Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CARME

La bibliothèque libre.
Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 272-274).
◄  CARMATIEN
CARMÉ  ►

CARME. Ordre religieux, l’un des quatre Mendians, qui tire son nom & son origine du Carmel, montagne de Syrie, autrefois habitée par les Prophètes Elie & Elizée, & par les enfans des Prophètes, dont cet Ordre prétend descendre par une succession non interrompue. Voyez au mot Carmel. Ce que l’on peut dire de plus sur de son origine, c’est ce qu’en écrit Jean Phocas, Moine Grec de l’Île de Pathmos, qui visitoit les saints lieux en 1185. Il rapporte que sur le Mont Carmel, est la caverne d’Elie, qu’il paroît par des ruines des bâtimens qu’on y voyoit, qu’il y avoit eu là autrefois un grand Monastère ; que, depuis quelques années un Moine, Prêtre, & âgé, comme le témoignoient ses cheveux blancs, étoit venu de Calabre, & s’étoit établi en ce lieu par révélation du Prophète Elie ; qu’il y avoit assemblé dix frères, avec lesquels il y vivoit, dans le temps que lui, Phocas, écrivoit ceci. Gunther, Moine Latin, qui a fait la relation du voyage de Martin, Abbé de Paris, près de Bâle, dit la même chose. Voyez Leo allatius, Opusc, c. 3. Le B. Albert, natif du Parmésan, Chanoine régulier d’abord, puis Evêque de Verceil, & ensuite Patriarche de Jérusalem, donna à ces Solitaires vers l’an 1229, une règle contenant 16 articles, que le P. Papebroch a fait imprimer dans la vie de ce Saint, ch. 5. Acta SS. April, T. I, ad VIII, April. p. 778, en 1217, ou, selon d’autres, en 1226, le 3 Janvier. Honorius III approuva cette règle, & ordonna aux Hermites du Mont-Carmel de la garder, vu qu’ils l’avoient reçue avant le Concile de Latran, qui défendoit les nouvelles religions.

Après la paix désavantageuse que Frédéric II fit avec les Sarrazins en 1229, le Roi S. Louis en revenant de la Terre-Sainte amena des Carmes est France en 1254 & les établit à Paris, ainsi qu’en fait foi une lettre de Charles-le-Bel son arrière-petit-fils, de l’an 1322. Ils demeurèrent d’abord où sont à présent les Célestins. Leur règle avoit été confirmée par Honorius III dès 1217, & Innocent IV en mitigea la sévérité en 1245. Plusieurs Papes leur ont donné le titre de Frères de la bienheureuse Vierge Marie. Cet ordre est célèbre par la dévotion du Scapulaire, & par le grand nombre de Docteurs, de Prélats & de Saints qu’il a donné à l’Eglise. Il y eut dans le dernier siècle quatre Saints canonisés ; savoir, sainte Thérèse, S. André Corsin, sainte Magdelene de Pazzi, & le B. Jean de la Croix. Il a des Missions en Grèce, en Syrie, en Perse, au Mexique, au Pérou, au Brésil, aux îles Antilles, en Angleterre & autres lieux. Ces Missions sont partagées entre les Carmes de l’ancienne observance, que l’on appelle Mitigés, & les Carmes de la plus étroite observance, dits Déchaussés. L’ancienne observance n’a qu’un Général, auquel obéissent quarante Provinces, & la Congrégation de Mantoue qui a un Vicaire-Général. L’étroite observance a deux Généraux ; l’un en Espagne, qui a huit Provinces de son obéissance ; l’autre en Italie, qui a douze Provinces en diverses parties de l’Europe.

Il faut donc remarquer qu’il y a plusieurs réformes de l’ordre des Carmes, qui sont la Congrégation de Mantoue, établie dans un Monastère de l’ordre, situé dans les Alpes, en un lieu nommé Girone, dans le Diocèse de Sion, vers l’an 1432, par le P. Thomas Concète de Rennes en Bretagne, P. Helyot, T. I, c. 45.

Les Carmes de la Congrégation d’Alby, établie sous le Généralat du P. Baptiste, Mantouan, sous Léon X, & qui ne dura pas.

Les Carmes de l’étroite observance. Cette Congrégation fut établie à Rennes par le P. Pierre Bouhourt. Elle a environ 25 Couvens d’hommes, deux hospices & quatre Monastères de filles, qui forment une Province, qu’on appelle la Province de Touraine. On les nomme souvent Carmes de Bretagne. Les Carmes Billettes de Paris sont de cette Congrégation. Les Réformés de Flandre & d’Allemagne, s’appellent aussi de l’étroite Observance, & ceux qui ne sont pas réformés, s’appellent l’ancienne Observance. P. Heliot, Ibid. ch. 45 & 46.

