Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CŒUR

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 666-669).
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CŒUR. s. m. Cor. Partie noble de l’animal, qui est le principe de la vie, & qui est renfermée dans une forte membrane, qu’on appelle le péricarde. Sa figure est pyramidale, & ressemble à une pomme de pin, qui est large par sa partie supérieure qu’on appelle sa base, & qui se termine en pointe. Il y a une veine & une artère qui environnent toute la base du cœur, comme une couronne, qui s’appellent coronales, avec quelques nerfs fort menus qui sont de la huitième paire. Il est revêtu d’une tunique particulière pour le tenir plus ferme. Il est situé au milieu du thorax, quoique sa pointe s’avance un peu vers son côté gauche. On a trouvé le cœur d’un enfant placé au côté droit contre l’ordinaire, comme il est rapporté dans le Journal des Savans de l’année 1668. Sa chair est dure, épaisse & solide, composée de fibres musculeuses, disposées en ligne spirale : elles ne sont point différentes des fibres des autres muscles, de sorte que ce n’est point sans raison que tous les modernes conviennent, après Hippocrate, que le cœur est un véritable muscle. Le cœur a deux ventricules, ou cavités. Le droit semble être fait pour les poumons seulement ; car les animaux qui n’ont point de poumons, n’ont point aussi de ventricule. Le gauche est plus fort & plus épais que le droit, parce qu’il est destiné pour envoyer le sang dans toutes les parties du corps, dont quelques-unes sont bien éloignées, au lieu que le droit ne droit l’envoyer que dans les poumons, ce qui ne demande pas, à beaucoup près, autant de force. Ces deux ventricules sont séparés par une cloison qu’on appelle septum medium. Aux deux côtés il y a des bourses membraneuses qu’on appelle oreillettes, parce qu’elles en ont la figure. La droite est au devant de l’entrée de la veine cave, & la gauche est située à l’orifice de la veine pulmonaire. Il y a quatre gros vaisseaux à la base du cœur, dont deux ont l’orifice au ventricule droit, savoir, la veine cave, & l’artère pulmonaire. Les deux autres sont au ventricule gauche, savoir, la veine pulmonaire & l’aorte, ou la grande artère. Dans ces vaisseaux il y a des valvules ou petites portes faites en formes de soupapes, qui d’un côté permettent l’entrée au sang, & de l’autre en empêchent le retour. Il y a six de ces petites membranes ou valvules au ventricule droit, savoir, trois à l’orifice de la veine cave ouverte par dehors, & fermées par dedans, & trois à l’orifice de l’artère pulmonaire, ouvertes & fermées en un sens contraire. Il y en a cinq au ventricule gauche, trois à l’orifice de la grande artère, ouvertes par dedans, & fermées par dehors ; & deux à la veine pulmonaire, qui s’ouvrent & se ferment aussi dans un sens contraire. C’est par ces canaux que se fait la circulation du sang, qui a été inconnue aux Anciens, & découverte par Hervey, Médecin Anglois. Le cœur a deux mouvemens ; celui de diastole, ou de dilatation, par lequel il reçoit le sang des veines ; & celui de systole, ou de contraction, par lequel il pousse le même sang dans toutes les parties du corps par le moyen des artères. Dans la dilatation le cœur s’alonge & s’élargit, & dans la contraction il devient plus court & plus étroit.

☞ Les oreillettes ont aussi leurs mouvemens de dilatation & de contraction, mais dans un temps différent ; c’est-à-dire, elles sont en diastole, lorsque le cœur est en systole, & elles sont en systole, lorsque le cœur est en diastole. Quelques Physiciens regardent l’introduction & la sortie des esprits vitaux comme la cause Physique dans tous ces mouvemens. Ils distinguent trois parties dans chaque muscle, les deux extrémités & le milieu. Ils donnent aux deux extrémités tendineuses les noms de tête & de queue, & au milieu que l’on trouve toujours couvert de chair, celui de ventre. Tous les muscles ont un mouvement de contraction & un mouvement de production. Ils sont dans un mouvement de contraction, lorsque leur queue s’approche de leur tête, lorsque leur ventre se gonfle ; & leur ventre se gonfle par l’introduction des esprits vitaux. C’est à la sortie de ces mêmes esprits vitaux que l’on doit attribuer la production des muscles.

