que ce qu’on réserve pour le second hémistiche, ne le remplisse tout entier, & ainsi des autres. P. Mourgues.

En latin, la césure est une syllabe qui reste après un pié, dont elle semble être détachée pour commencer le pié suivant. Dans ce vers,

Armavirumque cano Troqui primus ab oris.


les syllabes no & sont des césures. Les vers sans césure en François sont tout-à-fait vicieux. L’endroit où le vers doit être coupé, & où il doit y avoir un repos, ne peut-être lié avec ce qui suit. Dès qu’on ne sait où s’arrêter, on n’en sent plus la cadence.