Le P. Hardouin dans ses Opera varia, soutient que les Religieux Carmes s’appeloient primordialement en France Barrés, Barrati, & qu’ils furent appelés Carmes vers l’an 1290 à cause de l’Eglise ou Chapelle de Ste Marie de Carpino, du Carme ou charme, dont ils furent mis en possession au mont Ste Génevieve. Ainsi, selon ce savant homme, ils furent alors appelés Frères du Carme du mont Ste Génevieve : & par le laps de temps, il se fit une légère transposition dans leur nom ; en sorte qu’au lieu de dire comme auparavant, les Religieux du Carme, ou du Carmel du Mont, de Carpineto-Montis, on vint insensiblement à dire les Religieux du Mont-Carmel, de Monte-Carmelo.

Le Tiers Ordre des Carmes est différent de la Confrérie du Scapulaire. Selon Didace Martinez Coria, dans un Traité qu’il a fait sur ces Tierciaires, imprimé à Séville en 1592. Ces Tierciaires Carmes descendent immédiatement d’Elie, aussi bien que les Carmes mêmes ; & le prophète Abdias parmi les hommes, & Ste Emérentienne bisaïeule de Jésus-Christ, parmi les femmes étoient de ce tiers-Ordre. Il s’appuie sur les Bulles de Léon IV, d’Etienne V, d’Adrien II, & d’autres Papes, que le P. Hélyot a réfutées dans son T. I. c. 41, D’ailleurs, Coria se contredit, & écrit que ce ne fut qu’après avoir reçu le baptême de la main des Apôtres que les Carmes se divisèrent en Religieux, en Religieuses & en Tierciaires. De plus, il convient que c’est le Pape Sixte IV, qui a donné permission aux Carmes l’an 1476, d’établir ce Tiers-Ordre. Silvera, fameux Ecrivain des Carmes, & Lezane en convienent. Ce n’est donc qu’en 1477, que le Tiers-Ordre des Carmes a commencé en vertu de la Bulle de Sixte IV, de l’an 1476. Leur règle fut d’abord la même que celle que le B. Albert donna aux Carmes. Vers l’an 1635, Théodore Stratius, Général des Carmes leur en donna une autre, qui fut réformée l’an 1678, par le P. Emile Jacomelli, Vicaire général de cet Ordre. Ces Tierciaires Carmes font un an de Noviciat, après lequel ils font profession & promettent obédience & chasteté. L’habit des Freres est une robe ou tunique, qui descend jusqu’aux talons, de couleur tirant sur le noir ou rousse sans teinture ; par-dessus une ceinture de cuir noir, large de deux doigts, sous la tunique un Scapulaire de six pouces de large, descendant plus bas que les genoux, enfin une chappe blanche, longue jusqu’à mi-jambe. Les Sœurs ont un voile blanc, sans guimpe ni linge au front & à la gorge. Dans les pays où ces habits ne sont pas en usage, ils peuvent être habillés comme séculiers en gardant seulement la couleur tannée. P. Hélyot, Tome I, c. 52.

Si quelques Carmes ont dit qu’ils étoient les oncles de Jésus-Christ, &c. si l’on a avancé dans des thèses de Béziers qu’il est probable que Pythagore étoit Carme, & que les Druides des Gaulois avoient aussi les observances régulières des Carmes, ce sont des rêveries de particuliers, qu’il ne faut point attribuer à tout l’Ordre ; non plus qu’il ne faut point blâmer ceux qui révoquent en doute cette grande antiquité que quelques-uns attribuent à cet Ordre, sur-tout s’ils proposent leur doute avec la même modération & la même modestie que le P. Papebroch dans les Act. SS. sur le huitième d’Avril, p. 777, &c. Voyez aussi Barrés.

Carmes déchaux ou déchaussés. Religieux Carmes de la réforme de Ste Thérèse. Les Carmes Dechaussés, ou comme on dit plus communément, les Carmes Déchaux, sont ainsi appelés, parce qu’ils vont nus pieds. Sainte Thérèse entreprit de remettre les Carmes dans leur première austérité, & commença l’an 1540, par les couvens de filles.