☞ D’autres Physiciens sont persuadés que l’on doit attribuer ces sortes de mouvemens au ressort de l’air renfermé entre les fibres du cœur. Le sang, disent-ils, entrant avec impétuosité dans le ventricule droit du cœur, comprime l’air qui s’y trouve renfermé, & met ce muscle dans l’état de diastole. Cet air doué d’une ressort prodigieux, se dilate, reprend son premier état, chasse le sang dans l’artère pulmonaire, & remet le cœur dans l’état de systole. Le même jeu recommence l’instant d’après, & par là le cœur passe alternativement de l’état de diastole à celui de systole. Ce que l’on dit du ventricule droit par rapport au sang qui vient de la veine cave, doit se dire du ventricule gauche par rapport à celui qui vient de la veine pulmonaire.

☞ Il paroît assez conforme aux loix de la saine Physique de penser que l’action des esprits vitaux se joint au ressort de l’air pour conserver au cœur son mouvement continuel de diastole & de systole.

Dans l’Histoire de l’académie des Sciences 1711, M. Winslou trouve que le cœur, qu’on regardoit comme un gros muscle composé de fibres différemment contournées, est formé de deux muscles au moins, attachés l’un à l’autre ; c’est-à-dire, que les deux ventricules, chacun avec son oreillette, sont deux vases qui peuvent être séparés en demeurant vases ; ensorte que leur cloison commune, qu’on croyoit n’appartenir qu’au ventricule gauche, appartient également aux deux, & se partage en deux cloisons.

Le docteur Lower, que les Anglois disent avoir été le premier qui ait donné la vraie structure du cœur, prétend que le cœur est un muscle simple sans antagoniste, & qui est une espéce de sphincter : Borel, dans son Œconomia animalis, dit que la puissance motrice du cœur a plus de force qu’un poids de 3000 livres. L’obstacle que fait le sang à se mouvoir dans les artères, selon lui, est égal à 18000 livres, c’est-à-dire, qu’il est six fois plus grand que la force du cœur. Il estime que le pouvoir de la tunique élastique des artères est de 45000 livres, d’où retranchant les secours étrangers qui servent au mouvement du sang, il reste au cœur 3000 livres pour vaincre une résistance de 135000 livres, c’est-à-dire, un contre quarante-cinq, & la plus grande force qu’il donne au cœur est la force de la percussion. Voyez encore comment le D. Drake Anglois explique le mouvement de systole & de Diastole dans les Transactions philosophiques, n. 180.

☞ Schenchius parle d’un homme qui n’avoit pas de cœur, ce que Molinetti traite de fable ; il nie même qu’il puisse y avoir deux cœurs dans un même homme, quoiqu’on ait des preuves incontestables qu’on en a trouvé deux dans un même corps. Il y a divers insectes qui en ont naturellement plusieurs. Les vers-à-voie ont une chaîne de cœurs qui s’étend depuis une extrémité de leur corps jusqu’à l’autre. On a trouvé des cœurs que des vers avoient rongé & dévoré.

☞ Muret a trouvé le cœur de quelques bandits revêtus d’une espèce de duvet. Ce qu’il y a de plus extraordinaire, est qu’on a vu des personnes dont le cœur étoit renversé ou tourné de haut en bas. Témoin une femme qu’on pendit il a quelque temps en Saxe, & un homme qui souffrit le même supplice à Paris. Journ. des Sav.

Ce mot vient du latin cor, du grec κέαρ, dont on fait par contraction κῆρ. On dit le mouvement du cœur, le battement du cœur, palpitation du cœur, épanouissement du cœur. Ac. Fr.

On appelle cœur chez les Botanistes, le fond ou le milieu de la fleur. Il y en a de deux sortes, les uns sont grenés, & les autres fleuris. Les grenés sont composés de plusieurs filets qui ont au bout de petits grains attachés, comme dans les tulipes & les lis, qui ne sont pas une graine, car ils se résolvent en poudre. Les cœurs fleuris, comme ceux des soucis, des fleurs de tanaisie, & autres, sont ordinairement appelés étamines, parce qu’on les croit composés de filets simples que l’on considère quasi stamina. Mais Monsieur Grew soûtient qu’ils sont mal nommés, & que ceux qu’on croit n’être que des filets simples, sont eux-mêmes composés de plusieurs parties qui ont toutes des figures différentes, fort régulières & fort agréables ; c’est pourquoi il les appelle fleurons. Les Fleuristes ordinaires ne font point ces distinctions.

