Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CARAÏTE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 253-256).
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CARAÏTE. s. m. & f. Nom de Sectaires parmi les Juifs. Il y en a encore aujourd’hui dans le Levant & dans la Pologne. Quelques-uns, comme le P. Nau, les appellent des Carains, mais ce n’est pas l’usage en françois. Postel les appelle en latin Caraini, d’autres Carrei & Caraïte. Léon de Modène, Rabbin de Venise, dans son petit livre des cérémonies & coutumes de ceux de sa nation Liv. V, ch. 1 dit, que de toutes les hérésies qui étoient chez eux avant la destruction du Temple, il n’est resté que celle des Caraïm, nom dérivé de Micra, qui signifie le pur texte de la Bible, parce qu’ils veulent qu’on s’en tienne au Pentateuque, & qu’on le garde à la lettre, rejetant toute interprétation, paraphrase & constitution des Rabbins. Ce Juif se trompe quand il veut que les Caraïtes ne reçoivent point les 24 livres de la Bible.

Aben Esra & quelques autres Rabbins les traitent de Sadducéens ; mais Léon de Modène parle plus exactement, quand il dit au même endroit que ce sont des Sadducéens réformés, parce qu’ils croient l’immortalité de l’ame, le paradis, l’enfer, le purgatoire, la résurrection, & plusieurs autres choses que les anciens Sadducéens ne reconnoissoient point. Il prétend cependant qu’on ne doute point que dans leur origine ils n’aient été de véritables Sadducéens, & qu’ils ne viennent d’eux : mais il est bien plus vraisemblable, comme le remarque M. Simon, dans son Supplément touchant les Caraïtes, que cette secte n’est venue que de ce que les plus habiles s’opposent aux rêveries des Talmudistes ; & que se servant du texte de l’Ecriture pour réfuter les traditions qui n’avoient aucun fondement, on leur donna le nom de Carraïm, qui est la même chose qu’en latin barbare, Scriptuarii, c’est-à-dire, gens attachés au texte de l’Ecriture. Les autres Juifs les traitèrent de Sadducéens, non qu’ils les fussent en effet, mais parce qu’ils les imitoient dans ce qu’ils regardoient les traditions. Le P. Nau, qui dit avoir souvent traité avec, eux assure qu’ils ont quelque chose des erreurs des Sadducéens.

Scaliger, Vossius & M. Spanheim, Bibliothécaire de l’Université de Leyde, mettent les Caraïtes au même rang que les Sabéens, les Mages, les Manichéens & les Musulmans ; c’est une erreur. Quelques autres les considèrent comme une branche ou comme la postérité des Sadducéens ; c’est le sentiment des Juifs Rabbanistes qui les regardent comme des Hérétiques. Volfgangus, Fabricius, Capito Henaem, pag. 9, croient que les Sadducéens & les Esséniens furent appelés Caraïtes par opposition aux Pharisiens. D’autres croient que ce sont les Docteurs de la loi dont il est parlé si souvent dans l’Evangile ; mais toutes ces conjectures sont peu solides. Josephe ni Philon ne parlent point des Caraïtes ; ainsi cette secte est plus récente que ces deux Auteurs. Il y a assez d’apparence qu’elle ne s’est formée que depuis la collection de la seconde partie du Talmud, c’est-à-dire, de la Gémare. Peut-être commença-t-elle dès le temps que R. Juda Hakkadosch compila la Mischne, vers le milieu du troisième siècle.

Le Caraïte Mardochée prétend que les Caraïtes sont plus anciens que les Sadducéens ; car s’ils étoient une branche de ces Hérétiques, ils n’auroient point en horreur Sadoc & Baïtos. Les Caraïtes prétendent être les restes des dix Tribus emmenées en captivité par Salmanazar. Schupart croit qu’on ne peut savoir précisément le temps où cette secte commença ; qu’elle se forma secrètement lorsque la vénération pour les traditions des Rabbins s’introduisit ; qu’elle se fomenta & s’accrût insensiblement ; & qu’elle n’éclata & ne fut publique qu’après la collection du Talmud.