Ensuite aidée du P. Antoine de Jésus, & du P. Jean de la Croix, elle établit la même réforme dans ceux des hommes. La réforme des filles commença par le couvent d’Avila, dont elle étoit Religieuse, & celle des hommes dans un Couvent que les deux Pères que nous venons de nommer établirent près d’Avila. Pie V approuva le dessein de Ste Thérèse, & Grégoire XIII confirma sa réforme en 1580. Il y a deux Congrégations de Carmes Dechausses qui ont chacun leur Général particulier, & leurs constitutions. L’une est la Congrégation d’Espagne divisée en six provinces ; l’autre s’appelle la Congrégation d’Italie, & comprend tout ce qui ne dépend point d’Espagne. Elle comprend 44 ou 45 Couvens en France. Les Carmélites réformées furent appelées en France en 1603, & les Carmes Dechaussés en 1605. Le P. Isidore de S. Joseph a fait l’histoire des Carmes Déchausses, & le P. Jérôme de S. Joseph l’histoire de la Réforme des Carmes, qui se trouve aussi en partie dans la vie & les lettres de Sainte Thérèse.

Le différent qu’ont eu les Carmes avec les Bollandistes, c’est-à-dire, les Jésuites d’Anvers qui travailloient au grand ouvrage des Acta Sanctorum, a trop fait de bruit dans le monde savant, pour n’en pas dire un mot.

On sait que les Carmes prétendent descendre du Prophète Elie, & que depuis son temps jusqu’à nos jours il y a toujours eu des Religieux du Mont-Carmel descendans de ce Prophète, & faisant les trois vœux essentiels de religion. Les Bollandistes dans leurs Actes des Saints donnèrent en 1668 au sixième de Mars la vie de S. Cyrille, & au 19 celle du B. Berthold. Ils donnèrent à celui-ci le titre de premier Général de l’Ordre des Carmes & appelèrent S. Cyrille troisième Général du même Ordre. Ils ne disoient en cela rien de nouveau, rien qui n’eût été dit par Jean le Gras, l’un des Généraux de l’Ordre des Carmes, & par Jean Paléonydor, Religieux du même Ordre. Ils avoient même cité un Traité de l’origine & du progrès de cet Ordre, que l’on attribue à ce S. Cyrille leur Général, dont nous venons de parler, & dont il y a un exemplaire de l’an 1446, dans la Bibliothèque du collège de Navarre à Paris, Traité que le Pere Daniel de la Vierge Marie a inséré dans sa Vigne du Carmel. Malgré tout cela, & quoique les Bollandistes se fussent autorisés du sentiment des savans Cardinaux Baronius & Bellarmin qui ne mettent l’origine des Carmes que sous le Pontificat d’Alexandre III, en l’an 1180, ou 1181, les Carmes furent fort scandalisés qu’on diminuât ainsi leur antiquité.

Le P. François de Bonne-Espérance, Exprovincial de Flandre ; répondit aux Bollandistes par un livre qui a pour titre, Historico-Theologicum Armamentarium, proferens omnis generis scuta, sive Sacra Scripturæ, summorum Pontifium, Sanctorum Patrum, Geographorum & Doctorum tam antiquorum quam recentiorum auctoricates, traditiones & rationes quibus amicorum dissidentium tela sive argumenta in Ordinis Carmelitarum antiquitatem, originem ; & ab Elia sub tribus essentialibus votis in monte Carmelo hæreditariam successionem & huc usque legitime non interruptem, vibrata enervantur. Mais comme les Carmes virent bien qu’on leur répondroit, & que dans les tomes suivans des Actes des Saints on continueroit à établir le même sentiment, le P. Matthieu Orlandi, pour lors Général des Carmes, écrivit aux Bollandistes pour les prier que lorsqu’ils parleroient du bienheureux Albert, Patriarche de Jérusalem, & de la règle qu’il avoit donnée aux Carmes, ils consultassent le P. Daniel de la Vierge-Marie, historiographe de leur Ordre ; & que quand ils citeroient l’autorité du Cardinal Baronius, ils ne le fissent pas si nument qu’ils l’avoient fait dans le mois de Mars, mais qu’ils modifiassent un peu les paroles de cet Annaliste par quelque commentaire. Les Bollandistes avoient consulté ce P. Daniel sur ce qu’ils avoient dit de S. Berthold, & il l’avoit approuvé.