Cœur se dit aussi, en termes de Botanistes, de la partie intérieure d’un arbre, ou d’une plante, partie qui est molle, moëlleuse & spongieuse, que l’on appelle aussi la moëlle, ou la matrice de l’arbre. Arboris medulla. Harris. Dans l’usage ordinaire, ce que nous nommons le cœur d’un arbre, est le bois le plus dur qui est sous l’aubier. Robur. Les Botanistes se servent aussi de ce mot dans la description de quelques feuilles qui ont la figure d’un cœur. Feuille faite en cœur, cordatum folium. Feuilles faite en cœur renversé. Obverse cordatum. Voyez Cordiforme.

Cœur se prend quelquefois pour l’estomac, ou la partie où se fait la digestion, qui donne des forces au cœur, stomachus, pectus. Cette graisse lui est demeurée sur le cœur, s’est figée sur son cœur, lui a fait bondir le cœur, lui a fait mal au cœur, lui a fait soulever le cœur. Les Grecs ont appelé καρδία, ce que nous appelons l’estomac, comme a remarqué Scaliger.

☞ Le mot de cœur se prend aussi quelquefois comme synonyme à bravoure, courage, intrépidité, valeur. Animus. Le cœur bannit la crainte ou la surmonte ; il ne permet pas de reculer, & tient ferme dans l’occasion. Il entre dans l’idée des mots cœur, courage, valeur, plus de rapport à l’action, que dans les mots bravoure, intrépidité ; mais les deux derniers renferment dans leur idée particulière un certain rapport au danger que les premiers n’expriment pas. Il faut que le cœur ne nous abandonne jamais, le cœur soûtient dans l’action. M. l’Abbé Girard.

☞ On dit, en style familier, mettre, remettre le cœur au ventre à quelqu’un ; pour dire, lui donner, lui rendre courage.

☞ On dit proverbialement faire contre fortune bon cœur ; pour dire, témoigner du courage dans l’adversité.

☞ On dit encore proverbialement, il a le cœur haut, & la fortune basse.

Cœur signifie encore force, vigueur. En parlant d’un malade, on dit qu’il a le cœur bon ; pour dire, que son courage se soûtient, qu’il a encore des forces. Ce cheval, cet oiseau est en cœur, c’est-à-dire est en force, en vigueur. Ac. Fr.

Cœur se dit figurément, & signifie l’ame, & ses principales fonctions, parce que quelques Médecins, & entres autres, Fernel, ont cru que les principales parties de notre ame résidoient dans le cœur, comme l’entendement, la volonté, la mémoire. Cor, animus, voluntas. Dieu est le scrutateur des cœurs ; c’est-à-dire, il connoît, il voit toutes nos pensées. Il faut offrir son cœur à Dieu ; c’est-à-dire, lui sacrifier toutes nos volontés, tous nos desirs.

Par la pénétration de l’esprit, on connoît ce qu’il y a de plus juste à dire, & par le cœur bien fait, ce qu’il y a de plus raisonnable à faire. S. Evr. Sans la droiture du cœur rien ne s’exécute bien ; & sans le secours de l’esprit, le cœur ne sait quel parti il faut prendre. Id. Dieu veut des cœurs purs, & dégagés des intérêts du monde. Pasc. Il est difficile de ramener votre cœur à Dieu, & de le retrouver après l’avoir laissé errer dans le monde d’objet en objet. Flech. Comme Platon n’eut rien à démêler avec la fortune, son cœur fut plus tranquille, & sa conduite plus vertueuse. P. Rap. Un homme, selon le cœur de Dieu, est une expression familière aux Prédicateurs, & dans la spiritualité, pour signifier un homme agréable à Dieu, qui lui obéit, qui le contente, &c. Elle est tirée du I. Liv. des Rois, XIII, XIV, où Samuel dit à Saül que Dieu a cherché un homme selon son cœur, pour le faire régner sur son peuple.

Je veux que l’on soit homme, & qu’en toute rencontre
Le fond de notre cœur dans nos discours se montre ;
Que ce soit lui qui parle. Mol.

Un cœur né sur le trône ignore comme on tremble. Corneille.