Vossius décrit ainsi l’origine, les progrès & la décadence des Caraïtes, sur les Mémoires du Caraïte Mardochée. Alexandre Jannée, Roi des Juifs, qui régnoit cent ans avant Jésus-Christ, fit massacrer tous les Docteurs de la loi, & presque tous les Savans de la nation. Ce massacre, selon les Caraïtes, fut la cause du schisme qui divisa les Juifs. Siméon fils de Schétach, & frère de la Reine, homme savant, mais ambitieux & sans religion, ayant été soustrait par sa sœur à la colère du Roi, s’enfuit en Egypte, où il imagina le systême des prétendues traditions. Etant de retour à Jerusalem, il débita ses visions, & interpréta la loi comme il lui plut ; & appuyant ses nouveautés sur des connoissances que Dieu, disoit-il, avoit communiquées de bouche à Moïse, &, dont il se vantoit d’être le dépositaire, il s’attira un grand nombre de disciples. Plusieurs aussi lui résistèrent, & soutinrent que tout ce que Dieu avoit révélé à Moïse étoit écrit. De-là les deux sectes. Parmi les Caraïtes, Juda fils de Tabbaï, se distingua. Hillel brilla parmi les Traditionnaires ; Schamaï parmi les Textuaires. Vossius met au nombre de ceux-ci, non seulement les Sadducéens, mais aussi les Scribes, dont il est parlé dans l’Evangile. L’adresse & le crédit des Pharisiens prévalurent ; le nombre des Caraïtes diminua de jour en jour : & ils seroient tombés dans le dernier mépris dès le VIIIe siècle, si Anan n’avoit alors relevé leur parti. Au IXe siècle, le Rabbin Schalomon, fils de Jérucham, imita le zèle d’Anan, & attaqua le fameux Chadias Haggaon. Les siècles suivans ne furent pas moins heureux pour les Caraïtes, & fournirent plusieurs Ecrivains fameux, entr’autres Abu Alphorag au XIIe siècle ; mais depuis le XIVe siècle, leur secte a paru tomber dans le découragement.

Les Caraïtes sont demeurés presque inconnus, parce que leurs livres l’ont été même aux plus habiles & aux plus curieux Hébraïsans. Buxtorf n’en a vu aucun, Selden en a vu deux, & le P. Morin un. M. Trigland, qui a fait un traité sur les Caraïtes, imprimé en 1705 à Delft avec les Oppuscules de Serrarius, de Drusus, & de Scaliger, Trium Illustrium Scriptorum de Tribus Judœorum sectis Syntagma ; M. Trigland, dis-je, assure qu’il en a recouvré un nombre suffisant pour pouvoir parler avec certitude de cette secte judaïque. Voici ce qu’il en dit de particulier. Peu après que les Prophètes eurent cessé, les Juifs se partagèrent touchant les œuvres de surérogation, les uns soutenant qu’elles étoient nécessaires selon la tradition, & les autres s’en tenant à ce qui est prescrit par la loi. Ceux-ci donnèrent naissance à la secte des Caraïtes ; & c’est ce qu’il entreprend de prouver par le témoignage des Caraïtes, qui se vantent de venir des Prophètes Aggée, Zacharie, Malachie, Esdras. Un de leurs principaux Auteurs, Moïse Reschitzi, assure qu’après bien des recherches il a trouvé que du temps de Jean Hircan & d’Alexandre son fils, R. Jehuda, fils de Thaddaï, s’opposa à R. Siméon fils de Sérach, qui s’efforçoit d’introduire une loi nouvelle ; & que de-là viennent les Caraïtes. Les plus renommés de leurs adversaires Maïemonides, Abraham fils de Dior, l’Auteur de Sépher Cozri, & celui du Taanith Abraham Zachut, conviennent qu’en ce temps s’éleva la secte des Sadducéens & des Caraïtes. La Mischne fait mention des Caraïtes en parlant de Thephillim. M. Trigland dit que R. Eliézer le grand étoit Caraïte. Une preuve encore de l’ancienneté des Caraïtes est, selon lui, que les mêmes points de doctrine ou de discipline, qui sont controversés entr’eux & les Juifs Rabbanistes, l’ont été avant le Talmud. Par exemple, les Néoménies, la célébration de Pâques, celle de la Pentecôte, le jour de la fête de l’Expiation, & d’autres que l’on peut voir au ch. IVe du Traité dont nous parlons. Dans le Ve il montre qu’ils ne sont point Sadducéens ; qu’ils leur disent anathême & à Sadoc leur Chef ; que l’Auteur du Cozri, Maïemonides & d’autres, le distinguent des Sadducéens ; que Sadoc, disciple d’Antigone, vivoit environ l’an du monde 3460 & qu’Alexandre Jannée, sous lequel se forma la secte des Caraïtes, ne commença à régner qu’en 3670 que Jean Hircan fut Caraïte, & non pas Sadducéen, & qu’il y a une erreur dans Josephe ; que les Juifs Rabbanistes pour rendre les Caraïtes odieux, se plaisent à les confondre avec les Sadducéens. Enfin, il croit que les Scribes & Docteurs de la loi du Nouveau-Testament, sont les Caraïtes, & que ces noms sont synonymes de Caraïte, ou Scripturaire.