En 1675, parurent trois tomes du mois d’Avril. Le P. Papebroch y soutient que le sentiment sur l’origine des Carmes venant du Prophète Elie, étoit plein de contradictions ; que leur Ordre n’étoit que du XIIe siècle ; & l’Auteur rapporte à cette occasion ce que nous avons dit de Jean Phocas au commencement de cet article. Les Carmes opposèrent un autre voyage fait en Terre-Sainte par un S. Antonin, martyr ; mais les Bollandists prétendent que ce voyage rempli de Fables n’a été donné que par un écrivain du XIIe siècle. Les Bollandistes, ont fait imprimer ces deux voyages au commencement du II tome de Mai. Outre cela le P. Papebroch au II tome d’Avril, disputoit aux Carmes d’anciens Monastères qu’ils prétendoient leur avoir appartenu avant le XIIe siècle, & regardoit comme supposés les titres sur lesquels on appuyoit cette prétention.

Cela engagea le P. François de Bonne-Espérance de donner un tome II de son Arsenal Historique-Chronologique ; & le P. Daniel de la Vierge-Marie, un Propugnaculum Carmelitanœ historiæ. Après quoi ces deux Défenseurs des Carmes étant morts, ceux-ci demeurèrent dans le silence jusqu’en 1680.

Cette année-là parurent les trois premiers tomes du mois de Mai. Durant le courant de l’impression, les Carmes sachant qu’on y devoit mettre la vie de S. Ange, Martyr de leur Ordre, en demandèrent communication. Le P. Papebroch fit d’abord quelque difficulté, mais enfin il l’envoya à Rome à son Général, pour être montrée au Général des Carmes. Ceux-ci firent traîner l’examen si long-temps, que le Libraire se lassant de ne point débiter ses Livres, & de ne point voir rentrer les fonds dont il avoit besoin, obtint enfin la permission du P. Papebroch de les mettre en vente. L’ordre vint ensuite de ne point imprimer cette vie, mais il y avoit déjà plusieurs exemplaires de débités, & ceux qui en vouloient, même les Carmes, déclaroient qu’ils n’en prendroient point, si la vie du B. Ange étoit retranchée. Outre cela, au commencement de la vie du bienheureux Rabata, il avoit donné une espèce d’Apologie de sa conduite à l’égard des Carmes, & il réfutoit l’Arsenal Historico-chronologique. Et au commencement du IIIe tome dans l’histoire des Patriarches de Jérusalem, il réfutoit encore les prétentions des Carmes. Ils y opposèrent un Ouvrage du P. Daniel de la Vierge-Marie, qui étoit sous la presse depuis 9 ans, & qui étoit intitulé, Speculum Carmelitamun, sive Historia Eliani ordinis, &c. en 4 vol. in-folio. Les Editeurs de cet ouvrage posthume y avoient ajouté beaucoup de choses pleines d’aigreur contre le P. Papebroch. On vit encore alors beaucoup de libelles contre ce Pere, lettres anonymes, pasquinades, vers satyriques. Messieurs d’Herouval, & du Cange furent aussi attaqués, parce qu’ils avoient approuvé le sentiment & la conduite du P. Papebroch. M. de Launoy qui avoit écrit contre la Bulle Sabbarhine de Jean XXII, le Scapulaire & la vision du Bienheureux Simon Stock, ne fut pas plus épargné.

Le P. Papebroch & ses collègues méprisèrent ces écrits, & n’y répondirent point. Ils continuèrent leur grand ouvrage, & donnèrent en 1685, deux nouveaux tomes de Mai, & en 1688, les trois derniers ; mais le Père Sébastien de S.Paul, qui avoit écrit en faveur de son Ordre, ayant mis à la tête de son Ouvrage une supplique au Pape Innocent XI par laquelle il le supplioit de terminer leur différent avec les Jésuites : le P. Papebroch & ses associés crurent être obliges de détruire les préventions qu’on auroit pu inspirer aux Prélats de la Cour de Rome ; & le P. Janning, l’un des associés du P. Papebroch, répondit aux faits allégués dans la supplique, & justifia la conduite des Bollandistes. La supplique imprimée d’abord à Francfort ne fut point présentée au Pape ; elle fut quelque temps après réimprimée à Venise, & supprimée par la République.

