Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CAMPHRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 195-196).
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CAMPHRE. s. m. d’Herbelot fait camphre féminin. Tous les Auteurs le font masculin. Camphora. Les Arabes appellent cafur le camphre, qui est une gomme blanche & odoriférante, que l’on tire d’un arbre assez semblable au Saule, si ce n’est qu’il est plus noir. d’Herb. L’arbre qui produit le camphre se trouve en grande quantité dans le pays des Nègres. Idem. Le camphre est la gomme d’un arbre qui croît aux Indes dans les montagnes maritimes, & dans l’Île de Borneo, lequel est de telle hauteur & largeur, qu’un escadron de cent hommes pourroit demeurer dessous à l’ombre, & on en fait de grands coffres qui viennent du Japon. Camphora. On dit qu’il sort en plus grande abondance durant la tempête, & les tremblemens de terre. Il découle de cet arbre comme une gomme. Il y en a de plusieurs sortes : car on en trouve un entre les veines du bois, & un autre qui sort par l’écorce rompue, en forme de résine, & demeure attaché à l’arbre. Il est rouge d’abord, & devient blanc, ou par la chaleur du Soleil, ou à force de feu. Il y en a un de couleur brune & obscure, qui est moins estimé. Il y a aussi un camphre en rose, qui n’a point passé par le feu, & un autre qui a été purifié & blanchi, & fait par sublimation. Le camphre est si subtil, que souvent de soi-même il se résout en fumée. Il est si odorant, que sur les lieux on s’en sert au lieu d’encens. Les Princes de l’Orient se servent de cette précieuse gomme mêlée avec de la cire pour éclairer leurs Palais pendant la nuit. Saasi, pour marquer le caractère d’un prodigue, dit que celui qui allume des chandelles de camphre pendant le jour, se met en danger de n’en avoir pas de suif pour s’éclairer pendant la nuit. D’Herb. Pour être bon, il doit être blanc, pur, reluisant, transparent, de forte odeur ; & il faut qu’il devienne mouillé, quand on le met sur un pain chaud : il est amer.

On a trouvé depuis peu en Ceylan, que la racine de l’arbre de cannelle produit d’aussi bon camphre qu’aucun au Japon, ou de la Chine, comme témoigne l’Histoire de la Société d’Angleterre. Quelques-uns, comme Fuchsius, croient que c’est un bitume des Indes.

Ce mot vient de l’hébreu caphor.

On fait du camphre artificiel avec de la sandaraque & du vinaigre blanc distillé, qu’on met durant 20 jours dans le fumier de cheval, & qu’on laisse après au Soleil pendant un mois pour sécher ; & on trouve le camphre fait comme une croûte de pain blanc, qu’on appelle autrement gomme de genèvre, vernis blanc, ou mastic bien pulvérisé. La Chimie ne travaille point sur le camphre, puisqu’il surmonte en pureté, en subtilité, en volatilité & en pénétration, tout ce qu’on en pourroit tirer par la distillation ; & on ne peut enchérir sur sa perfection. Il est très-diaphane, & sa blancheur égale celle de la neige. Son goût âcre, & son odeur forte prouve sa volatilité. Son inflammabilité dans l’eau, & sa totale consomption, sans laisser aucune trace au vaisseau dans lequel on l’allume, montrent sa pureté & la subtilité de ses parties.