Ainsi, selon M. Trigland, après le retour de Babylone, on rétablit l’observation de la loi. On crut différentes pratiques utiles à cet effet : elles furent introduites, & regardées comme nécessaires & ordonnées par Moïse. Ce fut là l’origine du Pharisaïsme. Un parti opposé continua néanmoins à n’écouter que ce qui étoit prescrit par la loi selon la lettre ; c’étoient les Caraïtes. La dissenssion éclata sur Jean Hircan, à l’occasion que raconte Josephe, Liv. XIII de ses Ant. Jud. ch. 21, R. Anan, qui vivoit vers le milieu du VIIe siècle, n’est donc point l’Auteur, mais tout au plus le restaurateur de la secte des Caraïtes.

Il y a des Caraïtes, dit Léon de Modène, à Constantinople, au Caire, & en d’autres endroits du Levant ; il y en a aussi en Russie. Ils vivent à leur manière, ayant leurs Synagogues, leurs cérémonies & coutumes, se disant Juifs, & prétendant être les seuls vrais observateurs de la loi de Moïse : ils nomment les Juifs qui ne sont point de leur opinion Rabbanim, ou Sectateurs des Rabbins. Nous les nommons en françois Rabbanistes. Ceux-ci haïssent mortellement les Caraïm, & ne veulent point s’allier, ni même converser avec eux. Ils les traitent de mamzerim, ou bâtards parce qu’ils n’observent point les constitutions des Rabbins dans les mariages, dans leurs répudiations & dans leurs purifications des femmes. Cette aversion est si grande, que si un Caraïte vouloit se faire Rabbaniste, les autres Juifs ne le recevroient point.

Il n’est pas vrai que les Caraïtes rejettent absolument toutes sortes de traditions. Ils reçoivent celles qui leur paroissent bien fondées. Selden, qui s’étend assez au long sur leurs sentimens dans son livre intitulé Uxor Hebraica, demeure d’accord qu’outre le texte de l’Ecriture, ils reçoivent de certaines interprétations qu’ils appellent héréditaires : or ces interprétations héréditaires sont de véritables traditions. Ils ne rejettent donc que celles qui n’ont aucun fondement, & qui sont de pures rêveries des Rabbins. C’est ce que M. Simon prouve par un célèbre Auteur Caraïte, nommé Aaron, dont le commentaire se trouve en manuscrit dans la Bibliothèque des Pères de l’Oratoire de Paris.

Il montre par ce même Auteur, que toutes les erreurs dont les Juifs Rabbanistes accusent les Caraïtes sont des calomnies : loin d’être Sadducéens, ils croient l’ame immortelle & spirituelle ; ils disent que le monde futur a été fait pour l’ame de l’homme. En un mot, leur Théologie ne diffère point de celle des autres Juifs, si ce n’est qu’elle est plus pure & plus éloignée de la superstition : car ils n’ajoutent aucune foi aux explications des Cabalistes, ni aux allégories qui n’ont aucun fondement. Ils rejettent toutes les constitutions du Talmud, si elles ne sont conformes à l’Ecriture, ou si on ne les en peut tirer par des conséquences manifestes & nécessaires. En voici trois exemples qui méritent qu’on y fasse réflexion.