Les Carmes ne perdirent point courage pour cela au contraire de défendeurs qu’ils étoient, ils devinrent aggresseurs, & déférèrent à Innocent XII, les 14 volumes des Acta Sanctorum, comme pleins d’erreurs. Le Pape renvoya l’affaire à la Congrégation de l’index. Les Carmes n’espérant pas bien du succès de leur affaire à Rome & croyant qu’ils auroient plus de crédit en Espagne, dénoncèrent le même ouvrage à l’Inquisition de ce Royaume, qui le 4 Novembre 1689, donna un décret portant condamnation des Acta Sanctorum. Ce décret révolta tous les Savans de l’Europe ; qui s’intéressèrent à la défense de l’ouvrage supprimé. L’empereur Léopold écrivit en faveur des Jésuites à Innocent XII, & au Roi d’Espagne. Les Jésuites présentèrent une Requête au grand Inquisiteur d’Espagne, & demandèrent à être ouïs dans leurs défenses. L’Inquisition par un décret du 3 Août 1696, leur permit de répondre. Ils le firent par trois volumes in-4°. imprimés en 1696, 1698, & 1699. Les Carmes écrivirent de leur côté, & dénoncèrent même à l’Inquisition la lettre de l’Empereur au Roi d’Espagne, comme hérétique & schismatique. Le 11 Juin 1697 l’Inquisition d’Espagne défendit tous les Livres concernant ce différent. Dès l’année précédente Innocent XII, avoit défendu aux deux partis d’écrire l’un contre l’autre. Le Général des Carmes présenta une supplique à ce Souverain Pontife, pour le prier d’ordonner qu’on ne parlât plus de ces questions, & qu’on laissât les Carmes dans leurs prétentions. L’affaire fut renvoyée à la Congrégation du Concile, qui jugea que le Pape devoit imposer silence sur la question de la primitive origine de l’Ordre des Carmes, ce qui fut fait par un décret du 8 Mars 1698, & un Bref du 20 Novembre de la même année. Dans la suite, c’est-à-dire, au commencement de ce siècle, l’Inquisition d’Espagne a permis l’entrée & la distribution des Acta Sanctorum en Espagne, où ils sont reçus maintenant, comme par-tout ailleurs. Voyez le P. Helyot. Hist. des Ord. Relig. Tome I, c. 40.

Il y a un livre de l’institution des Moines, que les Carmes attribuent à Jean II, quarante-quatrième Patriarche de Jérusalem, & selon d’autres quarante-deuxième Evêque de cette ville, & premier Patriarche, qui vivoit à la fin du IVe siècle. Ils prétendent que ce livre contient la règle qu’ils ont suivi jusqu’à ce que le Patriarche Albert leur en eût donné une autre au commencement XIIIe siècle. Mais outre qu’ils ne sont point d’accord entr’eux fut cela, le livre de l’institution des Moines parle du Scapulaire, qui ne fut donné au B. Simon Stock, qu’en 1283. Il y est encore parlé du manteau blanc & du capuce, qu’ils n’ont portés qu’en 1287 ou 1288, sans parler des fables dont ce livre est rempli, & qui l’ont fait regarder par tous les Savans, comme un ouvrage faux & supposé. Ils n’ont point suivi non plus la règle de saint Basile, ni aucune autre que celle du Patriarche Albert. Voyez sur tout cela, le P. Helyot, T. I, c. 41.

Carme, est aussi une espèce d’acier, Voyez Acier.

Carme, est aussi un vieux mot, qui signifioit un vers. Carmen ; mais en ce sens, il est hors d’usage. Carmes circulaires ; Carmes & formules d’expiation. Vigen. sur Tite-Live. Les disciples des Druides apprennent à leur école grand nombre de carmes par cœur ; & pourtant quelques-uns demeurent bien vingt ans entiers en cette étude ; car ils ne pensent pas être licite de les mettre par écrit. Vigenere, Trad. de Cés. Le même Auteur prétend que ce nom vient de carmenta, parce que cette Prophétesse débitoit ses prédictions en vers.

Tous les vents se taisoient pour entendre ses charmes,
Les vagues après lui disoient tout bas ses carmes.

Parran.

Carmen, carme ou vers. Ce mot est proprement tiré de carm ou Garm, qui, chez les Celtes, étoient les cris de joie, & les vers que les Bardes chantoient avant le combat, pour encourager les soldats. Cela est si vrai, que même en grec, χάρμη (charmê) signifie tout-à-la fois pugna, conflictus, combat & joie, lætitia, gaudium. Pezron. Oui, mais il vient de χαίρω (chairô), gaudeo, & non pas du celtique carm, que les Grecs ignoroient très-certainement.

Carmes, terme du jeu de trictrac, qui signifie deux 4, que les deux dés amènent à la fois. Jactus tessarum referens bis quatuor. On appelle aussi quadernes.