Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CERISIER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 379).
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CERISIER. s. m. Cerasus. Arbre étranger qu’on a communément dans les jardins & à la campagne, & qu’on dit avoir pris son nom de Cerasunte. Le Cerisier ordinairement croît d’une médiocre hauteur, surtout celui qui porte les fruits aigres ; au lieu que celui qui en porte de doux s’élève beaucoup plus haut : leurs troncs à tous les deux sont lisses, & couverts d’une écorce polie, & qui se gerse dans la vieillesse. De ces gersures découle une gomme transparente, un peu jaunâtre, elle se dissout dans l’eau comme la gomme arabique. On la nomme ordinairement gomme de pays Gummi nostras. Ces troncs se divisent ensuite en de grosses branches qui sont subdivisées en plusieurs rameaux, & dont l’écorce est d’un brun clair & poli, & d’un goût amer. Ces branches sont chargées de feuilles alternes, oblongues, entières, dentelées sur leur bord, lisses, d’un vert luisant en dessus, plus pâle en dessous, portées par des queues assez courtes. Ses fleurs sont à cinq pétales blancs, ou lavés d’un peu de pourpre, arrondies, de trois lignes environ de diamètre, soutenues par un calice verdâtre, à cinq pointes ; du milieu duquel s’élèvent plusieurs étamines qui environnent un pistil, dont la base renfermée dans le fond du calice est l’embryon, qui devient, après que la fleur est passée, un fruit charnu & succulent, qui renferme un petit noyau, dans lequel est contenu une semence ou amande. Ce fruit est proprement appelé la cerise.

Nous donnons différens noms françois aux espèces de cerises & de Cerisiers ; car on appelle ordinairement cerise la cerise aigre, Cerasium acidum ; & l’arbre qui la porte Cerisier, Cerasus sativa, fructu rotundo, rubro & acido. On nomme griotte, la cerise douce ; & l’arbre, le Griottier, Cerasus sativa, fructu majore ; les guignes Cerasa carne tenerâ & aquosâ. La chair en est tendre & pleine de suc. Son arbre se nomme le Guignier, Cerasus fructu aquoso. Les merises, ou cerises noires, Cerasia nigra, & l’arbre se dit le Mérisier, Cerasus major ac silvestris fructu subdulci nigro colore inficiente. Les bigarreaux ont la chair dure & ferme : on les appelle duraines dans quelques Provinces du Royaume, Cerasa crassa, carne durâ : l’arbre qui les donne, est appelé Bigarreautier, Cerasus fructu magno cordato. On confit, les cerises aigres ; on les conserve dans l’eau de vie ; & l’eau de vie empreinte de leurs sucs est la base du ratafia, sorte de liqueur qu’on boit après le repas. Les merises donnent une belle couleur au ratafia. Il y a d’autres espèces de cerises qui ne sont point bonnes à manger, telles sont les Cerises à trochets. Cerasa racemosa, rubra. Les feuilles de ce Cerisier sont plus larges que celles des autres espèces dont nous venons de parler. Ce qu’on nomme communément Bois de Sainte Lucie, est un arbre assez semblable au Cerisier à trochets. Ses fleurs & ses fruits sont pareillement disposés en grappe. Il vient dans les bois auprès de Genève, & dans le Lionnois. On fait plusieurs ouvrages avec son bois, qui a une odeur assez agréable, Cerasus racemosa silvestris, quibusdam aliis Padus. Les Parfumeurs emploient le fruit d’une espèce de Cerisier, différent encore de tous ceux-ci par ses feuilles & ses fruits. Cette dernière espèce devient un gros arbre : son bois est rougeâtre, un peu veiné, tendre, & d’une odeur pareille à celui du bois de Sainte-Lucie ; & peut-être les ouvriers confondent-ils ces deux bois. Ses branches sont garnies de feuilles assez semblables à celles du bouleau, un peu plus larges, plus arrondies, plus fermes, & d’un vert plus foncé & plus luisant en dessus, & d’une amertume très-grande. Ses fleurs sont blanches, petites, & d’une odeur agréable ; les fruits sont fort petits en comparaison des autres espèces, vert-brun d’abord, & d’un pourpre très-foncé & noirâtre dans leur parfaite maturité. La chair est très-amère, aussi-bien que le noyau, qui est la seule partie dont les Parfumeurs se servent pour relever l’odeur de leurs parfums. Ils appellent ce noyau le magalet, par corruption de mahaleb, Cerasus silvestris amara, Mahaleb putata. J. B. Cerisier à fleur double, ou Merisier à fleur double, sont des variétés qui ne dépendent que du nombre de pétales des fleurs de ces Cerisiers.

Les Cerisiers jettent aussi une gomme ou glu, & ne peuvent souffrir le fumier. Matthiole. Il y a un Cerisier à grappes, dont la fleur est belle, & vient en grappes comme le raisin ; mais son fruit est petit comme une merise. Il y a des Merisiers, aussi bien que des Cerisiers à fleurs doubles & fort belles.

On appelle Cerisiers de pié, ceux qui naissent de la racine d’autres Cerisiers. ☞ Les grosses griottes réussissent bien sur ces rejettons. Le vrai Cerisier se greffe plus ordinairement sur le Mérisier rouge qui est-très abondant en sève.