Le camphre est une gomme blanche, transparente comme du sel, grasse & huileuse, inflammable, âcre, amère, & aromatique au goût, & d’une odeur forte & très-pénétrante. On peut faire quatre sortes de camphre, par rapport aux manières différentes dont on le tire, & par rapport aux plantes particulières qui le donnent. La première sorte est celle qui se tire dans le Japon d’un arbre que nous pouvons appeler Camphrier, camphotifera arbor. Cet arbre a ses feuilles alternes assez semblables à celles du laurier, roides, vertes, & d’une odeur de camphre. Ses fleurs qui naissent des aisselles des feuilles sur de petites branches, sont blanches, à cinq petales, quelquefois à six. Ses fruits sont des baies composées comme le fruit du cannellier & du chêne, d’une calote ou calice & d’un petit gland qui renferme une semence huileuse, grosse comme un grain de poivre. Ce fruit dans sa parfaite maturité est d’un pourpre foncé, & est d’un goût de camphre & de girofle. On prend les racines, le bois, les branches & les feuilles de cet arbre froissés, & on les met dans une cucurbite, que l’on bouche, afin qu’étant exposés au feu, la matière du camphre puisse se sublimer & se ramasser en masse. La seconde sorte se prépare avec l’écorce de la racine du cannellier, qu’on fait distiller avec suffisante quantité d’eau. Le camphre surnage par-dessus l’huile qui est portée avec l’eau dans la distillation. La troisième est celle qu’on retire du zedoria, de deux espèces de menthe de Ceylan, appelées ghonakola, & kaparawelli, & de quelques autres, en les distillante de même que l’écorce de la racine du cannellier. La quatrième enfin qui est la plus pure, & qui n’est point factice comme les précédentes, nous vient de l’Île de Borneo. Elle découle d’un grand arbre qui a la feuille, les fleurs & les fruits semblables à ceux du camphrier qui vient au Japon dans sa patrie australe appelée Sarruma. On trouve aussi entre les veines du bois de son tronc de petite veines de camphre. Kampferus, Boccone dans ses recherches & observations, Brecperus, Herman, & tous les voyageurs regardent le camphre de Borneo, comme le plus pur. On appelle camphre brut, ou camphre rosé, celui qui nous vient en morceaux, grenés, sales, rougeâtres, moins purs, & qu’on est obligé de faire fondre & sublimer pour le rendre transparent, blanc & tel que nous le voyons ordinairement chez nos droguistes, qui ont soin d’envoyer en Hollande tout le camphre brut pour le purifier. On a toujours fait un mystère de sa purification ; Pomet cependeant assûre que rien n’est plus aisé, & qu’il n’y a qu’à le faire fondre dans un vaisseau sublimatoire ou matras, ce qui paroît assez vraisemblable. Il se peut faire cependant que ceux qui travaillent à sa purification en Hollande, y réussissent mieux, parce qu’ils y travaillent continuellement. Le camphre est un bon remède qui anime le sang, résout les sérosités épanchées ou arrêtées dans les parties & qui y causent des tumeurs & des douleurs. L’eau de vie dans laquelle on a dissous du camphre, se nomme eau de vie camphrée, & est employée pour bassiner des tumeurs érésipélateuses, pour dissiper des douleurs rhumatismales. Le camphre entre dans plusieurs compositions pharmaceutiques. Le proverbe Latin camphora per nares castrat odore mares, a fait croire pendant long temps que l’odeur du camphre privoit les mâles de la faculté d’engendrer, ce qui est contraire aux observations de Scaliger, de Vulpius, & de plusieurs autres médecins. Le camphre entroit dans le composition des feux grégeois des Anciens, & nos Artificiers l’emploient aujourd’hui dans la composition des feux de joie destinés à bruler sur l’eau. On tire une huile de camphre par le moyen de l’esprit de nitre : cette huile est d’usage dans les caries des os. Au reste le camphre est très-volatil, & on n’empêche la dissipation de ses parties qu’en le tenant dans une boutielle bien bouchée, ou en le mettant dans du poivre.

La principale qualité du camphre est de retenir & de conserver un feu inextinguible qui brule dans l’eau, sur la glace & dans la neige, à cause qu’il est d’une nature fort tenue & grasse, jusques-là que si on en jette dans un bassin sur de l’eau-de-vie, & qu’on les fasse bouillir jusqu’à leur entière évaporation dans quelque lieu étroit & bien fermé, & que par après on y entre avec un flambeau allumé, tout cet air renfermé conçoit en un moment le feu qui paroît comme un éclair, sans incommoder le bâtiment, ni les spectateurs.