On dit que le cœur des Rois est dans la main de Dieu ; pour dire, qu’il dispose de leurs volontés ; qu’il les tourne comme il lui plaît. On dit qu’un homme a le cœur haut, bien placé, qu’il n’a rien de bas dans le cœur ; pour dire, qu’il a l’ame grande & élevée. On dit aussi, le cœur me le disoit bien ; pour dire, je m’en doutois, je l’ai bien prévû. On dit qu’un homme a le cœur sur ses lèvres ; pour dire, qu’il est sincère, qu’il dit vrai. On dit qu’on veut avoir le cœur net de quelque chose ; pour dire, qu’on en veut savoir la vérité. On dit, savoir quelque chose par cœur ; pour dire, l’avoir dans sa mémoire. Aliquid memoriter tenere.

Cœur signifie le siège des passions. On appelle cœur, l’ame, en tant qu’elle a des affections de haine ou de colère, &c. Animus, cor. Il n’y a point de mer plus agitée que le cœur ; les passions, comme les flots, s’y poussent successivement. S. Evr. Pour bien peindre les mœurs, il faut avoir bien étudié le cœur humain & tous les divers mouvemens dont il est capable. Quand l’orateur est entré dans le cœur de ses auditeurs, il les tourne comme il veut. P. Rap. Pour bien connoître l’homme, il faut descendre dans son cœur, afin d’y voir former les passions. S. Evr.

☞ Le cœur a son langage, comme l’esprit a le sien : & une expression du cœur fait bien souvent les plus grands effets. Bouh. L’éloignement du bruit appaisera-t-il les troubles du cœur, si la raison ne s’en mêle ? S. Evr. On ne sauroit bien manier les matières de morale, si l’on ne connoît parfaitement les plis & les replis du cœur. S. Evr. Quand un prédicateur est entré dans l’esprit, il lui est plus aisé de pénétrer jusqu’au cœur ; & au contraire, quand l’esprit est rebuté, il ferme l’entrée du cœur. Ciceron avoit sur tout l’art de toucher ; il connoissoit bien les détours & les ressorts du cœur humain. P. Rap. L’esprit & le cœur se trompent réciproquement. L’esprit éblouit, & déja prévenu par le cœur, prononce en faveur des passion, & le cœur charmé de les voir justifiées, par le jugement de l’esprit, les suit sans scrupule. Il faut plus souvent chercher la cause de nos égaremens dans les affections du cœur', que dans les connoissances de l’esprit. La vertu est naturellement austère par la contrainte qu’elle impose au cœur en réprimant ses desirs. P. Rap. Le feu de l’amitié échauffe le cœur, sans le consumer ; elle le remplit & le remue, sans le troubler & sans l’allarmer. La morale apprend à connoître le cœur humain ; cet abîme est impénétrable. Vaug. Les plaisirs du cœur sont plus touchans, que ceux de l’esprit. S. Evr.

Que dans tous vos discours la passion émue,
Aille chercher le cœur, l’échauffe & le remue.

Boil.

On dit aussi décharger son cœur ; pour dire, déclarer une pensée, un sentiment secret.

Cœur se dit particulièrement de la faculté de l’ame qui ressent de l’affection, de l’amitié, de l’amour, de la tendresse. Animus, voluntas, studium. Chacun dit du bien de son cœur, & n’ose en dire de son esprit. Rorhef. L’esprit ne sauroit jouer long temps le personnage du cœur. Id. Que ne pouvez vous point sur un cœur dont vous connoissez le foible & les retraites ? Il n’y a que l’amour qui de deux cœurs puisse n’en faire qu’un. M. Scud. Ces cœurs ouverts de tous côtés à l’amour n’aiment rien à force de trop aimer. S. Evr. Le cœur d’une femme peut contenir un amour permis, & un amour défendu, sans que l’un embarrasse l’autre. Villefort. Un cœur usé par mille coquéteries n’est pas capable d’une grande passion. B. Rab. Le roi ne se crut bien ferme sur son trône qu’en gagnant le cœur & l’affection de son peuple. S. Evr. Chacun vante son cœur ; c’est une vanité à la mode. S. Evr.

Quand on aime, le cœur parle encore plus que l’esprit. Ch. de Mer. Ingrat, vous n’avez que trop bien su trouver le chemin de mon cœur ! S. Evr. L’empire des cœurs appartient à la beauté. Id. Je sais bien quels ravages fait une passion dans un cœur tout neuf. M. Scud.

