Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CANADA

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 198).
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CANADA. s. m. Vaste région de l’Amérique septentrionale, qui a le nouveau Mexique & les Acanibas ou Aconibas au couchant, la Floride au midi, au levant la mer du nord, qui jointe avec le détroit de Hudson & la mer Christiane la sépare vers le nord des terres Arctiques. Il s’étend, selon nos cartes, depuis le 39d de latitude septentrionale jusqu’au 65e ou environ, & depuis le 284e de longitude Jusqu’au 33e, ou à-peu-près. Ce pays fut découvert par les François, il y a plus de 200 ans ; c’est pour cela qu’on l’appelle aussi la Nouvelle-France. Jean Verasan fut le premier qui se hazarda d’y entrer en 1504. Les Sauvages le mangèrent. En 1525 & en 1534 on y alla encore. Jean Quartier y alla ensuite, & après avoir remonté le fleuve S. Laurent plus haut que Quebec, il s’en revint en France sans avoir fait aucun établissement, & fort dégouté d’en faire. Enfin, en 1604, cent ans après la découverte du pays, il partit de Rouen une colonie qui s’y établit, avec de grandes difficultés, à cause de la férocité des Sauvages qui l’habitoient. Les principaux font les Ilinois, les Hurons, les Algonquins, les Iroquois, les Abnaquis, les Etechemins, &c. Plusieurs de ces Sauvages sont convertis. Ils n’ont point de villes. Ils logent dans des cabanes faites d’écorces d’arbres. Malgré le froid ils vont nus : ils ne se couvrent que vers la ceinture par devant & par derrière : l’hiver ils marchent sur les neiges avec des raquettes. Ils vivent de blé d’Inde, que les femmes cultivent, & qu’elles broient avec des pierres : elles le cuisent dans de l’eau, y mêlant, quand elles en ont, de la chair, ou du poisson. Cela s’appelle de la sagamite. Les hommes ne sont occupés que de la guerre, de la chasse ou de la pêche. Ils font avec des écorces d’arbres, qu’ils cousent fort proprement, des canots, ou batteaux assez grands pour porter toute leur famille, & assez légers pour s’en charger quand il y a des sauts dans les rivières, & les porter quelquefois assez loin. Chaque village a un Chef ou Capitaine. Ils reconnoissent un Dieu qu’ils appellent Manitou, le grand esprit, maître du monde ; la vue seule de l’Univers le leur persuade. Ils reconnoissent aussi un mauvais esprit, qu’ils craignent beaucoup. Leurs armes sont des flèches ; mais à présent ils ont des armes à feu que les Européens leur portent, & ils s’en servent très-bien. Ils sont grands, bienfaits, robustes, adroits, braves ; mais barbarement cruels. Quand ils ont pris un ennemi en guerre, à moins que quelqu’un du village ne l’adopte, ils le brûlent vif, à petit feu & lentement, & lui coupent des morceaux de chair à mesure qu’ils sont rôtis pour les manger à ses yeux. Ils ont traité avec cette inhumanité brutale quelques Missionnaires.

Le mot Canada est apparemment un mot sauvage, mais dont on ne sait point la signification. On ignore aussi la raison qui le fait donner à ce pays. Quelques-uns croient que ce fut, parce que les Sauvages répétoient souvent ce mot Canada quand les François y aborderent. D’autres, parce que c’étoit le nom du fleuve de S. Laurent qui fut donné à tout le pays ; & d’autres parce que le petit pays de Canada fut le premier que l’on trouva. Il y a une Histoire latine du Canada, par le P. François du Creux, Jésuite, dans laquelle on trouve une bonne carte du Canada.

Canada est aussi le nom d’un pays particulier compris dans la grande contrée dont nous venons de passer. C’est celui qui est à la droite du fleuve de S. Laurent, vers son embouchure. Il a ce fleuve au nord, au levant le golfe du fleuve S. Laurent, la baie de Chaleurs au midi ; au couchant il touche au pays des Etechemins. Cette presqu’Ile est le Canada propre, qui, à ce que l’on prétend, a donné son nom à tout le pays qui est derrière, & au fleuve de S. Laurent.

Canada. On donne encore ce nom à la grande rivière de Canada ; mais il est peu en usage aujourd’hui, & l’on dit toujours le fleuve de S. Laurent. Voyez ce mot au mot Laurent.