Le premier regarde les Mezouzot, ou parchemins que les Juifs attachent à toutes les portes où ils ont accoutumé de passer. Le second regarde les Thephillim, ou Philactères, dont il est même parlé dans le Nouveau-Testament. Le troisième regarde la défense de ne point manger de lait avec de la viande. Les deux premiers semblent être marqués formellement dans le Deutéronome, où il est dit de l’un & de l’autre : Tu les lieras pour signe sur tes mains, & ils serviront de fronteaux entre tes yeux ; tu les écriras sur les poteaux de ta maison. Aaron Caraïte, dans son commentaire sur ces paroles, prétend qu’on ne doit point les prendre à la lettre, mais que c’est une façon de parler figurée ; & que, quand Dieu a dit : Vous les écrirez sur vos portes, il a seulement voulu faire connoître aux Israëlites, que soit en entrant, soit en sortant, ils devoient les avoir toujours présentes à l’esprit.

Les Caraïtes, par ce moyen, s’exemptent d’un grand nombre de cérémonies, pour ne pas dire de superstitions, que les Juifs Rabbanistes ont inventées touchant ces Mezouzot & ces Thephillim : quand ils voient les Rabbanistes faire leurs prières avec ces Thephillim attachées à leur tête avec des courroies de cuir, ils ne peuvent s’empêcher de les railler & de les comparer à des ânes bridés. S. Jérôme est du même sentiment que les Caraïtes sur ces Thephillim, ou Phylactères. Voici ce qu’il en dit sur ces mots : Dilatant enim Phylacteria sua, ch. 23 de S. Matthieu, v. 5. Les Pharisiens, expliquant mal ce passage, écrivoient le Décalogue de Moïse sur du parchemin qu’ils rouloient & attachoient sur leur front avec des courroies dont ils se ceignoient la tête, afin de l’avoir toujours devant les yeux. Si Joseph Scaliger avoir su que les Caraïtes conviennent là-dessus avec S. Jérôme, il n’auroit pas rejeté l’interprétation de ce S. Docteur, comme si Jésus-Christ avoit lui-même approuvé l’usage des Phylactères. Il est vrai que Jésus-Christ s’est conformé aux usages reçus de son temps, mais il ne les a pas pour cela approuvés d’une manière qu’en ne pût donner un autre sens aux paroles de Moïse dans ce qui regarde les Mezouzot & les Thephillim.

Au reste, Scupart, dans la IVe Dissertation de son livre De secta Karrœorum, dans laquelle il traite de leurs dogmes, montre qu’ils ont tous les mêmes scrupules, superstitions ou vetilles sur l’observation du Sabbat, de Pâque, de la fête de l’Expiation ; qu’ils croient que tout péché est effacé par la pénitence, au lieu que les Rabbanistes disent qu’il y en a qui ne s’effacent que par la mort. La prière & le jeûne sont en usage parmi eux. Ils célèbrent avec soin la fête des Tabernacles. Ils portent les zitzit, ou morceaux de franges, au coin de leur habit. Dans la Circoncision, ils ne croient pas comme les Traditionnaires, qu’il soit nécessaire qu’il y ait du sang répandu. Quand un enfant est mort avant le 8e jour, les Rabbanistes le circoncisent après sa mort avant le 8e jour, afin qu’il ne soit point incirconcis à la résurrection. Quand les Caraïtes voient un enfant en danger, ils le circoncisent même avant le huitième jour. L’acte de divorce ne diffère qu’en ce que celui des Caraïtes est un peu plus long, & composé de paroles de l’Ecritute. Ils observent dans la manière de tuer & de préparer les animaux à manger, les mêmes choses que les Traditionnaires. Les Caraïtes ne se croient pollués que par le corps mort de quelque oiseau immonde. Ils different aussi souvent des Rabbanistes dans les autres espèces d’impuretés légales. Ils ajoutent aux marques de la lèpre, sa profondeur. L’attouchement d’un corps mort, soit Juif, ou d’une autre nation, les rend immondes. Ils n’approuvent les purifications que sur le soir, &c. Schupart cite souvent un Traité manuscrit d’un Caraïte nommé R. Aaron Ben Eliahu, où tous leurs dogmes sont très-bien expliqués. Aaron Caraïte, dans son Kelib Jophi, fait mention de la Massore, & de la plupart des minuties qu’elle contient, des corrections des Scribes, des lettres grandes, petites, suspendues, des variantes de Ben Ascher & de Ben Nephtali, de celles des Orientaux & des Occidentaux, des Keri Ketib, & de tout ce qu’on attribue ordinairement aux Juifs Massorètes. Ainsi les Caraïtes écrivent tout le Texte hébreu tel que les Rabbanistes.