Mais quand le cœur se tait, l’amour a beau parler,
Pour engager ce cœur ses amorces sont vaines,
S’il ne court de lui-même au devant de ses chaînes.

Corn.


Mais ne voyois-tu pas dans mes emportemens,
Que mon cœur démentoit ma bouche à tous momens ?

Rac.


Bien souvent le devoir ne donne par le cœur. Corn.

☞ Prendre un cœur abject, expression de Corneille dans Nicomède, condamnée par Voltaire, Cette expression,prendre un cœur, pour prendre des sentimens, n’est guère permise, que quand on dit, prendre un cœur nouveau, ou bien reprendre cœur, reprendre courage. Il condamne de même l’usage qu’a fait Corneille de ce mot dans Pompée, où l’on trouve, mon cœur étonné. Cœur n’est pas le mot propre ; on ne l’emploie que dans le sentiment. Le cœur n’a jamais de réflexions politiques.

Remarquez que les Anciens mettoient le siège des passions dans le foie, au lieu que nous le mettons dans le cœur. Anacréon dit dans une de ses Odes, L’amour tendit son arc, & frappa au milieu du foie : nous dirions, au milieu du cœur.Platon & ses sectateurs étoient dans les mêmes sentimens, & plaçoient l’amour dans le foie.

Cœur signifie encore, la pensée. Mens, animus, cogitatio. Je l’ai prié de me dire ce qu’il avoit dans le cœur. Dire ce qu’on a dans le cœur, c’est-à-dire, découvrir ses plus secrettes pensées.

On dit, il est tout de cœur ; pour dire, qu’il a beaucoup de bonté, & une humeur bienfaisante. Il a le cœur bon ; pour dire, qu’il a de la droiture & de la générosité. On dit qu’un mari & une femme ne doivent être qu’un cœur & qu’une ame ; c’est-à-dire, dans une parfaite union & une bonne intelligence. On appelle un bon ami, l’ami du cœur. On dit, je vous aime de tout mon cœur ; c’est-à-dire, très-tendrement. On dit, qu’il faute prendre son cœur par autrui ; pour dire, faire ce qu’on feroit si on étoit à sa place. On dit aussi, s’en donner au cœur joie ; pour dire, se remplir, se rassasier d’une chose. On dit encore de ce qu’on voit avec grand regret, que cela fait grand mal au cœur. On dit aussi loin des yeux, loin du cœur ; pour dire, qu’on oublie les absens. L’Evangile dit, là où quelqu’un aura son trésor, c’est-là que sera son cœur. On ne doit point mettre son cœur, son affection aux biens de ce monde. Ce jeune homme a le cœur à l’étude, au jeu, aux armes.

On dit aussi, qu’un homme n’a point le cœur à la besogne, quand il travaille à regret & sans affection. Qu’il est à la joie de son cœur ; pour dire, au comble de ses desirs. On dit d’un homme dur, sans pitié, sans tendresse, que c’est un cœur de roche, de pierre, de tigre. On dit de deux personnes qui se haissent, qu’elles voudroient se ronger, ou s’arracher le cœur. Les riches voient les misères des pauvres qui font saigner le cœur, fendre le cœur, & cependant ils ne les assistent point, cela n’amollit point leur cœur. On dit d’un malhonnête homme, que c’est un homme sans cœur, & sans foi.

Mon Cœur. Expression tendre, ou badine, dont on se sert quand on veut dire quelque douceur à quelqu’un avec qui on vit familièrement, comme entre mari & femme. Animule mi, meum corculum. Les Amans s’appellent mon cœur, mon petit cœur. On appelle aussi un enfant, ou une autre personne, ou sérieusement, ou en badinant, mon cœur ; c’est-à-dire, mon cher.

Cœur (à) se dit adverbialement. Il a pris cette affaire à cœur ; pour dire, chaudement & avec affection. Res illi cordi est, hanc rem cordi habet. Il lui a parlé à cœur ouvert, cœur à cœur, animo sincero ; c’est-à-dire, franchement, sincèrement, & sans déguiser.

On dit, à cœur jeûn ; pour dire, sans avoir mangé ce jour-là. Jejuno stomacho. On dit à contre cœur ; pour signifier, avec peine, avec chagrin. Gravatè, ægrè. De bon cœur ; pour dire, volontiers, avec plaisir. Ex animo studioso. De tout son cœur ; pour signifier l’affection avec laquelle on fait quelque chose. toto animo, toto pectore.