Les Caraïtes expliquent aussi d’une autre manière que les Juifs Rabbanistes ce passage de l’Exode : Tu ne cuiras point le chevreau dans le lait de sa mere. Ils ne croient pas qu’il soit défendu en ce lieu là de manger en un même repas de la viande & aucune chose faite de lait. Ils disent que ce passage doit s’expliquer par cet autre : Tu ne prendras point la mere avec ses petits. Cette interprétation est naturelle ; & en effet, lorsqu’on demande aux Juifs la raison de leur explication, qui paroît si éloignée ; lis répondent, qu’ils n’ont point d’autre raison à donner que l’explication de leurs Docteurs. Les Caraïtes, au contraire, ne reçoivent aucune interprétation qui ne s’accorde parfaitement avec les paroles du texte de l’Ecriture & avec la raison. En un mot, ils rejettent tout ce que l’Ecriture, la raison & une tradition constante ne leur enseignent pas. Sur ce pié-la, ils ont un grand mépris pour les traditions des Juifs Rabbanistes, qu’ils regardent comme des rêveries qui n’ont d’autre fondement que l’imagination des Rabbins.

Peringer, dans une Lettre rendant compte à Ludolf des Caraïtes de Lithuanie, lui dit, qu’il y en a à Birze, à Pozcole, à Newstad, à Korom, à Troco, & en d’autres lieux ; qu’ils sont très-différens de mœurs, de langue, de religion, & même de visage des Juifs Rabbanistes, dont ce pays est plein ; que leur langue maternelle est le tartare ou plutôt le turc ; que c’est en cette langue qu’ils expliquent les Livres saints dans leurs Ecoles & dans leurs Synagogues ; qu’ils sont fort semblables de visage aux Tartares Mahométans qui habitent à Vilna & aux environs, & qu’il croit qu’ils sont sortis des mêmes lieux ; que leurs Synagogues sont tournées du septentrion au midi ; que la raison qu’ils en apportent, est que Salmanazar les transporta du côté du nord ; & qu’ainsi quand ils prioient, pour être tournés du côté de Jérusalem, ils regardoient le midi. Peringer le dit aussi dans sa lettre à Ludolf : & il ajoute, qu’il n’est pas vrai qu’ils ne reçoivent que le Pentateuque, comme quelques Savans l’ont cru, qu’ils ont tous les Livres de l’Ancien-Testament, & les tiennent pour canoniques. Postel assure la même chose dans son Livre de Lit. Phœnic. Peringer ajoute qu’ils sont fort peu curieux des anciens exemplaires ; qu’ils achètent des Rabbanistes des exemplaires déchirés & en mauvais ordre pour s’en servir dans leurs synagogues ; qu’ils se mettent peu en peine des dictions pleines ou défectives, & qu’ils croient que les points voyelles viennent de Moïse.

R. Caleb, Caraïte, réduit à trois les points en quoi les Caraïtes diffèrent des Rabbanistes. 1°. Ils nient que la Loi orale vienne de Moïse, & rejettent la cabale. 2°. Ils abhorrent le Talmud. 3°. Ils observent les Fêtes comme le Sabbat ; & le Sabbat beaucoup plus rigoureusement en plusieurs choses que les Rabbanistes. 4° Outre cela ; ils étendent presque à l’infini les degrés défendus pour les mariages. Quant à leurs exemplaires de la Bible, ils sont conformes à ceux des Rabbanistes. Ils suivent les Variantes de R. Nepthali plutôt que celles de R. Ascher ; & rejettent les Keri Ketib. Voyez le Supplement touchant les Caraïtes, qui a été ajouté au c. 1 de la 5e Partie des Cérémonies des juifs. Consultez aussi Selden dans son Livre De Uxore Hebraica, & le P. Morin dans ses Exercitations de la Bible. M. Simon, dans son Suppl. aux Cérémonies des Juifs. M. Basnage dans son Histoire des Juifs. Jovet, Hist. des Relig. & les Auteurs que nous avons indiqués ; le Secta Karræorum de Schupart en quatre dissertations ; & le Notitia Karræorum de Volsius à Hambourg & à Leipsik, 1714. Selden de Anno Civ. & Calend. Joan Méyer, De Fest. Hebr. De Uxore Christ. Annot. ad Seder. olam.