Cœur. (Par) Façon de parler adverbiale ; pour dire, par mémoire, de mémoire. Apprendre par cœur, savoir par cœur, réciter par cœur. Faire dîner quelqu’un par cœur, c’est-à-dire, ne lui pas donner à dîner.

Cœur, par similitude, se dit du milieu de chaque chose. Le Palais est placé au cœur de la ville. Mediâ urbe. Paris en ce sens n’est pas au cœur du Royaume. Medio regno. Noël vient au cœur de l’hiver. Mediâ hieme. La St Jean au cœur de l’été. Les bons échalas sont faits de cœur de chêne. Ce Monarque reste dans le cœur de son royaume, pour faire avorter les factions par sa présence. Mlle. L’Héritier.

Cœur. Terme d’Horlogerie. Pièce de la forme d’un cœur, placée sur l’arbre de la seconde roue d’une grosse horloge, pour faire dégager le pié-de-biche de la détente de sonnerie.

Cœur, en termes de Jeu de cartes, est une peinture rouge qui a la figure d’un cœur. Folium lusorium miniato corde signatum. Il a tous les cœurs dans son jeu.

Cœur, est aussi un terme de Vitrier, qui signifie le milieu de la verge de plomb, qui a deux côtés qu’on appelle aîles. Medium.

Cœur fleuri. C’est ainsi qu’on appelle une espèce de linge ouvré, qui se fait en Picardie.

Cœur de Bœuf. s. m. Fruit de Siam, qui a été ainsi nommé, à cause de sa grosseur & de sa figure. La peau en est mince, & ce fruit est mou, parce que ce n’est au dedans qu’une crême blanche & d’un goût assez agréable. Les Siamois l’appellent mancout.

Cœur de Bœuf, espèce de prune, qui est violette, tirant sur le rouge. La Quint. Elle est fort grosse. Id.

Cœur de Pigeon, espèce de prunes qui a la raie plus enfoncée que la plûpart des autres.

Cœur de Charles, terme d’Astrologie. Cor Caroli. Les Anglois ont donné ce nom à une étoile de l’Hémisphère du Nord à l’honneur de Charles II, Roi d’Angleterre. Cette étoile est située entre la chevelure de Bérénice & la grande ourse, & ne fait partie d’aucune constellation. Harris.

Cœur de l’Hydre. Cor Hydræ. Etoile fixe de la première grandeur, qui est dans la constellation de l’Hydre, & dont la longitude est de 142 deg. 49 minutes, & la latitude 22 deg. 23 min.

Cœur de Lion. Cor Leonis, appelé autrement Basilicus ou Regulus. Etoile fixe de la première grandeur, dans la constellation du lion. Sa longitude est de 145 degrés 21 min. & sa latitude 0 degré 26 minutes. Son ascension droite 147 degrés 46 minutes.

Cœur de Scorpion. Cor Scorpionis ou antares.

Cœur du Soleil, terme d’Astrologie. Cor solis. On dit qu’une planète est dans le cœur du soleil, lorsqu’elle en est éloignée tout au plus de dix-neuf minutes.

Cœur, terme de Conchyliologie. Dans la 4e famille des Bivalves, seconde classe des coquillages, on trouve les cœurs appelés en latin Cordiformes. Leur caractère essentiel est d’être d’une figure ronde & élevée, de n’avoir point d’oreilles, comme les peignes, & de représenter toujours, soit de face, soit de côté, la forme d’un cœur quelquefois alongé & triangulaire. Les stries sont ordinairement de cette famille.

☞ M. Gersaint parle des cœurs de bœuf, espèce de coquillage de mer. Il y a une espèce de cœur de bœuf à pointe, de couleur d’orange, extrêmement rare. Cor bovis.

☞ Il y a aussi des coquillages de mer qu’on appelle cœur de Venus. Cor Veneris.

☞ On appelle, en terme de Manège, Cheval des deux cœurs, celui qui ne se manie que par contrainte, qui n’obéit pas volontiers aux aides du Cavalier.

Cœur, en termes de blason, parti en cœur. Voyez Parti.

On appelle aussi, en Blason, le milieu de l’Écu, le cœur ; ce qu’on exprime quelquefois par abyme. Medium scutum.